De la ville «anthropomimétique» à la ville «biomimétique» : les eaux usées, sales et impures dans le nouvel imaginaire de la «ville forêt» Introduction



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De la ville « anthropomimétique » à la ville « biomimétique » : les eaux usées, sales et impures dans le nouvel imaginaire de la « ville forêt »
Introduction

Cette contribution porte sur les imaginaires de la ville au sein desquels se pose la question des eaux usées, sales et impures en milieu urbain. Notre constat de départ est que lors même de la modernisation des villes européennes à l’époque de la Révolution Industrielle, un imaginaire très particulier orientait la réalisation d’ouvrages hydrauliques urbains. Au fondement de cet imaginaire se trouvait l’image du corps humain. En ce qui concerne l’eau, les conduites d’eau potable étaient conçues par analogie avec les « artères », les pompes qui faisaient circuler cette eau avec le « cœur », et les conduites d’eaux usées et d’eaux pluviales avec les « veines ». Cet imaginaire de ce que nous appellerons la « ville anthropomimétique » – la ville conçue comme imitation du corps humain – semble avoir joué un rôle décisif dans la réalisation d’ouvrages hydrauliques urbains de l’ère industrielle. Néanmoins, à mesure que cet imaginaire du corps humain se généralise et se normalise, il sombre dans l’oubli, submergé par des considérations pragmatiques superficielles et délaissé par le positivisme. Or, en raison de l’accumulation de problèmes qu’implique cet imaginaire presque oublié, un nouvel imaginaire vient le concurrencer : celui de la « ville biomimétique » et plus précisément celui de la « ville forêt ».


Les eaux usées, sales et impures dans la ville anthropomimétique

A l’époque de la Révolution Industrielle, trois changements majeurs se produisirent dans les villes européennes : leur industrialisation, l’augmentation de leur population et l’exigence de leurs habitants – notamment les bourgeois – d’une vie plus hygiénique, plus aisée et plus plaisante (Goubert 1986). En ce qui concerne l’eau, ces trois changements se traduisirent en une demande accrue pour un flux régulier d’eau potable, ainsi que pour le traitement efficace des eaux usées, sales et impures.1 Mais comment ce changement était-il pensé ? Les urbanistes de l’époque, disposaient-ils d’une théorie, d’un concept ou d’une image qui permettait une vision globale de la nouvelle ville qu’ils cherchaient à réaliser ? Selon l’historien du XIXe siècle, Jean-Louis Harouel, les nouvelles villes qui émergeaient à cette époque se fondaient sur un modèle bien particulier, celui de l’organisme :


Sous l'influence d'une certaine vulgarisation médicale, administrateurs, économistes, ingénieurs, architectes, tendent à assimiler la fonction du sang qui irrigue les tissus animaux à celle de la circulation des biens et des hommes qui contribue à vivifier ce qu’il faut bien appeler, dans la logique de cette équation, un organisme urbain.2

Une telle vision est conforme à l’analyse de Judith Schlanger, qui montre que l’application de la métaphore de l’organisme à des phénomènes sociaux (société, Etat, nation, langue, etc.) connut un succès inédit à la fin du XVIIIe et puis tout au long du XIXe siècle.3 Un exemple important de cette tendance est la « physiologie sociale » de Saint-Simon, qui conçoit la société comme une « machine organisée » dont les différentes fonctions correspondent aux « organes » d’un organisme biologique4.5 Qui plus est, cette physiologie sociale ne concernait pas les seuls ouvrages techniques ; l’économie politique, la législation et la morale publique étaient également conçues d’après la logique de cet imaginaire, c’est-à-dire comme une « collection de règles hygiéniques » 6. L’application de la métaphore de l’organisme à la ville ne tardait pas à suivre. Pour ne prendre que deux exemples importants, elle était employée par le Baron Haussman à Paris7 et par Edwin Chadwick à Londres8.

Néanmoins, il est important de noter que ce n’était pas un organisme quelconque qu’il s’agissait d’imiter, mais plus précisément l’organisme humain. En effet, la circulation sanguine au sein du corps humain – découverte par le médecin William Harvey au XVIIe siècle – devint le modèle de cette nouvelle forme d’urbanité. Comme l’explique Ivan Illich :
Vers la fin du XVIIIe siècle, la théorie de Harvey était, de manière générale, admise en médecine. L’idée que la santé humaine dépend de la circulation rapide du sang s’insérait bien dans le modèle mercantiliste de la richesse – juste avant Adam Smith – basé sur l’intensité de la circulation monétaire. / Au milieu du XIXe siècle, plusieurs architectes britanniques se mirent à parler de Londres en se référant à ce même paradigme, et en ne manquant aucune occasion de reconnaître leur dette à l’égard de « l’immortel Harvey ». Ils concevaient la ville comme un corps social à travers lequel l’eau devait constamment circuler et repartir en charriant ce qui la souillait. Il fallait que l’eau coule continuellement dans la ville pour se débarrasser de sa sueur et de ses déchets. […] A l’instar de Harvey, qui avait découvert quelque chose d’inimaginable avant lui, à savoir que le sang est un véhicule en circulation, et ouvert ainsi la voie de la médecine moderne, Chadwick et ses confrères, en inventant le circuit de l’eau, redéfinissaient la ville comme un espace nécessitant constamment d’être débarrassé de ses déchets. A l’image du corps et de l’économie, la ville pouvait désormais être visualisée comme un système de conduits.9
L’hydrologue français contemporain, Bernard Chocat, confirme cette analyse lorsqu’il parle « des hygiénistes du XIXe siècle qui voient une analogie entre la circulation du sang dans le corps humain et celle de l'eau dans la ville »10.

