- une explosion unique, (travaux concordants du CEA, du collège sismique, de M Couderc, de M. BERGUES, des policiers et des experts du collège principal), survenant à 10h17mn 55s 4 centièmes.
- résultant de la mise en détonation du tas de NA déclassé stocké au bâtiment 221 (travaux concordants de la CEI, des policiers et du collège principal),
- et dont l'initiation n'a pu résulter que d'une onde de choc de nature détonique, comme finalement l'admet l'ensemble des experts en détonique (experts judiciaires et de la défense),
- s'est propagée pour l'essentiel d'est en ouest, cette orientation principale n'excluant pas une composante ouest/est, (travaux du collège sismique et de M. BERGUES le démontrent),
- le point d'initiation étant localisé en partie est de l'ensemble constitué du tas principal et de celui se trouvant dans le box, sans que l'on puisse le déterminer plus précisément, à quelques mètres près à l'Est ou à l'Ouest de ce muret, (travaux du collège sismique, de M BERGUES et du collège principal).
- la nature de l'explosif à l'origine de cette détonation (mise en oeuvre intentionnellement ou fruit d'une réaction chimique) n'ayant pu être déterminée par l'analyse des échantillons prélevés (travaux du collège principal).
II-4 : L'EXCLUSION DE CERTAINES PISTES :
Cette conclusion générale et des travaux complémentaires concordants permettent d'écarter de nombreuses hypothèses évoquées.
A l'examen de cette conclusion générale et d'expertises complémentaires, de nombreuses hypothèses envisagées initialement par les experts judiciaires, la défense ou des contributeurs spontanés peuvent être écartées de manière certaine :
II-4-1 : L'incendie préalable :
Aucun élément pertinent ne milite en faveur d'une décomposition du nitrate stocké dans le bâtiment 221, laquelle peut, dans certaines conditions qui n'étaient pas en l'espèce réunie (confinement - au sens détonique du terme - ou croisement du nitrate fondu avec des hydrocarbures), conduire après un temps relativement long (de dizaines de minutes – catastrophe du camion espagnol de 2003, ou celle de St Romain en Jarrez, à plusieurs heures ainsi que l'accidentologie le souligne) à une mise en détonation du nitrate. Ce point est acquis aux débats et ne souffre d'aucune contestation ou réserve :
Les conditions de stockage du nitrate ne pouvaient favoriser la décomposition du produit :
- le nitrate stocké dans le bâtiment 221 n'était pas confiné,
- aucun dépôt d'hydrocarbure ne se trouvait à proximité du 221,
- aucune entrée ou pollution d'hydrocarbure n'est signalée,
- les vestiges de la croûte de nitrate d'ammonium que l'exploitant maintenait au sol compte tenu de la dégradation de la dalle en béton n'étaient pas polluées significativement par des éléments carbonés.
Par ailleurs, les témoignages des personnes ayant circulé à proximité du lieu de la catastrophe dans les instants précédents l'explosion ne permettent pas de retenir l'hypothèse d'une décomposition :
- C'est ainsi que dans les minutes précédents la catastrophe de nombreux témoins passeront à l'intérieur du bâtiment (M. FAURE entre 15 et 30 minutes avant l'explosion, M. BLUME, 3 minutes avant la catastrophe) ou à proximité de l'entrée de celui-ci (M. MARQUE, quelques dizaines de minutes avant la catastrophe, M. MIGNARD une dizaine de minutes avant la catastrophe...) sans qu'aucun n'ait remarqué la moindre émanation de fumée rousse ou de nox
caractéristique de la décomposition du NA.
- Le témoignage de certains observateurs se trouvant à distance (Mme DESSACS) évoquant comme première manifestation de l'explosion l'élévation d'un fumerolle ou panache de fumée ne peut être associé à une décomposition mais comme décrivant la manifestation la plus visible de l'explosion du nitrate qui présente la particularité (à l'inverse d'autres phénomènes explosifs associant du carbone, d'être peu lumineuse, ainsi que le film du tir 24 en atteste) ; les images
d'explosion visualisées au cours des débats (notamment celui du tir 24) attestent de la rapidité avec laquelle les fumées d'une explosion s'élèvent dans le ciel ; la rapidité de ce phénomène permet d'expliquer que certains observateurs ont pu visualiser ces fumées avant même de percevoir la manifestation sonore associée à l'onde de choc.
