Annexe 4
Stratégie de fusion de données de CND-END
pour l’évaluation de l’état de santé des infrastructures en béton
Objectif :
Lever le verrou scientifique et technique de la fusion de données appliquée aux contraintes d’auscultation des structures en béton armé du Génie Civil.
Problématique :
La démarche de fusion de données sur des ouvrages de grandes dimensions auscultées avec des techniques aux principes physiques très variés est devenue une réelle nécessité dans le cadre du Génie Civil face aux informations de plus en plus nombreuses issues des techniques non destructives en développement. Il faut réaliser une avancée décisive sur l’application de la fusion de données comme un outil d’aide à la décision dans le cadre de la gestion durable du patrimoine.
Intérêt :
La fusion de données a un triple but : améliorer la performance d'un système malgré les limitations physiques des techniques, utiliser des données provenant de plusieurs sources et maîtriser la démarche expérimentale générale.
Elle permet de tirer partie de la redondance des informations, ou de leur complémentarité, lorsque plusieurs capteurs observent cette même information. Elle permet aussi de présenter l'information lorsque les observations sont contradictoires. Il s'agit de gérer l'incertain par exemple pour prendre une décision entre un petit défaut ou une fausse alarme ou donner l’incompatibilité en terme de complémentarité entre différentes données.
Il est important de maîtriser et de chiffrer à la base la confiance donnée à l'information. Il faut donc s’appuyer sur les compétences des experts des techniques pour analyser objectivement les données que l’on peut extraire des essais et d’établir leur fiabilité.
Technique de fusion :
Une des techniques possibles de fusion de données multi-sources est celle fondée sur la théorie de Dempster-Shaffer (DS). Elle reprend des éléments de la théorie bayésienne (confiance attribuée aux informations) et la théorie des ensembles flous. La méthode de DS peut être utilisée pour fusionner des données d’un nombre illimité de sources. Le plus souvent ces données sont des objets extraits des images ou des signaux grâce à des opérations de traitement de l’information. Il est aussi envisageable d’introduire d’autres éléments qui améliorent la connaissance de la fiabilité de l’information comme l’environnement extérieur à la manipulation (température, hydrométrie, type d’appareil de mesure, etc..).
La méthode de DS nécessite la définition d'un cadre de discernement composé ici de trois hypothèses H1 (présence d'une variable), H2 (pas de variable) et H3 (ignorance), une représentation des informations issues de chaque source doit être effectuée sous forme de jeux de masses qui traduisent la part de croyance en chacune des hypothèses. Les variables peuvent être l’endommagement, la teneur en eau, la porosité. La combinaison des parts de croyance est effectuée suivant la règle de Dempster appelée sommation orthogonale. La prise de décision constitue la phase ultime de la fusion. Elle doit se concrétiser par un choix de l'hypothèse à laquelle appartient l'objet. Le critère le plus souvent employé est le maximum a posteriori, qui consiste à retenir l'hypothèse qui possède le jeu de masses le plus grand.
L’expérience acquise par le LCND, entre autres, dans des travaux antérieurs (voir références en Annexe 1) a montré que la fusion permettait d'augmenter notablement la qualité de l’information sur chaque hypothèse. Elle conduit à une réduction de la part d'ignorance et permet parfois un reclassement de l'objet dans l'une des deux autres hypothèses du cadre de discernement. Les résultats ont également montré la sensibilité du système aux paramètres de la méthode et à la précision du recalage des données.
Démarche :
Le travail doit permettre de mettre en place une démarche générale qui pourra ensuite être utilisée à chaque fois qu’une évaluation doit faire appel à des informations issues de plusieurs sources. Cette démarche comporte :
1) la définition d’un référentiel géométrique commun applicable aux infrastructures et aux techniques envisagées :
le référentiel doit permettre de gérer les changements d’échelles. Le référentiel peut être matérialisé par des éléments extérieurs positionnés sur l’ouvrage avant les mesures.
2) le choix et la formalisation de la méthode de fusion de données selon la décision à prendre. Identifier les paramètres significatifs de la mesure (vitesse, atténuation, fréquence, phase, ddp, image,…) et travailler à leur interprétation physique. Le choix d'un paramètre n'est pas suffisant car il faut de plus correctement définir les valeurs seuils (domaine de certitude, d’incertitude et d’ignorance) associées à ce paramètre afin qu'il permette effectivement d'influencer la décision finale. Il faudra sélectionner efficacement les ensembles paramètres / valeurs seuils les plus efficaces (exemple rapport signal sur bruit sur un défaut en US). Il s’agit également de quantifier la confiance accordée à l’information, au système de mesure, aux conditions extérieures, à l’opérateur.
3) le développement d’une base de données permettant d’alimenter et de régler les méthodes de fusion de données qui se basent toutes sur les connaissances « a priori » développées au point 2.
Réaliser la fusion des données. La comparaison avec d'autres algorithmes de fusion ou de prise de décision (réseaux de neurones, système expert) pourra être envisagée selon les résultats obtenus.