Ce nouveau paradigme comporte, cependant, de nombreuses complications dont les aspects problématiques, notamment sur le plan écologique, ne se sont révélés qu’avec le temps. La première complication – sans doute la plus grave – concerne le statut écosystémique de l’homme. La métaphysique, nous explique Martin Heidegger, comprend l’homme comme un « animal rationnel »11. Ainsi, tandis que le sang circule dans le corps humain de la même manière que dans un corps animal, l’homme se différencie de l’animal de par sa rationalité. Mais qu’est-ce qu’un animal d’un point de vue écologique ? D’après le schéma des guildes écologiques proposé par Charles Elton12, un animal est un « consommateur » dans lequel aucune production au sens écologique (auto-tropisme) n’a lieu. En tant que tel, il dépend de la production et de la décomposition qui ont lieu dans son environnement et qui assurent la fermeture de la grande boucle écologique composée de producteurs (plantes, algues vertes…), de consommateurs (animaux, insectes…) et de décomposeurs (champignons, bactéries…). Or, si on pense la ville par analogie avec un corps animal, sa taille importante mènera inévitablement à une consommation massive de produits puisés dans son environnement proche ou lointain, ainsi que le déversement d’énormes quantités de déchets au-delà de ses bords. Un flux linéaire important traverse donc l’ « organisme urbain », d’où ce que Sabine Barles appelle l’ « invention » au XIXe siècle des déchets urbains et des eaux usées.13 En outre, il est également clair qu’une telle configuration de l’urbain dépend de la rationalité, considérée par la métaphysique comme le propre de l’homme. En effet, l’exploitation systématique de l’environnement non-urbain ne pourrait se faire sans une rationalité technique très pointue, laquelle prend ici la forme de la gestion logistique des chaînes d’approvisionnement et d’évacuation des déchets. A partir de cette analyse, on voit très bien le lien qui existe entre la vision métaphysique de l’homme comme « animal rationnel » et ce que Heidegger nomme le « Gestell » ; cette dernière expression – traduite parfois comme « arraisonnement »14, parfois comme « consommation »15, parfois comme « système »16 – signifie une exploitation rationnelle et systémique de la nature à des fins de consommation humaine17.

Une deuxième complication concerne l’inexactitude de l’analogie entre l’acheminement de l’eau en ville et la circulation sanguine. Alors que dans le corps humain le sang s’éloigne du cœur le long des artères et y retourne le long des veines, parcourant ainsi un véritable circuit, ladite « circulation » de l’eau urbaine est plutôt linéaire. Les réseaux industriels captent des eaux de surface ou souterraines, les soumettent à un traitement et puis, suite à leur utilisation, les évacuent via les égouts pour enfin les rejeter – après un traitement dans une station d’épuration (STEP) – dans la nature. L’eau est bien en mouvement constant, mais ce mouvement est linéaire ; les réseaux d’adduction ressemblent plus à l’œsophage et aux voies urinaires qu’aux artères et aux veines.

Une troisième complication concerne les eaux pluviales. A la différence d’un individu humain, capable de se déplacer pour éviter les inondations, une ville immobile doit s’adapter à des événements pluvieux par d’autres moyens. Le premier système moderne conçu pour traiter les eaux pluviales cherchait à les évacuer par un réseau dit « unitaire », lequel mélange les eaux usées et pluviales. L’inconvénient majeur que pose ce système tient au fait qu’un réseau unitaire est facilement débordé en temps de pluie, le résultat étant un déversement nuisible de toutes ces eaux – souvent très polluées – dans des cours d’eau urbains ou périurbains. Le deuxième système, dit « séparatif », consiste à traiter les eaux usées et pluviales de manière séparée. Il paraissait avantageux dans la mesure où il assurerait un traitement intégral des eaux usées, tandis que les eaux pluviales seraient rejetées directement dans la nature sans traitement préalable. Dans la grande majorité des cas, cependant, les eaux pluviales urbaines sont elles aussi « sales » et « impures » ; en traversant des surfaces urbaines, elles accumulent diverses impuretés (huiles, nitrates, pesticides, résidus industriels, métaux lourds, etc.) et ne peuvent donc être introduites dans la nature sans induire des pollutions importantes. Mais traiter ces eaux sales et impures se révèle compliqué sur le plan technique.18 De plus, quel que soit le système adopté, le principe commun du tout-à-l’égout augmente le risque d’inondations et de crues subites : la généralisation des surfaces imperméables augmente la vitesse de l’écoulement, et ceci à un tel point que le système peut vite déborder.19

La vision « mécaniste » de la physiologie moderne constitue un quatrième problème. Cette vision est souvent associée à Descartes qui, dans son Traité de l’homme, conçoit le corps humain comme une machine composée de tuyaux dans laquelle le sang circule en permanence.20 Mais qu’est-ce qui justifie cette vision mécaniste ? Dans un passage remarquable, Descartes écrit :

[…] parce qu’il est conforme à la raison que l’art imitant la nature, et les hommes pouvant construire divers automates, où il se trouve du mouvement sans aucune pensée, la nature puisse de son côté produire ces automates, et bien plus excellents, comme les brutes, que ceux qui viennent de main d’homme […].21