- Seules Mme PALLARES et Mme DOMENECH évoquent des flammes préalables à la détonation alors qu'elles se trouvent relativement éloignées de l'épicentre, sans décrire les fumées rousses associées à la combustion du NA. Ces témoignages recélant par ailleurs de nombreuses incohérences, il convient de les juger non pertinent. Par ailleurs, les constatations policières et des experts menées alentours du cratère et sur les vestiges du bâtiment (blocs de mur et poteaux métalliques) n'ont révélé aucune trace de combustion ; ce point a été rappelé à l'audience.
Il peut donc être affirmé qu' aucun incendie ne s'est manifesté dans les instant précédents la catastrophe.
La question du non respect par l'exploitant de l'obligation réglementaire qui lui était imposée par l'arrêté préfectoral de mettre en place un système de détection incendie ou autre système assimilé tels que le détecteur NOX (l'obligation résultant sur ce point de l'arrêté préfectoral ne pouvant être satisfaite par la seule proximité du dit bâtiment du local des pompiers et par des visites aléatoires de membres du personnel, qui selon l'hypothèse de travail sont considérées comme suffisantes pour pallier à un incendie mais insuffisantes pour détecter la présence d'une personne mal intentionnée préparant un attentat), a été soulevée au cours de l'information judiciaire et lors des débats.
Le non respect de cette prescription préfectorale sans lien de causalité avec les conséquences de la catastrophe, mérite simplement d'être soulignée comme étant l'une des libertés que s'autorisaient GP à l'égard de certaines obligations préfectorales et l'inertie dont pouvait faire preuve l'exploitant, un rapport déjà évoqué de juin 2001 venait en contradiction d'une note dite de recollement transmise à la DRIRE en mai 2001, souligner l'intérêt de mettre en place un tel système de sécurité pour réduire au maximum le délai d'intervention des pompiers.
En conclusions, les éléments du dossier permettent d'exclure l'hypothèse d'une décomposition à l'origine de la catastrophe.
II-4-2 : L accident industriel préalable :
Ce qui est alors sous tendue par cette hypothèse, c'est que la mise en détonation du nitrate du 221 ne serait qu'une conséquence d'un premier incident technique se produisant sur une installation technique et qui par "effet domino", selon la terminologie du risque industriel, se serait transmis au nitrate dans des conditions d'énergie telles qu'elles auraient entraîner l'explosion du bâtiment 221.
L'hypothèse de la décomposition étant radicalement écartée, cette hypothèse qui pourrait être associée au "double bang" dans l'esprit de ses tenants, impose de considérer que cet incident préalable soit à l'origine de la transmission non pas simplement d'une source de chaleur pouvant entraîner la décomposition du nitrate, mais d'une onde de choc qui serait parvenue avec suffisamment de puissance au contact du nitrate stocké à l'intérieur du bâtiment 221 pour
entraîner sa mise en détonation, soit la projection d'un élément permettant cette explosion.
L'ensemble des travaux des experts en détonique qu'ils soient judiciaires ou missionnés par la défense et l'accidentologie concordent pour considérer que le phénomène explosif perd très vite de sa puissance ; M. BERGUES a précisé lors de son exposé qu'une explosion qui aurait eu suffisamment de puissance pour entraîner la détonation du nitrate aurait nécessairement laissée des traces(cratère, dégradations majeures) telles qu'elles n'aurait pu être camouflées par les effets de l'explosion du 221.
Sur ce point, il convient de conserver à l'esprit quelques éléments figurant à ce propos dans le dossier:
- l'accidentologie nous enseigne qu'à Rouen lors de la seconde guerre mondiale, une bombe a pu exploser à l'intérieur d'un stock de NA sans entraîner sa mise en détonation...
- la puissance inouïe de l'explosion du 21 septembre 2001 n'a pas entraîné l'explosion du nitrate stocké dans le bâtiment IO situé à une cinquantaine de mètres de l'épicentre.
