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Premire partie - L’exemplaritŽ de l'Žconomie de la musique



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Premire partie - L’exemplaritŽ de l'Žconomie de la musique


I.1. Les nouvelles logiques des matŽriels

La mŽdiatisation technologique du phŽnomne musical est une rŽvolution dŽjˆ ancienne, qui s’est incarnŽe dans la succession des dŽcouvertes scientifiques et de leurs applications industrielles au cours du XX sicle. La possibilitŽ mme d’une mŽdiatisation du phŽnomne musical rŽsulta de la technique de la reproduction et de la technique de la tŽlŽtransmission, conqutes scientifiques qui ont libŽrŽ la production et la diffusion du phŽnomne musical des deux contraintes traditionnelles de l’espace et du temps. La technique de la reproduction mit fin ˆ la simultanŽitŽ, jadis nŽcessaire, entre la production du phŽnomne musical et sa consommation. La technique de la tŽlŽtransmission permit la consommation musicale ˆ distance, en direct ou en diffŽrŽ. Ces deux techniques mirent un terme ˆ l’exclusivitŽ absolue du spectacle vivant dans la production et la consommation musicales et favorisrent divers processus de stockage du phŽnomne musical dŽtruisant l’exclusivitŽ du travail humain dans la production musicale.


Les innovations technologiques du dernier tiers du XX sicle ont instaurŽ de nouvelles logiques, dŽterminŽes par les systmes de matŽriels, professionnel et grand public, destinŽs ˆ la production, ˆ la diffusion et ˆ la consommation de la musique. Produisant et diffusant l’immatŽriel le plus Ç pur È, ces nouvelles Ç logiques des matŽriels È ont permis l’appropriation gŽnŽrale d’un son parfait et Žternel (le Compact Disc), les fianailles du son et de l’image (le Compact Disc VidŽo), et ont inaugurŽ la possibilitŽ de la transformation du son en matŽriau informatique. L’ensemble de ces mutations a bouleversŽ les conditions mme d’existence du phŽnomne musical.
L’incidence des outils technologiques sur la crŽation musicale est une question propre ˆ la seconde partie du XX sicle, puisque la rupture radicale dans le domaine de la musique savante fut introduite, dans les annŽes 1910, par l’Ecole de Vienne dans une dŽmarche totalement autonome de toute technologie. La problŽmatique actuelle est donc de savoir si les crŽateurs de la fin du XXe sicle seront en mesure de conduire des changements esthŽtiques autonomes des technologies prŽsentes et futures ou si celles-ci sont dorŽnavant le vecteur obligŽ de toute crŽation musicale savante.
Aujourd’hui, en effet, le son n’est plus exclusivement imaginŽ, pensŽ, faonnŽ et fixŽ par le seul compositeur. Il est devenu modulable par chacun, chaque interprte, chaque consommateur. La famille des instruments domestiques et des instruments robots0 inaugure l’Ç auto-production È de musique, indŽpendante du cercle des producteurs spŽcialisŽs (les compositeurs) et des consommateurs avertis (les mŽlomanes). La miniaturisation des Žquipements Žlectroniques met ˆ la disposition de chacun les moyens les plus sophistiquŽs et les plus lourds. Les outils technologiques de fabrication des sons organisŽs mettent fin ˆ l’exclusivitŽ, ˆ l’originalitŽ du gŽnie spŽcialisŽ dans la production des sons, puisque chacun peut Ç crŽer È de la musique ˆ sa guise, en fonction de ses besoins gr‰ce aux machines mises ˆ la disposition de tous par les ingŽnieurs. Le son n’est plus instaurŽ par le compositeur ou modelŽ par son interprte mais fabriquŽ en fonction des dŽsirs prtŽs au public, travaillŽ en fonction des stratŽgies de marketing fondŽes sur les gožts analysŽs ou supposŽs des cibles visŽes. Le son devient ainsi un facteur de production intŽgrŽ ˆ l’ensemble des facteurs concourant ˆ la fabrication du produit musical.
Devenues hŽgŽmoniques ˆ la fin de ce sicle, ces nouvelles logiques des matŽriels mettent fin ˆ la dichotomie traditionnelle entre l’acoustique naturelle et l’acoustique artificielle. Elles mettent un terme ˆ la dichotomie entre les musiciens et les techniciens de la musique. Fonctions et responsabilitŽs respectives des uns et des autres tendent ˆ se diluer dans les mŽtiers de l’ingŽnierie du son mettant en Ïuvre les diverses virtualitŽs de l’interface musique/technologie, o le son est souvent subordonnŽ ˆ l’illustration, ˆ la description des sentiments et des affects portŽs par l’image. Ces dŽveloppements continus des matŽriels peuvent conduire toute production musicale ˆ tre prŽ-dŽterminŽe (pre-set) par les constructeurs de matŽriels, eux-mmes soumis au rythme de plus en plus accŽlŽrŽ de mise sur le marchŽ de matŽriels nouveaux.
Questionnant la nature mme de la crŽation musicale, ces nouvelles logiques des matŽriels ont Žgalement transformŽ les conditions de la perception individuelle et collective du premier vecteur de la diffusion musicale dans le grand public : les phonogrammes. Durant une premire phase, le phonogramme est, ˆ la fois, un outil de lŽgitimation ultime d’artistes dŽjˆ consacrŽs ˆ la scne et un outil d’accs ˆ des Ïuvres que le spectacle vivant ne peut offrir ˆ tous. La fidŽlitŽ du son reproduit est certes incomplte, contestable, mais la reproduction ne modifie pas, ˆ partir d’un certain seuil technique, le contenu esthŽtique des moments de cet Ç ‰ge d’or È (1948-1960). Une deuxime phase s’ouvre ˆ partir des annŽes 60, lorsque l’on constate le renversement des vecteurs de consŽcration des interprtes (le disque au lieu de la scne) et un recours croissant au montage audiovisuel, qui dŽpossde les interprtes comme le montage cinŽmatographique avait dŽpossŽdŽ les acteurs. La troisime phase se concrŽtise dans les annŽes 80, lorsque apparaissent et se figent les configurations actuelles, caractŽrisŽes par le triomphe dŽfinitif des techniques de reproduction au dŽtriment des lieux de spectacle vivant, techniques ˆ la disposition instantanŽe de l’individu dans l’intimitŽ du foyer comme dans l’ensemble des lieux publics et rŽseaux de circulation (restaurants, banques, transports, ascenseurs...).