Il est important de définir les paramètres mesurés associés aux éprouvettes et aux techniques le plus rapidement possible afin de développer la campagne de production d’éprouvettes et d’essais dans un délai admissible.
Les « a priori » identifiés dans la phase intitiale du projet peuvent évoluer après la campagne d’essais en terme de valeur et de confiance mais sans évoluer dans leur forme.
Annexe 5
Cadre général pour une réflexion prospective sur une
« Gestion durable du patrimoine »
La problématique de l’auscultation, du diagnostic et de la gestion des ouvrages souffre du fait que les différents acteurs impliqués dans l’ensemble de la chaîne (acquisition des informations, traduction et valorisation de ces informations, décision) ne parlent pas le même langage et ne poursuivent pas les mêmes objectifs, ni en nature, ni en termes d’échéance temporelle.
Les acteurs de l’auscultation, de l’instrumentation (chercheurs ou praticiens) souhaitent disposer de techniques efficaces pour détecter, qualifier et quantifier l’état des matériaux et leurs défauts.
L’expert, en appui technique du maître d’ouvrage, qui doit définir les stratégies d’instrumentation et d’auscultation d’une part et fournir un diagnostic d’autre part, souhaite disposer de données et de procédures efficaces pour établir un diagnostic fiable de l’ouvrage.
Le maître d’ouvrage doit s’assurer que l’ouvrage remplit ses fonctions au meilleur coût, dans le cadre d’exploitation prévu. Il souhaite disposer d’éléments fiables lui permettant de prendre des décisions relatives à l’entretien et à la maintenance, voire au renforcement de l’ouvrage.
Les premiers sont dans une logique de MESURE, les seconds dans une logique d’EVALUATION, les troisièmes dans une logique de DECISION. Dans chacun des cas, la contribution d’un programme coopératif de recherche peut être significative.
Identification des enjeux :
- enjeux en termes de gestion-maintenance (enjeux pour le gestionnaire de l’ouvrage).
Ces enjeux ne s’expriment pas en termes de diagnostic du matériau mais de performances de l’ouvrage, comme ceux qui consistent à :
-
estimer la capacité de l’ouvrage à assurer une fonction à l’instant T (par exemple aptitude à supporter un chargement exceptionnel),
-
estimer la durée de service résiduelle d’un ouvrage existant (durabilité), ou les risques attachés à son maintien en service (fiabilité).
Ces enjeux varient notablement selon le maître d’ouvrage, ses objectifs de sécurité/fiabilité/disponibilité, ses moyens financiers et la nature des ouvrages dont il assure la gestion. Plus largement, il s’agit en général pour le maître d’ouvrage d’assurer une allocation optimale des ressources avec un horizon temporel de gestion et avec des contraintes (budget disponible – exigences de performances minimales).
- sur le plan scientifique, satisfaire à ces objectifs requiert de disposer de modèles (schémas interprétatifs) et de données/mesures permettant d’alimenter ces modèles.
La mesure et l’évaluation doivent être perçues dans cette logique utilitariste. Elles sont d’autant plus utiles qu’elles permettent d’être efficace dans la logique de gestion (réduction des incertitudes sur les décisions, réduction des coûts, réduction des risques…). Ce constat n’est pas incompatible avec l’identification d’enjeux scientifiques portant par exemple sur le développement de techniques, de procédures d’acquisition, de formalisation et d’exploitation des données.
Le besoin de développements scientifiques et/ou technologiques plus particuliers, qu’ils portent sur certaines techniques ou pour résoudre certains types de questions (qui dépendront du maître d’ouvrage, de la nature du parc, des matériaux et des pathologies rencontrées), peut parfaitement s’inscrire dans ce schéma général.
On peut alors définir quelques priorités scientifiques :
Priorité 1 : le développement de techniques et procédures pour obtenir des données relatives à l’état (sur des questions identifiées comme essentielles) ou aux performances de l’ouvrage,
Priorité 2 : le développement de techniques et procédures pour résoudre les problèmes d’échelle : comment passer de données « matériaux » locales et disparates à une évaluation globales des performances de l’ouvrage ? comment estimer l’évolution de ces performances au cours de la période de service de l’ouvrage ?
Priorité 3 : le développement de modèles génériques de gestion/maintenance intégrée pour :
- planifier et justifier les opérations de maintenance, dans une logique d’optimisation coûts/performances,
- justifier les procédures d’instrumentation, surveillance, auscultation en quantifiant leurs apports opérationnels en termes de réduction des incertitudes dans les processus de décision ou de réduction des coûts globaux.
Une possibilité opérationnelle serait de proposer un programme de recherche décliné en trois Volets. Chaque Volet pourrait donner lieu à la mise en place de plusieurs Projets de recherche. Des préoccupations identifiées par certains gestionnaires d’ouvrages pourraient être déclinées au sein des trois Volets.