- bien mieux, et nous allons y revenir, la défense qui invoque l'accidentologie dénie la capacité du tas de nitrates se trouvant dans le box au moment de la catastrophe, à savoir une dizaine de tonnes de NAA et près d'une tonne de NAI, et dont l'évaluation de l'équivalent TNT la plus faible admissible (en se référant aux résultats obtenus lors du tir 24 de 10%) fixe sa puissance théorique à un minimum d'UNE TONNE d'équivalent TNT, d'avoir eu la capacité d'entraîner l'explosion du tas principal situé, selon le positionnement adopté par les uns et les autres derrière un muret voir à 3 à 4 mètres, 6 ou une dizaine de mètres...
Ce simple débat initié par la défense éclaire la puissance phénoménale nécessaire pour entraîner à distance, que l'on se place au niveau de la tour N 1C ou encore plus au niveau de la SNPE, une onde de choc suffisamment forte pour faire détonner le tas principal.
Les experts se sont légitimement interrogés sur la question de savoir si, nonobstant l'avis de M. Médard selon lequel "tout au moins au températures ordinaires, le nitrate d'ammonium pur est absolument insensible aux chocs mécaniques les plus violents auxquels on a cherché à le soumettre", on ne pouvait envisager que par suite d'une explosion un objet ait été projeté à grande vitesse sur le tas de nitrate et puisse entraîner sa mise en détonation.
La défense va commander au laboratoire QINETIC, présenté comme étant l'équivalent de la DGA française, divers travaux en ce sens sur les conditions d'initiation du nitrate.
Les travaux menés de manière approfondie par ce laboratoire, avec du nitrate AZF, ont confirmé de précédentes études évoquées dans le "Médard" et ont exclu l'idée d'initier du NA par un projectile inerte :ce laboratoire conclut son rapport sur ce point en ces termes (cote D 4335) :
"5. Conclusions
5.1. Les deux qualités de nitrate d'ammonium sont particulièrement insensibles à l'amorçage par impact et par choc. En particulier, il a été impossible de provoquer une détonation dans le nitrate d'ammonium agricole, le moins sensible, lors de toutes les expériences rapportées dans le présent document.
5.2. Il n'a pas été possible d'amorcer le nitrate d'ammonium industriel plus sensible avec des projectiles de 20 mm de diamètre se déplaçant à environ 2000 m/s. Cela écarte tout amorçage crédible par de petites armes à feu (généralement moins de 1000 m/s) ou par fragments provenant de la détonation d'un dispositif explosif proche.
5.3. L'impossibilité d'amorcer le matériau avec un projectile de 20 mm de diamètre provient probablement du large diamètre critique du nitrate d'ammonium. Par conséquent, un essai a été réalisé pour simuler l'impact d'un projectile plus grand pouvant provenir d'une violente explosion (mais pas d'une détonation, qui crée de petits fragments) dans une partie de l'usine proche (par ex. la tour de prilling). Cet essai n'a pas non plus réussi à amorcer le nitrate d'ammonium industriel.
5.4. Des simulations (utilisant un modèle calibré à partir des résultats du gap test) ont montré que, même pour un projectile en acier de 100 mm de diamètre, la vitesse limite d'amorçage du nitrate d'ammonium industriel est d'environ 1800 m/s. Il n'est pas possible d'envisager un risque réaliste pouvant générer un fragment de cette taille et de cette vitesse.
5.5. En conclusion, il n'existe aucun scénario crédible pouvant avoir provoqué l'amorçage par projectile direct du tas de nitrate d'ammonium.
5.6. Les résultats des gap tests réalisés montrent que le nitrate d'ammonium industriel plus sensible aux chocs pourrait être mis en détonation par un choc fort d'un émetteur explosif. Il a été trouvé que la charge de l'émetteur devrait dépasser 100 mm de diamètre pour rendre possible l'amorçage.
