Université Charles-de-Gaulle, Lille III contrat d’établissement 2006 – 2010


Note de synthèse sur le projet scientifique : Culture informationnelle et curriculum documentaire



Yüklə 358,27 Kb.
səhifə2/4
tarix11.08.2018
ölçüsü358,27 Kb.
#68816
1   2   3   4

Note de synthèse sur le projet scientifique :
Culture informationnelle et curriculum documentaire

Exposé du problème à résoudre et origine de la demande


Cette recherche a pour objectif une rationalisation des apprentissages documentaires tout au long des cursus, de l’école à l’université. Elle trouve son origine dans une action collective, les Assises nationales pour l’éducation à l’information (mars 2003). Elle correspond à une demande des professionnels de la documentation en milieu éducatif, pour lesquels cette question est depuis longtemps un thème récurrent. Elle répond également à la demande d’enseignants de toutes disciplines souhaitant inclure une formation méthodologique documentaire dans leur enseignement.

Les Assises nationales pour l’éducation à l’information

Dans la ligne de cette réflexion, le 11 et 12 mars 2003, se déroulaient à Paris, au Ministère de la recherche, les Assises nationales pour l'éducation à l'information1. Ces Assises se sont tenues à l’instigation d'acteurs de terrain appartenant à diverses structures d'enseignement et de recherche :


  • la FADBEN (Fédération des enseignants documentalistes de l'Education nationale)

  • le GREMI (Groupe de Réflexion sur l'Enseignement des Méthodologies de l'Information)

  • l'INRP (Institut National de Recherche Pédagogique)

  • l'université Paris 3 (CEVU)

  • l'URFIST (Unité Régionale de Formation à l'Information Scientifique et Technique) Paris - Ecole nationale des Chartes

D'autres organismes et institutions ont également apporté leur soutien : L'ADBU (Association des Directeurs de Bibliothèques Universitaires), le CLEMI (Centre de Liaison de l'Enseignement et des Moyens d'Information); le CNDP (Centre National de Documentation pédagogique), le Groupe Edudoc (Belgique), la SFIC (Société Française des Sciences de l'Information et de la Communication), le Ministère de la Recherche/ Carré des sciences, l'AFL (Association Française pour la Lecture), l'Université Denis Diderot Paris 7 / UFR EILA (Études Interculturelles de Langues Appliquées, les URFIST (Unité Régionale de Formation à l'Information Scientifique et Technique) de Lyon, Nice, Rennes, Toulouse et Strasbourg.

Le point de départ des Assises était un constat mitigé : il semblait aux professionnels de l’information et de la documentation qu’en dépit de l'accroissement du nombre des Bibliothèques Centres Documentaires (BCD), Centres de Documentation et d’Information (CDI) et Bibliothèques Universitaires (BU) depuis deux décennies, la prise en charge effective de la formation à l'information dans l’enseignement, n’était toujours pas reconnue comme une nécessité résultant d’une exigence de démocratisation. Souvent mentionnée dans les textes ministériels de réforme de l’éducation,, elle n’était inscrite, sur le plan des dispositifs, ni dans les priorités des pratiques éducatives ni dans la formation professionnelles des enseignants. Les savoirs à transmettre étaient mal identifiés, et leur transmission, la plupart du temps, était soumise aux aléas des conjonctures locales.

Pourtant, l'affirmation des enjeux sociaux, culturels et politiques de l'éducation à cette pratique sociale n'est pas récente ; son apparition dans les discours officiels remonte aux années 502 pour l’introduction du document et aux années 70 pour l’opérationnalisation pédagogique dans un contexte de massification de l’enseignement secondaire et de constructions scolaires. Au cours de cette période, en effet, l’espace d’information et de documentation a été intégré à l’architecture des établissements.

Aujourd'hui, le droit à l’information est devenu une préoccupation éducative à l'échelle internationale. Il a été reconnu par les instances telles que l’UNESCO ou dans la Déclaration de Copenhague en octobre 2002 lors du Sommet sur les compétences numériques, ou encore lors de la conférence Information Literacy meeting of Experts, réunie à Prague en septembre 2003.

