1/ Dosimétrie
Dans le premier chapitre de cet ouvrage, dédié à l’électromagnétisme appliqué à la dosimétrie des interactions des ondes radioélectriques avec les personnes, Joe Wiart rappelle en préambule que la dosimétrie, ou la quantification des champs et puissances induits dans les tissus, est un axe essentiel des études relatives aux interactions des champs électromagnétiques avec les personnes. Comme cela a été souligné par l'Organisation Mondiale de la Santé, et le projet EMF [917] en particulier, l'analyse des effets biologiques possibles des ondes électromagnétiques passe par la maîtrise des niveaux de champs électriques, magnétiques et les puissances induites dans les tissus. Par le passé, beaucoup d'études biomédicales ont été menées sans que les analyses dosimétriques n'aient été réalisées préalablement, aujourd'hui il est parfois difficile de tirer des conclusions de ces études. Les experts de la DGXIII [576] ont recommandé dans leur rapport que les analyses dosimétriques soient un préalable aux études in vivo et in vitro.
Les études dosimétriques sont également essentielles pour analyser la conformité aux normes et recommandations internationales des radiotéléphones et systèmes associés. La commission européenne a émis une recommandation relative à la limitation de l'exposition du public aux champs électromagnétiques (1999/519/CE)[224]. Ce document est basé sur les recommandations scientifiques [386] de la commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants (CIPRNI). Ce document définit les restrictions de base, limites de puissances absorbées par les tissus, qui garantissent une protection des personnes vis à vis des effets connus et les niveaux de références, champs électriques et magnétiques, qui assurent que les puissances induites sont inférieures aux restrictions de base. Pour le grand public et suivant ces recommandations, la puissance absorbée par le corps entier ne doit pas excéder 0,08 watts/Kg. Localement cette puissance moyennée sur 10 grammes de tissu ne doit pas dépasser 2 watts/kg. Dans le domaine de la radiotéléphonie, les niveaux de référence en champ électrique pour le grand public sont de 41,1 volts/mètre à 900 Hz et de 58 volts/mètre à 1800 MHz.
Après avoir exposé les enjeux actuels de la dosimétrie, l’auteur s'attache à poser les bases de la dosimétrie numérique et expérimentale en rappelant la structure du champ électromagnétique et le couplage entre les champs électriques et magnétiques liés par les équations de Maxwell. Sont ainsi exposées les bases de la quantification numérique et expérimentale de l'énergie dans les tissus et principalement du taux d'absorption massique (DAS) seront exposées ainsi que l'évaluation numérique et expérimentale des champs électromagnétiques.
Dans la deuxième partie, cet exposé traitera des applications de la dosimétrie dans le domaine de l'analyse des effets biologiques possibles des ondes radioélectriques. Les principes de l'accès par multiplexage temporel (TDMA), du contrôle de puissance et de la transmission discontinue, qui ont un impact important sur la puissance effectivement émise par les mobiles et relais radio, sont rappelés.
Un chapitre est consacré à la présentation d’un modèle numérique développé au CNET, comprenant 10 tissus (peau, os, liquide céphalo-rachidien, matière grise, matière blanche….) et permettant l’étude de la distribution de l’énergie dans ces différents tissus. Les caractéristiques électromagnétiques, permettivité et conductivité des tissus utilisées dans ce modèle sont celles publiées par Gabriel [289]. Dans ces conditions, pour une émission à 900 MHz avec une puissance de crête de 100 watts les simulations indiquent un DAS moyen sur 10 grammes de 1,1 watts/kg [388]. L’analyse dosimétrique montre que la tête absorbe environ 50% de la puissance émise par le radiotéléphone, la peau absorbant15%, le muscle 10%, le liquide céphalo-rachidien 5% et le cerveau 13%. L’absorption est principalement localisée dans la zone proche de l’oreille, 30% de l’énergie étant absorbée dans un cube de 5 cm de coté centré sur l’oreille interne.
Les problèmes d’évaluation des champs induits par les stations de base sont alors abordés. Les interactions des stations de base avec les personnes peuvent être analysées soit en terme de champ incident, soit en terme de champ induit dans les tissus. Cette deuxième approche, basée sur le DAS est la seule valide quand la personne est très près de l’antenne (‘champ proche’). Dans ce cas, un modèle expérimental ou numérique est à construire pour analyser les champs induits et des études sont poursuivies pour analyser et quantifier ces interactions. La première approche concernant l’analyse en champ incident est très utilisée dans la mesure où elle permet une comparaison avec les niveaux de référence des recommandations. Ce type d’approche montre que les densités surfaciques des puissances émises décroissent rapidement. Au delà de quelques mètres, les champs induits et les puissances associées sont très inférieurs aux recommandations internationales. Les antennes relais, souvent constituées de réseaux de dipôles, focalisent l’énergie dans une direction, cette dernière étant principalement rayonnée sur un axe perpendiculaire à l’antenne, sa densité surfacique étant extrêmement faible à sa verticale. Le problème métrologique est actuellement lié à la mesure sur site, les caractères multi-fréquence et multi-polarité des systèmes actuels localisés sur les même lieux interdisant l’usage de sondes de mesure intégrant directement une diode de détection. Des études sont actuellement menées autour d’antennes isotopes sélectives sur une large bande de fréquence et un traitement de signal associé.