5.7. Il n'a pas été possible de provoquer la détonation du nitrate d'ammonium agricole le moins sensible dans la configuration du gap test réalisée. Cela provient probablement du fait que ce matériau dispose d'un diamètre critique particulièrement grand. Il est probable que des expériences à plus grande échelle pourraient établir un seuil d'amorçage,
5.8. Il faut noter que l'allumage du nitrate d'ammonium (quelle qu'en soit la qualité) peut se produire, et se produit, à des niveaux d'excitation largement inférieurs à ceux nécessaires pour la détonation. Cependant, il est très peu probable qu'un tas non confiné pourrait être mis en détonation en brûlant, en particulier dans le laps de temps réduit entre la dernière observation des tas et l'explosion (environ 3 minutes). Dans l'accident de Texas City, on pense que le nitrate d'ammonium a été mis en détonation dans la cale d'un navire suite à une combustion.
Cependant, même dans ces conditions confinées, cela a pris plusieurs heures avant que la détonation ne se produise."
II-4-2-1 : un hypothétique accident sur le site de la SNPE :
Bien que suggéré par le professeur Guiochon, l'hypothèse d'un accident préalable sur le site de SNPE ne résiste pas à l'examen. A défaut de pouvoir développer le moindre élément technique susceptible d'accréditer ce fantasme, la défense va suggérer l'idée que la SNPE aurait fait preuve de réticence à l'égard des enquêteurs... ce qui était de nature à accréditer la thèse que la société nationale avait peut être quelque chose à cacher.
A titre liminaire, il convient de relever que cet établissement, s'il dépendait de la société nationale des poudres et explosifs, ne fabrique plus depuis de très nombreuses années des explosifs : aussi, l'idée qu'une explosion majeure ait pu propulser à environ 600 mètres de distance un projectile capable de détonner au contact du sol, en référence à la catastrophe de Miramas en 1940, citée dans l'accidentologie, où un sinistre, qui avait pris initialement dans un train transportant des munitions s'étaient propagé à un stock de nitrate situé à proximité, ne résiste pas à l'examen raisonnable des faits : conservons à l'esprit que si la détonation du tas de nitrate situé dans le 221 est parvenue à projeter des "missiles" à des distances de plusieurs centaines de mètres, elle a laissé une trace majeure de sa survenance : un cratère de 60 mètres de long et 50 de large : or, aucun signe d'un quelconque phénomène explosif ne sera relevé par les enquêteurs, M. DOMENECH, les équipes de la TECNIP ou les experts judiciaires sur le site de la SNPE.
Cette allégation qui ne repose concrètement que sur la déclaration d'un responsable de l'usine faite dans les instants suivants la catastrophe selon laquelle l'explosion avait pu survenir sur son site, perception erronée à rapprocher d'autres témoignages, tels les opérateurs à l'atelier d'ammoniac qui ont eu le sentiment que c'était les installations dont ils avaient la charge qui étaient à l'origine de l'explosion, est battue en brèche par les éléments du dossier :
Le gendarme CHAPELIER qui survole l'usine SNPE dans les minutes qui suivent la catastrophe ne décèle aucun indice rendant plausible un événement de nature explosive sur ce site.
Les pompiers qui se dirigent initialement vers le site de la SNPE d'où sortent de nombreux personnels hagards ou blessés, indiquent avoir entrepris une visite de reconnaissance sur le site SNPE sans pouvoir identifier le lieu de l'explosion (Commandant GERBERT – cote D 3581), et avoir mis en action la grande échelle d'un de leur camion pour visualiser la zone et observer les fumées se dégageant du site AZF pour localiser le siège de la catastrophe (déposition du commandant HURTEAU).