En 1989,le Rapport du Comité présidentiel sur la culture de l ’information de l’ALA (American Library Association) affirmait qu’au final les personnes qui possèdent une “culture de l’information sont celles qui ont appris à apprendre”. Ce principe fut repris plus récemment dans le texte de la commission européenne (Les futurs objectifs concrets de systèmes d’éducation).

Avec le développement des technologies de l’information et la montée d’une économie en réseaux numériques, l’intérêt s’est porté sur la nécessaire connaissance des outils informatiques et des nouveaux moyens de communication comme en témoignent de nombreux rapports publiés depuis quelques décennies qui mettent aussi en valeur l’importance de la formation à l’information dans les activités socioéconomiques et civiques.

Aux Etats Unis, le Rapport SCANS a identifié la compétence informationnelle comme l’une des cinq, nécessaires pour le marché du travail3

En France, plusieurs études ont été publiées : le rapport MAYER Information et compétitivité présenté en 1990 dans le cadre du Commissariat général au Plan, préconise des actions de formation du niveau primaire à l’enseignement supérieur et même dans le cadre de la formation permanente. Un groupe de travail du ministère de la Recherche et de la Technologie, présidé par Hervé SEYRIEX, réaffirme cette nécessité en 19914. Parmi ces textes, plusieurs rapports émanent du Sénat :



  • le rapport SERUSCLAT sur Les nouvelles technologies et la citoyenneté en 1991

  • le rapport GERARD Réseaux et multimédia dans l’éducation. Ce dernier suggère “ la mise en place d’un enseignement modulaire coordonné par l’enseignant documentaliste, dont les progressions, la répartition horaire, les modalités pédagogiques, seront inscrites au projet d’établissement. ”

Quelques mois après, le Premier Ministre présentait le PAGSI (programme d’action gouvernemental pour la société de l’information) dans sa déclaration du 16 janvier 1998 : Préparer la France à l’entrée dans la société de l’information.

Ces nombreuses études, rapports, déclarations, qui n’ont pas toujours été suivis de décisions débouchant sur des dispositions concrètes, témoignent cependant de l’intérêt des pouvoirs publics pour les enjeux sociaux de l’éducation à l’information.

Les changements technologiques renforcent actuellement le rôle des professeurs-documentalistes comme “ organisateurs des ressources ” et “ conseillers en recherche d’information ” selon les expressions du rapport de l’Inspecteur général Durpaire remis récemment (IGEN, mai 2004)5, mais ces enseignants, comme ceux des autres disciplines, sont divisés sur l’usage du CDI et sur leur propre rôle en matière de formation des élèves à l’information. La contradiction entre la formation dispensée aux futurs professeurs documentalistes et les contraintes et représentations des acteurs du terrain est souvent très forte.

Parallèlement, dans l’enseignement supérieur, le rôle des professionnels des bibliothèques et de la documentation a été repositionné par l’introduction de nouveaux outils et supports et par la mise en œuvre de modules de méthodologie du travail universitaire.

Plus récemment, la publication du Rapport THELOT6, résultat d’une large concertation ne retient au final, pour les contenus de l’école obligatoire, en dehors des grands fondamentaux, que la maîtrise de l’informatique, laissant de côté les médiations instrumentales et intellectuelles vers les savoirs et la question du pilotage du système d’information à finalité pédagogique de l’établissement.

L'inscription de l’éducation à l’information dans les finalités du système éducatif, l’effort pour penser la formation documentaire de la maternelle à l'université semblent donc aujourd’hui nécessaires pour aider l’institution éducative à résoudre la question de l’échec scolaire et à trouver les réponses pertinentes aux défis civiques, scientifiques et technologiques de notre temps7.

Les pays où les progrès les plus significatifs en terme de formation ont été enregistrés, comme les Etats Unis ou l’Australie, sont ceux qui ont inscrit ces exigences dans leur politique nationale d'éducation ou qui ont publié des “ Guideslines ” comme le Royaume Uni8.

