' Traité de l'aliénation mentale, par M. Pinel, a', édition, p. iog,§. ia3. ' Idem, p. in, §. « 24.
DU CERVEAU. 3o">
douceur el.les remontrances [es plus modérées contrja un aliéné qui regardoit les autres hommes comme des atomes de poussière '.
« Trois aliénés qui se croyoient autant de souverains, et qui pre-noient chacun le titre de Louis XIV, se disputent un jour les droits de la royauté, et les font valoir avec des formes un peu trop énergi--ques. La surveillante s'approche de l'un d'eux, et le tirant un peu à l'écart : « Pourquoi, lui dit-elle d'un air sérieux, entrez-vous en dis-« pute avec ces gens là, qui sont visiblement fous? ne sait-on pas que «* vous seul devez être reconnu pour Louis XIV»? Flatté de cet hommage, il se retire aussitôt en regardant les autres avec une hauteur dédaigneuse *.
« Une femme"; très-impérieuse, et accoutumée à se faire obéir aveuglément par un mari plus que docile, restoit au lit une partie de la matinée, exigeoil ensuite qu'il vint à genoux lui présenter à boire; el dans les extases de son orgueil, finit par se croire la Vierge-Marie3.
«Un homme, d'un âge moyen, avoit toujours été remarquabk par -la dureté de ses propos efrun air sombre et ombrageux : toujours inquiet, querelleur et prêt a s'emporter, son caractère s'aigrit encore par quelques revers de fortune; il devint jaloux, misanthrope au plus haut degré, et insupportable à sa propre famille. Ce fut alors que son délire éclata. H tira des lettres de change pour des sommes énormes, même sur des banquiers avec lesquels il n'avoit aucune relation. Relégué enfin dans une maison d'aliénés, il y déploya toute l'arrogance d'un despote d'Orient; il se crut chancelier, duc de Batavia, et il exigea des hommages qu'on ne rend qu'aux souverains. Cette bouffissure d'orgueil, contre laquelle tous les moyens qu'on put prendre furent vains, dégénéra peu à peu en un état de stupeur et d'idiotisme incurable4.
La marque la plus certaine que ces aliénés approchent de la guë-
' Ibidem, p. 2i5, §. 196.
Ibidem . p. 220 , §. 198.
* Ibidem, p. 3o3 , §. 262.
*. Ibidem, p. 4oo.
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3oß physiologie
rison , c'est quand ils commencent à entrevoir le ridicule et le faux de leurs prétentions, et qu'ils, deviennent dociles aux remontrances et aux raisonriemens des surveillans et des médecins. *
« Un homme, dans la vigueur de l'âge, renfermé à Bicétre, croit . être roi, et s'exprime toujours avec le ton du commandement et de l'autorité supré'me. Il avoit subi le traitement ordinaire à l'Hôtel-Dieu où les coups et Jes actes de violence n'avoient fait quje le rendre plus emporté et plus dangereux. Un jour, il écriyoit à sa femme une lettre , pleine d'ernportemens, et l'accusoit avec amertume de prolonger sa détention pour jouir d'une liberté entière. Il la menaçoit d'ailleurs de tout le poids* de sa vengeance. Avant d'envoyer cette lettre , il en fait lecture à un autre aliéné convalescent, qui improuve ces emporte-rnens fougueux , et lui reproche, avec le ton de l'amitié, de chercher à réduire sa femme au désespoir. Ce conseil sage est écouté et accueilli; la lettre n'est point envoyée ; elle est remplacée par une autre pleine de njodération et d'égards. Le surveillant de 1 hospice, instruit de cette docilité à des remontrances amicales , y voit déjà les signes manifestes d'un changement favorable qui se prépare; il se hâte d'en profiter, se rend dans la loge de l'aliéné pour s'entretenir avec lui, et il le ramène par degré au principal objet de son délire. « Si vous êtes souverain, « lui dit-il, comment ne faites-vous pas cesser votre détention, et « pouiquoi restez-vous confondu avec des aliénés de toute espèce» ? 11 revint les jours suivaos s'entretenir avec lui, en prenant le ton de la bienveillance et de l'amitié ; il lui fait voir peu à peu le ridicule de «es prétentions exagérées, lui montre un autre aliéné convaincu aussi depuis long-temps qu'il étok revêtu du pouvoir suprême, et devenu un objet de dérision. Le maniaque se sent d'abord ébranlé; bientôt il met en doute son titre de souverain, enfin il parvient à reconnoitre ses écarts chimériques. Ce fut dans une quinzaine de jours que s'opéra cette révolution morale si inattendue; et après quelques mois d'épreuve, ce père respectable a été rendu à sa famille '.