Contrairement à l'antienne développée au cours de l'information par la défense de GP et reprise par l'un de ses conseils lors de l'audience, la SNPE n'a pas fermé ses portes aux investigations judiciaires et a fait procéder dans le cadre de la préparation de son indemnisation, dans de très court délais à de multiples études, audits et travaux : nous citerons l'étude technique commandée à un bureau d'étude, la société technisphère, réalisée dès le 23 septembre 2001 (D 3284), le procès-verbal d'huissier dressé dès le 25 septembre 2001, auxquels sont annexées de multiples photographies des bâtiments les plus sévèrement touchés jusques et y compris le bâtiment n° 371 qui a suscité l'intérêt et les plus folles rumeurs s'agissant d'un bâtiment où était produit le phosgène (D 3289) ;
Aucun des très nombreux salariés travaillant le jour de la catastrophe sur le site SNPE, qu'ils soient salariés statutaires SNPE ou bien employés de très nombreuses entreprises extérieures, entendus n'évoquera le moindre élément rendant vraisemblable l'hypothèse d'un accident préalable sur le site de la SNPE... Or, c'est une cinquantaine de salariés présents le jour de la catastrophe à l'usine SNPE, qui seront entendus par les enquêteurs et ce dès le 2 octobre 2001 : parmi ces salariés on retrouve de très nombreux salariés d'entreprises extérieures dont certains travaillaient au demeurant alternativement pour le compte de GP et de la SNPE (tels les salariés de CTRA) ; sur cette cinquantaine de témoins, notons qu'ils se trouvaient le jour de l'explosion dans une multitude de bâtiments administratifs, ateliers de production ou locaux provisoires des entreprises extérieures : il s'agit des bâtiments B 366, B 402, atelier phosgène,
ouvert face à GP, bâtiment procédés, Bât. UDMH, etc...
Mieux, le 3 octobre 2001, c'est M. DOMENECH en sa qualité d'enquêteur de la CEI, laquelle comprend encore à cette date un responsable de la SNPE en son sein, qui visite l'usine de la SNPE et procède même à des auditions de salariés. M. LANGUY confirmera lors de sa déposition qu'il fut en sa qualité de responsable de la société TECNIP, missionné par la direction de l'usine SNPE, dès l'après-midi du 21 septembre 2001, pour établir une étude visant à déterminer quelles pouvaient être les conséquences matérielles non perceptibles de l'onde de choc sur les infrastructures de l'usine et, à cette fin, déterminer la puissance de l'explosion survenue sur le site voisin de GP. Ce spécialiste des détonations a déclaré à l'audience que ses équipes sont intervenues sur le site 3
ou 4 jours après la catastrophe. S'il n'est pas entrée aussitôt dans le local "Chaufferie" qui n'était pas sécurisé, c'est qu'il n'est pas "kamikase". Il a déclaré avoir pu oeuvrer en toute liberté sur le site, choisir les bâtiments qui feraient l'objet de son étude et n'avoir rien relevé de nature à faire accroire à une explosion intervenue sur le site de la SNPE.
Est-il nécessaire de relever que la direction de la SNPE soumettra les travaux de TECNIP à un tiers expert reconnu mondialement ainsi qu'il a déjà été indiqué, à savoir la société TNO.
Quand on garde à l'esprit que M. LANGUY indiquera qu'à son souvenir pas ou peu de "projectile" provenant de l'usine furent retrouvés sur le site de la SNPE, ce que confirme la lecture de son rapport, on peut imaginer la puissance et, corrélativement, les dégradations ou traces (cratère), qu'une explosion aurait dû avoir sur le site SNPE pour parvenir à atteindre le bâtiment 221... avec une énergie suffisante pour entraîner la mise en détonation d'un produit particulièrement stable .
Les constatations auxquelles les experts judiciaires procéderont sur les structures de plusieurs bâtiments, il est vrai tardivement en novembre 2002, établissent toutes que le site de la SNPE a été soufflé par une onde de choc provenant de l'ouest, à savoir en direction de l'usine Grande Paroisse.
Les experts judiciaires du collège électrique démentiront la thèse selon laquelle la direction de l'usine SNPE aurait fait des difficultés aux experts ou aurait tenté de cacher quelque chose à leurs regards avisés, dont il paraît nécessaire ici de préciser qu'ils écartent toute implication électrique dans la catastrophe (que la source électrique soit issue du site SNPE ou de tout autre...).
Aucun élément factuel ou d'ordre technique ou scientifique ne vient donc étayer l'hypothèse d'un accident industriel prenant sa source sur le site de la SNPE.
