L' acte psychanalytique



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X: Pensez-vous justement que les idées que vous recevez de la pratique de la psychanalyse vous apportent quelque chose qui ne peut pas se trouver en dehors?
C’est précisément parce que je. le pense que je me donne tout ce mal depuis environ dix-huit ou dix-neuf ans. Autrement, je ne vois pas pour­quoi je le ferais. Et je ne vois pas ce qui me destinerait à ce qu’on ajoute expressément mon nom à la liste des philosophes, ce qui ne me paraît pas entièrement judicieux.
X : Pouvez-vous reprendre ce que vous avez commencé à faire sur Hegel?
Je ne vais sûrement pas faire mon ici séminaire de ce matin. Je ne suis
170- pas là pour ça. Je profite de l’occasion pour savoir un peu ce que certains d’entre vous pouvaient avoir à me dire, ce qui ne se produit pas facile­ment quand nous sommes dans une salle.
X : Vous avez parle’ de l’Autre comme trésor des signifiants, et vous avez dit que l’on ne se confrontait pas avec lui. Est-ce que cela pourrait comprendre des choses incohérentes ? Le signifiant n’est pas forcément cohérent.
Etes-vous bien sûr que j’ai dit ce que vous m’imputez là ? Où ai-je dit qu’on ne se confrontait pas avec l’Autre ? Je ne crois pas du tout avoir dit cela. Cela m’étonnerait. Si je l’ai dit, c’est par maladresse, mais cela m’étonnerait également d’avoir commis cette maladresse.
X : [Inaudible.]
J e tâcherai de vous en dire l’essentiel à mon prochain séminaire, s’il a lieu.
X : [Inaudible.]
Je prends à partie la philosophie ? C’est très exagéré.
X : — C’est une impression.
Oui, c’est une impression. On vient à l’instant de me demander si je croyais que les choses que je raconte ne peuvent pas être problématiques. J’ai répondu oui. Je ne me motive à les sortir qu’en raison d’une expé­rience précise, qui est l’expérience analytique. S’il n’y avait pas ça, je me considérerais comme n’ayant ni le droit, ni surtout l’envie, de prolonger le discours philosophique très au-delà du moment où il a été fort propre­ment effacé.
X : Ça le transforme.
Ça ne le transforme pas. C’est un autre discours. C’est ce que j ‘essaie de vous démontrer en rappelant, dans toute la mesure où je le pense, à ceux qui n’ont pas idée de l’expérience analytique, que c’est tout de
171 - même sa devise. C’est de là que je pars. Sinon, ce discours n’aurait pas un aspect philosophiquement si problématique, ce qu’a rappelé tout à l’heure monsieur qui est là, et qui a pris la parole le premier, en le tradui­sant en termes sophistiques. Je ne crois pas que ce soit ainsi. La personne que j’évoquais tout à l’heure m’insère comme un souligné, me situe au centre de ce qu’il peut en être actuellement de je ne sais quelle mixture, craquement, ouverture, du discours philosophique. Ce n’est pas mal fait, c’est fait d’une façon extrêmement sympathisante, mais à un pre­mier abord — je modifierai peut-être ce que j’en pense —je me suis dit —tout de même, me mettre dans cette lignée, quelle singulière Entstellung, quel singulier déplacement, de la portée de ce que je peux dire.
X : — Ce que vous dites est toujours décentré par rapport au sens, vous fuyez le sens.
C’est peut-être justement en cela que mon discours est un discours analytique. C’est la structure du discours analytique que d’être ainsi. Disons que j’y colle autant que je peux, pour ne pas oser dire que je m’y identifie strictement, si j’y parviens.

J’ai lu hier un article assez stupéfiant dans une revue que, pour des rai­sons personnelles, je n’avais jamais ouverte, qui s’appelle L’Inconscient. Dans le dernier numéro paru, un nommé Cornelius Castoriadis, ni plus ni moins, a cette interrogation de mon discours, pris soi-disant en réfé­rence à la science. Que dit-il ? — sinon ce que je me trouve moi-même à répéter, à savoir que ce discours a une référence extrêmement précise à la science. Ce qu’il dénonce comme la difficulté essentielle de ce discours, à savoir, je vous le précise, ce déplacement qui ne cesse jamais, c’est la condition même du discours analytique, et c’est en cela que l’on peut dire qu’il est, je ne dirai pas complètement du discours de la science, mais conditionné par lui, en ceci que le discours de la science ne laisse aucune place à l’homme.

