3.2 : L’enveloppe des bâtiments
L’enveloppe d’un bâtiment est à la fois sa protection contre les perturbations extérieures, et son interface avec ce même monde extérieur. Depuis plus de 20 ans, c’est plutôt la fonction « isolation » qui a été préconisée et renforcée, permettant une réduction drastique des consommations de chauffage et un filtrage efficace des nuisances sonores. Cependant, en même temps, la taille des ouvrants a augmenté, générant un effet de serre souvent inconfortable. De plus, des systèmes de ventilation de plus en plus sophistiqués ont dû être mis en place pour compenser la moindre porosité d’une enveloppe de plus en plus hermétique.
Mes recherches dans ce domaine des enveloppes ont aussi bien eu pour sujet la mise au point d’isolants de haute performance, que la gestion de l’intrant solaire ou le traitement du renouvellement d’air.
La recherche menée sur les isolants, dans le cadre d’une thèse, était liée au thème « aérogels » du Centre d’Energétique de l’Ecole des Mines de Paris, et nous avons plus spécialement exploré les possibilités de fabrication de tels matériaux, ensuite réduits en poudre et mis sous vide, avec des caractéristiques adaptées à la super-isolation (conductivité thermique inférieure à 10 mW/mK).
Une autre thèse s’est attachée à mettre au point un panneau de façade ventilé, permettant un préchauffage de l’air de renouvellement, tout en gardant l’esthétique appréciée des grandes façades verrières. J’ai aussi participé à un programme français (impliquant le CSTB, la Direction de la Recherche de Saint Gobain Vitrage et l’ADEME) sur la caractérisation des vitrages électrochromiques, et la mise au point d’algorithmes performants de la gestion de leur transparence. Je ne donnerai pas de détails sur cette action spécifique.
Enfin, j’ai coordonné la recherche d’un projet européen sur la mise au point de systèmes d’ouverture et d’occultation autonomes (en énergie et commande) pour un meilleur confort thermique et visuel de pièces d’habitation.
Ci après, je présente rapidement les démarches adoptées et les principaux résultats obtenus au cours de quelques uns de ces travaux de recherche.
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3.2.1 : Les panneaux de façade ventilés [P1, T3]
Cette étude a été menée an partenariat avec la Société Emaillerie Alsacienne, juste avant son rachat par un autre groupe industriel alsacien, dans le cadre d’une convention CIFRE, et a été aidée par l’ADEME.
Figure 27 : schéma de principe du panneau de façade ventilé
La société fabriquait des panneaux de façades opaques constitués d’une plaque émaillée, isolée par l’arrière et protégée par un vitrage. De tels panneaux de façades possédaient une qualité architecturale indéniable, permettant d’homogénéiser l’esthétique des bâtiments avec les composants transparents (fenêtres). Cependant, le comportement thermique de ces panneaux (proche de celui d’un capteur solaire) entraînait des désordres obligeant parfois l’industriel à un remplacement complet de ces produits.
L’idée à la base de la thèse était donc d’associer la qualité esthétique de ces panneaux avec une propriété de capteur solaire de type « TROMBE », en ménageant un canal permettant un passage d’air entre la plaque émaillée et l’isolant.
Un modèle théorique des écoulements a été développé, et des prototypes testés dans la cellule PASSYS de l’aire d’essais de Sophia Antipolis. Les conclusions de ce travail portaient sur l’écart optimal entre la plaque et l’isolant : une épaisseur comprise entre 15 et 20 mm garantissait un bilan énergétique positif du panneau tout au long d’une année.
3.2.2 : Les super isolants granulaires [P2, T5]
Notre laboratoire avait mis en évidence le caractère « superisolant » de l'aérogel de silice à l'état de monolithe. D’autre part, il a été montré que les matériaux sous forme divisée (lits de poudre ou de grains) sont généralement moins conductifs thermiquement que les monolithes dont ils dérivent. De plus, ces performances sont accrues sous vide partiel ou poussé.
L'objectif principal de cette étude était donc de pouvoir cerner les conditions permettant à des matériaux pris sous une forme granulaire, et sous vide partiel ou poussé, d'offrir des conductivités thermiques inférieures à 10-2 W.m-1.K-1.
Cela a été traité dans le cadre d’une thèse théorique et expérimentale sur la détermination de la conductivité thermique effective d'isolants poreux granulaires sous forme de lits de particules, en fonction de leur description géométrique et des caractéristiques optiques et physiques des grains élémentaires les constituant. Un modèle basé sur les phénomènes physiques au sein des lits de particules sphériques a été développé. Il a permis de s’affranchir de contraintes imposées par l’application de modèles exposés dans la littérature (notamment la nécessité de mesures expérimentales préliminaires). Il a également permis de prendre en compte un paramètre important de ce genre de structure : l’épaisseur du lit, par opposition aux modèles existants qui considèrent la conductivité des lits granulaires comme une valeur intrinsèque du matériau.
