7. Résultats des mesures de champs avec kits mains libres
Les seules données françaises auxquelles le groupe d’experts a eu accès lui ont été communiquées par Bouygues Telecom. Elles résultent d’essais sur fantôme, le kit piéton étant disposé comme lors de l’usage normal du téléphone mobile ; différentes situations ont été testées, en vue d’induire un niveau de DAS maximum au niveau de la tête (orientation du téléphone par rapport au kit, enroulement du fil du kit autour de l’antenne du mobile…). Une quarantaine de mesures ont été effectuées aux fréquences 900 et 1800 MHz, avec 5 modèles de téléphones et 5 types de kits piétons.
Jamais le DAS au niveau de la tête n’a été accru avec le kit piéton. Le DAS, en présence d’un kit, varie de 0,39 à 0,007 W/Kg selon le couple mobile-kit et la configuration d’utilisation. La réduction moyenne est de l’ordre d’un facteur 50 dans les conditions normales d’utilisation, la réduction la plus faible étant de 2 seulement dans le pire cas. L’efficacité de deux kits, pour un même mobile et dans des conditions normales d’utilisation, varie d’un facteur 1 à 10.
Certes partiels et devant être prolongés, ces résultats sont corroborés par d’autres travaux internationaux réalisés dans des conditions normalisées, ce qui n’a pas toujours été le cas des essais comparatifs qui ont été rendus publics.
2-8. Règles techniques relatives au équipements
L’élaboration de règles techniques de certification des différents appareils téléphoniques mobiles et stations de base relève de la compétence de l’Autorité de Régulation des Telecommunications (ART). Cependant la directive R et TTE (Directive n°99-5 CE du Parlement et du Conseil du 3 mars 1999 relative aux équipements hertziens et aux équipements terminaux de Telecommunication et à la reconnaissance mutuelle de leur conformité) n’ayant pas encore été transposée en droit français, le marquage CE des terminaux et des stations de base se fait actuellement en France sans support législatif ou réglementaire et sans norme harmonisée au niveau européen, en se fondant en général sur la recommandation du Conseil de l’Union Européenne du 12 juillet 1999.
Un premier projet de norme de base technique harmonisée du CENELEC TC 211, concernant la mesure du débit d’absorption spécifique, relatif à l’exposition des personnes aux champs émis par les téléphones mobiles a été mis en consultation au cours des derniers mois. L’enquête probatoire a pris fin le 5 octobre 2000, cette norme ne pourra donc être publiée avant les premiers mois de 2001. Ce projet dont la parution était prévue en juin 2000 a été retardé par une procédure d’harmonisation avec la norme américaine IEEE, ce qui permettra d’obtenir une véritable norme internationale et donc des résultats de mesures comparables fondés sur des protocoles comparables. Un autre projet de norme produit relatif à la mesure de conformité des téléphones mobiles a été mis en circulation par l’UTE en France le 17 mars 2000. Il a également été soumis à enquête probatoire jusqu’au 5 octobre 2000. Cette norme produit devrait paraître avec la norme de base technique relative à la mesure du débit d’absorption spécifique au début de 2001 et être transposée en norme française.
Une norme relative à la vérification de conformité des stations de base (en laboratoire) est en cours de circulation au sein des comités techniques du CENELEC et devrait être bientôt mise en enquête probatoire. Sa parution n’est pas attendue avant la fin de 2001.
Un projet de norme relatif aux mesures des stations de base in situ est en cours d’élaboration ; cependant il n’existe pas encore de document consolidé, compte tenu de la relative difficulté technique de telles mesures. Parallèlement, l’Agence Nationale des Fréquences élabore actuellement un protocole de mesure en se fondant sur les dispositions de la recommandation du 12 juillet 1999, utilisant un analyseur de spectre et une antenne à bande étroite. Les mesures réalisées avec une sonde isotrope apparaissent trop imprécises et non représentatives de la station de base que l’on prétend mesurer, puisqu’elles sont sensibles à l’ensemble des sources du spectre de radiofréquence, sources dont le niveau de champ est parfois largement supérieur à celui de la station de base considérée isolément. Dans l’attente de la publication d’une norme européenne harmonisée, cette procédure de mesure des stations de base élaborée par l’ANFR, très demandée par les acteurs du domaine, pourrait servir de méthode de référence en France. Une telle méthode de référence est actuellement indispensable. Ainsi, des résultats de mesure, dont certains ont été publiés dans la presse, ont été obtenus en se fondant sur des protocoles insuffisamment validés, parfois avec du matériel inadapté, ce qui peut conduire à des valeurs irréalistes. Certains organismes de contrôle technique privés se lancent actuellement sur ce marché porté par les craintes de la population ; ils rendent des résultats parfois aléatoires, en tout cas difficilement comparables et vérifiables. Pour l’avenir, il est indispensable de disposer au plan national d’un organisme de contrôle de référence, qui pourrait être l’ANFR, et qui serait en mesure d’agréer ou certifier des organismes de contrôle technique chargés des mesures et se conformant à une procédure de mesure standardisée.
III- Les valeurs limites d’exposition des personnes aux champs liés aux radiofréquences : les principes actuels de la gestion des risques
Les valeurs limites d’exposition adoptées par le Conseil de l’Union européenne en 1999 résultent d’un long processus qui prend son origine dans le travail de groupes d’experts. Des recommandations ont été établies par des comités de scientifiques et d’ingénieurs d’origine universitaire, industrielle et gouvernementale. Les plus connues sont celles de l’IEEE de 1991 et de l’ICNIRP en 1998.
