Pour Céline, représentant de l’esprit français
Pour incarner cette langue populaire, Duneton n’hésite pas. Malgré son agressivité, sa mauvaise foi, ses caprices, ses positions extrémistes impardonnables, il opte pour Céline. Après Rabelais autrefois, après Shakespeare en Angleterre, Céline pour les Français du XXe siècle.
Son apologie de Céline est habile.
Il reconnaît les défauts, l’imprévisibilité, le caractère violent de l’homme. Mais il essaie de donner du personnage une analyse psychologique fine qui dépasse ses provocations.
Politiquement, il plaide pour une espèce de neutralité ou plutôt de nihi-lisme de Céline, à la fois premier critique de Staline (Korsör, 55-58) et contempteur d’Hitler et de Pétain (101, 107).
Sa conclusion iconoclaste est à la fois révélatrice de son humour et de son goût de la provocation. Il affirme en effet qu’à peu de choses près, Céline aurait pu être envoyé en camp de concentration par les Nazis, que cela aurait été sa « chance » : il serait aujourd’hui un classique étudié dans les écoles, un grand écrivain français reconnu et adulé (Korsör, 96-100).
« Sous couvert de culture générale, on a éloigné les bouquins qui m’auraient été d’un secours splendide, car ils parlaient de moi, au ras des pâquerettes, et bien ! », déclare Duneton à propos de Mort à crédit, qu’il regrette d’avoir lu trop tard. (Korsör, 101, 111)
Céline, immense écrivain, a inventé l’écriture « sensible » (102) grâce à la langue populaire, mais Duneton dénonce les « spécialistes » qui font semblant de croire qu’il a inventé cette langue ! Il en a joué de façon magistrale, il l’a illustrée dignement, mais il ne l’a pas inventée : on cherche par ces faux éloges à nier l’existence même de cette langue du peuple vieille de plusieurs siècles.
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