Documents de l’educateur 172-173-174 Supplément au n°10 du 15 mars 1983 ah ! Vous ecrivez ensemble ! Prat ique d’une écriture collective Théor


Les Chemins de Grande Communication



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Les Chemins de Grande Communication
Eh bien, la troisième étape, c'est la communication. Car, à un moment donné, on bascule. On a pu constater que la première étape de la mise au plaisir de l'écrit était très courte. La seconde étape, c'est une sorte de conquête de la liberté. On profite de l'occasion qui est offerte pour débloquer un canal de libération qui avait été très anciennement et très soigneusement obstrué. Et il semble que ce déblocage crée une dynamique d'expression étonnante. C'est comme si on s'exaltait pour rattraper le temps perdu. Évidemment, ça ne se fait pas en une seule fois : on n'ouvre en grand les vannes que lorsqu'on est vraiment assuré de ne pas avoir à se repentir de son engagement d'écriture. Mais vient un moment où l'on n'a plus peur du tout. On est alors prêt à abandonner tout camouflage de parole ; on est prêt à la livrer nue, au plus près de sa vérité, au plus près de la pointe de sa pyramide.
Il faudrait insister sur cette notion de la conquête progressive de la sécurité d'expression qui semble être le permanent souci des êtres humains. Et le meilleur moyen, pour cela, c'est peut être d'introduire ici une petite théorie de la double pyramide que j'ai construite après avoir lu la brochure BTR : Mille poèmes en un an. (CEL BP 109 - 06322 Cannes La Bocca Cedex).
Supposons, par exemple, qu'une fille éprouve le besoin incoercible d'exprimer la difficulté de ses relations avec son père, conducteur de poids lourds et poids lourd lui-même. Au début, un peu comme tout le monde, c'est du soleil qu'elle va parler dans ses poèmes. Car c'est un personnage masculin puissant. Et c'est, en même temps, un symbole bien commun et bien pratique parce qu'il est difficilement déchiffrable. Évidemment la classe n'en pénètre pas la signification profonde. Alors, avec un peu d'audace, la fillette parle d'un poids lourd. Qui pourrait penser qu'une telle machine puisse représenter le père ? Ce ne sont que des matériaux : du fer, du bois, du caoutchouc ! - Mais, c'est déjà sur terre - Ce pas dans l'audace n'étant pas sanctionné par des railleries ou des remarques blessantes, la fillette ose risquer un pas de plus. Elle parle cette fois d'un lion, ou mieux, d'un éléphant. Parce que c'est fort, c'est lourd et ... « sa » trompe. Elle reste à ce niveau d'expression par la fable tant qu'il est nécessaire. Mais quand elle s'est bien assurée que cette pratique est absolument sans danger, elle tente un pas supplémentaire. En effet, ce qu'elle cherche, de toute évidence, comme chacun de nous d'ailleurs, c'est à parler au plus près de sa vérité. Oui, mais comment s'en approcher davantage ? Eh bien, par exemple, en parlant de l'ogre, du policier, du géant... Mais cette étape est généralement précédée d'un palier supplémentaire. Car on ne saurait aborder directement les personnages masculins. On risquerait d'être trop vite repéré. Le symbole pourrait être très rapidement décodé. Et il reste encore trop d'incertitude au sujet de l'acceptation de toute expression par le groupe classe. Alors, l'enfant parle de la vieille mémé, de la sorcière, de la bonne femme à qui il arrive mille aventures désagréables. Et elle reste longtemps à ce niveau, car il permet déjà de bien agresser. Sans qu'on puisse la culpabiliser de ne pas ménager son père. Puisqu'il s'agit de figures féminines ! Mais la fillette s'aperçoit que le climat de la classe est vraiment excellent. Tout peut être accueilli. Chacun peut vraiment s'exprimer comme il l'entend. Alors, on voit très rapidement apparaître des personnages de gangster, de géant, d'ogre, de policier, de président... Et, avec eux, les comptes sont déjà beaucoup plus vrais.
Et pourquoi ne pas monter vers des personnages de la vie ordinaire : boulanger, boucher, menuisier ?
Et puis un jour, on accède même à la profession du père : « Il était une fois un chauffeur de poids lourd, il était tout petit». - Mais il est évident que si le père est petit dans la réalité il sera question d'un personnage fort - Enfin, dernière étape, dans un climat totalement favorable, devant une, deux, et si possible plusieurs personnes (« Si on dit à plus, on dit plus »), la fillette en viendra à parler clairement de ses relations avec son père.