' Tiaité de l'aliénation mentale, par M, Pinel, a", édition > p. 264.
DU CERVEAU.
Certes, l'aliénation mentale prouve donc que l'orgueil est une qualité fondamentale , affectée à un organe particulier du cerveau.
Siège et apparence extérieure de l'organe de l'orgueil.
Les preuves que j'ai rapportées dans l'historique de la découverte de l'organe de l'orgueil ne me paroissant pas suffisantes pour établir le siège et l'apparence extérieure de cet organe, je rassemblerai des faits nouveaux pour prévenir encore le reproche de soutenir gratuitement des paradoxes. Dans l'exposé que l'on a lire, je suis obligé de me restreindre à un petit nombre de faits, tout comme pour les autres organes; mon but est rempli si ceux que je rapporte mettent les naturalistes en état de faire eux-mêmes des observations ultérieures.
Cet organe est formé par les circonvolutions du cerveau fxn), placées dans la ligne médiane, immédiatement derrière et au dessous du sommet de la tête; et c'est par cette raison qu'il ne se manifeste à la ursface du crâne que par une protubérance allongée unique, quoiqu'il existe dans chacun des hémisphères. Voy. le xh, dans les cerveaux, PI. IX, P1..XI. PI. XII, et dans le hràne PI. XXX. Ce n'est que dans le cas où les deux hémisphères sont un peu écartés, que cet organe se présente double à la surface de la tête.
Je commence par un exemple qui a beaucoup de rapport avec celui de mon mendiant. Un jeune homme, doué de facultés intellectuelles au-dessus du médiocre, avoit montré, dès sa première enfance, une hauteur insuppoitable. Il soutenoit constamment qu'il éloit de trop bonne maison pour travailler et pour s'appliquer a quoi que ce soiti Bien au monde ne pouvoil le corriger de son travers. On l'avoit mis pour dix-huit mois dans une maison de correction à IJairia,
Un médecin de Vienne, homme très-aimable, poussoit la fierté à un tel point, que toutes les fois qu'il étoit appelé à une consultation, même avec des médecins plus anciens que lui, ou avec des professeurs publics, il prenoit toujours le pas, tant pour entrer dans la salle
PHYSIOLOGIE
pour en sortir. Lorsqu'il étoit question de signer-quelque pièce, il prétendoit toujours apposer sa signature le premier. Il s'étoit lié avec le directeur du*grand hôpital, mais uniquement, à ce que plus tard il me dit plusieurs fois , pour le supplanter.
J'ai vu à Heidelberg une jeune fille de dix-hViit ans, d'un caractère remarquable. Tous les propos et tous les gestes un peu libres la révoltent. Elle cite Dieu à toute occasion, comme s'il se mêloit particulièrement de ses inte'rêts. Lorsqu'elle parle, l'assurance et la présomption se peignent dans ses traits ; elle tient la tête levée et un peu en arrière, et tous ses mouvemens de tête expriment la hauteur. Elle n'est susceptible d'aucune soumission ; dans la colère, elle est violente et capable de se porter à tous les excès. Quoique tille d'un marchand de plumes, elle parle sa langue avec une rare pureté, et ne recherche le commerce que des personnes d'un état au-dessus du sien.
Un comte, qui étoit entré au service, n'avançoit pas comme il croyoit l'avoir mérité. Il s'entretint souvent avec moi sur plusieurs objets; il parloit très-sensément, mais îlprenoit toujours l'attitude du commandement.
