Soulignons que l'intérêt des nouvelles technologies ne va pas nécessairement de paire avec la prise en compte des attitudes des apprenants envers celles-ci. En effet, F. Larose et Coll. (1998) notent que même si l'intérêt des nouvelles technologies tant sur le plan de l'accès à l'information que sur celui de la didactique ou de l'organisation d'environnements d'apprentissage est systématiquement proclamé, les connaissances préalables des apprenantes et des apprenants ainsi que leurs préconceptions ou leurs attitudes concernant l'informatique semblent rarement prises en considération.
Parmi les recherches sur les attitudes des apprenants envers les outils d’apprentissage, notons celle de BITTER et HATFIELD (in HEMBREE et DESSART, 1992) qui rapporte les attitudes de près de 500 étudiants envers les calculatrices en 1991 dans un cours de mathématiques. Ces auteurs mentionnent un engouement des étudiants pour les calculatrices et observent les pourcentages suivants, en présentant la calculatrice comme outil facilitateur des apprentissages, de son importance et des aspects ludiques:
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86,3% de ces étudiants trouvent que les mathématiques sont plus faciles si une calculatrice est utilisée dans la résolution de problèmes,
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85,6% pensent qu'il est important que chacun apprenne à utiliser la calculatrice,
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79,1% pensent que les calculatrices rendent les mathématiques amusantes, ... , par contre,
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12,7% ne trouvent plus nécessaire d’apprendre à calculer sur papier quand on a une calculatrice.
Z. S. GRATZ et Coll. (1993) ont étudié les effets des attitudes sur les acquisitions dans les cours d’introduction de la Statistique en psychologie en comparant le mode d’apprentissage à l'aide d'une calculatrice à celui assisté par ordinateur. Les résultats montrèrent en particulier qu’il n’y avait pas de différence significative entre les étudiants placés en mode utilisation des calculatrices et ceux placés en mode assisté par ordinateur en ce qui concerne les mesures de leurs attitudes envers la Statistique, la psychologie en tant que discipline, ou le cours. Aussi, les attitudes positives envers la Statistique augmentèrent tout au long du cours durant le semestre indifféremment du type de classe. Donc, en tant qu’outil d’apprentissage, calculatrice et ordinateur semblent déclencher les effets similaires auprès des étudiants en ce qui concerne leurs attitudes.
Démarche méthodologique
L'instrument métrologique utilisé fut une échelle de Likert à cinq niveaux. Chaque apprenant devait s’exprimer, ou mieux, donner son appréciation de l'outil d’enseignement-apprentissage utilisé dans les Travaux Pratiques du cours de Statistique. Cette échelle explore les cinq dimensions suivantes à l’aide de questions à choix multiple.
Tableau n°1: Dimensions explorées par l'échelle d'attitude vis-à-vis de la calculatrice35
Dimension
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Objet de la question
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1
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Utilité versus vérifiabilité et incitabilité au travail
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2
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Utilité versus compréhension de la matière du cours
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3
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Appropriation de l’outil et progression
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4
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Problème de décision et de choix
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5
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Proposition d’un taux d’utilisation
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Les populations concernées par cette enquête sont des étudiants de Première Candidature en Sciences Psychologiques et de l’Éducation de l’Université Libre de Bruxelles, années académiques 93-94, 94-95 et 95-96. Pour faire partie de notre échantillon, le candidat devait appartenir à l’une des populations citées et accepter de compléter volontairement l'échelle d'opinions proposée. Mais du fait de l'utilisation de la même échelle l'année suivante, nous devions nous assurer de l'absence de "contamination". De ce fait, le candidat ne devait pas être doubleur et devait s’engager à ne pas emporter son protocole expérimental.
