Conceptualisation et éclaircissement sur les publics concernés


Alphabétisation et lutte contre l’illettrisme (intégration et/ou insertion sociale)



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2.2. Alphabétisation et lutte contre l’illettrisme (intégration et/ou insertion sociale)


L’histoire récente de la formation linguistique de base dans le secteur social est étroitement liée à la désignation des publics dits "analphabètes" et "illettrés".

Le terme d'illettrisme, tel qu'il est usité actuellement est un néologisme créé par ATD quart-monde à la fin des années 70. Il servait à distinguer une catégorie de la population française d'une partie des travailleurs immigrés. La notion existait déjà auparavant avec un sens différent.



L'illettré, Selon le terme vieilli : la personne qui n'a pas de lettre, de culture littéraire. Les antonymes sont : "cultivés, lettrés. Personne qui n'a reçu aucune formation intellectuelle, et en particulier, qui sait à peine lire ou écrire" synonyme : ignorant. analphabète27.

Le rapport de V. Espérandieu et J.P. Benichou28 souligne un élément important concernant la culture des personnes illettrées. Autrefois, on affirmait qu’elles étaient justement privées de culture, mais, à partir de 1984 on admet qu’elles disposent d’une culture propre. Cette date correspond d’ailleurs à la prise en compte des diversités culturelles en didactique des langues.

“ Il s'agit [pour les illettrés] de quitter une culture où tant bien que mal, on a mené sa vie, où peut-être même on a réussi mieux que les autres (le fait d'avoir pris l'initiative d'entrer en formation n'est-il pas l'indice d'une "élite" ?) ” p 82.

"La lutte contre l'illettrisme qui est nécessaire ne doit pas pour autant détruire les éléments d'une culture et les pratiques sociales parfois originales des illettrés" p 44.

Ce rapport est une véritable prise de conscience vis-à-vis d’une situation sociale. Ses auteurs envisagent la personne dans sa relation à la communauté et évoquent la question de citoyenneté.

Jusque dans la fin des années 1980, les dictionnaires et autres productions encyclopédiques caractérisent encore l'illettrisme et l'analphabétisme par la même phrase, "Personne qui ne sait ni lire ni écrire". Les deux concepts cessent d'être synonymes lorsqu’on intègre la question de la scolarité.

Dès lors, les  illettrés sont considérés comme des personnes françaises qui auraient "désappris" l’usage de l’écrit, alors que les analphabètes immigrés n’auraient jamais été scolarisés. Les définitions des dictionnaires restent confuses. Ce sont les institutions spécialisées qui proposent les distinctions les plus fines.



Analphabétisme : “ Etat d'une personne qui ne sait ni lire ni écrire ; par extension, absence de tous savoir, de toute instruction ”. 1973 Trésors de la langue français,

Analphabète : "est celui qui ne sait ni lire ni écrire, alors que sa culture dispose d'une écriture : illettré".1991 Le Robert,

Illettrisme :"Etat des personnes qui ayant appris à lire et à écrire en ont complètement perdu la pratique (l'illettrisme peut résulter d'une scolarité très déficiente ou d'une marginalisation sociale précoce)”       1991 Grand Larousse Universel Paris

"Sont dits illettrés ceux qui, ayant le plus souvent appris à lire, en ont perdu la pratique au point d'être incapables de lire et d'écrire, ne le comprenant pas, un exposé simple et bref de faits en rapport avec la vie quotidienne"1990. UNESCO

Ces deux notions d’analphabétisme et d’illettrisme intègrent une multitude de considérations qui, dans la plupart des cas, relèvent de représentations sociales.

“ Les conseillers socio-économiques sont d’autant plus inquiets face à cette situation que l’illettrisme fait peser des menaces sur la cohésion sociale29 ”.

“ Les actions soutenues par le GPLI s’insèrent tout naturellement dans les opérations visant à réduire la fracture sociale 30”.

“ Les mots ne sortent plus, ce sont les coups qui font alors office de langage ” (…) “ Les jeunes qui n’ont pas les mots pour dire le monde et dont les capacités d’argumenter sont très faibles deviennent extrêmement vulnérables face à tous les discours sectaires et intégristes31

“ L’illettrisme ne mène pas tout droit en prison, mais ce handicap accompagne la délinquance et la marginalité 32”.

Ces représentations sont accentuées par l'usage d'un vocabulaire médical qui présente l'illettrisme comme une pathologie.

