Introduction à la première journée d’étude du gdr


Les valeurs et les cultures sociopolitiques des cadres en Europe



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Les valeurs et les cultures sociopolitiques des cadres en Europe


Luc Rouban

Directeur de recherche au CNRS

Cevipof – Sciences Po

Mais entendons-nous sur ce mot « les bourgeois » ! Ah ! si vous me parlez des chefs d’usine, des directeurs appointés, des ingénieurs, des chimistes, des artistes, bien ! Ceux-là sont des prolétaires de plus en plus exploités par le capitalisme ; ils sont déjà trop nombreux pour les places qui existent et, comme les simples ouvriers, ils vont humblement quémander du travail chez les puissants financiers ! Où est-il le temps où, à la porte des Écoles supérieures de physique et de chimie, des patrons de la Seine, de Seine-et-Oise et de Seine-et-Marne retenaient à l’avance les dix premiers élèves, leur promettant des 6 ou 700 francs d’appointements mensuels ? Aujourd’hui, ces mêmes élèves vont d’usine en usine : « Monsieur, vous n’avez pas besoin d’un chimiste, d’un ingénieur ? ». Moi, je connais un élève de l’École Polytechnique qui est chauffeur-mécanicien sur une locomotive de la Compagnie de Lyon ! Et plus nous irons, plus on ouvrira d’écoles, plus la science fera des progrès, plus s’augmentera le nombre de ces prolétaires instruits et bien armés qui seront amenés par leur intérêt à faire cause commune avec les ouvriers manuels.
Jules Guesde in Jules Huret, Enquête sur la question sociale en Europe, Paris, Perrin, 1897, p. 359.
L’exploitation des résultats de l’enquête European Social Survey (ESS) 2003 permet de cerner l’univers de valeurs ainsi que le comportement des cadres salariés151 en Europe. On voudrait poser ici deux questions liées à la situation sociopolitique des cadres :

- en quoi les cadres sont-ils différents des membres des catégories intermédiaires (techniciens, agents de maîtrise, etc.) ? Peut-on soutenir la thèse d’un déclin social152 qui verrait les cadres partager les mêmes choix sociopolitiques et les mêmes valeurs que les membres des professions intermédiaires ? En d’autres termes, assiste-t-on à la constitution d’une vaste classe moyenne salariée, qui se distinguerait toujours, certes, des employés et des ouvriers mais qui réunirait des salariés au capital scolaire différent bien qu’également déqualifiés dans un mouvement de banalisation des diplômes universitaires et des formations d’ingénieurs ?

- on peut ensuite s’interroger sur la convergence ou la divergence des situations nationales en Europe. Beaucoup (trop) a été dit sur l’européanisation de la politique en Europe. Il reste à savoir si, au-delà de la convergence mécanique des procédures de décision et/ou de mise en œuvre liée à l’intégration européenne, les cadres des différents pays membres de l’Union partagent réellement une culture ou des expériences professionnelles communes. De la réponse à cette question dépend la possibilité ou non de voir apparaître une élite européenne au-delà du cercle étroit des élites dirigeantes constituées par les patrons de l’industrie et de la finance ou par les hauts fonctionnaires. Il faut donc mesurer également la distance qui sépare les cadres salariés des élites indépendantes.

On ne peut pas évidemment tout faire dire à une enquête et celle-ci est limitée à son protocole interne. L’évolution des représentations et des comportements dépend de variables que l’on peut contrôler comme l’appartenance au secteur public ou au secteur privé ou bien comme le niveau de diplôme et de revenus par foyer. Cependant, il reste des zones d’ombre concernant des éléments pouvant jouer de manière sensible sur l’univers sociopolitique comme l’importance du patrimoine et la nature de celui-ci, l’environnement social (profession exercée par le beau-père, par les collatéraux ou les grands-parents, et même l’histoire de vie de la personne interrogée). L’enquête ne donne pas d’information sur ces facteurs qui peuvent jouer sur les trajectoires professionnelles ne serait-ce que par l’importance du capital social mobilisé. On ne doit pas non plus sous-estimer la part du mensonge social car tous les enquêtés ne donnent pas nécessairement une information objective, notamment en matière de xénophobie ou d’origines sociales.

Quelques précisions méthodologiques doivent être également données. Une première question concerne le repérage de la population des cadres salariés. On a pu l’effectuer grâce au recodage de la variable d’activité professionnelle très détaillée fournie par l’enquête venant préciser les fonctions de « managers » et autres spécialistes de rang supérieur. Cette même variable permet de distinguer sans trop de difficulté les cadres des membres des professions intermédiaires ou ces dernières des employés et des ouvriers153. On part donc ici d’une définition fonctionnelle des cadres sans tenir compte a priori de leur niveau de revenu (variant avec l’âge et la situation de famille) ou de leur diplôme (puisque l’on trouve évidemment des cadres maison peu ou pas diplômés). Pour le secteur public, le groupe des cadres exclut les enseignants. On dispose ainsi en tout de 1 990 cadres (dont 1 509 du secteur privé et 481 du secteur public)154 sur un échantillon total de 13 884 salariés actifs, au chômage ou à la retraite.

Une seconde question tient à l’échantillonnage. Les pays étudiés comprennent l’Allemagne, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, la France, l’Italie, les Pays-Bas, la Pologne, le Royaume-Uni et la Suède. Le sous-échantillon de cadres rapporté à l’ensemble de la population salariée présente dans chaque échantillon national est de l’ordre de 12 à 20% sauf pour l’Espagne et l’Italie où il est beaucoup plus bas, de l’ordre de 7%. On intègre ces deux derniers pays dans les calculs faits en moyenne155 afin de préserver une certaine diversité géographique mais le faible nombre de cadres présents dans ces deux échantillons nationaux (63 et 44) ne permet pas une analyse fiable au niveau national. Ils n’apparaissent donc pas dans les tableaux comparatifs.

Enfin, quelques vérifications montrent qu’il n’existe pas de déformations démographiques trop fortes des sous-échantillons qu’il s’agisse de la répartition des tranches d’âge ou de la position du salarié au moment de l’enquête. La proportion de retraités est la plus forte en Allemagne, en France et en Pologne (autour de 25%) et la plus faible aux Pays-Bas, au Danemark ou en Suède (autour de 15%). Néanmoins, on sélectionnera au cas par cas les seuls actifs. En moyenne, 20% des cadres du secteur privé travaillent dans des entreprises de 10 salariés au plus, 35% dans des entreprises entre 10 et 100 salariés et 46% dans des entreprises de plus de 100 salariés, sans qu’il y ait de distorsion particulière au niveau national, la variance étant seulement de quelques points.


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