Il s’agit d’un syllogisme : (i) l’art imite la nature ; (ii) l’art fabrique des automates ; donc (iii) la nature fabrique des automates. Or, il n’est pas difficile de voir que la prémisse (i) pourrait être soit fausse, soit seulement partiellement vraie22. Dans les deux cas, elle servirait à justifier non seulement une interprétation de la nature qui découle de la technique mécanique, mais aussi la technique mécanique elle-même, car, suivant « la nature », elle ne saurait être remise en question. Il est également important de noter que cette interprétation mécaniste de la nature est conforme à la vision platonico-chrétienne d’un « Dieu artisan », voir même – suite à la montée des mathématiques au cours de l’époque moderne – d’un « Dieu ingénieur ». Ainsi, de même que Dieu fabrique l’homme-machine à partir d’une matière minérale (l’argile) sur laquelle il impose une forme qui correspond à son Idée de départ, les ingénieurs fabriquent des machines de la même manière.23 En ce qui concerne la « ville anthropomimétique », un réseau de tuyaux sera fabriqué par l’imposition d’une forme sur des matières minérales (béton, métal, plastique...) conformément à une Idée de départ, c’est-à-dire le plan du réseau. A la lumière de ce constat, il convient de qualifier l’idée selon laquelle le travail des ingénieurs lors de la création des grands réseaux hydrauliques urbains au XIXe siècle dépendait de l’imaginaire de la ville anthropomimétique ; même si cela reste correct, force est de constater que le corps humain était lui-même conçu de manière mécaniste, c’est-à-dire par analogie avec des techniques de construction mécaniques. Comme le note Judith Schlanger : « Au début du XVIIe siècle déjà, Harvey expliquait la circulation du sang sur le modèle des pompes aspirantes et foulantes »24. Dans tous les cas, la complicité entre la vision mécaniste de l’organisme et la vision organiciste du mécanisme favorisait des villes « minérales » construites de pierre, béton, métal, verre et plastique, et dont l’agencement réticulaire était censé correspondre à celui d’un corps humain mécanique. De nombreux problèmes découlent de cette minéralité : l’épuisement des ressources minérales ; la pollution des eaux et des sols en raison de la présence de minéraux polluants (plomb, cadmium, amiante…) ; la disparition de la nature en ville et son remplacement par des objets techniques fabriqués à base de minéraux (trottoirs, routes, parkings, immeubles…).25 En outre, lorsque l’on ajoute à cette vision mécanique le nouvel imaginaire thermodynamique d’un « organisme brûleur, avec ses consommations caloriques et ses énergies spécifiques »26, on voit bien l’inéluctabilité d’une consommation accrue en ville des nouvelles énergies minérales (fossiles puis nucléaires).

Le rapport entre la ville anthropomimétique et la montée de l’hygiénisme présente un cinquième problème. L’imaginaire de la ville anthropomimétique a pour conséquence non seulement que l’eau se voit canalisée dans des tuyaux, de sorte qu’elle circule en permanence et ne peut donc « stagner », mais aussi que la plupart des êtres vivants qui arrivent à pénétrer dans la ville, notamment les rats, les pigeons et les « mauvaises herbes », assument le rôle de pestes, de parasites ou de vecteurs de maladies à traiter par divers dispositifs d’ « immunisation » (pesticides, vaccins, expulsions, etc.). Un tel constat ne veut pas dire que le mouvement hygiéniste n’a pas apporté des bénéfices à la santé public, mais il soulève toutefois la question suivante : la conception anthropomimétique de la ville, ne va-t-elle pas de pair avec la manifestation du vivant non-humain en milieu urbain avant tout comme élément étranger et invasif, que ce soit comme peste, parasite ou vecteur de maladies ?

La sixième et dernière complication de la ville anthropomimétique est qu’elle sera pensée en tant qu’unité dont les éléments n’ont que très peu d’autonomie, tout étant régulé de manière centralisée, ce qui est conforme à la prolifération à partir du XIXe siècle des grands réseaux (hydrauliques, énergétiques, ferroviaires, télévisuels, etc.). Si nous ne pouvons pas traiter ici toute les implications socio-politiques de ces grands réseaux centralisés, il convient toutefois de noter qu’ils ont un déficit important de résilience.27 Lorsque tous les utilisateurs dépendent d’un seul réseau ayant très peu d’entrées, que se passe-t-il lorsque le réseau lui-même, ou bien les ressources dont il dépend, sera menacé ou fragilisé ? A mesure que les ressources se raréfient et que le changement climatique provoque des événements météorologiques plus extrêmes, la fréquence du risque ira sans doute en augmentant.
De la « ville anthropomimétique » à la « ville forêt »
Nous avons qualifié la forme urbaine qui a émergé au début du XIXe comme « ville anthropomimétique ». Or, il est intéressant de noter qu’une « nouvelle science » appelée « biomimétisme »28 – dont le principe de base est de prendre la nature comme modèle – a connu un essor important ces dernières années et que certains de ces défenseurs ont même commencé à parler de « ville biomimétiques »29. Mais qu’est-ce qu’une ville biomimétique ? Même si on peut en principe imaginer un nombre quasi infini de modèles biologiques (cellules, plantes, animaux, termitières…) qui nous aideraient à penser de nouvelles formes urbaines, celui qui nous semble à la fois le plus discuté et le plus prometteur est celui de la forêt. Une expression poétique de cette image se trouve dans Cradle to Cradle : Remaking the way we make things de Michael Braungart et William McDonough: « Imaginez un bâtiment comme un arbre et une ville comme une forêt »30.

La « ville forêt » de Braungart et McDonough se distingue de la ville anthropomimétique à de nombreux égards. Alors que la ville anthropomimétique consomme surtout des énergies minérales (fossiles ou nucléaires), dans la ville forêt chaque bâtiment produirait sa propre énergie à partir d’énergies renouvelables, à la manière d’arbres autotrophes31. Alors qu’un flux linéaire de matières et de produits traverse la ville anthropomimétique, la ville forêt recyclerait les matières et les produits dans des boucles relativement fermées. Alors que l’aspect mécanique, minéral et hygiéniste de la ville anthropomimétique fait qu’elle ne contient que très peu de biodiversité, la ville forêt serait un habitat capable d’accueillir des espèces diverses. Alors que la ville anthropomimétique pollue ses eaux et ses airs, la ville forêt les purifierait. Alors que la ville anthropomimétique laisse mourir ses sols, la ville forêt les fertiliserait…

