41Une lecture évangélique de la réalité actuelle. Notre aujourd'hui est marqué par une caractéristique incontournable: un changement général, accéléré et profond. En conséquence, notre époque est essentiellement transitoire, éphémère, et sa lecture ne peut pas devenir un point de départ définitif. Elle n'admet pas de «généralisations abusives» (CL 3).
42 Un nouveau millénaire va commencer. Avec lui naîtront un être humain et une société en transition; une société technologique avec une croissance démographique énorme, d'une grande mobilité sociale et géographique, qui causera une transformation profonde et créera une culture nouvelle, universelle, indépendante, qu'il sera nécessaire d'évangéliser. Ce fait engendre des défis, c'est-à-dire des circonstances qui donnent naissance à de nouvelles possibilités.
43 Nous passons d'une société d'élite à une société démocratique de masse; d'une société fermée et statique à une société dynamique et ouverte; d'une réalité monolithique à une réalité pluraliste. Nous passons actuellement d'une conception abstraite à une conception concrète et existentielle; de l'institutionnel rigide à la liberté-communion; de la norme figée au jugement critique; de l'imposition au libre choix; de l'idéologie aux valeurs; de la sécurité à la recherche; de l'observance à la créativité; de la soumission à la responsabilité; de l'intégration au non-conformisme social, etc.
44 Cette culture universelle est marquée par «la puissante et irrésistible aspiration des peuples à la libération, phénomène généralisé mais vécu sous des formes et à des degrés diversifiés» (LN 1,1; EN 30). Il y a aussi une «profonde aspiration des peuples à la justice» (LN 2,4) et une tendance humanitaire pleine de signes d'espérance (RH 13-17).
45 La société actuelle est coincée dans un monde où coexistent le bien et le mal, l'opulence et la misère, la société post-industrielle extrêmement développée et des grands pans d'humanité encore victimes du retard technologique. La personne est à la fois exaltée et humiliée. La paix est désirée comme jamais et pourtant, «l'humanité est ébranlée par la conflictualité» (CL 6).
46 Il y a un divorce entre l'Évangile et la culture d'aujourd'hui, un divorce entre la foi et l'histoire. Et c'est «le drame de notre époque» (EN 20). Une expression de ce divorce éthico-culturel est la pauvreté et l'injustice dont souffrent d'immenses secteurs de l'humanité. Situation causée par l'interdépendance universelle (SRS 39), dans laquelle la culture dominante joue un rôle prépondérant, puisque le mal du monde n'est pas tant dans l'accaparement des biens comme dans le manque de fraternité entre les individus et les peuples (PUE 421-428). Bien plus, nous vivons une culture égoïste qui est aussi une culture «matérialiste et économiste» (LE 7), séculière et consommatrice, la culture de l'avoir et du pouvoir. C'est le subconscient culturel de péché qui justifie et maintient des structures et une culture de péché.