Suivant ces critères, 143 étudiants36 ont fait partie de notre échantillon. Leur âge variait en gros entre 17 et 21 ans, mais 9 étudiants avaient un âge compris entre 22 et 35 ans. L'âge moyen de l'ensemble de l'échantillon était de 19,17 ans; il y avait 74% de filles et 26% de garçons. Cet effectif se subdivisait en 82 sujets pour 1993-1994, 25 en 94-95 et 36 en 95-96. Comme il s’agissait de déterminer des profils ou mieux de grandes tendances, nous avons considéré, pour cet aspect de la recherche, les trois échantillons annuels pris ensemble.
Afin de nous assurer que les étudiants avaient déjà bien perçu les usages de cet outil, cette échelle d'attitudes ne leur fut administrée qu'à l'avant-dernière séance du cours.
Résultats
1° Attitudes spécifiques exprimées vis-à-vis de la calculatrice
Nous illustrons ici à l’aide des diagrammes en secteurs, les pourcentages d’attitudes exprimées par dimension et par item de l'échelle d'attitudes vis-à-vis de la calculatrice utilisée comme outil d’enseignement et d’apprentissage de la Statistique. Pour la facilité des comparaisons, nous avons préféré les pourcentages aux fréquences absolues. Les chiffres 1 à 5 correspondent aux cinq niveaux d’acceptabilité de l’item contenus dans l’échelle.
(i)Utilité de l'outil dans la vérifiabilité des résultats et l'incitation à apprendre
L’apprenant devait s’exprimer sur l’utilité de la calculatrice dans le cours de Statistique et Informatique Appliquées en Psychologie et aux Sciences de l’Éducation, les possibilités de vérification des calculs et de réponses, et l’encouragement ou mieux le soutien à la motivation.
Figure n° 1: Usage, possibilité de vérification et motivation
s
La lecture de ce diagramme en secteurs montre que:
33% trouvent la calculatrice très utile, et estiment qu’elle leur donnait la possibilité de vérifier leurs réponses et pensent qu'elle soutenait leur motivation,
31% l’estiment être très utile dans la vérification et pensent qu'elle les encourageait;
13% la trouvent très utile mais pensent qu'elle ne faisait qu’une petite différence; tandis que
12% pensent que la calculatrice n’est pas très utile et pensent qu'elle compliquait leur participation à ce cours; et
11% des répondants estiment qu’on ne devrait pas utiliser la calculatrice du tout.
En somme, 77% (soit près de 4 étudiants sur 5) trouvent la calculatrice très utile dans le cours de Statistique et Informatique Appliquées, avec des nuances allant d’une “petite différence” à “la possibilité de vérifier les réponses et à les encourager à travailler plus”. Ceci est manifestement un constat encourageant au niveau du choix pédagogique et de l’acceptation de l’outil d’apprentissage par les bénéficiaires de la formation.
Ce pourcentage élevé pourrait s'expliquer par le fait de la socialisation de l'outil, et par sa disponibilité aussi bien au cours qu'à domicile. Le fait que la calculatrice permet de vérifier des résultats, de faire connaître les résultats et de recourir aux exercices est en soi un facteur dynamisant l’apprentissage.
Néanmoins, nous sommes encore loin de l'unanimité. Un travail de sensibilisation reste encore à faire. Une implication pédagogique est de s’assurer au préalable de la bonne maîtrise de cet outil par l’apprenant, d’y remédier le cas échéant, afin que la participation au cours bénéficie au maximum de cette maîtrise.
(ii)Usage de la calculatrice et compréhension de la matière
Figure n° 2: Usage de la calculatrice et compréhension du cours
23% encore la jugent très utile dans la compréhension des concepts de ce cours;
23% pensent qu’elle était très utile dans la compréhension globale de ce cours; et
26% disent qu’elle ne fit aucune différence; tandis que
22% trouvent que la calculatrice fut un obstacle dans la compréhension des concepts;
6% d’apprenants pensent qu’on ne devrait pas utiliser la calculatrice.