Mais qu’en est-il de l’eau dans la ville forêt ? Face aux divers problèmes hydrologiques des villes contemporaines, la solution actuellement préconisée par maints hydrologues urbains consiste à promouvoir des techniques dites alternatives, c’est-à-dire alternatives au réseau centralisé.32 De façon générale, ces techniques alternatives vont dans le sens de la ville forêt. Par exemple, l’acte d’ « ouvrir » (daylight) des cours d’eau urbains, autrefois canalisés, enfouis et pollués, transforme une « veine » – ou plutôt une « voie urinaire » – en un ruisseau ou une rivière. Le résultat sur le plan hydrologique sera un ralentissement de l’écoulement de l’eau, et donc moins d’inondations et de crues subites, une meilleure recharge des nappes souterraines et une purification naturelle de l’eau.33 Dans le même temps, ces cours d’eau régénérés introduisent la production primaire assurée par les plantes, augmentent la biodiversité et aident à réguler le climat, notamment en atténuant l’impact des îlots de chaleur urbaine. D’autres techniques alternatives, comme des noues, des tranchées, des bassins d’infiltration, des toitures et des murs végétalisés, des sols perméables et des espaces verts, remplissent des fonctions écologiques comparables.34

L’imaginaire de la ville forêt peut également nous aider à repenser les réseaux d’eaux brutes35, potables ou usées. De même que les arbres puisent de l’eau directement dans les sols locaux, des microsystèmes pourraient capter et filtrer des eaux pluviales ou souterraines.36 Dans la nouvelle ville de Lavasa en Inde, par exemple, la société d’architectes HOK, en collaboration avec The Biomimicry Guild, ont pris l’arbre comme modèle du bâtiment pour concevoir des fondations non seulement comme des supports physiques mais aussi comme des systèmes de captage et de stockage de l’eau, analogues aux racines.37 Des eaux grises38 pourraient être recyclées en boucles relativement fermées39, analogues à celles que l’on trouve dans des forêts. Et des STEP innovantes, comme les « living machines » (machines vivantes) qu’évoquent Braungart et McDonough40, pourraient traiter des eaux usées au sein d’un écosystème complexe – composé de bactéries, de plantes, d’insectes et de poissons – inspiré par des zones humides. Par ailleurs, comme ces living machines produisent des boues de très bonne qualité et des eaux très pures, ce qui en sort n’est plus à concevoir comme un déchet, mais plutôt comme une ressource41, ce qui remet en question l’imaginaire linéaire et entropique de la ville anthropomimétique, d’après lequel des eaux utiles, propres et pures céderaient inévitablement la place à des eaux usées, sales et impures. Le résultat général de ces techniques alternatives serait un métabolisme plus circulaire et plus local.42

On pourrait néanmoins soupçonner que l’imaginaire de la ville forêt a d’autres implications plus problématiques. Si on pousse cette image jusqu’au point où des techniques alternatives remplacent entièrement les grands réseaux centralisés, n’arrivera-t-on pas à une forme d’urbanité où domine la « loi de la jungle » ? En effet, on pourrait imaginer que dans un tel contexte seuls les plus forts, c’est-à-dire les plus riches, pourraient se doter de microsystèmes de potabilisation et/ou de recyclage des eaux. Dans un système décentralisé, où chacun est davantage « autonome » et donc « pour soi », ne se profile-t-il pas ainsi le danger d’un autre déficit de résilience : l’absence d’un système de partage ou de distribution ?

Face à ces soucis, une autre figure végétale pourrait venir à notre secours : le rhizome. Avant d’examiner cette figure, il est important de noter que sa compatibilité avec l’imaginaire arboricole de Braungart et McDonough ne va pas de soi, car l’analyse philosophique majeure du rhizome, celle de Deleuze et Guattari43, se fond sur sa distinction d’avec l’arbre. Or, la critique deleuzienne de l’arbre se focalise moins sur les arbres réels que sur l’usage métaphorique de ce terme dans la pensée philosophique traditionnelle : l’arbre, pour celle-ci, est ce qui part d’un point, d’un germe, et ne se différencie qu’à partir de là, comme c’est le cas chez les arbres généalogiques, où tout émerge d’un même tronc initial. Ainsi, à la différence de l’arbre « vertical » et « généalogique » de la pensée philosophique traditionnelle, le rhizome est « latéral » et « populaire »44. Or, comme le notent Deleuze et Guattari, rien ne nous empêche de penser les arbres biologiques, quant à eux, selon une logique rhizomatique.45 Par ailleurs, même si on voulait se limiter à l’usage strictement botanique de ce terme, on peut noter l’existence d’arbres qui se propagent par rhizomes, notamment les peupliers.46 En ce qui concerne la ville forêt, la figure du rhizome peut donc aider à penser une troisième voie entre la centralisation et la décentralisation. Les bâtiments seraient comme des peupliers ou des bambous connectés entre eux par leurs rhizomes ; ils pourraient ainsi devenir des sites de production « distribuée » (d’énergie renouvelable, de diverses formes d’eau47, de produits durables48, de produits agricoles49, etc.), de sorte que ce qui se produit dans tel ou tel site puisse être partagé de façon latérale avec d’autres sites. Tout comme les rhizomes, un tel système serait non seulement à « entrées multiples »50 mais davantage « résilient »51.52 Néanmoins, il ne faudrait pas non plus réduire ce nouvel imaginaire de l’urbain à la seule image du rhizome. Malgré la tendance de Deleuze et Guattari à généraliser le rhizome jusqu’au point où il devient une sorte de figure ontologique universelle, l’image de la ville forêt rend possible un imaginaire beaucoup plus fertile que ce que peut offrir la seule image du rhizome. Des forêts comprennent, entre autres, des individus, des espèces, des propriétés systémiques, ainsi que des éléments abiotiques (eau, air, minéraux, énergie), qui pourraient tous jouer un rôle important dans un nouvel imaginaire de l’urbain.