II-4-2-2 : à l'unité N1C :
S'agissant du site de Grande Paroisse, les membres de la CEI et les expe rts judiciaires vont s'intéresser à l'atelier de production des ammonitrates qui était en fonctionnement au moment de la catastrophe et plus particulièrement au réseau où circule le nitrate fondu. Il sera procédé à l'examen des alarmes informatiques M. POURQUERY, désigné par ordonnance du 15 octobre 2001 afin de déterminer au vu des éléments en matière informatique communiqués par les experts ZNATY et Donio si le processus chimique de l'unité de fabrication N 1 C a pu être modifié et être à l'origine du déclenchement d'un processus explosif dans cet atelier conclut par la négative sur ce point (cote D 5754).
Il explique en effet que les alarmes qui se sont manifestées de manière intempestive peu de temps avant l'explosion ne faisaient pas partie des étapes de process potentiellement dangereuses tant du point de vue du système de qualité propre à l'usine que d'un point de vue chimique et ajoute que même si les étapes du process concernées par les alarmes mises en exergue par les experts en informatique avaient eu des déviations graves, seuls des incidents de pollution auraient pu se produire.
L'expert HODIN arrive à la même conclusion au terme d'une approche différente de celle adoptée par le précédent expert. Il retient en effet que l'examen des alarmes dans cet atelier la veille et le jour des faits montre qu'il n'y pas eu de niveau EMERGENCY, en expliquant que ce dernier correspond à celui associé à des dérives de paramètres physiques justifiant une action immédiate pour en minimiser les conséquences et précise que dans les 6 heures précédant les faits, aucun paramètre mesuré ne montre de dérive significative, en particulier la température du nitrate d'ammonium fondu et la teneur en matières carbonées.
Ces conclusions apparaissent en outre parfaitement conformes aux déclarations de M. MAILLOT qui explique avoir contrôlé sur son écran d'ordinateur le bon fonctionnement des ateliers N1C, NAI ainsi que les deux saturateurs sans rien constater d'anormal (cote D 1189).
L'expert COUDERC va plus précisément s'intéresser à une hypothétique interaction entre l'atelier N1C et le bâtiment 221 au cours de laquelle une explosion sur N1C projetant des débris sur le 221, aurait atteint le stock de nitrates et aurait induit ou facilité son explosion. Il s'attache notamment à l'examen de la partie de l'atelier où se trouvait du nitrate liquide (cote D 3202), car, explique-t-il, il s'agit d'une zone critique où le nitrate, sous cette forme, concentré et chaud, est susceptible de se décomposer en cas de surchauffe accidentelle au delà de 230°C, le produit de cette décomposition thermique pouvant alors exploser.
Ayant assisté personnellement aux opérations de déblaiement de cet atelier, ce qui lui a permis de visualiser les pièces essentielles de fabrication au fur et à mesure de leur enlèvement, il est en mesure d'affirmer que les déformations qu'elles ont subies sont toujours tournées vers l'intérieur, marquant ainsi qu'elles étaient la conséquence d'actions extérieures et qu'elles ne pouvaient en aucune façon résulter d'une explosion du produit situé à l'intérieur.
L'examen de tôles composant le bardage de la tour de prilling le conduit également à conclure qu'il est peu probable que le produit qui se trouvait à l'intérieur ait explosé, la grande dispersion des grains de nitrate dans cette zone créant par ailleurs des conditions très défavorables à la propagation d'une déflagration d'envergure.
Une pièce, le filtre JF 302, qui présentait des particularités de déformation pouvant laisser imaginer que le produit qu'elle contenait à l'intérieur ait pu exploser permet notamment de démontrer que cette déformation a été l'objet d'un événement extérieur et donnera lieu à des investigations plus poussées. Il s'agit du filtre situé au nord de la tour de prilling (un second se trouvant au sud de celle-ci ), retrouvé fortuitement au cours des opérations de déblaiement. M. COUDERC considère que si l'explosion de ce filtre est intervenue postérieurement à celle du bâtiment 221 et dans un laps de temps très court, elle ne peut pas avoir été provoquée par voie thermique car un tel mécanisme aurait demandé plusieurs minutes au moins, le temps nécessaire pour que le nitrate d'ammonium passe d'une température de 180°C à une température supérieure à 200°C de telle sorte que la décomposition thermique puisse s'engager et que les gaz de décomposition s'accumulent jusqu'à provoquer un mélange explosif.
