Des chercheurs ont calculé le nombre d’emplois créés en Île-de-France si la région réduisait ses émissions de dioxyde de carbone (CO2) : entre 22000 et 164000 selon les scénarios envisagés. Si l’Île-de-France décidait de réduire substantiellement ses émissions de CO2, que se passerait-il sur le front de l’emploi? C’est à cette question que répond une étude réalisée par le Centre international de recherche sur l’environnement et le développement (Unité CNRS / EHESS / AgroParisTech / École nationale des ponts et chaussées / Cirad / Météo France), à la demande d’Europe Écologie, rassemblement politique de plusieurs acteurs de la mouvance écologiste. À l’origine de cette recherche, un constat: «L’un des principaux obstacles à la mise en place de politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre, c’est l’idée qu’elles peuvent être négatives pour l’emploi », affirme Philippe Quirion, chercheur au CNRS et auteur de cette étude publiée récemment. Or les résultats démentent cette idée reçue : selon les divers scénarios pris en compte, la conversion écologique de l’économie de l’Ile-de-France pourrait créer entre 22 000 et 164 000 emplois d’ici 2020. Ce sont bien entendu des chiffres nets : les destructions d’emplois dans certains secteurs comme l’énergie ou l’automobile seraient une réalité. Le secteur du bâtiment et des travaux publics serait le plus bénéficiaire. En effet, c’est dans l’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments que se situe l’une des clés des économies d’énergie, et donc de la réduction des émissions de CO2. Les transports en commun, on s’en doute, verraient aussi leur demande en main-d’œuvre bondir. Par contre, l’augmentation des emplois dans les énergies renouvelables ne serait pas aussi significative: l’Île-de-France ne jouit pas d’un potentiel mirobolant dans l’éolien, et il est peu probable que le photovoltaïque se développe massivement d’ici 2020 du fait de son coût encore trop élevé. Le nombre d’emplois créés dépendrait évidemment des objectifs que la région pourrait se fixer: une baisse des émissions de CO2 de 10 %, de 30 % ou de 40 %? Le calcul incorpore ensuite deux variables principales. Tout d’abord les prix du gaz et du pétrole. Plus ceux-ci seront élevés, plus les surcoûts liés à une politique de réduction des émissions de CO2 seront compensés. De plus, tout l’argent non dépensé grâce aux économies de pétrole et de gaz pourrait être investi ailleurs. « Une politique de réduction des émissions de CO2 est aussi une bonne assurance contre un choc pétrolier », affirme le chercheur. Le niveau d’endettement consenti par les pouvoirs publics est la seconde variable à ne pas négliger. Diminuer les émissions de CO2 représente bien sûr un investissement très important. Les décideurs devront donc choisir entre deux options : faire payer les ménages “rubis sur l’ongle” ou autoriser un certain niveau d’endettement public. Dans le premier cas, certains emplois pourraient ne pas être créés : « Si les ménages paient le surcoût, ils vont consommer moins et, par conséquent, l’activité de tous les autres secteurs va baisser », reconnaît Philippe Quirion. Ainsi, dans l’hypothèse prudente d’une baisse des émissions de CO2 de 10 %, avec un baril de pétrole à 80 euros et un endettement public nul, 22 000 emplois seraient créés. À l’autre extrême, avec une baisse des émissions de CO2 de 40 %, un baril de pétrole à 120 euros et un endettement à hauteur de 50 % des investissements, ce sont alors 164 000 emplois qui seraient générés. L’effet sur l’emploi de ce changement radical de modèle de développement serait donc de toute façon positif. Mais, comme l’explique le chercheur, « les décisions ne peuvent pas se prendre uniquement sur la base de l’emploi : il faut prendre en compte aussi le coût économique et, bien sûr, l’impact sur l’environnement ».
Sebastián Escalón
Contact : Philippe Quirion, quirion@centre-cired.fr