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Revue de la littérature 1.1Le Temps



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1Revue de la littérature



1.1Le Temps

Avant d’aborder les comportements temporels étudiés dans le domaine des sciences de gestion, il semble nécessaire de donner un aperçu des questions portant sur la notion et sur la structure du temps.



Selon l’analyse que fait Bergadàa (1988 [6], 1990 [8]) des différentes approches philosophiques du temps (Bergson [10], Bachelard [3] ou Merleau-Ponty [45]), on peut conclure à une approche du temps caractérisée par la durée, des instants et la succession du passé au présent et au futur. Concernant la structure du temps, de nombreuses recherches ont proposé une décomposition du concept du temps en deux composantes : le temps individuel et le temps social. Selon Kaufman et Lane (1990, [39]), un individu a une perception subjective du temps (le temps individuel) mais cette perception est également en interaction avec les autres tels que la famille, les organisations et le modèle culturel (le temps social). Cette distinction ressemble à celle proposée par Bergadàa (1990, [8]) entre le temps environnemental et le temps individuel. Selon cet auteur,  le temps individuel comporte les buts et les motivations de l’individu, tandis que le temps social est l’effet de la famille et d’autres organisations sociales sur sa perception temporelle, et donc sur son action. La distinction entre ces deux composantes de la perception temporelle se manifeste assez clairement chez les individus, précisée par Cotte et Ratneshwar (1998, [17]), à travers des expressions telles que « le temps pour moi » ou « le temps pour/avec les autres ». Hirschman (1987, [36]), quant à lui, distingue le temps intrinsèque (temps réservé aux activités personnelles) du temps extrinsèque (temps réservé aux activités sociales obligatoires). Ces deux composantes existent conjointement et s’influencent réciproquement chez l’individu. Il existe pourtant des différences significatives entre de différentes cultures concernant la priorité du temps individuel ou du temps social dans le comportement des individus (Manrai et Manrai 1995, [40]).

1.2Le Temps dans les recherches en sciences de gestion.


Le concept de temps est étudié dans de nombreux domaines de recherche tels que l’économie, la sociologie, la psychologie et l’anthropologie etc. Dans chaque domaine, le concept de temps porte un sens spécifique. D’après les travaux de Bergadàa (1988 [6], 1989 [8]), « le temps en économie est un temps externe, le temps du calendrier, et ce temps est objectif…. Les recherches dans ce domaine traite le temps comme un bien en quantité limité et non stockable, il peut être dépensé, gaspillé, même acheté… ; En sociologie, la structure du temps a essentiellement une orientation générale de présent ou de périodes courtes ». Les recherches sociologiques s’interrogent sur l’impact des variables telles que la classe sociale, les caractéristiques personnelles, les critères socio-démographiques, la culture et sous-culture etc. dans le processus d’allocation du temps aux activités. En psychologie, selon l’analyse de Bergadàa (1989, [7]), la majorité des recherches inscrites dans le courant cognitiviste, dont le postulat commun est de considérer que « …la motivation est endogène ; le besoin d’action est inné chez l’individu ; ce ne sont pas les stimuli externes qui incitent l’action ; cela n’engendre que des possibilités de choix. … Pour ce courant, la structure du temps est bien celle d’un temps interne, subjectif, qui donne à l’individu la définition de son projet et des actions qu’il doit mener pour l’atteindre ». Selon ces analyses, la problématique centrale des recherches dans ce domaine est centrée sur l’orientation temporelle (passé, présent et futur) et également sur l’expérimentation de la perception de la durée chez l’individu. Enfin, les recherches au sujet du temps en anthropologie apportent un aperçu des différences entres diverses sociétés vis-à-vis de la perception temporelle des individus (Bergadàa 1989, [7]). Ces domaines d’origine constituent des fondements théoriques du concept de temps qui est étudié dans les recherches en sciences de gestion, et ils justifient la multidimensionnalité de ce concept dans ce nouveau champ d’investigation (les recherches en sciences de gestion).