L’ERTE que nous proposons aujourd’hui, s’inscrit dans la continuité de la réflexion initiée par les Assises. Elle vise, à long terme, la construction d’un curriculum en documentation, c'est-à-dire un énoncé des principes et une analyse des études de cas et des situations contribuant à une progression didactique permettant aux apprenants d’acquérir la maîtrise de l'information tout au long de leur parcours scolaire et universitaire. Cette élaboration curriculaire devrait également avoir des répercussions sur la formation des enseignants-documentalistes, qu’elle devrait contribuer à moderniser et à rendre plus cohérente. Ainsi que sur une sensibilisation plus grande de tous les enseignants à ces apprentissages encore peu pris en compte ou légitimés dans les parcours actuels.



Retour sur une histoire récente

La question de la documentation comme moyen d’enseignement, voire comme “ discipline ” d’études est déjà ancienne. Elle émerge dans un contexte de réforme dans l’enseignement secondaire, dans les années 1970 où à la suite du Colloque d’Amiens9, et de l’action des mouvements pédagogiques, il s’agit de développer une triple action pédagogique : individualisation des apprentissages, travail de groupes et utilisation plus large du document (Marbeau, 1973)10.



Progressivement, une pédagogie de la documentation se mettra en place, qui tient autant à la volonté de contrôler l’ “ explosion de l’information ” que d’assimiler les effets de l’ “ école parallèle ”. Après avoir introduit le document dans l’enseignement, il s’agit d’organiser les apprentissages documentaires comme en témoignent les ouvrages de J. Hassenforder et G.Lefort11, celui de M. Sire12 et l’intervention de J.Hassenforder au Colloque de Lille : “ le CDI constitue un tiers milieu entre l’Ecole et l’environnement extérieur, le cadre possible d’un plein air culturel, un lieu de lecture plurielle, mais aussi de productions et de créations ”13

A l’école primaire, dans les années 60, la réforme du français et l’incitation à l’éveil créent des conditions favorables pour développer des “ coins lecture ” et proposer d’autres livres que les manuels scolaires. En 1973, le ministère rend obligatoire la création d’une salle de documentation dans toutes les écoles. Sous l’action conjointe d’une association regroupant bibliothécaires, pédagogues et chercheurs (ADACES), six Bibliothèques-Centres-Documentaires se mettent en place et les conditions d’utilisation observées, dans un principe de liberté offerte aux enfants “ à partir d’une envie réelle et choix personnel entre diverses activités ”14. L’évaluation conduite de 75 à 80 par l’INRDP devenu INRP, confirmera le rôle culturel de cet espace, à condition qu’un projet pédagogique l’anime. L’innovation sera généralisée à partir des années 80. Des partenariats avec les Bibliothèques municipales seront développés, mais les moyens en personnel spécialisé n’accompagneront pas cette structure qui devra trouver dans l’équipe pédagogique les moyens de son fonctionnement. L’intérêt grandissant pour une sensibilisation précoce à la lecture et l’offre de plus en plus diversifiée d’édition pour la jeunesse laissent une impression de bilan mitigé : réussite ici, atonie ailleurs. Les BCD, contrairement au projet initial, n’ont changé ni l’école, ni les apprentissages mais sont devenu un outil pédagogique parmi d’autres, très inégalement performant et utilisé suivant les situations locales15.

Dans le second degré, succédant aux Bibliothèques centrales des lycées pour servir de points d’appui aux méthodes actives, après la 2 guerre mondiale, le Service de documentation (1960), devenu Service de documentation et d’information (1968), puis Centre de Documentation et d’Information (1973), est, au départ, un service tourné vers les enseignants avant d’être destiné prioritairement aux élèves pour soutenir les expérimentations (travail autonome dans les lycées, pédagogie différenciée dans les collèges). Il sera doté, d’abord, de personnels distincts, bibliothécaire et documentaliste avant de réunir les deux fonctions en une seule.