Les risques de l’exposition aux champs électromagnétiques en général et plus particulièrement radiofréquences (RF) sont évalués à partir d’une revue exhaustive de la littérature sur leurs effets biologiques. Sur cette base scientifique, l’établissement de valeurs limites d’exposition part des effets considérés, à un moment donné, comme les plus sensibles (c’est-à-dire qui apparaissent au plus bas niveau d’exposition testé, et qui sont jugés pertinents d’un point de vue sanitaire). À cette valeur est appliqué un ensemble de coefficients d’abattement destinés à prendre en compte les incertitudes et à disposer d’une certaine ‘marge de sécurité’. Des ré-évaluations de ce corps de connaissances, et des recommandations de valeurs limites d’exposition qui en découlent, sont régulièrement pratiquées; la base de l’OMS concernant les études récentes ou en cours comporte plus de 1400 articles scientifiques.
L’avis général des comités est que l’effet néfaste trouvé chez l’animal au plus faible niveau d’exposition était une altération du comportement chez le macaque et des rongeurs. Une telle altération consiste le plus souvent en une difficulté ou une inhibition complète de la réalisation d’une tâche complexe d’apprentissage sous exposition à une quantité suffisante d’énergie RF. Les résultats expérimentaux indiquent qu’il s’agit clairement d’un effet thermique : cette altération se produit lorsque la puissance absorbée dans le corps, à la suite d’une exposition du corps entier, quantifiée par le débit d’absorption spécifique (DAS), atteint ou dépasse un seuil de 4 W/kg de poids corporel. Prenant en compte un facteur 10 ‘de réduction’, la valeur de 0,4 W/kg a été proposée comme limite recommandée pour les expositions professionnelles, pour une exposition ‘corps-entier’. Ce paramètre qui conditionne l'existence d'un effet biologique pouvant être jugé comme néfaste pour la santé constitue dans le langage des recommandations une "restriction de base". Un facteur d’abattement de 5 supplémentaire a été introduit pour la population générale, afin de tenir compte de l’absence de contrôle que des personnes non informées ont sur leur environnement, de la possibilité de sensibilités variables en fonction de l’état physiologique ou pathologique des individus. La valeur ainsi déterminée pour l’exposition du corps soumis en entier dans le champ d’exposition est de 0,08 W/kg.
Des considérations dosimétriques ont montré que lors d’une telle exposition, certaines zones restreintes de l’organisme pouvaient absorber localement une puissance jusqu’à 25 fois supérieure. Il en a été conclu que le débit local d’absorption spécifique DAS local ne devait pas dépasser 2 W/kg pour la tête et le tronc, dans lesquels se trouvent des organes fonctionnels vitaux (coeur, poumons, intestins), et 4 W/kg pour les tissus plus périphériques que sont les membres. La limite d’exposition ‘locale’ n’est donc pas fixée directement en fonction d’effets biologiques constatés, mais indirectement à partir d’effets observés à la suite d’une exposition ‘corps entier’, selon une extrapolation dosimétrique.
Le DAS n'est pas une valeur facilement accessible à la mesure ; il a donc été nécessaire d'établir à l'aide "d'équations de transfert" les valeurs de champ électrique ou magnétique susceptibles de produire dans le pire cas les DAS précédemment définis lorsqu'un individu est soumis à ce champ. Ces valeurs de champ qui peuvent être mesurées sont appelées dans le langage des recommandations des "niveaux de référence". Comme l'absorption dépend fortement de la fréquence, les valeurs de référence varient en fonction de la fréquence. En ce qui concerne la téléphonie mobile, les valeurs de champ électrique susceptible de produire un DAS de 0,08 W/kg chez un individu entièrement plongé dans le rayonnement sont de 41 et 58 V/m respectivement aux fréquences de 900 et 1800 MHz10, ce qui correspond à des valeurs de densité de puissance, respectivement de 4,5 et 9 W/m2. Par rapport aux ‘restrictions de base’, les ‘niveaux de référence’ incorporent donc une marge de sécurité supplémentaire du fait de leur procédure de calcul qui adoptent des hypothèses pénalisantes assurant que les restrictions de base sont respectées, même dans les situations les plus péjoratives, lorsque le champ émis est inférieur ou égal aux niveaux de référence.
L’OMS a repris ces recommandations de l’ICNIRP, ainsi que le Conseil de l’Union européenne, qui les a exprimées dans la recommandation 1999/519/CE du 12 juillet 199911.
En résumé, les normes actuelles comportent trois systèmes ‘de sécurité’ : (1) le fait de prendre, comme base de calcul, le type d’effet biologique jugé le plus sensible ; (2) l’ampleur des coefficients d’abattement retenus; (3), la conversion des restrictions de base en niveaux de référence.
On notera cependant que le système des coefficients d’abattement retenus est plus restrictif que ce qui a cours pour les valeurs limites d’exposition aux substances chimiques. Dans ce cas, partant de la Dose Minimale entraînant un Effet Nocif Observé, le plus souvent chez l’animal (DMENO, ou ‘LOAEL’ en anglais), un premier facteur d’abattement (de 2 à 10 selon le type d’effet observé) permet d’estimer une Dose Sans Effet Nocif Observé (DSENO, ou ‘NOAEL’). Un facteur de transposition de l’animal à l’homme (souvent 10) est alors appliqué, suivi d’un nouveau coefficient (souvent 10) pour tenir compte de la sensibilité particulière de certaines personnes. Au total, un coefficient d’abattement pouvant aller jusqu’à 1000 est ainsi appliqué entre la DMENO chez l’animal et la valeur limite d’exposition de la population générale, alors que cette cascade de coefficients représente un abattement de 50 dans le cas des champs électromagnétiques. Cela traduit le fait que le degré d’incertitude scientifique est jugé plus faible que ce qui prévaut pour nombre de toxiques chimiques, au sein des instances qui procèdent à l’établissement des recommandations pour les champs.
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