Documents de l’educateur 172-173-174 Supplément au n°10 du 15 mars 1983 ah ! Vous ecrivez ensemble ! Prat ique d’une écriture collective Théor



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- Tes chants de grenouille me remplissent l'âme de joie.

- 0 mon doux bébé, dis : a-re, a-re, à la société.

- Ce que j'aime en toi, c'est ta voiture, ta maison de campagne et les bijoux de ta mère.



- Quand nos regards se croisent, je voudrais loucher comme toi pour te voir double.

- 0 mon gnan-gnan-gnan, mon petit guili-guili.

- Mon petit poulet mignon.

- Ma petite crotte.

- Adorable chérie, je te prendrai dans mes bras, je glisserai mes mains le long de ton corps, je les remonterai le long de ton cou et, crac ! Je le casserai.
Donc, on le voit, on peut proposer aussi les compliments qu'on lit également en dialogue. mais le rire est d'une autre sorte puisqu'il a pour base une régression à l'enfance et la parfaite inadéquation des mots gentillets et frêles que l'on applique à des personnes solidement assises, sérieuses, épaisses, adultes...
Sous ce couvert des compliments, on peut dire des choses agressives : tant pis, c'est que l'on aura dévié. Mais l'animateur ne pourra être tenu pour responsable de ce débordement de la consigne. Cela peut le protéger de l'institution et lui éviter des « affaires ».
Ce récit de la lente mise au point de la première séance nous a fait toucher du doigt certaines difficultés de l'entreprise. Mais il en est une qui réside dans l'animateur lui-même...
Dans ce début, son principal souci doit être une attention continue aux fragiles, aux effarouchables qu'il faut aider à se dépouiller de leur peau de chrysalide hérissée, trop étroite pour leur rêve de papillon libre. Il faut les soutenir dans leurs premiers pas parce qu'ils n'ont pas encore découvert qu'ils n'ont rien à craindre. Il faut parfois leur souffler un mot pour qu'ils ne butent pas, sinon ils se butent.
- Je n'ai pas d'inspiration.

- Tu écris ça : « Je n'ai pas d'inspiration »

- Vous êtes trop forts pour moi.

- Tu écris ça. Ou bien : « temps pourri », « vipère silencieuse » ou « colonne penchée » n'importe quoi, tout ce qui te passe par la tête. D'ailleurs, plus c'est con et mieux c'est.


En réalité, on a rarement à se faire du souci : le rire, la confirmation grandissante de la sécurité et la confiance montante dans le groupe opèrent d'eux-mêmes la métamorphose. Généralement, rassurés par la promesse de sécurité donnée, ils ont vraiment choisi de participer à ces « jeux écrits ». Et ils peuvent se donner à croire qu'ils pourront se retirer du jeu quand ils le voudront - ce qui est d'ailleurs exact - mais ils ignorent qu'ils portent en eux un grand désir secret d'aller plus loin. Ils ne savent pas qu'ils ont un moteur intérieur très puissant. Mais ils ne sauront qu'ils avaient des ailes dans leur dos que lorsqu'elles auront commencé à se déplier.
Il faut veiller au grain car l'échec de l'un pourrait être l'échec de tous. La première précaution à prendre, c'est de démolir l'image du pouvoir scolaire. L'animateur ne doit jamais être un manipulateur extérieur et, encore moins un observateur-interprétateur. Non, il participe au groupe ; il se fond dans le groupe ; on ne doit pas pouvoir distinguer sa participation.
Dans ces conditions, ça marche à chaque fois. Seulement, voilà, il faut prendre au départ le parti d'être directif. Et, dans l'idéologie non-dialectique du tout ou rien actuelle, cela peut poser des problèmes à certains. La solution est d'ailleurs très vite trouvée : les groupes qui refusent toute animation initiale s'effondrent dès le départ. Pour moi, les choses sont claires : je dois prendre mes responsabilités. Je suis là pour le « forçage de la liberté » ; pour aider de premiers petits pas dans un possible nouveau palais. Puis, peu à peu, je m'effacerai. D'autres proposeront des techniques ; on acceptera les incidents, on réinvestira les incompréhensions. Mon souci principal sera alors de protéger toute expression, toute invention formelle sans que jamais celui qui propose puisse être mal accueilli.
- Essayons ! On ne sait jamais par avance ce que cela peut donner.
Et c'est vraiment vrai qu'on ne peut savoir par avance. Mais, cela, il faut le savoir d'avance ; il faut déjà avoir osé y croire.
Personnellement, mon véritable désir, c'est d'abandonner le plus tôt possible mon animation pour me dissoudre dans le groupe et vivre son aventure dans toute son imprévisibilité. Seulement, la vie est contrariante : « Quand on veut une chose, on ne l'a pas. Et quand on ne la veut plus, on l'a ! ».
Moi, dans la suite de 68, j'avais des rêves d'autogestion. Et je voulais très vite abandonner, ou tout au moins partager, mon pouvoir de proposition. Mais il n'intéressait pas les étudiants. Parce que je le leur octroyais. Et il n'est de véritable plaisir que de le conquérir.
Alors, j'en ai pris mon parti : maintenant, je continue de proposer sans plus me poser de questions, jusqu'au moment où quelqu'un s'exclame :
- Je ne comprends pas comment vous pouvez ainsi obéir à Paul et faire toujours tout ce qu'il dit !
Je m'empresse de sauter sur l'occasion.
- C'est vrai ! Qu'est-ce que tu proposes

- Eh bien, on pourrait...