Un dernier aspect important de l’imaginaire de la ville forêt se rapporte à ses aspects spécifiquement humains. Nous avons déjà vu qu’une vision trop décentralisée de la ville forêt risque de conduire à une sorte de « loi de la jungle ». Or, il est intéressant de noter qu’un élément essentiel d’une jungle est sa forte densité et son absence relative d’espace et de lumière. La forêt, au contraire, peut comprendre des « clairières », mot que Heidegger emploie pour désigner le « là » ou l’ « Ouvert » qui caractérise l’existence humaine.53 Selon l’imaginaire de la ville forêt, ses clairières seraient à penser comme des agoras, c’est-à-dire des lieux où les êtres humains se rassemblent et s’associent, où les choses s’ouvrent à la publicité de l’échange (marchés), de jugements (tribunaux) et de débats politiques (parlements), et où l’art et la philosophie peuvent également s’épanouir (écoles, académies). Par ailleurs, à la différence de la ville anthropomimétique et ses « règles hygiéniques » correspondantes, l’imaginaire de la ville forêt irait plutôt de pair avec l’éthique et la politique émergente de l’éco-citoyenneté et de la démocratie écologique.
Epistémologie de la ville forêt
L’épistémologie moderne a tendance à porter un regard critique sur les images et les imaginaires. Pour qu’une pensée soit rigoureusement scientifique, il faudrait qu’elle se purifie d’images, d’analogies, de comparaisons, de métaphores, car tous ces tropes ont tendance à être inexacts et trompeurs. Gaston Bachelard, par exemple, écrit: « Une science qui accepte les images est, plus que toute autre, victime des métaphores. Aussi, l'esprit scientifique doit-il lutter sans cesse contre les images, contre les analogies, contre les métaphores »54. Le résultat souhaité est une pensée fondamentalement abstraite et conceptuelle, et donc une pensée qui réfléchit d’abord au signifié, au vouloir dire, et ne lui attribue un signifiant que dans un second temps, et cela de manière purement conventionnelle.55 Dans cette optique, l’analogie moderne entre l’homme et la ville aurait eu la conséquence peu souhaitable et quasiment inévitable de mal représenter le phénomène urbain. De façon similaire, alors que dans un premier temps l’écologie pensait son objet via la métaphore de l’organisme (Clements), et plus tard via celle de la communauté (Elton), elle ne serait devenue scientifique au sens positif que lorsqu’elle se serait débarrassée de ces deux métaphores en adoptant le concept pur d’ « écosystème » (Tansley).56 De nos jours, cette tendance se poursuit en urbanisme avec la montée de l’expression de « systèmes urbains ». Une telle volonté de n’employer que des concepts purs s’étend aussi à la technique, au design et à la gestion. Ainsi, dans le domaine de l’eau, on parle de « gestion intégrée des ressources en eau », de « conception urbaine sensible à l’eau » et de « systèmes de drainage urbains durables » – concepts complètement dépourvus d’images.

Une telle épistémologie présente deux dangers principaux. Le premier concerne le fait que nous nous trouvons d’ores et déjà dans un monde dont la formation a été fortement influencée par des images et des imaginaires. Les villes industrielles modernes – pour poursuivre notre exemple – ont été réalisées à travers la métaphore de l’homme, lui-même conçu comme animal rationnel. Ne pas reconnaître ce fait au nom d’une pensée scientifique qui ne traite que de concepts purs, exacts et rationnels revient donc à passer à côté du fondement même de l’urbanité moderne et, de fait, de se priver de toute possibilité de le changer. A partir de ce constat, il est utile de considérer la distinction qu’établit Paul Ricoeur entre la métaphore morte et la métaphore vive.57 D’après Ricoeur, la métaphore morte est une métaphore « lexicalisée », c’est-à-dire intégrée au discours ordinaire à un tel point qu’on ne la reconnaisse plus comme telle. A la lumière de cette distinction, on peut dire que la conception de la ville à partir de la figure de l’homme est aujourd’hui devenue un type particulier de métaphore morte : autrefois vive, elle ne s’est pas tellement « lexicalisée » que « réalisée » dans les villes modernes, déterminant ainsi notre conception58 de l’urbain sans que nous ne nous en rendions plus compte. Or, la réponse que propose Ricoeur à des métaphores mortes n’est pas l’enterrement définitif de toute métaphore, comme le voudrait la science bachelardienne, mais la poétisation de nouvelles « métaphores vives ».

Cette vision du rôle des métaphores vives va de pair avec l’argument de Jean-Philippe Pierron, selon laquelle la méconnaissance répandue des images et des imaginaires tient au fait qu’ils sont interprétés à partir d’une « théorie de la connaissance » et non pas à partir d’une « poétique de l’action ».59 Autrement dit, en bons épistémologues soucieux d’établir des connaissances certaines et exactes, nous n’avons vu que des déficits de correspondance entre réalité et image. Si, au contraire, nous interprétons les images et les imaginaires à partir d’une « poétique de l’action », leur fonction ne sera plus du tout la même, car ils serviront moins à décrire un monde existant qu’à faire émerger (poiein) un monde à venir. En effet, dès qu’on quitte la logique représentative de l’épistémologie traditionnelle, la vérité – au sens de la correspondance entre réalité et représentation – perd son statut prééminent, lequel est désormais pris par l’alètheia au sens heideggérien : l’émergence dans l’Ouvert de phénomènes60 (Heidegger 1976b), laquelle, bien évidemment, nécessite un Ouvert où les choses peuvent apparaître. En effet, pour qu’une ville puisse se concevoir comme un corps humain ou comme une forêt, il faut précisément un Ouvert ou une clairière où une telle compréhension de l’être des choses peut avoir lieu.