A l’université, les Bibliothèques Universitaires (BU) et les Services communs de documentation (SCD) connaissent une histoire en tous points différente, tant du point de vue du personnel que des fonctions exercées. En raison de l’autonomie des universités et du rattachement ancien des conservateurs à l’Etat, les BU s’intégreront lentement à la vie universitaire (Etévé, 1994)me. Dans l’enseignement supérieur, la préoccupation pour les méthodes documentaires a commencé dans les grandes écoles, pour les futurs ingénieurs (congrès 1972 à Lille). A la différence des modules de méthodologie que le ministère généralisera dans les années 2000, ces séquences de formation ne visaient pas une fonction de rattrapage pour des étudiants en mal d’intégration à un univers scientifique mais comme un viatique pour une formation d’excellence. Très longtemps, dans les universités, le travail personnel des étudiants a été un “ allant de soi ”. La diversité nouvelle des publics étudiants a mis l’accent sur les difficultés de maîtrise des savoirs scientifiques et introduit par certains enseignants une réflexion sur les méthodologies et par certains conservateurs sur la formation des usagers. Au moment où la régionalisation voyait la création de nouvelles universités, la lecture étudiante est devenue un sujet de préoccupation pour les enseignants et pour les éditeurs (Fraisse, 1993)16

Le développement généralisé des CDI, BCD et BU pour accompagner les diverses périodes de massification de l’éducation, n’a pas suffi à assurer la visibilité des savoirs et techniques documentaires.

L’expérience récente des TPE dans les lycées a montré la difficulté pour les professeurs - documentalistes de dépasser la représentation techniciste que les collègues ont d’eux et l’absence de reconnaissance des critères d’évaluation des produits réalisés par les élèves selon les connaissances en matière d’information.-documentation (Etévé, Liquète, Raoul-Réa, 2003)17.

Dans l’enseignement supérieur, hormis quelques exemples de réelle collaboration entre personnels de bibliothèque et enseignants-chercheurs comme dans l’expérience de l’université de Paris 3 (Nacher, 1999),18 les formations documentaires, depuis 1984 et surtout depuis 1997, sont menées à la marge dans un souci d’aide à la réussite. Elles sont intégrées de manière variable dans différents dispositifs de formation méthodologique (MTU, Ecoles doctorales) hétérogènes, aussi bien en offre qu’en objectifs. On n’observe pas d’effets significatifs sur les acquisitions scolaires. Marquées par la contradiction entre des injonctions ministérielles fortes et des résultats d’enquêtes parcellaires, il est bien difficile d’évaluer leur impact réel (Rayou, 2001, Sirota, 2004)19.

Quant à la formation des enseignants, la majeure partie des formations dispensées dans les IUFM est destinée aux professionnels de la documentation. Pour les autres, l’offre de formation sur des modules de travail transversal ou documentaire est faible et n’est que partiellement suivie par les enseignants, en formation initiale comme en formation continue.

Pour les enseignants universitaires, aucun dispositif n’est réellement prévu, sinon pour les allocataires-moniteurs de certains CIES (centre d’initiation à l’enseignement supérieur).

Ces histoires et développements hétérogènes des professions et des institutions ne sont-elles pas en résonance avec les obstacles perçus dans la reconnaissance des objectifs et savoirs documentaires ?

Au total, la documentation se caractérise par la multiplication des centres, des personnels et des outils modernes d’accès à l’information, qui transforment les usages et les mentalités, et une très faible explicitation des savoirs de référence sous-jacents à cette activité. L’analyse des conditions et des stratégies qui permettraient davantage d’efficacité dans la conduite des études est encore faiblement développée sauf quelques exemples concernant l’histoire des dispositifs (Chapron, 2000) ou la didactique (Charbonnier, 1997 ; Frisch, 2003).20

Une interdisciplinarité nécessaire

Etablir un curriculum documentaire suppose une réflexion préalable sur l’exercice des capacités envisagées dans des contextes sociaux d’usage à l’intérieur et à l’extérieur du système éducatif. Cette analyse suppose le recours à plusieurs disciplines : sciences de l’éducation, sciences de l’information, mais aussi sociologie et psychologie cognitive.



