La nécessité d’une formation à la recherche documentaire:
les enjeux de la maîtrise de l’information
En France, la formation à la recherche documentaire est présentée comme un outil de remédiation devant des pourcentages d’échecs importants dans les premiers cycles universitaires. Les enquêtes d’utilisation révèlent une sous-utilisation des ressources offertes aux étudiants dans les bibliothèques universitaires. Celles-ci sont en effet aujourd’hui des ensembles complexes, dans lesquelles se croisent des systèmes d’informations variés. La maîtrise de ces systèmes apparaît comme un enjeu majeur d’apprentissage et de réussite, et les évolutions récentes qui ont lieu dans le domaine de l’information menaceraient une partie des étudiants d’une nouvelle forme d’«illettrisme». La recherche sur ces problèmes a amené les documentalistes et bibliothécaires, en collaboration avec les enseignants, à établir des référentiels de compétences à acquérir par les étudiants.
Nous allons vous présenter ces différents schémas de réponse au besoin d’information. La réflexion a aussi été menée dans l’enseignement avant l’université, elle a notamment conduit à la création d’un nouveau corps d’enseignants en 1989, les documentalistes. Nous verrons comment ces schémas s’appliquent et s’adaptent à chaque niveau d’apprentissage et d’enseignement. C’est à dire comment les documentalistes préparent les élèves à leur futur parcours scolaire et universitaire.
1. Recherches documentaires
La notion de référentiel de compétences
Dans différents pays, des chercheurs, principalement dans le domaine des bibliothèques et de la documentation, tentent de formaliser les apprentissages essentiels nécessaires à la constitution d’une culture de l’information. Ces apprentissages comportent des éléments théoriques, des méthodes, des savoirs faire pratiques et sont soumis, sous l’influence de l’informatisation à des évolutions techniques rapides.
Nous nous appuierons pour retracer ces recherches sur trois «référentiels»: celui élaboré par la Washington Library Media Association, sous le titre «Essential skills for information literacy» et disponible à l’adresse: http://www.wlma.org; celui de la FADBEN (Fédération des Documentalistes Bibliothécaires de l’Education Nationale), http://www.ac-poitiers.fr/tpi/formanet/formatio/referenc/sommaire.htm; et celui du ministère de l’éducation du Québec, http://www.ebsi.umontreal.ca/formanet/lev2.html.
Ces référentiels exposent les logiques d’appropriation d’une culture de l’information à travers un modèle de parcours de recherche. L’utilisation de tels référentiels en information/documentation en France date des années 80, au cours desquelles se développent des pratiques pédagogiques de travail autonome, de contrôle continu des connaissances et des savoirs faire.
Ces référentiels permettent l’évaluation des capacités à se documenter des élèves et des étudiants; ils s’intègrent aussi dans le cadre d’une réflexion sur leurs méthodes de travail. En décomposant une recherche documentaire en étapes, ils permettent de distinguer des méthodes à maîtriser et d’envisager ainsi la mise en place d’activités pédagogiques appropriées. Le premier document produit, connu sous le nom de «module trois» est réalisé par un groupe conduit par De Perreti, (avec B. Chevallier et G. Di Lorenzo).
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Mobilisation des idées: sujets, lieux ressources, types de documents
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Collecte des documents: codes de lecture, fichiers
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Tri des documents: en fonction de leur pertinence pour la recherche
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Exploitation: recherche et appropriation de l’information
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Production et communication: plan, synthèse et production.
Modèle Québécois | Modèle Fadben | WLMA |
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Cerner le sujet
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1. Mise en projet
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1. Identifier/analyser le besoin d’information
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Chercher les sources d’information
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2. Questionnement
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2. Ellaborer des stratégies pour localiser l’information
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Sélectionner les documents
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3. Repérage
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3. Localiser et accéder à l’information
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Prélever des informations dans les documents
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4. Récupération des données
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4. Evaluer et extraire l’information
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Traiter l’information
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5. Lecture/écriture
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5. Organiser et présenter l’information
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Communiquer l’information
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6. Production / communication
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6. Evaluer la démarche et la production
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7. Evaluation
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Nous pouvons évidemment remarquer la proximité des modèles proposés. Nous nous attarderons néanmoins sur quelques évolutions et spécificités.
A la différences du «module III», proposé dans les années ‘80, le référentiel Québécois utilise l’expression «recherche de sources d’information»: cette étape élargit la recherche à l’accès à des ressources distantes (réseaux). L’exploitation de l’information est aussi divisée en prélèvement (mettant en jeu des capacités de lecture); et traitement, compris comme une analyse de la nature de l’information et de son objectivité.
On remarquera aussi que dans le modèle américain, l’information est au service de l’action, dans une démarche dynamique de type «économique», envisagée en termes de besoin.