L'organe de l'orgueil étoit très-développé chez ces, quatre personnes. Cet organe étoit également très-prononcé chez un aliéné de Bade, près Bastadt ; cet homme, dont la folie consistoit à se croire major, avoit la tête très-petite. L'organe de l'orgueil étoit la seule partie cérébrale qui fût développée à un haut degré; toutes les autres circonvolutions étoient très-petites; l'hémisphère gauche, et par conséquent le raté gauche de la tête étoit plus grand'que le droit. Les, os crâniens étoient denses, mais assez minces j parce qu'il étoit mort de la phthisic et dans un âge très-avancé.
Dans l'hospice des pauvres de Fribourg, nous vîmes un aliéné extrêmement fier, qui a quelquefois des accès d'une véritable frénésie, pendant lesquels il commettroit des meurtres et des incendies , si l'on ne l'en empêcheit. 11 annonce d'un ton véhément et pathétique, qu'il est la souche à l'aide de laquelle Dieu a créé le monde et le conserve ; qu'il a été couronné par Jésus-Chtist ; qu'il est le jeune homme que
Dû CERVEAU, 3O()
la reine du Ciel a choisi pour son époux, etc. Son attitude est celle d'un despote arrogant : pénétré de sa haute importance, il croise ses bras, et pour donner une idée de la force étonnante qui réside en lui, se frappe avec violence la poitrine, le ventre et les flancs. D'ordinaire, il se tient, un pied placé en avant de l'autre, le corps droit et un peu retiré en arrière. Lorsque je le priai de me laisser toucher sa tête, il me répondit avec une arrogante fierté : je n'ai point de tête, j'ai un chef ' ; et il se retourna, ne nous jugeant pas dignes de Tap* proeher. Nous vîmes cependant distinctement qu'il avoit l'organe de l'orgueil très-proéminent, Socrate ne se trompoit pas en disant à Antis-théne : Je vois ton orgueil à travers les trous de ton manteau ; car dans son buste , l'organe de l'orgueil est extraordinairement développé; voy. PI. LXIX, fig. 5.
Nous avons eu occasion plusieurs fois d'examiner des têtes de chefs de brigands; et dans toutes nous avons trouvé cet organe extrêmement développé. Chez un brigand, que nous vîmes à Marbourg, et que l'on croyoit être le fameux Picard, nous-trouvâmes les organes de la rixe,. du meurtre, du vol, de la fermeté, mais surtout celui de l'orgueil développés à un très-haut degré. Ses manières étoient fières, hautes et dédaigneuses; on prétend que de tous le» chefs de brigands, c'étoit le plus dangereux. Long-temps auparavant, j'avois observé un développement tout aussi considérable des organes du meurtre, de la fermeté et de l'orgueil chez un autre chef de brigands, dont j'ai parlé à l'occasion de£>rgane de l'instinct carnassier. Poussé à bout par les coups qu'on lui donnoit pour lui faire dénoncer ses complices, il s'étrangla avec sa chaîne.
Nous avons remarqué que les chefs de rebelles, les ennemis de l'autorité et de la souveraineté, les instigateurs dans les révoltes, etc., sont constamment des hommes fiers et ambitieux. Nous vîmes à Spandau
' Ich habe Keinen Kopf, sondern ein Haupt. Kopf, tête dans le langage ordinaire. Haupt, tête des rois et des dieux dans le langage le plus relevé, presque uniquement réservé à la poésie.
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deux chefs de rebelles', père et fils ; chez l'un et chez l'autre les organes de la fermeté et del'orgueil étoient très-fortement développés.Plusieurs autres détenus, pour cause d'insubordination avoient la même organisation. L'organe de la hauteur et du penchant à dominer est développé d'unemanière étonnante dans le crâne du sculpteur Ceracchi, PI. LXIX, fig, 6, que je conserve dans ma collection ; cet individu fut guillotiné à Paris. Déjà à Vienne, où j'étois médecin de sa famille, cet homme s'étoit prononcé de la manière la plus révoltante contre tout ce qui est revêtu d'autorité, et principalement contre le "pape. Il oubl'ioit son art pour ne faire que rêver aux moyens de détruire les monarchies. Ces hommes renverseroient tous les trônes pour s'ériger eux-mêmes en despotes. Ainsi l'organisation confirme ce que l'histoire de tous les temps nous a enseigné sur le but des révolutions : ôtez-vous delà (fuejeniy mette.
