Documents de l’educateur 172-173-174 Supplément au n°10 du 15 mars 1983 ah ! Vous ecrivez ensemble ! Prat ique d’une écriture collective Théor



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TECHNIQUES DIVERSES
Nous venons d'examiner successivement les quatre techniques d'une possible seconde séance. Nous allons les reprendre une par une pour nous intéresser aux familles auxquelles elles appartiennent.
Les départs
A propos du « Ce que vous voulez » on peut poser, dès maintenant, et de façon très élargie, le problème des départs. Je n'hésite pas à traiter la question dans son ensemble pour ne plus avoir à y revenir. En fait, elle pourrait se résumer en une seule formule : « l'essentiel, c'est de partir ». A condition, évidemment qu'on ne l'applique qu'à partir de la seconde séance, c'est-à-dire quand on a réussi à franchir le premier pas qui est le plus difficile. A ce moment, on n'a plus à s'inquiéter : les participants sont prêts à tout accepter, même une animation directive qu'ils ne savent pas provisoire. Que dis-je: accepter ! Oh ! non, la plupart du temps, ils demandent intensément qu'on continue à les diriger. Sans cela, ils sont malheureux comme des enfants perdus.
Bon, puisqu'il en est ainsi, acceptons provisoirement la situation. Elle présente d'ailleurs quelques avantages. L'animateur va pouvoir librement conduire sa troupe à la découverte de sa propre liberté qui de ce fait sera plus vite atteinte.
Donc, pour démarrer, on peut tout se permettre et même le « Ce que vous voulez ». Je reviens à cette technique parce qu'elle témoigne vraiment de la confiance qu'on peut faire au développement spontané du groupe. Voici, par exemple, ce que j'ai pu trouver « en première ligne » de certaines feuilles
« Les hirondelles verticales gravitent le matin »

« Maintenant, je suis prête à ne pas faire grand'chose durant un moment, de façon à me réveiller progressivement. Peu à peu ça ira mieux ».

« Quand j'étais chez mon père liberté, apprenti de moi-même. »

« J'ai pas d'essence et elle a encore augmenté cette nuit »

« Le malheur immense, qu'y faire ? Toutes ces familles accrochées aux êtres comme mille mains qui emprisonnent et enserrent ».