Dans le champs des sciences de gestion, de nombreuses recherches ont été réalisées, surtout en comportement des consommateurs, pour valoriser le rôle du concept de temps. De nombreuses dimensions du temps ont été identifiées et étudiées. Par exemple, l’économicité du temps (Usunier 1991, [61]) ; la pression du temps (Alice, Treena et Matthew 1998 [2] ; Ravi et Stephen 1999 [51]); l’orientation temporelle (passée, présente et future) (Bergadàa 1990 [8], Davies et Madran 1997 [22]) ; l’organisation du temps, l’anxiété face au temps, la préférence à la gratification immédiate (Usunier et Valette-Florence 1994, [60]), la pression du temps (Brodowsky et Anderson 2000, [14]) ; l’usage mono/polychronique du temps (Kaufman, Lane et Lindquist 1991, [38]) ; la procrastination (Darpy 1997, [20]) etc. Ces dimensions représentent une conception du temps qui est à la fois interne et externe à l’individu (temps individuel et social). Dans le cadre de cette étude, nous tenons à étudier des dimensions temporelles suivantes: l’usage mono/polychronique du temps (MONO)5,6; la procrastination (PROCRA) ; l’orientation temporelle (passée (PASSE), présente (PRES) et future (FUTU)) ; l’organisation du temps (ORGA) ; la ponctualité (PONC) ; la préférence à la gratification immédiate (GRA_IMM) ; et le rapport temps/qualité (TEM/QUA) (ou temps/efficacité) (cette dernière est une nouvelle dimension que nous allons intégrer dans cette étude).



Le temps mono/poly chronique : Ce concept trouve son origine dans le travail de Hall (1959, [32]) et Kaufman, Lane et Lindquist (1991, [38]). Selon ces derniers, le style monochronique désigne les individus qui ont l’habitude de faire une seule chose à la fois. Les expressions telles que « chaque chose en son temps » ou « c’est le moment pour ça » caractérisent ce style. Le style polychronique, au contraire, désigne les individus ayant l’habitude de faire plusieurs choses en même temps. Pour le style monochronique, le temps est souvent perçu comme linéaire et séparable. Ces individus préfèrent se concentrer uniquement sur le travail en cours et s’en tiennent souvent au programme prédéterminé (Usunier 1991, [61]). Pour ce qui est du style polychronique, comme l’écrit Usunier (1991, [61]) dans le monde des affaires, « … les individus peuvent modifier et abandonner facilement leur programme et leur plan de travail préétabli, communiquer avec plusieurs personnes en même temps, et ne pas hésiter à traiter plusieurs tâches en même temps ». L’adoption d’un style ou d’un autre chez l’individu dépend de nombreux facteurs : le sexe et les buts visés dans la vie (Feldman et Hornik 1981, [27]) ; le niveau d’éducation, le statut professionnel (les horaires de travail en plein temps ou en temps partiel) et l’activité sociale (Kaufman, Lane et Lindquist 1991, [38]) ; l’influence de la famille (à l’instar des parents par exemple) (Moore-Shay et Berchmans 1996, [47]) ; ainsi que la culture (Graham 1981, [30]). D’ailleurs, l’individu n’est pas uniquement monochronique ou polychronique, mais il peut changer d’un style à un autre en fonction de la situation. Par exemple, les Japonais, décrit Hall (1983, [34]), passent du style polychronique (en communication entre eux) à celui monochronique (en relation avec les partenaires occidentaux).

La procrastination désigne, en général, la tendance à remettre une tâche ou une décision à plus tard ou au lendemain. Cette tendance semble se trouver chez tous les individus (Tuckman 1989, [55]). En comportement d’achat, ce concept est défini comme « chronique et consiste à reporter ou ralentir un processus d’achat » (Darpy 2000, [21]). Ce concept semble, à notre sens, ressembler plus ou moins (mais dans le sens inverse) à celui appelé la persistance au temps ou la ténacité trouvé par Usunier et Valette-Florence (1992, [62]). Les raisons de cette tendance à la procrastination sont nombreuses. Dans les activités quotidiennes, les raisons peuvent être la fuite de la tâche (task avoidance) ou le manque de temps estimé par l’individu (Ferrari, Johnson et McCown 1995, [28]). Lorsqu’il s’agit des décisions importantes, telles celles d’achat, le report de la décision peut venir de l’attente d’un moment plus propice (un bon moment), du manque d’informations liées à la décision, des conséquences provenant éventuellement de la décision, ou simplement d’un temps insuffisant pour décider (Greenleaf et Lehmann 1991, [31]).