Vue par rapport à la compréhension du cours, 46% d'étudiants formulent un avis positif. Mais 28% d’étudiants interrogés formulent un avis négatif par rapport à l’utilisation de la calculatrice, et 26% estiment que la calculatrice ne fit aucune différence. Ceci témoignerait de la difficulté à juger de la compréhension elle-même. Il y a donc un travail à faire pour montrer comment la calculatrice interviendrait effectivement pour faciliter la compréhension de la matière enseignée. C'est une question d'ordre pédagogique mais aussi didactique.
(iii)Intégration de l’outil dans le processus d’apprentissage
Il s’agit, pour l'étudiant, d'estimer la fréquence d’utilisation de la calculatrice selon son expérience personnelle et en fonction des exercices proposés au cours. La figure suivante illustre les opinions exprimées par les étudiants ayant répondu à cette question.
Figure n° 3: Intégration de la calculatrice dans le processus d’apprentissage
39% affirment l’avoir utilisée dans tous leurs exercices à domicile et leurs interrogations, et cela améliora leur avancement;
23% disent l’avoir utilisée dans tous leurs devoirs à domicile et interrogations, et cela améliora significativement leur avancement dans ce cours;
16% l’ont utilisée quelques fois sans que cela fasse une différence;
15% estiment l’avoir utilisée quelques fois et cela les mit dans la confusion; et
7% disent n’avoir jamais utilisé la calculatrice.
Bref, sur le plan pédagogique, il y a lieu de se préoccuper des 7% d’étudiants qui disent n’avoir jamais utilisé la calculatrice alors que celle-ci est leur outil de travail dans ce cours; ils ne font donc pas partie des étudiants réguliers aux Travaux Pratiques. Quant aux 15% qui pensent que la calculatrice les auraient mis dans la confusion, il y a lieu de s’assurer de leur maîtrise de cet outil; une telle réponse pourrait cacher l’absence de maîtrise de la calculatrice par ces apprenants, la confusion dans la compréhension apparaissant ici comme une conséquence.
(iv)Choix de la modalité d’apprentissage
L’apprenant doit choisir entre deux sections d’un cours de statistique qui lui sont offertes, l’une avec calculatrice et l’autre sans calculatrice. Un choix en faveur de la section avec la calculatrice suppose que l’étudiant avait été convaincu de l’utilité de cet outil à divers titres ( vérifiabilité, encouragement, intégration, etc.).
Figure n° 4: Choix de la modalité d’apprentissage de la statistique
29% choisissent définitivement la section avec calculatrice.
38% choisissent probablement la section avec calculatrice;
10% choisissent indistinctement leur section;
13% choisissent probablement la section sans calculatrice; et
10% des sujets interrogés choisissent définitivement la section sans calculatrice (ce pourcentage est à rapprocher des 7% qui disent n’avoir utilisé la calculatrice nulle part); une action d’explication et de formation en vue de la maîtrise de l’outil est à envisager pour ce groupe;
En somme, 67% des étudiants interrogés choisiraient définitivement la section avec calculatrice. Ce pourcentage est susceptible d'augmenter du fait des 10% qui choisiraient indistinctement leur section.
(v)Proposition d’un taux d’intervention de la calculatrice dans le cours
Nous estimons que selon la maîtrise de chacun, selon que l’apprenant est convaincu ou non de l’efficacité de la calculatrice comme outil d’aide à l’apprentissage de la statistique descriptive, il va proposer un pourcentage d’intervention conséquent. La figure suivante illustre la distribution des différents taux proposés.
Figure n° 5: Taux d’intervention de la calculatrice proposé par les apprenants
16% proposent d'utiliser la calculatrice pour la totalité du cours de statistique ;
29% pour les trois quart du cours;
33% pour la moitié du cours;
15% la proposent pour le quart du cours; et
7% ne proposent aucun taux d'utilisation (ce pourcentage égale celui des personnes qui disent n’avoir utilisé la calculatrice nulle part dans leurs exercices du cours); c’est donc un groupe non régulier qu’il convient de traiter comme indiqué plus haut.
En définitive, 78% d'étudiants de l'échantillon sont pour une intégration substantiellement de la calculatrice. Cette situation traduirait leur niveau d'implication.
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