I.2. Les nouvelles configurations d’Žcoute

Ces nouvelles logiques des matŽriels ˆ l’Ïuvre durant les annŽes 80 ont incontestablement rŽvolutionnŽ les conditions de la consommation musicale des individus. Conus, produits et diffusŽs selon les normes de l’Žconomie marchande, les matŽriels vecteurs des innovations technologiques ont apportŽ la musique au domicile et l’ont intŽgrŽe ˆ tous les actes de la vie quotidienne. La concurrence par les prix, qui caractŽrise l’Žconomie marchande, entra”ne une baisse cumulative des prix relatifs des machines et des programmes.


La rŽduction croissante de la taille des Žquipements comme les progrs rapides de leur maniabilitŽ ont contribuŽ au dŽveloppement trs considŽrable de l’Žquipement musical ˆ domicile, tandis que leur nouvelle mobilitŽ leur a permis d’accompagner l’individu dans ses dŽplacements hors de son domicile. Ces nouvelles logiques des matŽriels ont permis, phŽnomne nouveau, une pŽnŽtration de tous les genres musicaux dans toutes les catŽgories de population. La consommation musicale des individus a ŽtŽ libŽrŽe, non seulement de la contrainte ancienne des lieux spŽcialisŽs affectŽs ˆ la diffusion de la musique, mais aussi des contraintes qui affectaient traditionnellement la gestion de leur temps libre.
Les institutions de reprŽsentation des spectacles vivants musicaux connaissent de fortes hausses de cožts, gŽnŽrŽes par la pŽnŽtration des technologies nouvelles, hausses exognes mais cumulatives aux effets de la Loi de Baumol, qui attribue leurs dŽficits inŽvitables et toujours croissants ˆ l’impossibilitŽ d’automatiser leur production artistique. Ces institutions de reprŽsentation subissent, en mme temps, une baisse de frŽquentation dont le prix des places et les concurrences des produits diffusŽs ˆ domicile sont deux paramtres essentiels. Leurs publics traditionnels apparaissent souvent dŽsorientŽs par la remise en cause, frŽquente ˆ compter des annŽes 80, des acoustiques naturelles0 et des configurations traditionnelles. Si l’exclusivitŽ du lieu affectŽ ˆ la production et la consommation de musique avait ŽtŽ remise en cause ds les annŽes 30, sa place, encore privilŽgiŽe dans les annŽes 50 et 60, appara”t dŽsormais minoritaire, voire dŽpassŽe. L’Ç explosion È, la multiplication ˆ l’infini des lieux et des occasions o consommer de la musique condamnent, ˆ terme, la fonction spŽcifique de la salle de spectacle alors mme que les espaces gŽographiques lui ayant donnŽ vie et prestige apparaissent minorŽs et contestŽs dans la perspective d’une Žcoute globale, Ç universelle È, de phŽnomnes musicaux diffusŽs ˆ l’Žchelle de toute la plante0.