L'influence des circonstances extérieures est très-sensible sur cet organe comme sur les autres. On remarque généralement que les hahi-tans des montagnes sont plus fiers que les habitans de la plaine; qu'ils ont un plus grand amour de l'indépendance, etsontplus disposés à la révolte. Aussi dans nos voyages u'avous-nous trouvé nulle part l'organe de l'orgueil plus géuéralemeut développé à un très haut degré que chez les Suisses. Qui ne connoit l'inflexible orgueil des habitaus de certaines provinces de l'Espagne?
Jusqu'ici, j'ai parlé de l'orgueil, de la hauteur, du penchant à dominer, de la bonne opinion de soi-même, de l'arrogance, de l'esprit d'indépendance. Mais à quelle qualité fundamentalere rapportent tontes ces modifications ? Avant de prononcer sur celte question, il faut que le lecteur discute avec moi un point très-douteux, ïci encore , je m'en tiendrai uniquement aux faits; et, dès que nous serons arrivés à la limite où les faits nous abandonnent et laissent le champ ouvert au raisonnement, je subordonnerai de grand cœur mon propre jugement à la sagacité du lecteur; et cela d'autant plus volontiers, qu'il n'en peut rien résulter de défavorable pour l'organol'pgie.
»U CERVEAU.
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Sur l'instinct qui dirige les animaux dans le choix des
lieux qu'ils habitent
Après avoir donné mon attention à J'orgueil, comme qualité -parti-culière,età son organe chez l'homme, je voulus voir si nies observations se confirmeroient chez les animaux. J'examinai donc les têtes des animaux, don t on a coutume de dire qu'ils sont fiers : par exemple des oheveaux de race, du coq, du paon, etc. Je ne trouvai chez aucun d'eux un développement remarquable des parties cérébrales eorges-pondantes à l'organe de l'orgueil chez l'homme; mais je trouvai bien un développement considérable de ces parties dans des animaux chez lesquels je n'aurois jamais songé à le chercher, c'est-à-dire chez ceux qui séjournent sur les hauteurs, sur les montagnes, et qui se tiennent volontiers dans le haut des airs, chez le chevreuil, le chamois, le bouquetin chez certaines espècesid'aigles et de faucons; et ce qui me frappa le plus, la partie cérébrale en question étoit d'autant plus développée, et la proéminence allongée d'autant plus saillante, que ces animaux ont leur demeure habituelle sur des lieux plus élevés.
Que le lecteur s'imaginel'étonnement où me mit un semblable phénomène. La prédilection des animaux pour les hauteurs au physique, dépendre des mêmes parties que l'orgueil, disposition morale , chez l'homme! Voilà ce qui doit paraître à tout le monde aussi invraisemblable et aussi inadmissible que cela me le parut au premier abord à moi-même.
Je me suis fait la loi de communiquer la marche de mes observations , ainsi que la manière dont elles ont fait nai'tre mes opinions. Des opinions qui n'ont pas pour base des faits, sont sinon fausses, du moins très-hasardées. Le naturaliste doit par conséquent être moins sensible au reproche d'avoir mal interprêté les faits , qu'à celui de s'en rapporter au seul raisonnement. Je commence par donner quelques détails sur
o
Jia PHYSIOLOGIE
les lieux qu'habitent les animaux. Peut-être découvrirons-nous plus tard quelque analogie entre deux choses en apparence très-disparates.
L'on se trompe si l'on attribue le choix du lieu qu'habitent les animaux, à leur seule volonté. La nature a assigné sa place au bouquetin et au crocodile, tout comme au cèdre et au saule. Les champs et les bois, les vallées elles montagnes,les marais infects elles habitations des hommes, le Sud et le Nord, sont destinés à être peuplés par différentes espèces d'animaux. Il existe deux variétés de la plupart des animaux les plus généralement connus. L'une habite les hauteurs, l'autre la plaine; l'une les villages, les villes et les jardins; 4'aulre 4es forêts et les bords des fleuves. Nous connoissons le moineau domestique et le-moineau des bois, le rossignol des jardins et le rossignol des hauteurs boisées; le chardonneret des jardins et le chardonneret des bois; le lièvre des champs et le lièvre des montagnes. D'où, vient que des animaux, d'ailleurs si semblables, recherchent des habitations qui se ressemblent si peu ?