À l’égal du cancer ou de la poliomyélite, l'analphabétisme est bien, comme on l'a dit, un fléau social. Dictionnaire de politique de Malignon Jean : ED. CUJAS 1967 (460 p),

“ Handicapés du monde moderne : les Nouveaux illettrés ” Claude Bonjean, Le Point, n 394, du 7-13 avril 1980.

“ Rien n’est plus grave, non seulement pour ces handicapés de l’esprit, mais pour la nation tout entière ”. (L’illettrisme de A à Z… ”, Le Figaro, 22 juillet 1988).

“ Il [l’illettrisme] témoigne d’un blocage individuel, d’une accumulation de handicaps culturels et sociaux, qui rendent de plus en plus difficile l’exercice par ceux qui en souffrent de leurs droits civiques et sociaux. ( …) Nous devons redoubler d’efforts contre ce fléau ”.

“ Ce que nous appelons illettrisme traduit une fracture du corps social 33

Lorsque les définitions donnent une image dépréciative des personnes concernées, il s'ensuit des présupposés probables quant à la “ non-maîtrise ” de l'illettré sur sa vie, à la non-structuration de sa pensée.

Les acceptions ont évolué en même temps que les politiques linguistiques. Certaines définitions catégorisent les groupes sociaux selon les situations qu'ils peuvent avoir en commun. On différencie, par exemple, les habitants des pays développés de ceux des pays en voie de développement.

" Néologisme forgé de toutes pièces par le mouvement ATD quart-monde pour suggérer que l'innovation et l'expérimentation sont nécessaires et que la situation de l'illettré au pied de l'échelle sociale, dans un pays industrialisé, n'a qu'un lointain rapport avec celle d'un analphabète d'un pays en voie de développement." Les actes de lectures, 1985, n°11, 37 p.

Une nouvelle distinction se fait à l'intérieur des pays industrialisés entre les migrants et les nouveaux lettrés.



" Nous savons que la difficulté majeure de l'alphabétisation des travailleurs étrangers en France réside essentiellement dans la diversité d'origine des individus auxquels elle s'adresse. Car c'est de cette pluralité, non pas de races, mais de cultures, non pas de pays mais de langues, non pas d'aptitudes, mais de niveaux d'instruction, que découlent tous les obstacles dont le plus important est l'absence d'un langage commun à tous. On alphabétise dans une langue qui n'est pas la langue maternelle34".

L'apparition des illettrés français est vraisemblablement liée aux exigences sans cesse accrues qu'imposent les sociétés industrialisées en matière de communication.

"Ils sont issus des milieux sous-prolétaires, (...) ils sont aussi ceux dont les revenus sont les plus faibles, l'habitat le plus médiocre, l'espérance de vie la plus basse. Pour eux, l'illettrisme est intimement lié à l'extrême pauvreté 35".

Le groupe d'appartenance des personnes est désigné comme le lieu revélateur d'une carence dès lors que la personne ne peut y participer.



"Un alphabète est une personne qui a acquis les connaissances et compétences indispensables à l'exercice de toutes les activités où l'alphabétisation est nécessaire pour jouer efficacement un rôle dans son groupe ou sa communauté, et dont les résultats atteints en lecture, en écriture et en arithmétique sont tels qu'ils lui permettent de continuer à mettre ses aptitudes au service de son développement propre et du développement de la communauté et de participer activement à la vie de son pays". 1962 UNESCO

Une personne est fonctionnellement analphabète lorsqu'elle est incapable d'exercer toutes les activités pour lesquelles l'alphabétisation est nécessaire dans l'intérêt du bon fonctionnement de son groupe et de sa communauté, et aussi pour lui permettre de continuer à lire à écrire et à calculer en vue de son propre développement et celui de la communauté. Unesco (1978). Cette définition est reprise par le BIE en 1990.

L'Unesco en tant qu'organisme international ne peut que relativiser l'alphabétisation, étant donnée la multitude de situations possibles. La distinction entre “ complètement analphabète ” et “ fonctionnellement analphabète ” se situe surtout au niveau du rapport à son groupe.

On le voit, au sein d'une même organisation, les définitions ont évolué avec le temps, elles touchent désormais aux codes des relations sociales (la démocratie, la citoyenneté, l'accès à l'emploi, l'épanouissement, la dignité...).

Le point de vue des experts porte sur les conséquences que les carences cognitives peuvent entraîner sur la place de l'individu dans la société. Le dictionnaire actuel de l'éducation, réunit dans sa définition les aspects cognitifs et sociaux. L'autonomie vis-à-vis de la vie quotidienne apparaît comme un facteur important.