Les disciplines universitaires concernées :

Une progression didactique touchant à l’information et à la documentation s'appuie à la fois sur les savoirs issus des sciences de l'information et de la communication et sur les savoirs “ enseigner/ apprendre ” issus des sciences de l'éducation. Construire une progression de ce genre suppose en effet de s'adapter aux compétences initiales et aux besoins des apprenants et de tenir compte des objectifs assignés à l'école et à ses besoins, fondée sur un cadre de référence et des situations/activités validées par les acteurs éducatifs.

Les obstacles à la construction progressive de ces capacités chez les élèves peuvent en effet avoir diverses origines : ils peuvent être de nature organisationnelle, mais ils peuvent aussi être liés à une insuffisante prise en compte du développement cognitif au regard de la complexité des tâches et des outils (Béguin, 199721). Ils peuvent enfin résulter des représentations sociales associées aux pratiques documentaires dans et hors l’institution éducative. La popularisation des recherches documentaires en ligne ne fait qu’accentuer ce phénomène (Béguin, 200122, 200423).

Le fondement d’un programme d’apprentissage documentaire ne saurait se limiter à l’expression exhaustive des savoirs d’expertise en documentation dont la transmission serait dispensée au fil de la scolarité. Cela suppose que l’on tienne compte :



  • des épistémologies propres à chaque discipline,

  • des contextes sociaux d’usages, dans l’école et hors l’école : quelles sont les contraintes programmatiques et institutionnelles effectivement en place ; quels savoirs documentaires sont identifiables chez les apprenants et quels savoirs documentaires sont reconnus et valorisés par l’institution en termes de réussite scolaire ; quels savoirs documentaires sont actuellement nécessaires au plein exercice de la citoyenneté ; comment les savoirs documentaires s’inscrivent-ils dans les pratiques scientifiques professionnelles, sociales et civiques.

  • des représentations des acteurs de l’éducation (y compris les élèves eux-mêmes) en matière de communication, d’information et de documentation,

  • du niveau cognitif des apprenants au regard de la complexité des tâches à accomplir : ce qui suppose une analyse fine des opérations mentales requises pour localiser, traiter et produire de l’information.

Les apports des sciences sociales et des sciences cognitives sont donc également indispensables pour éclairer la réflexion.

Les apports spécifiques de la sociologie du curriculum et des didactiques des disciplines

Dans un premier temps, pour dégager un “ espace d’intéressement ” commun aux divers partenaires scientifiques, il importe de nous entendre sur les notions manipulées. Quand nous parlons de construire un curriculum documentaire et une progression des apprentissages, de quoi parlons-nous ?

Il s’agirait de reprendre l’idée déjà émise d’un “ passeport documentaire ” (Bernhard, 24 CRDP de Montpellier) qui aide à faire passer les frontières d’un niveau d’enseignement à l’autre, d’un cycle au suivant, etc.… Depuis, les travaux de sociologie du curriculum ou de didactique des disciplines (Charbonnier, 2003 ; Forquin, 1997 ; Perrenoud, 1994)25 nous ont avertis de l’existence de savoirs cachés, implicites qui circulent derrière les savoirs formels, dans la culture des divers types d’établissements et qui contribuent à l’élaboration d’une forme scolaire (Vincent, 1994)26 aussi prégnante parfois que la répétition des exercices et la progression des cours.

Bernstein (1997 in Forquin)27 déjà, analysant les effets de l’introduction de thèmes choisis par les élèves en fonction de diverses réformes signalait l’influence de nouveaux savoirs s’infiltrant de cette manière et remettant en cause la forme initiale de la transmission.