Le deuxième danger que présente l’épistémologie représentative traditionnelle est également lié à ce que Heidegger appelle l’Ouvert ou la clairière. Le biomimétisme, nous l’avons déjà vu, propose de prendre la nature comme modèle. Mais quelle perspective adopte-t-elle par rapport à la nature ? Il ne peut guère y avoir de doute que la seule perspective que le biomimétisme – au moins tel qu’il est actuellement conçu – reconnaît comme légitime à l’égard de la nature est celle des sciences de la nature. Certes, ces sciences ne sont pas employées dans une optique cartésienne de « maîtrise » et de « possession » de la nature, mais plutôt dans une optique d’écoute, d’admiration et d’apprentissage. Il n’empêche que c’est toujours un regard scientifique qui prévaut. D’après ce regard scientifique, une forêt sera vue comme un type particulier d’écosystème, dit souvent de « Type 3 », et une « ville forêt » sera conceptualisée comme une modalité spécifique de « écosystème urbain ». Même les êtres humains, de ce point de vue, seront réduits à des éléments objectifs au sein de cet écosystème urbain. Dès lors, se présente le danger d’une forme particulièrement extrême de ce que des philosophes comme Michel Foucault et Giorgio Agamben nomment la « biopolitique »61, c’est-à-dire une réduction de la politique à la gestion des êtres humains comme autant d’organismes biologiques au sein d’un écosystème caractérisé par une certaine disposition de stocks et de flux (de naissances, de morts, d’eau, d’énergie, d’information, de déchets…). Or, une telle perspective à la fois scientifique et systémique revient à ignorer l’Ouvert ou la clairière où, nous dit Heidegger, les choses – et l’Etre lui-même – apparaissent. Il est donc extrêmement important de ne pas réduire la ville forêt à une forme spécifique d’ « écosystème urbain ». En effet, la possibilité même de catégoriser la ville forêt comme un écosystème urbain dépend de l’ouverture spécifiquement humaine à l’être des choses, laquelle, dans l’imaginaire de cette même ville forêt, peut se concevoir comme ayant lieu dans une « agora clairière ». De ce point de vue, l’imaginaire poético-philosophique de la ville forêt précède toute « catégorisation »62 scientifique de cette dernière en tant qu’ « écosystème urbain ».


Conclusion
Ce qui rend possible toute transformation fondamentale de la ville est l’émergence d’un nouvel imaginaire. En effet, si au début du XIXe siècle ingénieurs, architectes, urbanistes, économistes et autres ont pu travailler ensemble pour mettre en place une nouvelle forme d’urbanité caractérisée par des grands réseaux centralisés (d’eau, d’énergie, de véhicules, d’information, etc.), c’était grâce à un nouvel imaginaire de l’urbain : la ville conçue comme imitation du corps humain, ou « ville anthropomimétique ». Or, avec le temps cette métaphore vive s’est transformée en métaphore morte, capable toutefois de déterminer encore notre conception de l’urbain par sa « fécondité occulte »63. Compte tenu de tous les problèmes que soulève cette métaphore morte – des villes qui consomment sans produire ou décomposer, qui épuisent et polluent leurs milieux, où mécanicité et minéralité vont de pair, et dont les réseaux centralisés s’avèrent de plus en plus fragiles – le moment semble opportun de poétiser une nouvelle métaphore vive : celle de la ville-forêt, avec ses habitats-arbres, ses réseau-rhizomes, ses agora-clairières, ses ruisseaux rouverts, et ses chemins encore inexplorés.64
Henry DICKS
Notice Bio-bibliographique
Henry Dicks est chercheur postdoctorant à l’IrPhil (Institut de Recherches Philosophiques) de l’Université Jean Moulin Lyon 3. Membre de la Chaire Industrielle, « Rationalités, Usages et Imaginaires de l’Eau », un partenariat entre la faculté de philosophie de Lyon 3 et Lyonnaise des Eaux, ainsi que du projet « VIBIOM » (sur les villes biomimétiques) du Labex IMU (Intelligence des Mondes Urbains), ses publications récentes portent sur la démocratie écologique, le retour de l’eau en ville, et le rôle fondateur que jouent certaines figures aquatiques, notamment le tourbillon et le fleuve rond, dans la poétique et la pensée occidentales. Il est actuellement en train d’écrire un livre : La Ville Biomimétique.
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1 Selon le contexte, on pourrait établir des distinctions plus ou moins raffinées entre les termes « usé », « sale » et « impur ». Dans cette contribution, « sale » et « impur » seront employés comme des quasi-synonymes pour désigner des eaux qui, en raison des matières qu’elles contiennent, ne peuvent être introduites dans un milieu naturel sans le dégrader. Ces eaux correspondent principalement à des eaux pluviales qui, en entrant en contact avec la ville, se chargent de polluants. Les eaux usées sont également sales et impures, mais, à la différence des eaux pluviales, elles ont été l’objet d’un usage humain.

2 Jean-Louis Harouel, cité dans Jean-Luc Bertrand-Krajewski, Cours d’hydrologie urbaine: Partie 1 : Introduction Générale, 2006, p.6.

3 Judith Schlanger, Les Métaphores de l’Organisme, Harmattan, Paris, 1995.


4 Henri de Saint-Simon, De la Physiologie Sociale, PUF, Paris, 1965. Voir aussi Jean-Baptiste Narcy, Pour une gestion spatiale de l’eau : comment sortir des tuyaux ?, Peter Lang, Bruxelles, 2004, p.117.

5 Les Saint-Simoniens ont joué un rôle clé dans la mise en place des premiers réseaux industriels d’acheminement d’eau. En effet, la première concession de l’eau dans le monde, celle de la ville de Lyon, a eu lieu sur l’initiative des Saint-Simoniens (Claude Frangin, Petit Historique de l’Eau de Lyon, Conférence, Juillet 2007, p.3). Ce modèle d’inspiration saint-simonienne s’est ensuite répandu au niveau international et international, grâce notamment aux efforts de la Compagnie Générale des Eaux, devenue Veolia Environnement, et de la Lyonnaise des Eaux, qui appartient aujourd’hui à Suez Environnement. On pourrait donc soutenir que l’importance mondiale de ces deux grands groupes français découle de façon plus ou moins directe de la physiologie sociale saint-simonienne.

6 Henri de Saint-Simon, De la Physiologie. op. cit., p.65.

7 Voir, par exemple, Cyrille Harpet, Du Déchet : Philosophie des Immondices, Corps, Ville, Industrie, Harmattan, Paris, 1998, p.294 ; Antoine Picon, La Ville des Réseaux : Un imaginaire politique, Manucius, Paris, 2014, p.10.