Les conqutes des technologies de reproduction de la musique ont ainsi radicalement transformŽ la perception individuelle et collective des phŽnomnes musicaux. Ces conqutes ont permis des progrs incontestables. La musique est dŽsormais accessible ˆ tous les individus susceptibles d’acquŽrir les supports matŽriels les dispensant de la ma”trise des codes de la partition. Les supports de reproduction ont tŽmoignŽ de progrs constants puis exponentiels dans leur fidŽlitŽ, leur durŽe d’Žcoute, leur facilitŽ de conservation, de manipulation et de transport. La totalitŽ des matŽriels et supports musicaux s’est adaptŽe aux styles de vie et de travail de la majoritŽ des consommateurs potentiels des pays dŽveloppŽs. L’ensemble de ces conqutes technologiques ont transformŽ les dimensions mmes du marchŽ de la musique et mis en Žvidence la diffŽrence de nature entre le nombre potentiel limitŽ des spectateurs de musiques reprŽsentŽes et le nombre virtuellement illimitŽ des auditeurs de musiques reproduites.


I.3. La musique en Žconomie marchande

Ces conqutes technologiques ont transformŽ la musique, qui Žtait une activitŽ artisanale, en une industrie produisant des biens manufacturŽs en sŽrie, c’est-ˆ-dire uniformisŽs et standardisŽs, dans le but d’en faire baisser les cožts marginaux.


A l’heure de la domination du stade industriel, la production et la consommation de musique sont distinctes dans l’espace et le temps. Il en rŽsulte une libertŽ, totalement nouvelle pour le consommateur, de choisir le genre de musique qu’il souhaite Žcouter, ainsi que le moment, le lieu, la durŽe et la frŽquence de ses actes de consommation musicale. L’Žcoute est extensive, continue, quotidienne, au risque d’une banalisation et d’une audition concomitante de la pratique d’autres activitŽs dont tŽmoigne la femme au foyer, cible prŽfŽrŽe des radios pŽriphŽriques. L’Žcoute ˆ domicile des supports Žlectroniques permet ˆ l’individu de Ç butiner È dans le pot commun de la musique sans hiŽrarchie des urgences personnelles et des donnŽes esthŽtiques. La disponibilitŽ vingt-quatre heures sur vingt-quatre d’un environnement musical o piocher constitue la musique en un stock ˆ domicile, ˆ faible cožt, ˆ l’Žgard duquel l’implication personnelle se rŽduit souvent ˆ l’acte consistant ˆ presser une touche.
L’analyse macro-Žconomique introduit une dichotomie essentielle dans les activitŽs musicales. Dans le secteur marchand soumis ˆ la rationalitŽ Žconomique, le marchŽ dŽcle la possibilitŽ de production de masse et d’Žconomies d’Žchelle permettant de fixer un prix de vente accessible au plus grand nombre. Dans le secteur non marchand, le prix de revient du produit est trs supŽrieur au prix de vente raisonnablement attendu compte tenu du nombre de consommateurs potentiels. Cette dichotomie macro-Žconomique recoupe largement la dichotomie du lieu de consommation des phŽnomnes musicaux, puisque les produits musicaux consommŽs ˆ domicile sont majoritairement ceux du secteur marchand, que les diffŽrences de prix d’accs tendent ˆ marginaliser0.
La musique ˆ dominante populaire devient un produit de plus en plus segmentŽ. Les transferts constatŽs sur la pŽriode 1983-1993 illustrent la redistribution intervenue dans les droits perus par la S.A.C.E.M. Dans le contexte global d’un doublement en francs courants des droits perus, les mŽdias audiovisuels progressent de six points au dŽtriment de la diffusion publique de musique enregistrŽe, tandis que la part des spectacles vivants et du cinŽma continue de dŽcro”tre.
Les marchŽs de la musique se restructurent brutalement, puisque les ventes des divers phonogrammes en France rŽvlent, ds la pŽriode 1987-1990, les structures actuelles du marchŽ : mort clinique du 33 tours et du 45 tours vinyles et progression foudroyante du disque compact qui dŽpassent quarante millions d’unitŽs en 1989, pour doubler entre cette date et 1993.

L’instrument de musique est devenu un produit de sŽrie : les cha”nes de fabrication industrielle permettent ˆ Yamaha de sortir un piano droit toutes les soixante-dix sept secondes, et un piano ˆ queue toutes les six minutes, rythme qui indique l’ampleur d’un marchŽ ciblŽ qui s’appuie sur un trs vaste rŽseau d’enseignement incitant Žlves et parents ˆ la consommation des divers produits du groupe0.