L’orientation temporelle (passé, présent et futur) : Ces dimensions sont largement étudiées dans des recherches en psychologie (voir Bergadàa 1989 [7]). Selon Agarwal et Tripathi (1980, [1]), cité par Bergadàa (1989, [7]), « l’orientation temporelle d’un individu se définit comme étant sa préférence ou prédisposition à visualiser une des trois zones temporelles. Par exemple, un individu est dit « orienté-passé », « orienté-présent » ou « orienté-futur », en fonction des poids relatifs qu’il donnera aux événements situés dans l’une ou l’autre zone ». Pourtant, cela ne veut pas dire que, par exemple, les individus « orientés-futur » vont considérer uniquement l’importance du futur dans leur vie, mais l’orientation temporelle nous permet de différencier les individus sur la base de l’importance qu’ils donnent aux différentes zones temporelles (Cottle 1976, [18]). Bergadàa (1990, [8]) montre également que l’individu peut s’orienter à la fois sur deux ou toutes les trois zones temporelles définies ci-dessus. Les déterminants de l’orientation temporelle chez l’individu sont nombreux : l’éducation, le rôle des parents, la classe sociale, les événements vécus, ainsi que l’âge et le sexe (Bergadàa 1990 [8], Cottle 1976 [18]). La culture est également trouvée ici comme une variable qui influence considérablement sur l’orientation temporelle (Jones 1988 [37] et Cottle 1976 [18]).

L’organisation du temps désigne l’habitude ou le besoin d’organiser et de planifier des activités des individus. Cette dimension est souvent associée à la notion de l’économicité du temps (Halle 1983, Usunier et Valette-Florence 1991 [59]). Les individus, ou plutôt des sociétés, qui ont tendance à organiser des activités quotidiennes sont ceux (ou celles) qui considèrent le temps comme de l’argent, rare, et qui est dépensé, épargné et acheté (la théorie du capital humain de Becker (1965, [4])). Le besoin d’organisation des tâches se traduit parfois comme un essai pour avoir une allocation optimale ou une utilisation rationnelle du temps. Le concept de l’organisation du temps est comparable avec celui de routines structurées (structured routines) de Feather et Bond (1983, [26]).

La ponctualité désigne le comportement d’être à l’heure pour les rendez-vous et pour le travail. Cette dimension est récemment identifiée dans l’étude de Brodowsky et Anderson (2000, [14]). Ce concept est similaire à celui de soumission au temps proposé par Usunier et Valette Florence (1994, [60]).

La préférence à la gratification immédiate est également trouvée par Usunier et Valette-Florence (1994, [60]). Selon ces auteurs, cette dimension du temps décrit l’aspect de motivation attaché au concept de temps, et elle permet de distinguer deux types d’individus : ceux qui préfèrent ou peuvent attendre un certain délai pour avoir des résultats versus ceux qui privilégient des résultats rapides ou immédiats. Cette dimension reste peu exploitée en sciences de gestion. Les individus privilégiant une récompense immédiate sont également désignés comme ayant une orientation présente et adoptant un modèle circulaire-traditionnel dans leur perception temporelle (Graham 1981, [30])

Le rapport temps/qualité (ou temps/efficacité) : cette dimension semble jusqu’à maintenant être absente dans les recherches en sciences de gestion. Pourtant, elle a été implicitement révélée par Graham (1981, [30]) lors de ses analyses portant sur le modèle procédural-traditionnel du temps « ce qui compte dans l’activité est qu’elle est faite correctement, c’est à dire, faite selon une procédure prédéterminée, plutôt le fait qu’elle soit faite « à l’heure »7». On peut trouver ici l’idée, parmi autres, que ces individus cherchent à bien faire leur tâche plutôt qu’à courir après le temps, donc l’exigence d’une bonne qualité ou efficacité pour la tâche pourrait être l’origine de ce comportement. Ceci nous amène à envisager une nouvelle dimension temporelle dans cette présente étude. La même idée pourrait être trouvée dans l’item « Il est plus important de faire des choses correctement que de les faire rapidement»8 utilisé dans l’étude de Davies et Madran (1997, [22]). Cet item sera utilisé dans cette étude pour mesurer cette dimension temporelle (Q5)


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