8 Cyrille Harpet, op. cit., p.223.

9 http://www.paperblog.fr/3575094/h20-et-les-eaux-de-l-oubli/. Pour la conférence originale d’Illich, prononcée en anglais, voir https://www.youtube.com/watch?v=BrtO8kPdlRg.

10 Bernard Chocat « Assainissement » in Bernard Chocat (dir.), L’encyclopédie de l’assainissement et de l’hydrologie urbaine, Tec & doc Lavoisier, Paris, 1997.

11 Martin Heidegger « Lettre sur l’humanisme », Questions III et IV, Gallimard, Paris, 1976a, pp.77-78.

12 Charles Elton, Animal Ecology, Macmillan, New York, 1927.

13 Sabine Barles, L’invention des déchets urbains, Champ Vallon, Seyssel, 2005. Selon Barles, jusqu’aux années 1880, les villes arrivaient à recycler ce que nous appelons aujourd’hui les « déchets » (eaux usées comprises), grâce notamment aux demandes d’une agriculture et d’une industrie de proximité. Or, en raison des réseaux centralisés, de l’urbanisation croissante, de l’étalement urbain, de l’éloignement de l’agriculture et de l’industrie, et de l’émergence de nouvelles matières premières (énergies fossiles, engrais artificiels, etc.), la complémentarité entre villes, agriculture et industrie a connu une « rupture » : les boucles matérielles se sont « ouvertes » et une consommation linéaire s’est imposée (ibid. 229).

14 Martin Heidegger « La Question de la Technique », Essais et Conférences, trad. fr. A. Préau, Gallimard, Paris, 1958, p.9-48.

15 Michel Haar, Le Chant de la Terre, Editions de l’Herne, Paris, 1985, pp.184-185 ; Frédéric Neyrat, L’indemne: Heidegger et la Destruction du Monde, Sens & Tonka, Paris, 2008, pp.19-21.

16 Miguel De Beistegui, The New Heidegger, Continuum, London, 2005, p.111.

17 Martin Heidegger « La Question de la Technique », op.cit. ; Martin Heidegger « Séminaire du Thor 1969 », Questions III et IV, Gallimard, Paris, 1976c, pp.415-458.

18 Constance Thual, Evaluer l’Urbanité : Rapport Final, INSA de Lyon, 2011, p.10.

19 Iain White, Water and the City: Risk, Resilience, and Planning for a Sustainable Future, Routledge, London & New York, 2010, p.54-58.

20 Pierre Musso, « Genèse et critique de la notion de réseau », Penser les réseaux, ed. Daniel Parrochia, Champ Vallon, Seyssel, 2001, pp.198.

21 René Descartes « Lettre à A. Morus » (1649) Œuvres Complètes III, ed. Ferdinand Alquier, Classiques Garnier, Paris, 2010, p.886.

22 Il existe plusieurs déclinaisons possibles de ce second cas de figure : l’art n’imiterait que certains traits isolés de la nature, et peut-être pas ses traits essentiels ; l’art imiterait la nature dans certains cas isolés mais pas tous ; l’art croit imiter la nature, mais n’imite que la conception dominante de la nature de telle ou telle époque…

23 La grande différence, bien sûr, est que Dieu inspire l’esprit dans l’homme (voir Sloterdijk 2001, p.33-44).

24 Judith Schlanger, Les Métaphores. op. cit., p.28.

25 Il existe deux exceptions importantes à la thèse que la ville anthropomimétique est une ville minérale : les parcs et les STEP à boues activées. Ces exceptions suivent toutefois la logique de la ville anthropomimétique : les parcs se voient souvent attribués le même rôle purificateur que les « poumons » d’un animal (Lewis Mumford, The City in History, Houghton Mifflin Harcourt, New York, 1961, p.475) ; et les STEP peuvent se concevoir comme analogues à nos propres organes d’épuration : le foie et les reins.

26 Georges Vigarello, Le propre et le sale : l’hygiène du corps depuis le Moyen Age, Editions du Seuil, Paris, 2013, p.196.

27 Amory Lovins, Hunter Lovins, Brittle Power: Energy Strategy for National Security, Brick House, Andover, 1982.

28 Janine Benyus, Biomimicry: Innovation Inspired by Nature, Harper Perennial, New York, 1997.

29 Luc Schuiten, Vers une Cité Végétale, Madraga, Wavre, 2010 ; Dickson Despommier, The Vertical Farm: Feeding the World in the 21st Century, Picador, New York, 2011, pp. 14-34.

30 Michael Braungart, William McDonough, Cradle to Cradle: Re-Making the Way we Make Things, Vintage, London, 2009, p.139, nous traduisons. Sur la vision d’une ville « comme une forêt », voir aussi Luc Schuiten, op. cit., pp.157-159.

31 Il est intéressant de noter que les arbres diffèrent des animaux (qu’ils soient rationnels ou non) dans la mesure où ils consomment non pas des stocks d’énergie très concentrés, mais plutôt des flux d’énergie nettement moins concentrés. Or, si les êtres humains restent nécessairement des consommateurs de stocks d’énergie, rien n’empêche leurs bâtiments et leurs villes de faire la transition vers la consommation de flux énergétiques.

32 Voir, entre autres, Jean-Luc Bertrand-Krajewski, op. cit. ; Vladimir Novotny, Paul Brown, Cities of the Future: Towards Integrated Sustainable Water and Landscape Management, IWA Publishing, 2007 ; Hervé Andrieu, Bruno Tassin, Sylvie Barraud « Hydrologie Urbaine, ou Comment rendre l’eau transparente dans la ville » in Olivier Coutard et Jean-Pierre Lévy (dir.), Ecologies Urbaines, Editions Economica, Paris, 2010, pp.130-139.