La notion même de discipline est à interroger, comme le font Martinand28 et Forquin29. Plusieurs travaux insistent sur le nécessaire travail de “reproblématisation” des disciplines entre décideurs, chercheurs et enseignants qui prélude à l’installation, par exemple, de la technologie au collège (Martinand, Lebeaume, Harlé) ou à la création des STAPS à l’université pour l’EPS (Baluteau). Car la logique didactique impose ses propres contraintes, les savoirs retenus devant “être enseignables”, à la bonne distance des savoirs savants et des savoirs pratiques, érigeant ainsi une “ épistémologie scolaire ”, selon l’expression de Develay30. Le mode de sélection, de mise en forme des savoirs, déterminés par leur fonction didactique ont plusieurs modalités. Deux modèles différents sont connus : Chevallard, pour les mathématiques décrit la genèse des savoirs scolaires comme un processus de transposition générateur de décalages par rapport aux savoirs savants de référence, tandis que Chervel, retraçant l’histoire de la grammaire, explique qu’elle a été construite pour enseigner l’orthographe dans un contexte politique d’unification et de normalisation linguistique, insistant sur la construction originale de la culture scolaire31.

Aussi, devons nous tenir compte de cette alternative dans notre réflexion : la documentation comme transposition de savoirs savants ? Lesquels et selon quel principe d’élémentarisation de ces savoirs pour les rendre enseignables ? ou la documentation comme nouvelle culture commune, nouvelle grammaire informationnelle générée par les usages variés ?

Apports scientifiques de l’ERTÉ
(objectifs et déroulement de la recherche)

Dans le système français actuel, les apprentissages documentaires, ponctuellement mis en place, le sont sur la base des connaissances expertes du documentaliste, sans que soit forcément prises en compte les aptitudes des apprenants liées à l’âge, au niveau d’acquisition et aux centres d’intérêt, sans que soit toujours mesurée l’utilité sociale effective des pratiques enseignées et sans que soient prises en compte les démarches scientifiques, professionnelles et sociales propres à des domaines disciplinaires. L’action de recherche devrait donc d’abord avoir pour objectif d’éclairer ces différents points en vue, puis, dans un second temps, de tracer des pistes pour l’organisation des apprentissages.

Un état des lieux des recherches et des pratiques existant dans le domaine de la formation documentaire semble un premier passage obligé.

Etat des recherches déjà menées

En matière de recherche, des études et des propositions ont déjà été menées dans divers cadres institutionnels (MEN, INRP, URFIST, FADBEN…). Une vue historique et synthétique des systèmes discursifs engendrés par cette thématique, devrait permettre d’identifier les divers positionnements d’acteurs, les pouvoirs et les enjeux en ce domaine.

A l’étranger, de nombreux travaux ont été menés dans divers pays industrialisés, notamment anglo-saxons (Kulthau, Lance, Hatzell, Irving, Galler, Herring, Williams). Dans l’aire francophone et particulièrement au Québec, sous l’impulsion de Paulette Bernhard à l’Ecole de Bibliothéconomie et de Science de l’information de l’Université de Montréal32 se sont développées de nombreuses recherches ou constructions d’outils pédagogiques du primaire au supérieur. En Belgique, on peut citer les travaux de Bernard Pochet et Paul Thirion portant sur l’enseignement supérieur33. Un National forum on information literacy34 recense nombre de ces travaux et modèles de formation en usage et ouvre sur de nombreux liens internationaux .

On ne saurait non plus négliger les travaux de la Section des bibliothèques scolaires et centres de ressources de l’IFLA (International Fédération of Libraries Associations) qui a publié un texte de référence en ce domaine35:

Par ailleurs, la revue School Libraries Worldwide, produite par l’Association internationale des bibliothèques scolaires (IASL) peut se révéler un bon support pour une analyse de ces domaines privilégiés dans différents pays.

Il sera également utile de s’appuyer sur les Actes des 3èmes Rencontres FORMIST organisées par l’ENSSIB en juin 2003, reprenant les communications consacrées à La formation à la maîtrise de l’information à l’heure européenne bilan et perspectives.36

Un réseau européen pour la culture de l’information, regroupant des experts de 13 pays européens s’est constitué, l’ENIL. Présidé par Carla Basili du Conseil national de la Recherche à Rome, il représente un groupe d’experts d’appui pour les recherches à mener. Ses objectifs et ses actions sont présentés dans les actes de l’ENSSIB.