Alphabétisation : "lutte contre l'analphabétisme de façon à favoriser l'autonomie des sociétés par la participation efficiente des citoyens à la vie économique et culturelle. C'est également la capacité de lire et écrire en comprenant ce dont il est question, d'effectuer des calculs arithmétiques simples, compétences cognitives de base permettant à l'intéressé d'obtenir des informations surtout écrites et de les organiser pour leur donner un sens. Alphabétisation médiatique, scientifique, informatique". Le dictionnaire actuel de l'éducation EXCA de1993 Paris 2e édition Guérin Exca Renald Legendre Québec

Analphabète (Functional) Illiterate, (gén.) (n.) Personne adulte n'ayant acquis aucune compétence linguistique appropriée ou disposant de compétences insuffisantes pour fonctionner de manière autonome dans une société.(Adj.) Qui ne dispose pas des compétences linguistiques nécessaires pour évoluer normalement et participer utilement au sein d'une société. Personne ne sachant ni lire ni écrire suffisamment sa langue maternelle ou la langue de son pays d'adoption pour faire face aux exigences de la vie adulte CTEQ rec. (02.83). Personne adulte chez qui le degré de connaissance du code écrit de la langue est nul ou faible, l'empêchant de fonctionner de façon autonome dans les activités quotidiennes, que ce soit pour remplir un formulaire, les affiches, diriger sa correspondance, ou se choisir un emploi sans avoir à user de stratégies pour cacher qu'elle ne sait ni lire ni écrire" POTVIN, J. (1987) 1993 Le dictionnaire actuel de l'éducation EXCA

Désormais, la notion d’appartenance à un groupe et de participation au “ bon fonctionnement de sa communauté ” tend à disparaître au profit de la centration sur l'individu.

“ L’analphabétisme condamne à un statut de mineur. En ayant le courage d’apprendre à lire et à écrire, Hanna avait franchi le pas vers la majorité et l’autonomie, dans une démarche d’émancipation 36

“ Il s’agit de favoriser l’épanouissement des individus, leur capacité d’intervention dans l’ensemble des pratiques sociales et l’appropriation critique du patrimoine culturel ” Maurice Caron Illettrisme, alphabétisation 37”,

Les critères les plus constants concernant l’analphabétisme et l’illettrisme portent sur les « carences de l’individu ». Il s’agit, au départ, de carences en termes de culture et de compétence écrite.

Les premières définitions de l'Unesco présentent l'analphabétisme en rapport à la vie quotidienne.



Analphabète : "Personne capable de lire et écrire, en le comprenant, un exposé simple et bref de faits en rapport avec la vie quotidienne". 1951. Comité d'experts de l'Unesco

Cette explication est la base de la plupart des définitions actuelles, elle pose le problème du fonctionnement de l'individu dans sa vie. L'environnement quotidien étant en constante mutation, de nouvelles compétences sont devenues, au cours du temps, indispensables à la vie en société. Les définitions s’étendent aujourd’hui à l’utilisation des "savoirs de base". L’Insee, à partir de 1989, considère que les interrogations sur le “ savoir lire ” et le “ savoir écrire ” ne suffisent plus. Il faut aussi être capable de s’exprimer et de comprendre et d’utiliser la langue dans la vie courante38. Marcelline Bodier et Christine Cahmbaz dans leur article sur La difficile maîtrise de la langue français in INSEE Première n°385 de juin 95 nous donnent des précisions sur les définitions dans un chapitre intitulé "L’illettrisme, concepts et mesure".

“ Ne pas savoir signer son nom suffisait hier à symboliser l’illettrisme. Cela n’aurait plus de sens aujourd’hui (…) Ainsi il est toujours difficile de comparer les résultats donnés par le même indicateur d’illettrisme d’une période sur une autre.  S’il faut se référer à une définition de l’illettrisme pourtant, ce peut être celle de l’UNESCO, notion fonctionnelle qui mesure non seulement les incapacités à lire, écrire, voire compter, mais aussi les incapacités à utiliser d’éventuelles connaissances pour communiquer dans les relations sociales, voire professionnelles.

Dans les années 90, on voit apparaître la nécessité de maîtriser la langue orale et plus largement les savoirs de base.