Toute ambition de constituer, de dŽvelopper et de pŽrenniser une entreprise de programmes sonores passe dŽsormais par la constitution de groupes d’Ç Žlectronique grand public È, de dimension mondiale, dont les stratŽgies de vente sont nŽcessairement prioritaires sur les stratŽgies de crŽation, et tendent ˆ marginaliser le phŽnomne musical au sein de l’ensemble des marchŽs du groupe. L’innovation induit et impose une rŽvolution permanente par la mise sur le marchŽ de produits nouveaux avant mme la fin du cycle de vie du produit prŽcŽdent. La concurrence entre D.C.C. et M.D. occulte la probabilitŽ d’un standard unique, dans la mesure o la multiplication des formats des lecteurs et des phonogrammes entra”ne l’attentisme de consommateurs concernŽs avant tout par le catalogue des programmes, et o les groupes concurrents partageront les profits gr‰ce ˆ un systme de licences croisŽes0.
Devenue produit stockable et reproductible ˆ l’infini, prŽsentŽe comme produit Ç parfait È, Ç Žternel È, et favorisant l’exigence d’autonomie du consommateur moderne, la musique, phŽnomne industriel, est condamnŽe ˆ une rotation rapide des produits pour amortir d’importants investissements, et, par lˆ mme, ˆ la concentration de l’offre dans toutes ses activitŽs. Le marchŽ mondial de la musique enregistrŽe, en progression constante, atteint trente milliards de dollars en 1993, et tŽmoigne de fortes concentrations aux Etats-Unis (32% du marchŽ mondial) et au Japon (16,7% du marchŽ mondial), concentrations qui soulignent la position devenue secondaire des pays de forte tradition classique : Allemagne (8,8%), France (6,3%), Royaume-Uni (6,5%)0. Cette redistribution se lit aussi dans la consommation musicale par habitant et par an : Singapour, Ta•wan et la CorŽe du Sud prŽcdent l’Autriche et l’Allemagne ; le Japon et la Sude devancent l’Italie0.

Les stratŽgies de commercialisation menŽes par des opŽrateurs Žconomiques sur les diverses musiques de rŽbellion, regroupŽes sous le vocable de Ç world music È, dŽmontrent que la culture musicale dominante dans le monde dŽveloppŽ n’est plus la musique savante. Le phŽnomne de mondialisation de la musique ne se traduit plus par l’expansion, par l’impŽrialisme, par la gŽnŽralisation des formes de la seule musique savante ˆ l’ensemble de la plante. La mondialisation des techniques a eu pour effet de promouvoir les autres musiques, jugŽes non seulement plus spectaculaires et plus consensuelles par les ingŽnieurs artistiques, mais aussi plus rentables par les gestionnaires financiers. Ces autres musiques sont, en effet, portŽes par des technologies leur confŽrant une audience potentiellement illimitŽe, un Žcho vŽritablement planŽtaire, une prŽsence au monde qu’aucune catŽgorie des musiques populaires du passŽ n’a pu recueillir. Ces autres musiques bŽnŽficient d’un volume de production, d’une diffusion commerciale et d’une lŽgitimation sociale qui expliquent leur part dorŽnavant prŽpondŽrante dans les investissements de l’industrie privŽe et dans les dŽpenses des mŽnages.


Cette minoration du statut de la musique savante au sein du champ musical appara”t le signe de l’instrumentalisation du phŽnomne musical dans la vie sociale des sociŽtŽs dŽveloppŽes. L’extrapolation des tendances lourdes actuelles permet de prŽvoir un accroissement de la domination du processus de mise en scne visuelle de la musique et de dŽmatŽrialisation des programmes musicaux conduisant ˆ terme ˆ une disparition de l’objet phonogramme au profit d’un juke-box individuel reliŽ ˆ une banque de donnŽes tenant informatiquement le Ç compte musique È de chaque individu.
La libertŽ nouvelle du consommateur a induit une redistribution des Žquilibres du champ musical. Les technologies, longtemps pensŽes comme simples instruments et outils passifs, imposent leur logique propre en structurant l’organisation Žconomique des phŽnomnes musicaux.
Ainsi, la paradigme technologique triomphe. La technologie dŽtermine les conditions de crŽation et de consommation esthŽtiques du phŽnomne musical. La technologie dŽtermine les conditions Žconomiques du phŽnomne musical.
Ce double dŽterminisme Žtablit la position dominante de l’individu comme programmateur autonome de ses besoins. Issu de la technologie et suscitant, rencontrant et confortant la force de l’individualisme postmoderne, ce double dŽterminisme a imposŽ une redistribution radicale des Žquilibres du champ musical.



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