Alors, là, il faut marcher à fond. Il faut tout faire pour que ça réussisse. Et, peu à peu, le groupe devient également créateur de formes nouvelles.
Mais il est long le chemin qui conduit de la consommation reposante à la co-animation responsable. Rien dans la vie ne prépare à cela. Alors, au départ, il faut prendre les gens comme ils sont. Dans leurs comportements habituels. Sans vouloir forcer les choses. Mais il ne faut pas moins garder constamment à l'esprit, son « projet »» « politique » afin de se précipiter pour favoriser la moindre contestation du pouvoir. Ou la moindre proposition spontanée.
On devine bien que tous ces « jeux » de départ sont sous-tendus par un projet non dit. Mais il n'y aura pas à imposer quoi que ce soit pour le réaliser : les personnes seront seules maîtresses de ce qu'elles désireront développer.
Je voudrais insister sur un autre point : l'acceptation de ce qui se passe. Par exemple, le rendement du vers tournant est variable avec les groupes. La plupart du temps, on passe sans transition des injures à une expression engagée de soi. Mais il reste parfois, chez l'un ou chez l'autre, un parfum du rire précédent. On pourrait s'en agacer. Il vaut mieux pas : c'est que tout le monde n'est pas dans la même disposition d'esprit en même temps. Certains ont encore besoin de se maintenir dans la dérision, en tournant tout à la blague. Il suffît alors, parfois, que quelques-uns se maintiennent fermement dans leur nouvel engagement pour qu'on bascule tous dans une plus grande implication. Mais, quelquefois, on reste entre les deux. Ce n'est pas plus mal. Là encore, il faut accepter ce qui se présente, car beaucoup de choses peuvent s'exprimer sous le manteau de la plaisanterie. Et le cocktail de l'engagé et du distancié est souvent riche de répercussions profondes. Et il ouvre plus largement le champ des possibles.
Enfin, il me semble qu'il faut signaler une erreur à éviter à tout prix. Dans le vers tournant, on sent que les choses commencent à se dire. Et qui ne sont pas repérables parce qu'elles sont diffuses et inconscientes. Au début de mon expérience, je proposais de les repérer. Après le vers tournant, on faisait à nouveau circuler les feuilles. Et chacun relevait tout ce qu'il avait écrit. C'était : « faire son marché de poèmes. » Mais je me suis très vite interdit cette pratique parce qu'elle pourrait placer certaines personnes devant des constantes de leur expression. Ce qui risquait de leur faire se poser des questions inopportunes.
Les gens ne doivent pas avoir à se méfier. Ils sont là sur un contrat de plaisir à éprouver et pas pour autre chose. Il faut qu'ils se sentent en totale sécurité.
Certains étudiants, désireux de jouir tout de même de leur récent « supposé savoir » ont voulu parfois transgresser cette règle dans leurs propres structures d'animation. Mais ils ont vite compris qu'elle était intangible. Si on veut sincèrement aider à la libération de la parole, il ne faut pas l'effrayer. D'ailleurs, si on ne joue pas sincèrement le jeu, le jeu ne se joue pas. Aussi, il faut se garder de faire des commentaires sous quelque forme que ce soit. Il faut même éviter les compliments individuels : les autres les prendraient pour un désaveu de leur personne. Il faut même parfois déchirer les feuilles en fin de séance ou les laisser emporter par les participants. Sinon, quelqu'un pourrait se mettre à penser : - « Ouais, il ramasse les feuilles. Il va étudier notre production chez lui. Et il va y découvrir des trucs. Faut se méfier de lui. C'est peut-être un psycho-schtroumpf. »
Mais de toute façon, il faut veiller à ce que les feuilles ne traînent pas trop. Car l'institution pourrait s'y intéresser.
Pour résumer tout ce qui a été dit de l'attitude de l'animateur on peut songer aux mots : responsabilité, acceptation, facilitation et neutralité. C'est évidemment,. à la portée de tout le monde. Donc, tout le monde peut réussir une première séance.
ET LA SECONDE SEANCE ?
Cette question m'a souvent été posée : est-il également possible de programmer aussi positivement une seconde séance ? Cela paraît très difficile. Et il semble bien que, seul, le canevas de la première séance puisse avoir valeur générale. En effet, à cette occasion, on a toujours affaire à des groupes qui se trouvent dans une même situation de départ, dans un identique état d'indifférenciation. Mais, à l'arrivée, les choses sont toujours différentes. Car il est évident que chaque groupe constitue une communauté distincte avec des personnes singulières, à des moments particuliers de leur vie, sur des trajectoires spécifiques et dans la circonstance spéciale qui les a réunies. On conçoit aisément qu'un même canevas initial posé sur des substrats différents donne nécessairement des résultats variables. Si bien qu'avant d'entamer une seconde séance, il faut bien réfléchir à la situation et l'analyser pour essayer de déterminer la technique qui convient le mieux en cette nouvelle occurrence.
C'est du moins ce que je pensais, il y a encore peu de temps. Mais j'ai été récemment amené à revenir sur cette opinion. En effet, la vie a voulu que j'ai eu à animer, successivement, trois stages de trois, cinq et quatre jours avec des responsables éclaireurs, des éducateurs judiciaires et des enseignants Freinet. Et, en faisant un retour sur cette triple pratique, je me suis aperçu que j'avais utilisé, pour chacune des secondes séances, la même formule, à savoir : « Ce que vous voulez » « Le vers tournant » « Le marché de poèmes » et « La définition ».
Et j'ai eu la surprise de constater que contrairement à ce que je m'imaginais, ça marchait aussi bien que lorsque je m'efforçais de me construire toute une attitude de colossale finesse et subtilité pour essayer de manœuvrer au plus serré. Alors, il est peut-être possible d'envisager également une seconde séance type. Cette perspective serait d'ailleurs très intéressante car elle dispenserait les animateurs de l'acquisition d'une longue expérience.
Mais puisque j'ai parlé de ces techniques, il faut que je les décrive :

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