Si à l'origine le terme "illettré" recouvrait seulement les aspects rattachés à l'écrit, en 1994, un illettré est toute personne "incapable de communiquer efficacement à l'oral et à l'écrit" GPLI, 1994

"Il faut entendre par illettrisme une maîtrise insuffisante des savoirs de base, constitués de l'ensemble des compétences et des connaissances permettant dans différents contextes (familial, social, professionnel, culturel...) GPLI 1991.

1. De communiquer avec autrui et son environnement par le langage oral (émis et reçu), la lecture, la production d'écrits.

2. D'utiliser les outils mathématiques permettant de compter et de mesurer, d'utiliser les opérations d'addition, soustraction, multiplication et division en comparant le sens, d'envisager les relations de quantités entre elles : fractions, proportions, pourcentages.

3. De se repérer dans le temps dans le temps subjectif (se situer par rapport à sa propre histoire, à celle de sa famille, de son groupe social, de son pays, de sa culture, dans le temps objectif (lire l'heure, calculer une durée, comprendre les rapports entre les différentes unités de temps : seconde, jour, mois, semestre, année, siècle...).

4. De se repérer dans l'espace : situer la droite, la gauche, la droite de l'un qui est la gauche de l'autre quand ils sont face à face..., imaginer les faces cachées d'un volume, considérer un objet de face, de profil, de 3/4, de dessus..., lire un plan, des cotes, s'orienter sur une carte...".

"L'alphabétisme est un phénomène culturel qui englobe aussi bien l'informatique, le calcul mental ou l'instruction civique39"

La synthèse en termes de compétence de base nous est donnée dans la définition suivante :



"En fait, alphabétiser, c'est bien avant l'accès au niveau VI de l'Education nationale, permettre une adaptation harmonieuse de l'homme à son environnement social, professionnel, administratif, afin qu'il puisse se l'approprier, l'interpréter à son tour en vue de l'acquisition d'une totale autonomie et de nouvelles compétences." GPLI 1994

La relativité des savoirs de base apparaît alors comme une évidence. On admet qu’il existe des compétences partielles.



"L'illettrisme, c'est la caractéristique de celui qui n'a intégré que partiellement le mode d'emploi des signes (mots, lettres, chiffres...), des pratiques sociales obligées. (…) Il utilise des modes d'expression très spécifiques : ceux-ci ont pour effet de réduire la communication entre les membres de son groupe ou avec d'autres groupes40".

L’analphabétisme et l’illettrisme à la différence du FLE/FLS sont considérés comme marqueurs de sous-développement. Par conséquent, il n’est pas possible d’utiliser ces termes de manière opératoire en pédagogie sans en avoir considéré la dimension sociale et politique.

Selon Abdel Malek Sayad41, en moins de trois décennies, on a assisté à l'invention presque radicale de cet objet social qu'est l'illettrisme, à sa constitution et son institutionnalisation, et en fin de compte, au traitement social qu'on tente de lui apporter. Le phénomène coïncide tout à fait avec l'apparition du problème social, c'est donc un objet social, mais il est non identifié parce qu'on a peine à lui donner un contenu identifiable.

L’illettrisme et l’analphabétisme ont ceci de commun qu’ils supportent tous les deux l’idée qu’ils sont un poids pour la société, un poids économique, qu’ils donnent mauvaise conscience. La lecture et l’écriture sont des facteurs d’exclusion dans le monde contemporain.

En effet, ne pas maîtriser l'écrit n'est pas discriminant en soi, c'est dans notre société française d'aujourd'hui, comme dans l'ensemble des sociétés industrialisées, que cela le devient.

"L'analphabétisme n'est pas un problème qui touche des catégories restreintes ou marginales de la population, mais une question fondamentale qui détermine les compétences de la main-d’œuvre42" OCDE 1992

“ Dans le domaine macro-économique, l'analyse d'un échantillon de pays en développement a montré que les progrès de l'alphabétisation contribuent à augmenter l'investissement et la production par travailleur.

On a constaté également que l'allongement de l'espérance de vie et la réduction de la mortalité maternelle et infantile sont corrélés non seulement avec la nutrition et le revenu mais aussi avec l'alphabétisation.

“ Des différences, entre les pays dans les modalités générales de l'investissement éducatif, en particulier au niveau de base, permettent d'expliquer les différences dans les taux nationaux de croissance économique et autres indicateurs du développement" CMEPT 1990 43

Ces extraits montrent clairement l'impact que peut avoir l'alphabétisation sur le développement d'un pays et inversement. Le développement politique, économique et social a entraîné la naissance d'un droit à l'instruction. Les organisations militantes que sont les AEFTI évoquent le "droit à la langue" (cf. Chapitre VII).