C'est à cela qu'elle tendait depuis le début. Et elle l'aura atteint par paliers successifs. Avec, à chaque fois, une stabilisation momentanée à l'étage nouvellement atteint. Et, avec à chaque fois, un pas nouveau dans l'audace, au bout d'un certain temps de confirmation de l'excellence du climat.
Cela fait penser aux plongeurs sous-marins qui ne peuvent remonter qu'en respectant les paliers de décompression.
L'accession à la parole vraie dépend du climat environnant. On reste aussi longtemps qu'il faut au palier de sécurité choisi. Mais dans certains milieux, les personnes ne peuvent même pas accéder à la première étape, c'est-à-dire au langage symbolique. Cependant, dire sa vraie parole, cela ne suffit pas. En effet, l'être ne veut pas rester au stade du rire, auquel il ne se résigne que par défaut. Il veut que ça change dans la réalité : « Le dire, c'est bien, mais le faire, c'est mieux ». Ainsi, sur cette première pyramide, va s'en ériger, s'il se peut une seconde
Par exemple, la fillette dira à sa mère : « Tu devrais faire une tarte aux pommes. Papa aime bien ça ». Et elle s'arrangera pour que le père sache bien que c'est elle qui en a proposé la fabrication. Et puis, elle agira plus directement. Un jour que son père aura oublié ses cigarettes dans sa chambre, elle prendra le prétexte d'aller chercher un livre pour les lui ramener : « Tiens, j'ai vu tes cigarettes, tu n'en as pas besoin ? ». Cette fois, ce qu'elle cherche, ce n'est pas à exprimer la souffrance de sa mauvaise relation à son père mais à l'améliorer, non seulement dans l'imaginaire, mais dans la réalité. Il y a cinq années, j'aurais écrit cela comme une hypothèse ou comme une éventualité. Mais je sais maintenant combien il y a de souffrance à ce niveau. Moi qui croyais que la bonne relation père-fille était automatique, je me trompais bien. Plusieurs fois, j'ai su que des filles avaient vainement tenté la réconciliation avec leur père, avant la mort de celui-ci.
Voici par exemple, une parole qui est montée des profondeurs jusqu'à son point suprême d'éclatement.
- Mon père ne m'a jamais aimée. Il me disait toujours : « Qu'es-tce que tu es venue foutre sur la terre ? Je n'avais pas besoin de toi pour vivre. Je n'ai rien à faire avec toi ».
Mais avant de parvenir à cette expression, cette étudiante avait agressé, non seulement les enseignants, mais également les étudiants les plus âgés de sa promo. C'était sa manière de « parler ».
Je l'ai revue récemment. Elle m'a annoncé qu'elle avait un petit garçon, mais qu'elle venait aussi d'adopter deux petits enfants orientaux. Et elle a ajouté :
« Ceux-là, au moins, seront aimés ! ».
Et, de plus, elle a quitté l'Animation pour prendre un poste d'institutrice maternelle. Et, ce faisant, elle ne se contente plus de s'exprimer symboliquement. Elle agit dans la réalité. D'une façon symbolique tout de même puisque, son père étant mort, elle ne peut changer leur relation. C'est en compensation, en sublimation de sa frustration d'amour. A la fois, pour être un parent meilleur leur et pour revivre une enfance meilleure à travers celle des siens. Elle avoue d'ailleurs qu'elle ne sait combien d'autres enfants elle devrait encore adopter pour effacer vraiment cette blessure originelle. Mais déjà, cela, elle peut le dire. Et c'est presque l'essentiel.
On voit, par cet exemple, comment des blessures anciennes ont besoin d'être projetées hors de l'être. Et les paroles essaient de franchir toutes les étapes nécessaires depuis le plus sombre camouflage jusqu'à la plus vive lumière. Et ceci est vrai, peu ou prou, pour chacun de nous.
Dans certains groupes, l'accession à une parole véritable peut demander beaucoup de temps. C'est ainsi qu'il nous est arrivé au bout de six mois (vingt-cinq séances) d'entendre une fille s'exclamer : - Eh bien moi, ça ne me fait plus rire les trucs sexuels et les petites folies ! Pourquoi ne parle-t-on pas plus sincèrement ?
Et il avait suffi de cette étincelle tardive pour que l'on bascule. Mais dans des groupes plus homogènes, le nombre de séances nécessaires peut être beaucoup plus réduit. Et dans l'ambiance exceptionnelle d'un stage, on peut même parvenir à une communication très engagée, dès le quatrième jour. Si l'animateur sent que les temps en sont venus, il peut, par exemple, proposer la technique suivante.

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