Cette différence est bien plus prononcée encore pour les différentes '
espèces. La perdrix, la gelinotte, le lagopède, la ganga,-(gelinotte des
Pyrénées), le zizel, la marmotte, le rat d'eau, la taupe, le rat com- '
mun, le rat des greniers, le mus ratus, l'hirondelle des hautes mon- '
tagnes, l'hir.ondelle de rivage, l'hirondelle de fenêtre, l'hirondelle de
cheminée î quelle différence dans le choix de leur demeure! et comme
il est constant, on ne peut pas l'attribuer à une volonté dirigée par
le hasard ; mais à une loi invariable de la nature. Mais de quelle, ma
nière la nature a-t-elle assigné à chaque animal les lieux qu'il doit
habiter? ' (
Rien n'est plus facile, dit-on , que de répondre à celle question : le '
chamois grimpe sur les montagnes, et le canard se plonge dans l'eau , l
parce que le «besoin les y appelle, parce que c'est-là qu'ils trouvent *
leur nourriture.
11 n'y a nul doute qu'il existe une harmonie en,tre l'organisation des
animaux et le monde extérieur. Sans cela, ht nature et les animaux J
seroient dans une contradiction éternelle. Si les marais éloient désignés i
DtT CERVEAU. 3l3
comme demeure au chamois, tandis que la nourriture qui lui convient croît au haut des montagnes; son espèce auroit bientôt disparu de la surface du globe. C'est pour cela que chaque animal est, et devoit nécessairement être organisé de manière à établir sa demeure dans des lieux où U trouvât sa pâture. Voilà une institution bienfaisante de la nature. Mais ce n'est pas la nourriture seule qui détermine l'animal à établir sa demeure dans tel Heu , de préférence à tel autre. Les différentes-variétés de la même espèce que je viens de nommer, pourroient se sustenter avec la même nourriture; c'est ce qui fait que quand les circonstances extérieures forcent les animaux, ils se déterminent à vivre dans les endroits où ilsne vivroient pas s'ils en avoientle choix. Du reste, le chamois et le bouquetin grimpent bien plus haut que les régions où se trouve leur pâture. C'est une impulsion intérieure qui les pousse à rechercher les sommets les plus escarpés des montagnes. C'est de même çue le petit canard traînant encore la coque de son œuf, sans aucune -connoissance préalable, court à l'eau sans écouter les cris d'anxiété de la poule qui l'a couvé. L'alouette s'élève dans les airs en chantant, quoique rien ne l'empêche de chanter sur terre. L'aigle royal guette sa proie du haut des nues, quoiqu'il pût bien aussi chasser dans les régions inférieures, comme le hibou. Tous les jours, nous voyons les hirondelles, les pigeons, les corneilles s'élever dans les airs pour leur seul plaisir, en décrivant mille cercles, sans aucune intention de chercher leur nourriture.
*
Apparence extérieure de l'organe des hauteurs chez
les animaux.