Le droit d'apprendre est d'ailleurs repris dans une brochure de l'IUE éditée en 1996 à Hambourg.

“ Le droit de lire et d'écrire, de questionner et de réfléchir, à l'imagination et à la création, le droit de lire son milieu et d'écrire l'histoire, le droit d'accéder aux ressources éducatives, le droit de développer ses compétences individuelles et collectives 44”.  

Il s’agit de donner à tous les mêmes droits. Le rôle de l’Unesco est d’assurer, en collaboration avec les nations le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Or, les analphabètes sont exclus des principaux débats de la société. Ils ne peuvent accéder à la maîtrise de l’écrit en tant que tel et le pouvoir qu’il représente. Ainsi, par exemple dans sa fonction juridique, il est le garant de normes et de règles. Les personnes privées de la compétence écrite ne peuvent pas non plus aborder la diversité des écrits démocratiques, notamment ceux qui permettent de diffuser les idées, de participer à la production, et d’intervenir dans l’entreprise et dans la culture. Par conséquent, l’accès à l’écrit induit l’accès à l’autonomie et à la liberté.

Dans un article publié dans le journal "La Gacera de Salamanca", le Directeur général de l'UNESCO, Monsieur Fédérico Mayor Zaragoza, s'exprimait ainsi :

"Tous les pays, développés ou en développement, comprennent l'importance vitale de compter sur une population instruite. Par "instruite", j'entends non seulement qui sache lire, écrire et exprimer sa volonté, mais aussi qui soit imprégnée des valeurs de tolérance, de respect et de compréhension qui sont le fondement de la paix et de la coopération entre les nations".

“ L'alphabétisation a été reconnue comme activité prioritaire d'un peuple qui accède à la liberté45 ”.

“ L'alphabétisation mobilise les énergies en vue de bâtir la nation : elle transforme le milieu, élève la productivité des travailleurs, favorise la scolarisation des enfants. Elle est le gage d'une participation réelle des hommes à l'édification de leur propre destin46 ”.

“ Le non-accès aux apprentissages fondamentaux, l’illettrisme constituent des atteintes intolérables aux Droits de l’homme 47”.

“ Vouloir la démocratie c’est vouloir que le plus grand nombre puisse maîtriser l’écrit, comme utilisateur et comme producteur48”. 

“ Un citoyen est un homme qui sait lire ” Le Dauphiné libéré, 14 novembre 1984.

“ La lutte contre l’illettrisme est ainsi un devoir de solidarité et un enjeu pour l’avenir ” La lettre de Jacques Chirac, Premier Ministre à François Bayrou, 23 octobre 1987.

“ Plus une démocratie est faible, moins elle produit de lisants et d’écrivants ” Illettrisme : ne pas tomber dans le panneau de la théorie. L’Union du dimanche, 9 septembre 1990

“ L’illettrisme fait partie de ces injustices qui compromettent les idéaux républicains d’égalité49 ”

L’accès au code écrit prétend permettre l’autonomie des individus, leur maîtrise sur la pensée et donc sur le monde. Paolo Freire conçoit également l'éducation comme une pratique de la liberté. C’est un acte de connaissance, une approche critique de la réalité. La conscientisation vise toujours l'action qui libère la pensée. 50

"L'analphabète devient capable de jugement critique lorsqu'il découvre sa temporalité, lorsque son esprit jusque-là unidimensionnel reconnaît le présent et prévoit l'avenir" 51

Ainsi, la conscientisation par l'alphabétisation permet-t-elle à l'individu de prendre conscience du monde qui l'entoure et donc de le transformer. La lutte contre l’illettrisme et l’analphabétisme sont le fruit de la conscience politique et sociale.

La notion « d’illettrisme » en France, n’a pas réellement d’équivalent dans d’autres pays. On lui préfère le terme « d’analphabétisme fonctionnel » pour désigner des difficultés rencontrées par tout le monde et pas seulement par les nationaux.

" On appelle analphabètes fonctionnels (ou illettrés). Les individus dont le niveau d'habilité en lecture et en écriture est insuffisant pour résoudre les problèmes pratiques de la vie quotidienne : lire un mode d'emploi courant, remplir un formulaire simple, etc".1991 Le dictionnaire psychologie P.U.F

Il n'existe pas, en français, de mot qui puisse être considéré comme le pendant positif de "l'illettrisme". En effet, le "lettrisme" est un courant littéraire et si "lettré" désignait autrefois quelqu'un qui a des lettres, de la culture, le terme est actuellement désuet.