Il conclut par conséquent que l'explosion de ce filtre a été causée par des contraintes de type mécanique d'intensité considérable pouvant résulter soit du passage de l'onde de pression générée par l'explosion du bâtiment 221, soit d'impacts d'éléments solides projetés par cette première explosion (D 3202).
L'expert BERGUES confirme cette analyse à l'issue d'une étude en matière détonique dans le cadre de la mission qui lui est confiée par ordonnance du ler avril 2004 (cote D 5240).
Après avoir déterminé l'impossibilité de l'initiation en détonation du tas de nitrate d'ammonium par des éclats issus de la tour de granulation ou par une onde de choc aérienne issue d'une détonation de cette dernière, il examine à l'inverse dans quelles conditions l'explosion du tas a pu entraîner celle du filtre.
Il exclut ainsi l'hypothèse selon laquelle une onde de choc aérienne aurait pu induire, compte tenu de sa faiblesse une quelconque réactivité du nitrate d'ammonium fondu, ce dernier étant de surcroît protégé par les parois en acier du filtre ou des tubes le contenant, de même qu'une initiation nominale du nitrate d'ammonium liquide présent dans la tour de granulation par projection d'éclats de toute nature issus de l'explosion du bâtiment 221.
C'est en considérant le fait que l'onde choc aérienne a ébranlé la tour de granulation avant que ne parvienne la cohorte des éclats et projectiles divers propulsés par cette explosion et en expliquant que cette onde a généré des vibrations, secousses et chocs successifs dans les épaisseurs des matériaux et des matériels constituant cette tour qui ont entraîné l'apparition de bulles d'air à l'intérieur du nitrate d'ammonium liquide que l'expert propose une explication à l'explosion du filtre.
Les chocs engendrés par les impacts de ces projectiles auraient en effet rencontré un nitrate d'ammonium liquide pré-sensibilisé localement par la présence de ces bulles, ce qui aurait constitué un milieu favorable à l'apparition d'une détonation faible, dite LVD ( en langue anglaise low-velocity détonation par opposition au régime HVD pour high-velocity détonation qui est le régime de détonation nominale).
Ce type de détonation présentée par les seuls explosifs liquides ne nécessite que des pressions de choc inférieures d'un à deux ordres de grandeurs ( soit 10 à 100 fois moins) à celles nécessaires pour initier une détonation nominale HVD.
Cette analyse, sans être formellement remise en question lors des débats par M. FOURNET, laisse ce membre de la CEI néanmoins perplexe au motif qu'il sera retrouvé au delà du périphérique, en zone nord par rapport au cratère des tôles de bardage provenant de la tour N1 C ; ce constat serait de nature à accréditer l'idée selon laquelle pour pouvoir être expulsés en partie nord, c'est à dire à l'opposé de l'axe sud qui constituait l'une des ondes de surpression majorée par l'effet "coup de hache", ces éléments de bardage auraient dû être expulsée préalablement à l'explosion du 221 et donc laisser accroire un événement préalable survenu au niveau de cette tour. A l'interrogation du tribunal sur le point de savoir si ce constat ne pouvait pas trouver une explication raisonnable dans la puissance phénoménale de la détonation qui aurait été en mesure de déplacer des tôles de bardages, matériaux léger, lesquelles auraient été, dans un premier temps élevées dans les airs, avant d'être poussée par le vent vers la partie nord, M. FOURNET a concédé que cela pouvait expliquer le déplacement de ces éléments dans cette direction.
En toute hypothèse au delà des conclusions de ces expertises techniques, qui se suffisent à elle même, aucun élément recueilli par ailleurs ne vient étayer l'hypothèse d'un quelconque incident technique : ni les auditions des salariés survivants qui travaillaient au moment de la catastrophe dans cet atelier, ni les enregistrements des systèmes informatiques, ni aucune explication au regard du process maîtrisé ne vient corroborer l'idée d'un incident à ce niveau ; le seul incident évoqué par le témoin OUALI, au sujet d'une fuite d'eau dans les toilettes de cet atelier étant manifestement sans lien avec la catastrophe.
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