Chez tousles animaux qui cherchent le séjour des endroits élevés, on
trouve dans la ligne médiane, immédiatement au-dessus de l'organe
de l'amour de la progéniture, ou entre les deux bosselures qu'il forme
dans le cas où il est double, une proéminence allongée, marquée xn
sur toutes les planches, absolument semblable à l'organe de l'orgueil
chez l'homme. Que l'on compare PI. LXV, les crânes du chevreuil, et de
III. o
3l4 PHYSIOLOGIE
k chevrette, chez lesquels cet organe n'est encore que très-pëumarqué, avec ceux du chamois fig. i, et 1 e* bouquetin fig. 2, PI. LXXIII, chez lesquels il astoo plus haut degré de développement. On voit que Tel éva-tioti xh , dans le chevreuil, est moins bombée que dans le chamois, dansf le chatnuis moins que dans le bouquetin qui recherche toujours sut* tes plus hautes montagnes le sommet des rochefs les plus élevés. Ainsi, par la seule inspection de cette région de la tête, on peut déterminer avec ceiM titude laquelle des espèces que l'on examine vit dans la plaine, et laquelle habite les hauteurs; et c'est selon qu'un aigle ou tout autre oiseau s'élance le plus haut dans les airs, que cette région du crâné e,st plus ou moins bombée. Chez le rat de cave, cette région est plane ; chez lé rat des greniers, qui aime à grimper sur les arbres, elle est bombée. La même différence existe entre le crâne de la perdrix commune, et? celui de la perdrix des montagnes ; entre celui du lièvre des champs et ctilui du lièvre des montagnes. J'ignore si cette partie cérébrale subit-dés modifications semblables chez les animaux aquatiques. Ce qu'il y a do certain, c'est qu'il faut admettre Un organe particulier, dont l'activité assigne aux animaux les lieux qu'ils ont à choisir pour leur demeure. Il est certain encore qu'un développement considérable de5 cet organe inspire aux animaux une prédilection pour les lieux élevés. Or donc, si l'on pouvoit rendre vraisemblable que la même partie cérébrale) qui inspire aux animaux le penchant pour les hauteurs, modifiée différemment, et influencée par l'activité simultanée d'autres organes, produit i'orgueil chez l'homme, et que par conséquent la prédilection pour les hauteurs aa physique , ne diffère pas essentiellement de la hauteur au moral, mais seulement par son objet, l'on pourroit désigner le résultat de l'action de cet organe par la dénomination instinct des Jiauteurs, instinct de t élévation, du moins pour le cas de son développement plus qu'ordinaire. Ici se présente donc naturellement la question : Y a-t-il une différence essentielle entre l'instinct des hauteurs physiques chez les animaux et le penchant de l'homme à s'élever à une hauteur morale? Cette différence est-elle réellement-assez grande pour qu'il soit ridicule de ne considérer l'un et l'autre que
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comme des gradations différentes du même péchant? Ou bien est-il possible de découvrir une analogie entre les deux? Ceux qui soutiennent la négative ont gain de «ause , parce qu'ils ont pour eux d'avance tous les lecteurs et tous les auditeurs. Quant à moi , l'opinion de la multitude ne sauroit me rebuter. Je vais donc exposer le pour et le contre.
Existe-t-il une analogie entre l'instinct des hauteurs chez les animaux 3 et l'orgueil ou la fierté chez l'homme ?
Sï l'organe de l'instinct des hauteurs chez les animaux, et celui de la fierté chez l'homme, occupent la même place dans le cerveau et dans le crâne, cela milite en faveur de leur analogie.
J'ai signalé, à la vérité, dans le cerveau et dans le crâne, immédiatement entre et au-dessus de l'organe de l'amour delà progéniture, une place comme m'étant encore inconnue, iv, PI. IX et XI ; et ce n'est qu'au-dessus de cette place que j'ai indiqué l'organe de l'orgueil, xn. Malgré tous mes soins, je n'ai jamais pu remarquer à cette place aucune espèce de proéminence, ni deviner la signification qu'elle pourroit avoir. J'ai trouvé tout au contraire que dans plusieurs crânes la proéminence de l'orgueil s'étend jusqu'à celle de l'organe de l'amour de la pi'Ogéniture. Ceci a lieu lorsque ce dernier est ibiblement développé, et que celui de l'orgueil l'est beaucoup. Il semble donc déjà probable que la circonvolution marquée iv, PI. IX et PI. XI, appartient a l'organe de la fierté. Je suis d'autant plus porté à croire que celle circonvolution et celle marquée xu constituent un seul organe , que les circonvolutions qui suivent immédiatement l'organe de la propagation, et qui sont placées tout-à-jait dans la ligne médiane ', sont très-déve-
1 L'anatomic comparée offre des différences très-remarquables pour le siôge de l'organe du penchant à la hauteur phjsique, et pour L'organe de l'amour de la pio-
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Joppéeschez les animaux doués éminemment de l'instinct des hauteurs; le cerveau et le crâne du chamois et du bouquetin en fournissent un exemple frappant. Dans le cas même où nous supposerions que la partie inférieure iv de ces circonvolutions produisît l'instinct des hauteurs au physique, et la partie supérieure xn la fierté, le très-proche voisinage de ces parties cérébrales nous conduiroit toujours à admettre une analogie dans leurs fonctions.
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