Physique : Des petits trous pour amplifier la lumière
La lumière est parfois malicieuse : quand on éclaire une plaque métallique percée de minuscules trous de taille nanométrique, la quantité de lumière qui passe à travers ce filtre est plus importante que celle qui vient frapper directement les trous ! Comme si ces derniers constituaient de véritables entonnoirs à lumière, collectant le rayonnement tout autour d'eux. Découvert il y a dix ans, ce phénomène physique intriguait les spécialistes du monde entier au point qu'ils n'avaient toujours pas réussi à l'interpréter de manière convaincante. La « transmission optique extraordinaire » (TOE), c'est son nom, vient enfin de trouver une explication claire. Et c'est à l'équipe de Philippe Lalanne, du laboratoire Charles Fabry de l'Institut d'optique de Palaiseau (Laboratoire CNRS / Institut optique Graduate School Université Paris 11), en collaboration avec un chercheur chinois de l'université de Nankai, qu'on la doit (Nature, 10 avril 2008). Jusqu'à présent, deux modèles s'opposaient pour décrire le phénomène. Le premier s'appuyait sur la théorie classique de la diffraction de la lumière, c'est-à-dire la façon dont les ondes lumineuses qui pénètrent dans les trous interfèrent les unes avec les autres. « Ce modèle reproduisait les observations faites en laboratoire mais sans expliquer le mécanisme physique mis en jeu », note Philippe Lalanne. D'autres scientifiques ont alors tenté de décrire la TOE comme le résultat d'excitations par la lumière des électrons présents dans le métal. Ces « plasmons », comme les appellent les physiciens, sont des ondes lumineuses qui se propagent sur de longues distances à la surface de la plaque. Une propriété originale qui serait à l'origine de « l'amplification » de la lumière. Bien que plus convaincant, le second scénario restait très approximatif. « Ainsi, il ne disait rien de la façon dont les plasmons se déplaçaient d'un trou à l'autre ou interagissaient les uns avec les autres », remarque le physicien. Alors, pour décrire le phénomène dans ses moindres détails, le chercheur et ses collègues élaborent un modèle par ordinateur qui s'inspire des deux théories concurrentes. « Nous avons simulé une seule rangée de trous et regardé combien de plasmons étaient créés et comment ils étaient diffractés par les trous. Puis nous avons ajouté une deuxième rangée et visualisé l'interaction des premiers plasmons avec leurs voisins. Et ainsi de suite. » Au final, les physiciens obtiennent une vision fine de l'ensemble du réseau. Ils montrent qu'un seul trou collecte les plasmons d'une trentaine de trous ; avec leur modèle, ils reproduisent fidèlement les quantités de lumière mesurées derrière la plaque. Un résultat important qui devrait largement profiter aux nanotechnologies dans le futur, depuis les nanocircuits électroniques fabriqués par lithographie jusqu'aux biocapteurs constitués de métal pour les analyses de sang et autres molécules chimiques.
Pierre Mira
Contact : Philippe Lalanne, philippe.lalanne@u-psud.fr
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Géochimie : Les océans sont tombés du ciel
Cet été, des millions de personnes ont une nouvelle fois pris des bains… de matière spatiale. Eh oui, les océans proviendraient majoritairement de matériaux extraterrestres, de l'eau et du chlore contenus dans les comètes qui ont frappé la Terre il y a plusieurs milliards d'années. Ce résultat étonnant, publié récemment dans Science par une équipe internationale comptant des chercheurs du CNRS, marginalise un peu plus l'hypothèse qui avait pendant longtemps la faveur des géochimistes et qui situait l'origine principale des océans dans les entrailles de la Terre. C'est en analysant les quantités des isotopes (Les isotopes sont des formes différentes d'un même élément chimique, qui se différencient par le nombre de neutrons dans le noyau atomique) du chlore dans le manteau terrestre et les océans que les chercheurs de l'Institut de physique du Globe de Paris (Institut CNRS Universités Paris 6 et 7 Université de la Réunion), de l'université de Nantes et du Jet Propulsion Laboratory, en Californie, sont parvenus à cette conclusion. Une véritable gageure, puisque le chlore ne se laisse pas analyser facilement. « La difficulté est qu'il faut l'extraire des roches et le mettre sous la forme d'une molécule gazeuse, explique Pierre Agrinier, de l'équipe « Physico-chimie des fluides géologiques » de l'Institut de physique du Globe de Paris. C'est une longue tâche à laquelle Magali Bonifacie a consacré ses trois années de thèse au sein de notre équipe. » Finalement, la première méthode pour mesurer la quantité de chlore 37 par rapport au chlore 35 (le plus abondant) a pu voir le jour. Vingt-deux échantillons de verres basaltiques – des magmas remontant du manteau et figés dès leur éruption – ont alors été prélevés sur les dorsales océaniques (Les dorsales océaniques sont des zones de remontée du magma et marquent la frontière entre deux plaques tectoniques qui s'écartent) dans le Pacifique, l'Atlantique et l'océan Indien puis analysés. Les chercheurs ont ensuite comparé le rapport isotopique du chlore de ces échantillons à celui mesuré dans l'eau des océans. Résultat : la valeur obtenue dans le manteau est inférieure à celle de l'océan. « Cela indique que dans le passé, cette différence était encore plus grande, puisqu'au rythme des échanges de chlore – même très faibles – entre les océans et le manteau, les deux valeurs tendent à s'équilibrer », précise Pierre Agrinier. Dans ces conditions, il est difficile de concevoir que les océans proviennent du manteau. Si ça avait été le cas, leurs compositions en chlore auraient été plus proches. Seule autre source possible : des matériaux extraterrestres en provenance des comètes, apportés probablement sur Terre lors du grand bombardement cométaire qui a eu lieu quelques millions d'années après la formation de la planète. Reste maintenant à analyser le rapport isotopique du chlore dans les comètes.