Événements
Presque la moitié des sujets de 3/4 ans utilise un système mixte pour se référer aux événements. En fait, ces sujets effectuent des va-et-vient entre les temps du passé et du présent sans s'en tenir à un temps dominant d'un bout à l'autre des narrations. Ce faisant, ils ne respectent pas les contraintes discursives, puisqu'une des caractéristiques d'un discours bien formé est justement de comprendre un temps dominant. Ce non-respect d'un temps dominant a également des répercussions sur la compréhension de l'auditeur pour qui il est difficile d'attacher une étiquette précise quant au genre discursif de la production réalisée.
La seconde moitié des sujets, qui respecte le principe du temps dominant, opte à une exception près pour un ancrage au présent. Les événements sont présentés comme si ils se déroulaient sous les yeux des interlocuteurs en même temps que se produit l'énonciation. Cette stratégie permet d'assurer l'intercompréhension, c'est-à-dire la communication entre les interlocuteurs, mais cela au détriment des contraintes discursives qui impliquent la réalisation d'un discours décontextualisé et composé d'événements hiérarchiquement organisés. En effet, l'utilisation du présent a pour conséquence une présence limitée d'alternances temporelles, présence limitée entraînant elle-même la réalisation d'un discours sans relief. De plus, même lorsque les productions comprennent des alternances temporelles, celles-ci ne répondent pas aux exigences d'une narration bien formée. Dans les productions au présent, les changements de temps verbaux sont motivés, soit par la perspective externe (aspect résultatif) de laquelle les événements sont considérés, le choix d'une telle perspective étant elle-même motivée par la sémantique inhérente aux items lexicaux ; soit par le désir d'assurer à tout prix la communication. Ce sont donc les contraintes communicationnelles et linguistiques qui l'emportent sur les contraintes discursives. De plus, que ce soit dans les narrations à ancrage présent, passé ou mixte, nous observons un certain nombre d'alternances temporelles auxquelles nous ne trouvons aucune motivation fonctionnelle.
En ce qui concerne les connecteurs, les enfants de 3/4 ans en font un grand usage. C'est tout particulièrement le cas pour les déictiques. En fait, employer des déictiques est un moyen de compenser une difficulté à produire un discours décontextualisé tout en assurant la communication entre les interlocuteurs. Pour ce qui est des autres connecteurs, l'éventail des formes est assez restreint. Ce sont surtout des coordinateurs temporo-aspectuels à valeur séquentielle. Néanmoins, les enfants en utilisent fréquemment et les exploitent de manière pluri-fonctionnelle, ce qui leur donne la possibilité d'instaurer des relations sémantiques assez variées. Ces méthodes permettent de répondre aux contraintes discursives qui préconisent la construction d'un tout cohésif et cohérent, même si cela se fait au détriment de la communication. En effet, l'emploi pluri-fonctionnel des connecteurs peut être à l'origine d'ambiguïtés, leur suremploi quant à lui, mène à un marquage superflu des liens inter-propositionnels.
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