Enfin, pour mentionner un dernier exemple, les référentiels britanniques ont eu une influence avec des notions comme celles de mise en projet, d’hypothèses sur l’information susceptible d’être trouvée. Ils sont aussi caractérisés par la large place qu’ils font à l’analyse critique de l’information. (James E. Herring, Information skills: the PLUS approach - a view from the UK. Paper, Open Session of the Section of School Libraries and Resource Centers, 63rd IFLA General Conference, Copenhagen, August 31-September 5, 1997).
Le référentiel FADBEN : la recherche documentaire dans un contexte éducatif
C’est bien dans un contexte pédagogique que ces référentiels prennent tout leur sens. En effet ils donnent aux formateurs des repères, des outils de progression et d’évaluation communs. En effet contrairement aux autres disciplines, la recherche documentaire et les sciences de l’information auxquelles on les rattache, ne font pas l’objet d’enseignements spécifiques. Les compétences documentaires sont envisagées comme des moyens au service des apprentissages. On comprend trés bien que des compétences de recherche n’auraient aucun sens sans application à un sujet disciplinaire. Il reste néanmoins que l’utilisation des systèmes d’information, de plus en plus complexes et variés, nécessite une formation des utilisateurs, pour qu’il maîtrisent des outils et des savoirs devenus indispensables. Un référentiel comme le référentiel FADBEN fournit en outre aux documentalistes (en l’absence de «programme»), une base pour un dialogue avec les autres disciplines et avec leurs collègues: ces derniers ont ainsi une idée plus précise des possibilités de travail en commun et d’évaluation de compétences «implicites» à la réussite des tâches scolaires.
2. La recherche documentaire de la maternelle a l’universite?
La généralisation des bibliothèques
scolaires, devenues progressivement Centres de Documentation et d’Information, s’est faite sous une impulsion modernisatrice et par la volonté de donner une réalité au droit à l’éducation et à l’égalité de tous face au savoir.
Avec les travaux de chercheurs comme Bourdieu et Passeron1, l’école française voyait ses prétentions égalisatrices sérieusement mises en doute. L’image qui lui est renvoyé alors est celle d’un outil de reproduction sociale, accentuant les différences sociales qu’elle déclarait combattre. L’influence de ces travaux est encore déterminante aujourd’hui. Ils ont un rapport avec la formation à la recherche documentaire dans la mesure où celle-ci enseigne des compétences largement implicites. Tous les élèves ne sont pas égaux face à la «culture de l’information», dont l’acquisition nécessite un accès à des sources d’information variées, et la capacité à décoder des messages, d’autant moins facile à acquérir s ‘ils sont issus d’univers culturels étrangers.
La mise en place de formations à la recherche d’information correspond à la reconnaissance de ce problème: fournir l’information n’est pas utile à tous de la même manière dans la mesure ou pour certains cette information est un bien d’usage courant quand pour d’autres sa formulation même semble les exclure d’emblée.
En termes institutionnels, cette reconnaissance se traduit en 1989 par la création du statut d’enseignant documentaliste. L’éducation nationale affirme alors le rôle pédagogique des documentalistes dont les attributions dépassent la seule gestion d’un centre documentaire, et forme ces personnels en conséquence. La circulaire de mission de 1986 introduisait déjà parmi les fonctions du documentaliste celle de mettre en oeuvre toute action visant à initier les élèves à l’utilisation des ressources disponibles dans son centre.
La circulaire no. 86-123 du 13 mars 1986 précise que le documentaliste «assure dans le centre dont il a la responsabilité une initiation et une formation des élèves à la recherche documentaire » et décline les objectifs documentaires suivants:
- « se repérer dans le CDI et connaître ses ressources et les différents types de documents;
- définir un objectif de recherche et identifier les mots clés correspondants ;
- utiliser les instruments de recherche et d’information (dictionnaires, encyclopédies, tables des matières, index, systèmes de classement, fichiers informatisés ou non…);
- sélectionner les documents pertinents en fonction des objectifs de recherche;
- comprendre les informations contenues dans le document (écrit, sonore, visuel);
- prendre en note et résumer ces informations;
- organiser logiquement les informations recueillies en vue de la communication finale indiquée par le professeur (fiches de lecture, exposé, dossier, exposition, affiche…)».
Il est également précisé que ces apprentissages doivent être menés en partenariat avec les professeurs de disciplines: «ces activités sont organisées en fonction des possibilités matérielles du CDI et selon des modalités établies en collaboration avec les professeurs…».
Que peut-il y avoir de commun entre les recherches d'un élève de cinquième (11 ans) et celles d'un élève entrant à l'université? La question peut sembler saugrenue, surtout pour les premiers concernés, les élèves, et pourtant. La différence résidera surtout dans l'acquisition progressive d'une autonomie dans l'utilisation des outils et des méthodes de recherche. Chaque apprentissage se doit, pour être efficace, de s'adapter au public (âge, environnement culturel, documentaire, socio-économique).