Les simulations et les mesures de validation ont porté sur des lits de particules sphériques de différents diamètres, de divers matériaux (verre ordinaire, acier inoxydable Z30C13, polystyrène expansé). Les résultats obtenus sont regroupés sur la figure suivante. L'appareil de mesure utilisé, le Ct-mètre, mis au point par le CSTB de Grenoble, est basé sur le principe du fil chaud, où l’échantillon est considéré comme un milieu semi infini. L’erreur de mesure liée à cet appareillage est estimée à 5%.
Figure 29 : conductivités effectives mesurées et simulées (Méthode de la sonde)
Un appareil de mesure spécifique a été conçu et construit en partenariat avec le laboratoire de Thermocinétique du CNRS à Nantes. Il nous a permis de mesurer la conductivité effective de différents lits de particules sphériques d’aérogels de silice, et de les comparer à la conductivité thermique de l’aérogel monolithique. Les figures suivantes donnent les principaux résultats obtenus. Nous pouvons y voir une comparaison entre des valeurs de conductivités mesurées d'un aérogel monolithique et celles calculées de deux lits de particules sphériques supposées issues du même aérogel, à température ambiante.
Au cours de ces simulations, nous n'avons fait varier que deux paramètres, le module de dureté des grains d'aérogel et leur émissivité. Ces paramètres ont une influence considérable dans le domaine des basses pressions. La conductivité des particules des lits est prise égale à celle du monolithe évoluant avec la même pression de gaz.
Figure 30 : conductivité effectives pour des monolithes et des lits de particules d’aérogels de silice à différents niveaux de vide.
Les comportements sont distincts sur trois zones de pressions :
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à pression atmosphérique, nous pouvons constater que la variation de ces paramètres a peu d’influence sur la conductivité effective ;
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dans le « régime de Knudsen », la granulométrie joue un rôle très important : les lits de faible granulométrie présentent des espaces interparticulaires favorisant une décroissance plus rapide de la conductivité du gaz ;
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dans la zone des vides poussés, les modes de transfert de chaleur subsistant sont la conduction à travers les constrictions et le rayonnement.
L’analyse de ces résultats montre que pour des pressions de gaz comprises entre 100 et 105 Pa pour les billes de 500 m, et entre 103 et 105 Pa pour celles de 50 m, les aérogels monolithiques présentent un meilleur comportement vis à vis de l'isolation thermique. Ceci s'explique par le fait qu'à ces pressions nous assistons à des mélanges entre une phase solide de faible conductivité, l'aérogel, et un gaz, l'air, de conductivité plus élevée. Par contre, vers les basses pressions, les échanges thermiques sont surtout dominés par les contacts entre particules (pour les diamètres considérés).
On peut donc noter que les aérogels de silice, sous forme de fines particules sphériques, permettent dans tous les cas de figure d’atteindre des conductivités effectives plus basses que 10-2 W.m-1.K-1 pour des pressions inférieures à 500 Pa.
Ces travaux sont toujours d’actualité, car nous participons actuellement à un projet ANR dans le cadre du programme PREBAT dont le principal objectif est d’élaborer des composants d’enveloppe de bâtiment isolants à partir d’aérogels.
3.2.3 : Les ouvertures intelligentes et autonomes [R40, R42]
L’expérience acquise au cours de mes diverses études portant sur la thermique des bâtiments et de l’enveloppe a ensuite été valorisée dans le cadre d’un programme européen de type CRAFT, dont j’ai coordonné la recherche. Ce projet rassemblait plusieurs PME du domaine du bâtiment (bureaux d’études et fabricants de composants). La recherche était effectuée :
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à Londres (Université de North London pour les questions d’éclairage),
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à Athènes (Université Technologique pour la partie ventilation et renouvellement d’air)
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à Sophia Antipolis (Centre d’Energétique de l’Ecole des Mines de Paris, pour la gestion des systèmes énergétiques, les essais et la coordination de l’ensemble).
L’objet de ce projet était la mise au point de systèmes d’ouverture autonome (alimentés par des cellules photovoltaïques), équipés de stores automatiques (qui sont commandés en fonction des besoins en chaleur, en air neuf et en lumière dans la pièce). Ce projet permettait donc d’optimiser la gestion de l’intrant solaire (par les stores) et du renouvellement d’air (par l’ouverture commandée des fenêtres).
Figure 31 : Essais d’un système SOS et installation sur site réel
Les tests ont été menés sur une cellule d’essais de type PASSYS, installée à Sophia Antipolis, et ont démontré la pertinence du concept.
Une première série de prototypes a ensuite été développée et plusieurs exemplaires ont été fabriqués avec l’aide de l’ADEME, et installés dans diverses habitations et pièces de bureaux, avec un suivi des comportements et des performances aux résultats encourageants.
Enfin, dans le cadre de la réhabilitation lourde d’immeubles d’habitation, plusieurs centaines de ces composants ont été installés, et le système est maintenant commercialisé. Ce procédé a été lauréat de nombreuses récompenses et d’après des mesures effectuées sur site par le BE ARCHIMEDES, « permet une climatisation naturelle et 20 % d’économie de chauffage l’hiver ».
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