33 American Rivers, Daylighting Streams: Breathing Life into Urban Streams and Communities, 2013.

34 Bernard Chocat « Un nouveau paradigme pour les eaux pluviales urbaines » in Revue Techniques, Sciences, Méthodes, 2013, No. 6, pp.14-15.

35 Une eau « brute » doit se comprendre ici comme une eau non-potable destinée à un usage humain.

36 Marielle Montginoul « Les eaux alternatives à l’eau du réseau d’eau potable pour les ménages : un état des lieux », Revue Ingénieries, 2006, No. 45, pp.49-62 ; Jiri Marsalek et al., Urban Water Cycle Processes and Interactions, UNESCO, Paris, 2008, pp.24-25.

37 http://dirt.asla.org/2009/09/03/biomimetic-buildings/

38 Une eau « grise » est une eau usée qui ne contient pas d’excrément.

39 Jiri Marsalek et al. Urban Water. op. cit., p.53.

40 Michael Braungart, William McDonough, Cradle to Cradle, op. cit., pp.125-127.

41 Nancy Todd, John Todd, From Ecocities to Living Machines: Principles of Ecological Design, North Atlantic Books, Berkeley, 1993, p.103.

42 Olivier Coutard « Services urbains : la fin des grands réseaux ? » in Olivier Coutard et Jean-Pierre Lévy (dir.), Ecologies Urbaines, op. cit., p.117.

43 Gilles Deleuze, Félix Guattari, Mille Plateaux : Capitalisme et Schizophrénie 2, Les Editions de Minuit, Paris, 1980.

44 Ibidem, p.14.

45 Ibidem, pp.18-19.

46 Selon une « étymologie populaire », le mot « peuplier » vient du mot « peuple », car les romains plantaient ces arbres autour de leurs places publiques. Or, le critère par lequel on désigne cette étymologie comme « populaire » tient précisément au fait qu’elle ne se confirme pas par analyse « généalogique » ; mais le rhizome – moyen par lequel le peuplier se propage – est précisément « anti-généalogique ». Dans le cas du peuplier, cette étymologie « populaire » convient donc parfaitement !

47 Le danger de contamination des eaux potables nécessiterait des sauvegardes supplémentaires. Des « systèmes à barrières multiples » (Jiri Marsalek et al., Urban Water, op. cit., p.31-32) pourraient en principe remplir cette fonction.

48 On pense notamment aux imprimantes 3D.

49 Au-delà de la culture de produits agricoles sur les toits, certains penseurs de la ville biomimétique ont imaginé la généralisation de « fermes verticales » urbaines (Dickson Despommier, The Vertical Farm, 2011). On pourrait peut-être dire que la disposition de leurs plantes hors sol en étages horizontaux correspond à l’imaginaire du « bâtiment-arbre ».

50 « C’est peut-être un des caractères les plus importants du rhizome, d’être toujours à entrées multiples » (Gilles Deleuze et Félix Guattari, Mille Plateaux, op. cit., p.20).

51 « Un rhizome peut être rompu, brisé en un en endroit quelconque, il reprend suivant telle ou telle de ses lignes et suivant d’autres lignes » (Ibidem, p.20).

52 Le rhizome semblerait donc être la figure biologique le plus adaptée à la « troisième révolution industrielle » dont parle Jeremy Rifkin (The Third Industrial Revolution: How Lateral Power is Transforming Energy, The Economy, and The World, Palgrave Macmillan, New York, 2011) ; il incarne à la fois la génération distribuée, le stockage local d’énergie, la latéralité et la résilience.

53 Martin Heidegger « La fin de la philosophie et la tâche de la pensée », Questions III et IV, Gallimard, Paris, 1976b, pp.281-306.

54 Gaston Bachelard, La formation de l’esprit scientifique : contribution à une psychanalyse de la connaissance, Vrin, Paris, 1999, p.38.

55 Karl Popper, The Open Society and its Enemies, Routledge, London, 2011, pp.230-231.

56 Arthur Tansley, “The Use and Abuse of Vegetational Concepts and Terms”, Ecology, Jul., 1935, Vol. 16, No. 3, pp. 284-307.

57 Paul Ricoeur, La Métaphore Vive, Editions du Seuil, Paris, 1975.

58 Le mot « conception » est employé ici au sens large ; il peut signifier aussi bien la « conception » de la ville par des ingénieurs, des designers ou des architectes que la « conception » de la ville qu’ont des élus, des citadins ou des chercheurs.

59 Jean-Philippe Pierron, Les Puissances de l’imagination : Essai sur la Fonction Ethique de l’Imagination, Cerf, Paris, 2012.

60 Martin Heidegger « La fin de la philosophie et la tâche de la pensée », Questions III et IV, Gallimard, Paris, 1976b, pp.298-303.

61 Michel Foucault « Naissance de la biopolitique » Dits et Ecrits III (1976-1979), Gallimard, Paris, 1994, pp.818-825 ; Giorgio Agamben, Moyens sans Fins : Notes sur la Politique, Payots et Rivages, Paris, 1995.

62 Etymologiquement, le mot « catégoriser » signifie « contre » (cata-) l’ « espace ouvert et public » (agora). Toute catégorisation de telle ou telle chose comme ceci ou comme cela suppose donc son émergence préalable dans l’agora. La catégorisation constitue ainsi un état de « clôture » herméneutique, lequel fait suite à l’état d’ « ouverture » herméneutique qui caractérise la présence de toute chose dans l’agora.

63 Paul Ricoeur, La Métaphore Vive, op. cit., p.371.

64 Il est intéressant d’observer dans ce contexte que de nombreux hydrologues urbains ont essayé de théoriser un « changement de paradigme » de l’eau urbaine (Bertrand-Krajewski 2006 ; Novotny and Brown 2007 ; Chocat 2013), mais sont souvent frustrés par la lenteur du changement (Chocat 2013). D’après nous, ce qui manque surtout à ce changement est un nouvel imaginaire de la ville : celui de la « ville forêt ».

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