En conclusion, l’auteur souligne que la dosimétrie des interactions des ondes radioélectriques avec les personnes et les animaux testés est essentielle pour quantifier les niveaux de DAS induits dans les tissus. Cette analyse et cette évaluation sont indispensables pour que les études in vivo, sur l’homme ou épidémiologiques puissent donner lieu à des conclusions fiables, les études dosimétriques comme les protocoles devant être parfaitement définis pour permettre, si nécessaire, la comparaison avec d’éventuelles études de réplication.
La deuxième contribution à ce chapitre consacré à la dosimétrie est due à Om P. Gandhi. Elle rapporte l’état des recherches actuelles de l’Université de l’Utah sur l’application de la dosimétrie à l’étude du couplage électromagnétique entre le corps humain et à la fois les téléphones mobiles et les stations de base. Après avoir rappelé que les recommandations internationales les plus récentes sur les émissions électromagnétiques sont exprimées en termes de DAS [388, 386, 873], l’auteur présente deux différents modèles de tête et cou humains destinés, comme dans la contribution précédente, à étudier la distribution des DAS dans le corps humain en lien avec l’exposition aux téléphones mobiles et aux stations de base [298, 668, 865]. L’auteur a principalement orienté ses travaux sur l’étude des variations de cette distribution de DAS en fonction de la fréquence émise (de 835 à 1900 MHz), la variation de la longueur de l’antenne, en incluant les antennes courtes et hélicoïdales qui sont de plus en plus utilisées à l’heure actuelle, l’angle que fait l’antenne par rapport à la tête ainsi que l’influence des variations de taille au niveau de la tête. La comparaison entre ces valeurs estimées par ce type de méthodes numériques et la mesure directe expérimentale montre un écart de moins de 20% ce qui, au niveau des valeurs mesurées, valide remarquablement, au sens de l’auteur, les modèles utilisés.
Dans une deuxième partie, cet article décrit un système de dosimétrie portable [506] permettant d’évaluer le couplage électromagnétique entre les stations de base et le corps humain en moins d’une minute, avec une précision de 5 à 10 % par rapport à l’évaluation obtenue en utilisant la méthode complète de simulation FDTD (Finite Difference Time Domain) utilisant une grille de 3 cm à 835 MHz et 1,5 cm à 1900 MHz qui nécessite plus d’une heure de temps machine sur le même ordinateur. Ce système de dosimétrie portable peut être utilisé pour définir rapidement la région spatiale en proximité des stations de base où les DASs sont supérieurs à ceux prescrits par les recommandations des instances internationales.
La troisième et dernière contribution consacrée dans cet ouvrage à la dosimétrie est due à Niels Kuster et Nicolas Chavannes, qui exposent les derniers progrès en dosimétrie expérimentale pour l’évaluation de l’exposition humaine et pour la caractérisation et l’optimisation des installations utilisées dans les expérimentations biologiques. Pour ces auteurs, la mise en évidence d’effets potentiels de champs électromagnétiques sur la santé a trop souvent été remise en question pour des raisons de description incomplète et imprécise de l’exposition et d’une dosimétrie quasi inexistante dans beaucoup d’expérimentations in-vitro et in-vivo. Un autre composante importante semble être la validité d’outils fiables pour analyser et optimiser l’exposition journalière humaine [53]. Le but du présent article est donc de faire une revue des derniers progrès en dosimétrie expérimentale, en montrant à la fois les points forts ou les faiblesses de l’application de ces outils dosimétriques pour la mesure de la répartition des champs dans le corps humain et les procédés d’exposition mis en œuvre au cours des expérimentations biologique.
Durant ces dernières années, de nombreux dispositifs basés sur des capteurs de champ “ diode-loaded ” aux performances élevées ont été décrits. Ils vont des sondes hautement spécialisées pour la mesure in vivo et in vitro de la répartition des champs [705], de la répartition de la polarisation du champ [706], etc. Des avancées majeures ont été réalisées au niveau de l’isotropie sphérique, de la résolution spatiale, de la sensibilité, de la largeur de bande, de la linéarité, de l’immunité contre les modes secondaires de réception, de la précision de la calibration, etc. [704]. Les points forts de la dosimétrie expérimentale résident essentiellement dans la validation des résultats des simulations car elle permet de mesurer précisément la répartition des champs dans les conditions réelles, non simplifiées et non modifiées. Ses points faibles se situent essentiellement au niveau de ses restrictions quand elle s’adresse à des milieux liquides ou assimilés, sa résolution spatiale limitée (supérieure à 1 mm3, son applicabilité limitée à l’intérieur de petites structures.
A l’opposé, les points forts de la plus fiable des méthodes numériques (Finite Difference Time Domain technique ou FDTD) sont principalement son applicabilité à des structures non homogènes, le fait de fournir une haute résolution spatiale, de permettre d’appréhender une complète répartition en 3D, son aptitude à l’évaluation de la sensibilité des résultats en fonction de différents paramètres (dépendance de l’absorption en fonction de l’anatomie, de la posture, des paramètres tissulaires, etc.). Dans ces conditions, le FDTD est parfaitement applicable aux taches d’optimisation aux niveaux de dispositifs d’exposition ou de systèmes d’antennes. Le plus important de ses points faibles est que les simulations électromagnétiques requièrent des simplifications de départ par rapport aux conditions véritables conditions d’exposition réelle par les divers dispositifs et que les méthodes FDTD ne permettent pas d’estimer cette incertitude de répartition en interne [117].
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