Je comptais y insister ce matin auprès de vous, Je ne vais pas déflorer ce que j’aurai à vous en dire dans huit jours.
A propos de l’angoisse, je croyais que c’était le contraire de la jouis­sance.

172- Ce sur quoi j’insiste quand j’aborde les affects, c’est l’affect qui se distingue entre tous, celui de l’angoisse, en ceci qu’il est dit sans objet. Voyez tout ce qui a été écrit sur l’angoisse, c’est toujours là-dessus qu’on insiste la peur a référence à un objet, alors que l’angoisse est soi-disant sans objet. Je dis au contraire que l’angoisse n’est pas sans objet. J’ai déjà articulé cela il y a longtemps, et il est bien évident que je continue, à devoir encore vous l’expliquer.

A ce moment-là, cet objet, je ne l’ai pas désigné du terme de plus-de-jouir, ce qui prouve qu’il y avait quelque chose à construire avant que je puisse le nommer ainsi. C’est très précisément le... je ne peux pas dire le nom, parce que, justement, ce n’est pas un nom. C’est le plus-de-jouir, mais ce n’est pas nommable, même si c’est approximativement nommé, traductible, ainsi. C’est pourquoi cela a été traduit par le terme de plus-value. Cet objet sans quoi l’angoisse n’est pas peut être encore abordé autrement. C’est justement ce à quoi au cours des années j’ai donné de plus en plus de forme. J’ai donné en particulier à beaucoup de bavards l’occasion de se précipiter dans une rédaction hâtive de ce que je pouvais avoir à dire sous le terme de l’objet a.

X [Inaudible.]


Dans l’articulation que je dessine du discours universitaire, le a est à la place de quoi ? A la place, disons, de l’exploité du discours universitaire, qui est facile à reconnaître — c’est l’étudiant. C’est en centrant sa réflexion sur cette place de la notation, que beaucoup de choses peuvent s’expliquer des phénomènes singuliers qui se passent pour l’instant à tra­vers le monde. Bien sûr, il faut distinguer l’émergence de sa radicalité — c’est ce qui se produit — et la façon dont s’est colmatée, bouchée, maintenue cela peut durer extrêmement longtemps — la fonction de l’Université. Elle a en effet une fonction extrêmement précise, qui a rapport à chaque instant avec l’état où on en est du discours du maître à savoir, son élucidation. Ce discours, en effet, a été pendant très long­temps un discours masqué. Il deviendra de moins en moins masqué, de par sa nécessité interne.

A quoi a servi l’Université ? Cela peut se lire d’après chaque époque. C’est en raison même de la dénudation de plus en plus extrême du discours­


173- du maître, que le discours de l’Université se trouve manifester ne le croyez pas pour autant ébranlé, ni fini — qu’il rencontre pour

l’instant de drôles de difficultés. Ces difficultés sont approchables, au niveau du rapport étroit qu’il y a de la position de l’étudiant comme étant dans le discours de l’Université, d’une façon plus ou moins mas­quée, toujours identifié à cet objet a, qui est chargé de produire quoi ? Le S barré qui vient ensuite à droite et en bas.

C’est là la difficulté. Il est arrivé, de ce produit, un sujet. Sujet de quoi ? Sujet divisé en tout cas. Qu’il soit de moins en moins tolérable que cette réduction se limite à produire des enseignants est tout à fait mis au jour par l’évolution des choses à l’époque présente, et cela demande une étude d’autant plus improvisée qu’elle est en train de passer dans les faits. Ce qui se produit, et qui s’appelle crise de l’Université, est inscrip­tible dans cette formule. Elle l’exige, parce qu’elle se fonde à un niveau tout à fait radical. Il n’est pas possible de se limiter à la traiter comme on le fait. C’est uniquement du rapport tournant, révolutionnaire, comme je le dis dans un sens un peu différent du sens habituel, de la position uni­versitaire aux trois autres positions du discours, que peut être éclairé ce qui se passe pour l’instant dans l’Université.


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