Certains auteurs préfèrent utiliser le mot anglais Literacy qui a l'avantage d'évoquer un corpus de savoirs multidisciplinaires. L’OCDE utilise le terme “ Littératie (ou littéracie) ” définit comme la façon dont les adultes utilisent l’information pour fonctionner dans la société. La litteratie, literacy vise plus spécifiquement l'activité cognitive permettant l'abstraction, la conceptualisation à travers l'écriture.

Le terme français désigne l'apprentissage non pas en termes de lutte, mais d'accompagnement. Ainsi, à partir de compétences orales, on va vers l'écrit, l'accès à la littératie use d'un modèle théorique d'une linguistique hétérogène d'interaction de l'ethnométhodologie, elle vise la participation active de l'apprenant. L'objet d'apprentissage devient la compétence de communication, dont la maîtrise de variantes orales. L'apprenant est le co-acteur d'une formation qui fait l'objet d'un contrat avec le formateur, lui-même a un rôle de médiateur.



"Littératie : Processus d'apprentissage du code de la langue écrite de façon à assimiler les instruments d'acquisition de la culture, ainsi qu'à intégrer les rudiments techniques qu'exige une société industrialisée et informatisée, en vue d'une prise en charge individuelle et collective de ces adultes marginalisés par l'ignorance et la dépendance” POTVIN J. 1987 V. in EXCA 1993.

La lutte contre l’illettrisme bénéficie généralement de plus d’attention que l'alphabétisation. Elle est érigée en "priorité nationale". Ceci, depuis la loi d’orientation de lutte contre l’exclusion, promulguée en 1998. En 2002, le Président de la République et son Premier Ministre en ont également proclamé la priorité. Cette prise de position est bien tardive par rapport à la prise de conscience internationale amorcée bien avant 1990 (année internationale de l’alphabétisation). Aujourd’hui, 862 millions de personnes, sur notre planète n’ont pas le privilège de savoir lire et écrire52.

L’INSEE considère comme « illettrées » les personnes qui ont des difficultés d’expression et de compréhension dans la vie courante. Cette conception englobe tout autant les publics relevant du FLE que les publics analphabètes ou illettrés. C’est en partie, la raison pour laquelle les chiffres qui évoquent le taux d’illettrisme en France peuvent varier de 2 300 000 (Insee in AFP mondiales 24.7.1995) à 6 000 000 (Télérama 7.7.1995) à 3 millions de Français (Les Echo 26 décembre 2001). Les statistiques sur les niveaux d'éducation et d'analphabétisme proviennent le plus souvent de recensements ou d'enquêtes par sondage. Les niveaux de sortie du système scolaire sont un autre élément de mesure indirecte. En 1999-2000, 58 000 jeunes sont sortis sans qualification, avec un niveau VI ou V bis. Seuls 57,2 % des élèves de 6° maîtrisent les outils de la langue écrite53. Les chiffres peuvent également provenir d'investigations auprès de groupes particuliers de la population comme les appelés du contingent. Depuis 2000, tous les jeunes de 17 ans sont convoqués à la Journée d’Appel et de Préparation à la Défense (JAPD)54. On mesure leur compétence à l’écrit à l’aide d’outils conçus respectivement par le ministère de l’éducation nationale, la direction du service national et l’université de Paris V (Bentolila). En 2001-2002, près de 650 000 jeunes ont passé les épreuves. 88% d’entre eux ne présentent pas de difficultés particulières en lecture. 12 % éprouvent en revanche, des difficultés plus ou moins importantes pour accomplir les lectures nécessaires à leur vie quotidienne et 6% sont dans une situation pouvant déboucher sur l’illettrisme55.

S'agissant des recensements, ces données résultent généralement d'une question posée en termes réducteurs, puisqu’on demande aux personnes concernées si elles savent lire et écrire. Cette procédure repose sur l'auto évaluation. La représentation sociale de l'analphabétisme et/ou de l'illettrisme étant connotée négativement, on peut penser que les réponses sont biaisées dès le départ.

L’organisation des formations linguistiques reflète elle aussi, la complexité de la situation et des choix politiques. L’approche conceptuelle des autres secteurs d’enseignement du français le confirme.


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