Enfin, témoignage des prolongements des travaux des Assises nationales de 2003, un numéro spécial de la revue Esquisse de l’IUFM d’Aquitaine, coordonné par Vincent Liquète, enseignant chercheur dans le domaine, a été consacré à L’éducation à l’information 37

Dans le domaine des sciences de l’éducation, plusieurs axes ont fait l’objet de recherches : histoire des institutions et dispositifs documentaires, innovations pédagogiques, identités et changements professionnels, usages des médias, pratiques et médiations culturelles, documentaires et technologiques etc. Une synthèse a été effectuée par Etévé et Alava38 en 1999. Depuis, un certain nombre de travaux ont été menés ou sont en cours.39

Les recherches universitaires en sciences de l’information qui ont porté sur cette thématique et qui restent très dispersées à ce jour doivent être inventoriées.40



Etat des pratiques

En matière de pratiques, on devrait aboutir à un état des besoins en savoir informationnel des personnes qui fréquentent les établissements scolaires et universitaires.

Cela suppose :

- Une attention portée aux savoirs informels : Il ne s’agit pas de décrire des processus de traitement documentaire normalisés, mais de s’intéresser à la manière dont ils sont perçus ou non par les usagers (élèves, parents et enseignants), à la manière dont ceux-ci s’en accommodent, voire les transforment ou les adaptent à leurs besoins immédiats, les obstacles qu’ils rencontrent et les stratégies qu’ils emploient pour surmonter ces obstacles. Mais aussi de dégager des stratégies personnelles ou collectives d’accès à l’information, des manières de faire qui composent avec une pluralité d'engagements, du plus familier au plus public, (Thévenot, 2004)41. L'activité de chaque personne, dans la pluralité de ses engagements, est aussi composition des " formats de connaissance " et d'appréhension du monde qui peuvent emprunter au " bricolage " et au " braconnage " (de Certeau, 198042).

Un questionnement sur l’enseignement des techniques documentaires : Il convient de rendre sensible les points aveugles, l’implicite, voire le superflu générateur, parfois, de surcharge cognitive ou instrumentale qui traversent les apprentissages institutionnels de la documentation. Dans cette perspective, les représentations des professionnels de la documentation sont à interroger, mais non exclusivement et en les considérant comme l’un des paramètres de la situation globale.

Une identification des exigences non formulées en matière de documentation dans les disciplines : L’implicite doit aussi être interrogé dans les apprentissages qui ont recours à la documentation. Notre analyse du curriculum caché pourrait s'inscrire dans une "archéologie du travail savant" (Christian Jacob43), comme une analyse contemporaine des pratiques réelles d'études attendues des élèves et des étudiants, dans leurs dimensions matérielles et intellectuelles, impliquées par les paradigmes disciplinaires, les programmes et les modalités d'évaluation. Cette notion de savoirs implicites en documentation nous semble importante dans la mesure où ces savoirs, s’ils ne sont pas enseignés, sont néanmoins valorisés par l’école. Le manque de clarté de leur identification conduit à maintenir la logique des privilèges sociaux et de la “ culture héritée ” mise en évidence jadis par Pierre Bourdieu.

Il s’agit donc, au terme de cette recherche de mieux définir les éléments structurants d’une culture documentaire, d’identifier les conditions et principes permettant l’élaboration d’un curriculum. Nous devrions ainsi aboutir à une remise en question des démarches pédagogiques actuelles, voire à une certaine déstabilisation qui permettrait de construire un dispositif d’apprentissage plus efficace.

Axes de réflexion et méthodes

Quatre directions principales complémentaires sont envisagées :

1) Clarifier les enjeux institutionnels, politiques et sociaux associés à l’enseignement des méthodes documentaires. Cette dimension relève d’une analyse socio-historique (Michel Foucault) des discours institutionnels et professionnels sur la documentation en milieu scolaire et universitaire et d’une analyse des réseaux (historiquement construits) des acteurs et des personnes.