Volet A : Techniques d’auscultation et diagnostic de l’état des ouvrages
Objectifs : développer et améliorer les méthodologies de recueil d’information
-
Evaluation des propriétés « pertinentes » (physiques, mécaniques…) à partir de mesures (physiques, mécaniques…) : valeurs moyennes, variabilité spatiale, évolution temporelle probable. Donner la priorité à des techniques dont on a de bonnes raisons de penser qu’elles peuvent fournir des informations significatives (en termes de contribution au diagnostic) en contexte opérationnel.
-
Développement de procédures permettant d’affiner le diagnostic quantitatif en couplant les techniques, de façon à réduire les incertitudes ou les facteurs de bruit (exemple : calibration d’un diagnostic rapide de la résistance mécanique en place du béton).
-
Développement de techniques innovantes (ou application dans le domaine du génie civil des techniques utilisées dans d’autres secteurs), s’appuyant sur la mesure et la modélisation physique des processus impliqués.
Volet B : évaluation des performances des ouvrages
Objectifs : utiliser les informations relatives à l’état pour procéder à une réévaluation de la durée de service résiduelle ou de la fiabilité/du risque des ouvrages.
Les incertitudes en phase de décision résultent d’incertitudes « épistémiques » (que l’on peut réduire en acquérant de nouvelles informations dans le Volet A), et d’incertitudes « stochastiques » (supposées irréductibles), qui conditionnent la fiabilité des estimations. La réévaluation d’un ouvrage altéré, intégrant des données plus justes ou des hypothèses plus fines que celles utilisées dans le calcul initial (actualisation des données matériaux, actualisation des actions…) passe par la mise en œuvre d’une stratégie combinant :
-
la modélisation fine des propriétés physiques et mécaniques, reposant sur l’exploitation des résultats du Volet A,
-
la modélisation des processus, qui dépend des mécanismes d’évolution et des variables environnementales. Leur incertitude, en particulier dans le futur, est une question clé pour la prise de décision en situation de gestion. Les décisions reposent l’existence de schémas interprétatifs validés (schémas décrivant les processus de perte de performances et leurs conséquences).
-
la modélisation des performances (locales – globales, actuelles – futures, avant - après réparation), qui dépendent des fonctions assurées par l’ouvrage. Cette modélisation passe par la mise en œuvre de moyens de calcul.
Il doit donc s’agir avant tout, en s’appuyant sur des problématiques réelles (servant de support aux questions traitées dans le Volet A et susceptibles de permettre le développement d’approches plus génériques), de mettre en œuvre des méthodes d’analyse des données et de valider des stratégies d’acquisition de ces données, en fonction des objectifs poursuivis (vérification de conformité, estimation des risques, estimation d’une durée de service résiduelle…).
Volet C : gestion et préservation du patrimoine, aide à la décision
C1 : ouvrages uniques
C2 : parcs d’ouvrages, réseaux
Objectifs : fournir des éléments de formalisation,
dans un contexte opérationnel de gestion, permettant d’orienter/de justifier
des stratégies d’entretien et de réparation des ouvrages.
Remarque : cet axe s’inscrit dans la logique définie de la Plate-Forme Européenne Construction (ECTP), en particulier dans les Focus Areas « cultural heritage » (évaluation et maintien des performances des ouvrages) et « networks »12. Il répond parfaitement à une demande exprimée en termes de développement durable, dont il constitue une déclinaison naturelle dans le domaine du génie civil (allocation optimale des ressources temps/moyens/budget, pour un patrimoine technique dont l’une des propriétés essentielles est le très faible taux de renouvellement).
L’un des enjeux essentiels est de montrer les gains procurés par une démarche optimale (gains en termes de performances/risques/coûts). On pourra distinguer, au-delà de certains aspects communs, les stratégies IMR sur les ouvrages uniques (ex. enceinte, grand ouvrage d’art…) et sur les parcs de petits ouvrages (voire de réseaux : routes, réseaux de distribution de fluides ou réseaux d’assainissement). On s’efforcera de s’appuyer sur des ouvrages ou des parcs d’ouvrages existants, à partir de problématiques opérationnelles identifiées par les gestionnaires, et on analysera la possibilité de développer des approches génériques, applicables à d’autres patrimoines. Il conviendra, en tout état de cause, d’éviter de se limiter au cas des ponts.
On partira de modèles établis (validés p.ex. au sein des deux premiers volets - A et B), et on analysera les pratiques de gestion que suivent les gestionnaires d’ouvrages dans d’autres pays, pour en tirer un maximum d’information utiles.
On insistera dans ce Volet C sur la formalisation des critères de décision, des niveaux de performance visés, des coûts, des contraintes techniques… Les questions relatives à la gestion d’information incomplètes, voire conflictuelles, devront être abordées (modèles de décision en environnement incertain, les décisions pouvant concerner l’exploitation de l’ouvrage ou l’acquisition de nouvelles informations : instrumentation pour le suivi…).
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