Les effets des systèmes et des outils multimédias sur la cognition, l’apprentissage et l’enseignement


Les variables d’une situation pédagogique



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Les variables d’une situation pédagogique


Les principales variables d’une situation d’enseignement/apprentissage vont être passées en revue, et divers auteurs ayant observé des pratiques seront convoqués pour montrer le lien de ces variables avec l’intégration des tic.

Classiquement, les trois composantes d’une situation pédagogique sont l’enseignant, l’apprenant et la matière : il s’agit du fameux “ triangle didactique ”. À ces trois éléments, Bracewell et al. (1998) ajoutent le contexte, entendu au sens institutionnel, ce qui leur donne un système134 à quatre variables : enseignant, contenu, apprenant, contexte (ecac). Examinant les conditions favorisant une bonne intégration des tic, ces auteurs font varier leurs quatre éléments selon une échelle allant d’un extrême à un autre : du plus défavorable, “ ecac- = enseignant transmetteur, contenu prêt à digérer, accès limité des apprenants aux ressources technologiques, peu de soutien institutionnel ”, au plus favorable, “ ecac+ = enseignant facilitateur, contenu co-construit, apprenants ayant facilement accès aux ressources, important soutien institutionnel ”.

Nous préférons, pour notre part, considérer les ressources numériques par elles-mêmes et le dispositif selon lequel elles sont utilisées comme des variables distinctes : d’un côté, nous trouvons la distinction “ tuteur/outil ” insuffisante (Bracewell et al. utilisent notamment la notion de “ highly interactive tutorials ” qui mériterait au moins une discussion), de l’autre intégrer la variable “ accès aux ressources ” dans la variable “ apprenant ” présente l’inconvénient de ne plus suffisamment considérer celui-ci en tant qu’individu socialement situé, avec ses objectifs, ses représentations, son degré de dépendance ou d’autonomie, etc. On notera encore l’importance de plus en plus grande, dans le domaine de l’apprentissage des langues en tout cas, qui est accordée au dispositif : en témoignent notamment plusieurs articles d’Études de linguistique appliquée 112 (Barbot, éd., 1998) et le titre d’un numéro de la revue de l’Association des Professeurs de Langues vivantes, “ Les nouveaux dispositifs d’apprentissage des langues ” (septembre 2000). Nous arrivons ainsi à une liste de six variables : institution, enseignants, apprenants, contenus disciplinaires, outils informatiques, dispositif.

L’Institution


La plupart des rapports auxquels nous nous référons soulignent qu’un des principaux freins à une bonne intégration des technologies provient des contraintes spatio-temporelles qui prévalent dans les établissements scolaires. Selon les auteurs de La classe branchée (Haymore-Sandholtz, Ringstaff & Owyer, 1998), il faut que “ les gestionnaires [soient] disposés à apporter des changements structurels dans le milieu de travail des enseignants qui ont pris la voie du renouveau ”. Il leur semble en effet difficile d’utiliser les tic sans envisager le moindre changement des conditions d’organisation de l’enseignement. Dans le secondaire, il s’agit sans doute du principal frein : horaire peu important dans chaque discipline, nécessité de réserver la salle informatique, effectifs trop élevés ; le rapport Socrates-Mailbox constate qu’il est beaucoup plus rare d’observer une intégration satisfaisante des tic dans le secondaire que dans le primaire et cite comme facteurs aggravants la division en disciplines, les tranches horaires intangibles de cinquante minutes, le grand nombre d’enseignants intervenant devant une même classe : tout cela constitue des obstacles quasi insurmontables pour qui souhaiterait mettre en place une pédagogie fondée sur un travail plus autonome des apprenants (Barchechath & Magli, 1998).

“ Les délimitations classiques des périodes d’enseignement dans le secondaire sont devenues vraiment trop courtes. La fragmentation des matières, couplée à celle du temps, pose de plus en plus de problèmes. Nous avons souvent été témoins de cas où de jeunes adolescents étaient obligés de s’arrêter au retentissement de la sonnerie alors qu’ils étaient en pleine concentration à travailler sur un ordinateur. Contrairement aux activités qui se déroulent dans le laboratoire et qui sont souvent interdisciplinaires, dans le fonctionnement d’un établissement la division des responsabilités entre enseignants entraîne la parcellisation des tâches. Au point que le temps accordé à chacun d’entre eux semble totalement inapproprié. Pour résoudre ce problème, des enseignants engagés ont tenté de s’organiser pour occuper le laboratoire deux heures consécutives chacun, afin que leurs élèves puissent continuer leurs activités respectives sur un laps de temps plus long. ”

Liautard (1997), directeur de l’orme (Observatoire des Ressources multimédias en éducation), va même jusqu’à dire qu’il est inutile d’introduire les tic si on ne desserre pas tout d’abord les contraintes de temps et d’espace. Certaines réformes récentes, comme les parcours diversifiés, pourraient cependant constituer un terrain plus favorable (rapport cndp) ; de la même manière, la présence d’aides-éducateurs est la source d’une plus grande flexibilité quant à la gestion d’effectifs souvent trop chargés.

Un autre facteur important est l’attitude de la direction de l’établissement et de l’équipe enseignante par rapport à l’introduction des tic. Barchechath et Magli (1998) donnent un exemple où un directeur volontariste n’a rien pu faire pour convaincre une équipe enseignante opposée aux ordinateurs, et à l’inverse un autre cas où des enseignants désireux d’introduire des changements sont parvenus à entraîner l’adhésion d’une directrice tout d’abord réticente. Scavetta (1997) montre comment l’incapacité à résoudre rapidement des petits problèmes logistiques (faire poser une prise téléphonique dédiée) est révélatrice de réticences plus profondes mais non exprimées.

Un dernier problème institutionnel est la reconnaissance du temps et de l’énergie déployés par les pionniers de l’intégration des tic. Pouts-Lajus et Riché-Magnier (1998) soulignent ainsi que :

“ Bâtir un cours sur la base d’informations récupérées par les élèves sur Internet, mettre ces informations en forme dans le cadre d’activités de groupe pour les adapter aux besoins de la classe, suppose une forte implication de l’enseignant qui va bien au-delà des charges de travail habituelles. Et que dire de la conception et la création de logiciels auxquelles les plus motivés consacrent bien des soirées et des nuits ?

Sans une reconnaissance par l’Institution de ce temps incompressible, de sa valeur pédagogique au même titre que le temps professé, tout plan d’équipement, aussi généreux soit-il, aura peu d’effet sur les pratiques pédagogiques. L’innovation en éducation passe par les enseignants. Mais comment exiger d’eux qu’ils travaillent autrement, mieux peut-être, mais surtout davantage, sans leur offrir de réelles compensations en termes de salaire ou de carrière ? Cette contradiction est l’une des plus difficiles à surmonter pour généraliser l’usage des technologies dans l’éducation. ”

Le rapport du cndp indique que certains chefs d’établissement sont désireux d’attribuer des heures supplémentaires à ceux qui s’engagent dans la création de sites Internet.



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