De l'entrée au collège (10-11 ans) à la troisième (4 ans plus tard), les élèves découvrent tout d'abord un espace organisé, des règles de vie et de fonctionnement: rangement matériel des documents selon une classification (pour la majorité les ouvrages sont en accès libre, ce qui, favorisant le contact, leur donne plus de chance ainsi de devenir "familiers"), règles de prêt, silence.
Le questionnement du sujet de recherche, tout d'abord préparé par le professeur, devra progressivement être réalisé en autonomie, à l’aide d’outils comme un dictionnaire, voire un thesaurus. L’élève apprendra ainsi à décomposer un sujet en mots clés, à développer le champ sémantique des notions, puis à les hiérarchiser.
Cette étape conditionne la suite de la recherche puisque c’est elle qui va permettre la traduction du sujets en langage documentaire permettant d’interroger une base de données, écrite ou électronique. Des cette période les élèves découvrent la notion de langage normalisé pour éviter les ambiguïtés du langage naturel. Les thesaurus et les opérateurs booléens sont utilisés pour pouvoir construire des équations de recherche. De multiples activités peuvent être envisagées pour favoriser ces apprentissages, connexes mais essentiels.
De même l’utilisation de manuels, encyclopédies, dictionnaires, index, glossaires peut débuter très tôt; et pour beaucoup, l’école sera le seul lieu de ces apprentissages.
Au niveau de la récupération de l’information, il est aussi très utile d'apprendre progressivement a repérer les supports de l'information, sa qualité: quel type d'information peut-on s’attendre à trouver dans un dictionnaire, dans un périodique, comment la trouver? Ensuite il s’agira de savoir prélever l’information, prendre des notes, décoder un message comprendre l'organisation d'un document (une "Une" de presse, une page de site internet avec des liens hypertextuels). Une déontologie de l’information sera aussi progressivement intégrée, avec des actes comme la citation de ses sources (l’établissement de bibliographies), l’introduction de notions relatives au droit de l’information.
Enfin l’analyse critique de l'information, la découverte de critères de validation, la présentation des résultats d’une recherche, l’évaluation de sa démarche peuvent donner lieu a une formation continue tout au long de la scolarité et continuer à l'université!
Au lycée, tous ces "chantiers de formation" engagés dès le collège se poursuivent avec des objectifs disciplinaires plus précis. Dans toutes les disciplines une réflexion conjointe s'impose entre enseignants et documentalistes pour dégager les spécificités documentaires du domaine en question. Chaque documentaliste à ainsi pour mission dans son établissement, en coordination avec les enseignants de discipline, de trouver les solutions les plus pertinentes pour l’acquisition de compétences en information documentation et être à la hauteur des ambitions des textes officiels: «Développer des capacités transversales conduisant à une plus grande autonomie, en rendant capable de s’informer, d’émettre des hypothèses; d’exercer une réflexion critique, de s'exprimer tant à l’écrit qu'à l’oral, d'organiser son travail».
Textes officiels: extrait du référentiel Disciplines d'enseignement général BEP, Réédition 1998.
La première démarche à réaliser pour le responsable d’un centre documentaire est de trouver un moyen de connaître le niveau de compétences de ses utilisateurs. Les élèves arrivant au collège sont considérés comme «ignorants», il s’agira alors de s’interroger sur ce qu’ils savent déjà qui leur permettra d’apprendre autre chose. Ensuite, en arrivant au lycée, il faudra recommencer ce bilan des compétences documentaires. De quoi ont-ils besoin? Ont-ils des attentes? Savent-ils ce que je peux leur apporter?
C’est encore le seul moyen d’adapter les actions de formation entreprises aux besoins des utilisateurs.
Des sites web recensent les initiatives de formation et d'auto-formation (webographie issue de: http://www.u-grenoble3.fr/stendhal/bibliopub/bibliotheques/biblio_me.html)
La formation documentaire:
Cerise (Conseils aux Etudiants pour une Recherche d'Information Spécialisée Efficace).
Formation complète, claire et didactique.
Repere (Ressources Electroniques Pour les Etudiants, la Recherche et l'Enseignement).
Guide de recherche en bibliothèque (Bibliothèque nationale de France).
Les étapes d’une recherche documentaire efficace.
Infosphère (de l'Université du Québec à Montréal)
Formation très complète, didactique et d'un graphisme agréable. Apprendre à faire une recherche d'information efficace.
Methodoc (Site de formation aux pratiques documentaires)
Site de l'URFIST Paris (Unité régionale de formation à l'information scientifique et technique - Ecole nationale des Chartes)
La recherche dans les bases de données:
Formist (Réseau francophone pour la formation à l'usage de l'information dans l'enseignement supérieur)
Infosphère (Chercher dans le catalogue et les bases de données)
URFIST (Initiation à l'interrogation des bases de données bibliographiques sur CD-ROM et en ligne) Urfist de Strasbourg.