2) Mettre en évidence les ressources cognitives sollicitées dans les opérations documentaires (niveau d’abstraction, aptitude au décentrement, aptitude à maîtriser les classifications emboîtées, maintien de l’attention, procédures de transfert…). Il s’agit de mener des observations dans des situations d’enseignement balisées par un protocole expérimental.

3) Décrire et modéliser les formats de connaissances mobilisés par les apprenants dont les " savoirs cachés " associés aux cursus existants, savoirs scolairement " pertinents " mais restés jusque là insus ou minorés. Cela suppose un travail d’observation des pratiques en contexte, des plus ordinaires aux plus expertes, des plus personnelles aux plus publiques (exemple : usage des bibliographies par des professeurs d’université en Histoire dans leur travail de recherche ou par des étudiants en médecine préparant leur thèse)

4) Identifier et observer les conduites et la mise en œuvre de représentations liées aux pratiques sociales ordinaires d’information. Ces pratiques et représentations peuvent fonctionner à la fois comme ressources, lorsque des transferts sont possibles, et comme obstacles épistémologiques et/ou didactiques pour les enseignements (exemple : pratiques personnelles d’internet par des adolescents et pratiques dans le cadre des TPE en milieu scolaire).

Ces deux derniers points supposent la mise en place d’une démarche “ ethnographique ” sous la forme d’entretiens et d’observations de terrain pour mesurer l’écart entre les représentations des différents acteurs entre eux (enseignants, bibliothécaires ou documentalistes, élèves ou étudiants) et l’écart entre ces représentations et la réalité des pratiques effectives. Il s’agit d’observer les pratiques documentaires multisupports, individuelles ou collectives, en rapport avec les études et liées à l’appropriation des savoirs.

L’identification d’axes thématiques fondamentaux permettrait d’éviter la dispersion des observations et constituerait une première étape solide.

On pourrait les décliner comme suit :


  • la notion de source, de référence, de bibliographie.

  • la notion d’index, pris au sens large de processus de guidage dans la communication documentaire.

  • la notion de document et de texte, avec sa matérialité, son organisation sémiotique, sa situation spatio-temporelle, son contexte de production et d’usage,

  • les espaces documentaires réels et virtuels et la manière dont l’usager se les approprie au plan physique et intellectuel.

Ces thèmes seront étudiés, de manière comparative, en fonction des différents contextes scolaires d’observation, répartis de la maternelle à l’université, en fonction des “ publics cibles ”.

Résultats attendus et évaluation adoptée

Nos analyses et observations devraient aboutir à un ensemble de préconisations utiles à l’élaboration d’un programme continu d’apprentissages documentaires de la maternelle à l’université, tenant compte des acquis de la psychologie génétique, de la sociologie, des sciences de l’information et des sciences de l’éducation. Un tel programme suppose malgré les hétérogénéités institutionnelles, une évaluation continue et cohérente des acquis des élèves.

Nous espérons également relancer sur de nouvelles bases la réflexion pédagogique en matière de pratiques documentaires en inscrivant ces dernières dans une réflexion plus globale sur la culture informationnelle, nécessaire à notre époque pour l’exercice de la citoyenneté et un accès permanent aux connaissances tout au long de la vie. Nous envisageons donc, parallèlement aux publications scientifiques en rapport avec cette recherche, une diffusion des résultats dans les revues pédagogiques. L’organisation d’un colloque réunissant les professionnels de la documentation et les acteurs du monde éducatif devrait également contribuer à faciliter la traduction de nos analyses en programmes opérationnels.





Yüklə 358,27 Kb.

Dostları ilə paylaş:
1   2   3   4




Verilənlər bazası müəlliflik hüququ ilə müdafiə olunur ©muhaz.org 2024
rəhbərliyinə müraciət

gir | qeydiyyatdan keç
    Ana səhifə


yükləyin