5.Conclusions
1.57.De la difficulté d’une modélisation utilisant un nombre trop réduit de paramètres
Les coûts de production et de distribution de l’eau potable intègrent de très nombreux paramètres.
Il est difficile de prendre en compte l’ensemble de ces paramètres dans un modèle simple, applicable à des pays et des systèmes de distribution variés car :
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Le calcul des amortissements ou des provisions pour renouvellement dépend étroitement de la politique nationale en ce domaine, qui peut prévoir ou non la prise en charge de tout ou partie de ce renouvellement et en reporter la charge éventuelle sur le budget de l’Etat ;
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Certains paramètres se prêtent mal à une analyse économique, alors qu’ils ont un rôle déterminant dans l’équilibre financier des exploitants (achat de gasoil de contrebande, obligation de fournir de l’eau à l’administration, même si elle ne paie pas, surcoûts entraînés par les ruptures d’approvisionnement,...).
Dans ces conditions, une modélisation « ex ante » du coût de l’eau, avant la mise en service d’un système de distribution d’eau, est extrêmement difficile.
1.58.De la difficulté à évaluer certains paramètres
Non seulement le nombre de paramètres à prendre en compte pour évaluer les coûts de production et de distribution est très élevé, mais certains de ces paramètres sont difficiles à évaluer précisément, surtout avant la réalisation des projets :
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Les charges d’investissement (et de renouvellement) dépendent beaucoup du résultat des procédures d’appel d’offres, qui réservent toujours beaucoup de surprises ; en général, on considère comme “ normaux ” des écarts inférieurs à 20 % entre diverses offres pour la même prestation, ce qui démontre que les prix unitaires ne peuvent être définis à moins de 20 % près ;
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Les charges financières (pour le remboursement des emprunts) dépendront de la politique de l’Etat à l’égard du secteur hydraulique ; par exemple, en Mauritanie, l’Etat a choisit il y a quelques années de rétrocéder en monnaie nationale (ougiya) à la SONELEC les emprunts qu’il a passé lui-même sur le marché international, en devises ; compte tenu de la dévaluation de l’ougiya, cela revient à subventionner sur le budget de l’Etat plus de la moitié des charges financières ;
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Le prix des matériaux, du combustible, des pièces détachées,... dépend très fortement de l’offre sur le marché local et donc de la sécurité des approvisionnements ; que survienne un conflit (comme au Zaïre, en Sierra Leone, au Liberia,etc.), un embargo (comme au Burundi), un grave problème de sécurité (comme au Tchad) et le prix de certains intrants peut doubler en quelques semaines ; la grande volatilité des prix en Afrique fait de la modélisation des coûts unitaires un exercice aussi difficile que les prévisions météorologiques.
1.59.Le « coût de l’eau » est un concept intéressant
Bien qu’il soit difficile de modéliser d’une manière universelle le coût de l’eau, ce concept est d’un grand intérêt sur le plan économique (pour inciter les exploitants à améliorer leurs performances) et sur le plan pédagogique (pour sensibiliser les maîtres d’ouvrages aux conséquences de leurs choix techniques). Sa modélisation revêt donc un grand intérêt pour les services techniques ou les bureaux d’études appelés à travailler dans ce secteur.
Faute d’une modélisation détaillée « ex ante », il est quand même possible de tenter une modélisation à partir de certains paramètres globaux, qui intègrent des variables difficiles à analyser isolément. Exemples :
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Le coût des pièces détachées pour l’entretien d’un type de moteur ou de pompe peut être évalué à partir des flux d’importation de pièces enregistrées par le représentant officiel dans le pays ; ce type d’analyse (auquel nous nous sommes livrés en Guinée et Guinée Bissau) révèle généralement des charges nettement moins fortes que celles « prévues » dans les documents de projet ;
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Le coût de l’ensemble de la maintenance est parfois plus facile à évaluer en analysant le compte d’exploitation du réparateur régional qu’en faisant des estimations à partir des listes de pièces fournies par le producteur.
1.60.De la nécessité d’une analyse des comptes d’exploitation
Le calcul du coût de production et de distribution de l’eau potable n’est pas un exercice réservé aux planificateurs fous. C’est aussi un outil de travail pour les exploitants de systèmes d’AEP ou les collectivités locales.
Heureusement pour elles, de bonnes estimations du coût de l’eau sont accessibles sans utilisations de modèles prédictifs. Ce sont celles qui sont basées sur l’analyse critique des comptes d’exploitation des centres ou des quartiers comparables, où un système de distribution d’eau fonctionne depuis plusieurs années.
En effet, le compte d’exploitation intègre tous les paramètres de l’exploitation réelle, y compris ceux qui auraient pu échapper à l’analyse prévisionnelle, parce qu’ils ne sont pas classiques.
Mais cette analyse n’est pas toujours évidente :
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De nombreux exploitants privés rechignent à afficher leurs comptes détaillés (quand ils les tiennent) , de peur que l’on révise à la baisse leurs tarifs ;
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La plupart des comités de gestion (villageois ou de quartier) ne tiennent aucune comptabilité rigoureuse ;
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Des éléments très importants du coût de l’eau (e.g. les amortissements) sont généralement absents des comptes d’exploitation présentés.
Il y a donc toujours un travail important à faire pour reconstituer un compte d’exploitation « réaliste », à partir des données comptables et en les recoupant avec d’autres sources d’information (les bordereaux d’achat de gasoil, les commandes de pièces enregistrées chez l’importateur,etc.).
De façon à permettre aux gestionnaires des systèmes d'approvisionnement en eau potable d'analyser leurs comptes d'exploitation en vue d'estimer le coût de l'eau ou de simuler l'effet de certaines décisions sur ce dernier, il nous a semblé utile de développer une application informatique susceptible de les aider dans cette tâche. Le développement de cet outil d'aide à la gestion fait l'objet de la partie suivante.
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