« Le jaune guette le bleu, mais désire l'orange »,

« On m'a piqué ma boîte à lettres ».
Peut-on imaginer plus grande diversité de départs :il y a des notations poétiques, des incitations à poursuivre, des références à l'actualité la plus apte ou des réflexions engagées.
A partir de ce premier pas, quelle direction va prendre le groupe ? On ne peut le prévoir ; tout est possible. Personne ne peut d'ailleurs maîtriser la chose. En effet, chacun a écrit sa première ligne dans un certain état d'esprit. Et voici qu'il reçoit de son voisin de gauche une ligne d'une tonalité différente. Va-t-il en tenir compte ou bien va-t-il continuer sur sa lancée ? Guère le temps de réfléchir car une troisième, une quatrième, toutes les feuilles arrivent. Et il faut vraiment que l'idée initiale soit fortement accrochée pour résister à une telle avalanche. Il faut même qu'elle soit quasi-obsessionnelle. En général, on se trouve déconcerté par ce chaos en cours de constitution. Toutes les tendances individuelles se diluent, s'amalgament, s'entrechoquent... Soudain, un ordre commence à se faire jour dans ce désordre. Trois ou quatre tendances plus fortes semblent pouvoir émerger. Mais, bousculées par les autres, elles retombent dans le magma confusionnel. Et puis, victorieuse, voilà qu'une tendance établit provisoirement son pouvoir. Et c'est à cette île-là que le groupe va d'abord aborder. Va-t-il y rester définitivement ? Rien n'est moins sûr. Il se peut qu'il choisisse de visiter tout l'archipel... ou de reprendre son errance.
Il convient de bien saisir l'état de liberté dans lequel chacun va se trouver placé. Tout lui est possible : au début il peut émettre ce qu'il veut, comme il le veut, dans une nonchalance, une indifférence extrême. Et sans se soucier aucunement de la forme ou du fond. Il peut se satisfaire de cette première expulsion et se trouver ainsi disponible pour emboîter d'autres pas. Ou bien il s'accroche à sa première idée. Il peut y renoncer puis y revenir et voir une partie du groupe se ranger derrière sa bannière... Qu'il lâche parce que la bannière d'un autre lui semble plus attirante... Personne ne peut imposer sa volonté dans une direction d'expression. Mais personne n'en a, non plus, la responsabilité. On peut dire absolument n'importe quoi sans courir aucun risque de s'en trouver culpabilisé. Et on a à découvrir que cette situation est merveilleuse à vivre. Car dans notre société qui nous tend toujours vers un point de l'avenir, c'est un plaisir sans prix de découvrir qu'on peut se laisser aller ainsi à vivre son moment, tel qu'il se présente, sans nul compte à rendre, en extrême irresponsabilité. Et sans jamais avoir à payer ce plaisir !
Je me suis permis d'insister sur ce travail en totale ouverture parce que c'est la dimension essentielle de toute notre aventure d'écriture ; c'est le parfum majeur de notre gerbe de bonheurs.
On peut même prendre des libertés avec la consigne de ne pas écrire les mots « n'importe » et « quoi ».
« Pas n'importe et quoi mais quelque chose de si petit que même les enfants ne pourraient s'apercevoir de son approche, un soupçon de présence au creux de la nature, une vibration à peine perceptible de l'air, quelque chose de si musical qu'on dirait la mer venant caresser les rochers orgueilleux et imperturbables, mais faibles au fond d'eux-mêmes. Mais les cellules viscérales de ma tête éclatent de vie. Je ne veux pas être étouffé par les morsures de ces rochers. Alors, deviens voyage et dispersion, mutation à peine sensible de l'air. Pas n'importe quoi mais quelque chose de si infini qu'il est plus fort que tous vos discours, vos défilés et le 14 juillet. C'est ça la lente montée des troupes » ?
Ainsi, on s'acheminait vers une unité poétique du texte. Mais, dans ce groupe, il y avait un rupteur. Et sa dernière phrase a provoqué un éclat de rire. C'est donc qu'on était prêt à cela. On voit comment ça évolue : par tentacules rampants et tâtonnants. Et soudain, l'un d'eux s'agrippe à un caillou quelconque. Et tout le corps du poulpe se déplace alors dans une même direction. En attendant qu'un autre bras reparte en exploration.
Avec même départ, une autre fois, dans ce groupe ou dans un autre, on aurait pu avoir :
« Pas n'importe quoi ? Et quoi ? Mais alors quoi ? Quand ? Peu m'importe. N’importe quoi. Porte et narquois. Cupidon portait un carquois. Il m'a blessé dimanche. Ah ! oui, il faut que je vous raconte cela...
Ou bien
« Pas n'importe quoi. N’importe quand. Quelqu'un passait devant ma porte à Caen. Pas n'importe qui. C'était lui. Je ne l'avais pas encore rencontré. Y s'est approché de moi et il m'a dit:.. »
Mais le « ce que vous voulez » peut servir à autre chose. Je l'ai vérifié assez récemment. En effet, depuis un certain temps, j'anime de plus en plus de groupes de travailleurs qui se trouvent parachutés dans des stages d'expression orale et écrite, on ne sait par quel miracle.
Cette semaine, j'étais avec des employés de commerce. J'ai souffert pendant huit heures pour essayer de les décoller de leur camouflage de parole. Et au début de la quatrième séance, un peu désemparé et au bord du renoncement, j'ai proposé à tout hasard, cette technique du « vous écrivez ce que vous voulez » qui devait enfin me permettre de savoir ce que désirait profondément le groupe. Mais avant la lecture des feuilles, j'ai su que c'était gagné car ils écrivaient avec le sourire. Et un velours de liberté s'était enfin posé sur leur visage. Ils ne se creusaient plus la cervelle pour essayer de deviner ce qu'il fallait écrire pour plaire au professeur. Ils avaient enfin compris qu'il ne fallait pas chercher à être de bons élèves bien obéissants. Ils avaient découvert que c'était leur propre parole qui pouvait le plus plaire au professeur. Alors ils ont osé écrire ce qui leur venait vraiment à l'esprit. Et le stage a enfin basculé. Voici trois extraits de leur production.

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