Paris la villette

A l’attention de Mesdames et Messieurs

les membres de la Commission Culturelle Scientifique

et Technique pour les formations en architecture

Le présent dossier déposé pour la session de juin 2008 de la CCST concerne la demande d’habilitation de la plupart des formations dispensées à l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Paris La Villette : premier cycle conduisant au diplôme d’études en architecture conférant le grade de licence, second cycle conduisant au diplôme d’Etat d’architecte conférant le grade de master, double-cursus architecte-ingénieur, cycle HMONP, 3^e cycle conduisant à un DSA ou à des DPEA.

Ces programmes ont été élaborés après un large travail collectif qui a mobilisé enseignants, étudiants et administration depuis six mois, qui s’est concrétisé par une centaine de réunions de travail diverses.

Ils s’appuient sur un projet d’école redéfini dans ses principes fondamentaux, sur l’expérience de la mise en œuvre des programmes pédagogiques précédemment habilités en 2006 ou en 2007 et tiennent le plus grand compte des remarques émises par la CCST lors des précédentes sessions d’habilitation.

Ils s’inscrivent naturellement au plus près du cadre pédagogique défini par les textes régissants l’enseignement supérieur de l’architecture en France. Ils prennent toutefois quelques libertés par rapport à certaines dispositions, qui se justifient par rapport au projet pédagogique spécifique à l’école.
Un effort particulier de clarté, d’explication, de transparence, qui prévaut également dans la répartition des charges pédagogiques entre les différents enseignants de l’école, a été entrepris pour asseoir le projet pédagogique de l’école sur des bases comprises et partagées, sur lesquelles s’appuie l’ambition légitime de notre établissement d’être un pôle d’excellence internationalement reconnu de l’enseignement de l’architecture.

Bertrand Lemoine

Directeur
Juin 2008

Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de PARIS LA VILLETTE

2008 - 2012 Le Projet d’Etablissement

Introduction a un projet d’école

L’ENSAPLV articule son projet d’école autour de cinq grands principes fondateurs, dont l’application et la déclinaison ont certes varié au cours de son histoire, au fil des réformes et des contextes pédagogiques, mais qui sont toujours restés d’actualité depuis sa création, il y a quarante ans. Ces principes sont aujourd’hui déclinés dans le contexte du système pédagogique européen adopté par l’ensemble des écoles d’architecture en France et à l’ENSAPLV depuis deux ans et dans lequel s’inscrit naturellement le projet pédagogique proposé ici à l’habilitation.

Une tradition critique et pluridisciplinaire

L'ENSAPLV est l'héritière de l'Unité Pédagogique d'Architecture n° 6 fondée en 1969. A ce titre, elle est porteuse d'une tradition critique qui récuse une conception de l'architecture close sur elle-même, productrice narcissique de “ beaux ” objets solipsistes. Pour elle, l'architecture est, en paraphrasant Marcel Mauss, un phénomène socio-culturel total et sa raison d'être, comme établissement d'enseignement supérieur, est de préparer les étudiants à en comprendre et à en maîtriser tous les aspects. Aussi l’ENSAPLV est-elle à la fois un lieu universitaire de production et de diffusion des connaissances, un lieu de formation professionnelle et un lieu de préparation des futurs acteurs à leurs responsabilités sociales. En particulier, dès son origine, elle a fait le choix de ne pas ancrer son enseignement dans les pratiques professionnelles alors dominantes en France, mais a développé des approches nouvelles, notamment en articulant la reconstruction critique de l’enseignement de l'architecture à la création plastique, à la philosophie, aux sciences humaines et sociales ainsi qu’aux sciences et aux technologies. L'ENSAPLV assume sa position d’établissement d'enseignement supérieur de l'architecture au sens entier du terme, cette dernière (l’architecture) embrassant les trois échelles de l'édifice, de la ville et du territoire (donc du paysage). Sur cette base, l'ENSAPLV a élaboré un certain nombre de champs de savoirs qui fondent ses compétences et son identité. Elle assure des formations diversifiées correspondant à l'élargissement des formes d'intervention professionnelle des architectes (dont le nombre, selon nous, doit augmenter en France) et de développer la formation à et par la recherche. Ainsi le projet pédagogique de l’école se distingue-t-il par la pluridisciplinarité et l’interdisciplinarité des enseignements dispensés, tout en gardant l’enseignement du projet architectural et urbain au centre de la formation.

Une grande Ecole d’enseignement supérieur

L'ENSAPLV est aujourd’hui la plus importante école nationale supérieure d'architecture en France, par le nombre de ses enseignants comme par celui de ses étudiants. Ceci lui permet de proposer une grande diversité d'enseignements et de pratiques, ouvrant ainsi largement les points de vue sur une discipline qui se situe au carrefour de multiples savoirs, ainsi que sur les enjeux éthiques et esthétiques dont elle est porteuse. Cette ouverture lui a permis de développer des activités d'enseignement et de recherche en collaboration avec d'autres institutions françaises et étrangères dans le cadre de formations propres à l’Ecole ou en partenariat avec des universités françaises ou étrangères. Elle lui vaut aussi d'être un lieu d'accueil et de formation pour des étudiants venus de nombreux pays étrangers, ceci tant au sein de son cursus propre (premiers entrants, transferts après validation d’acquis, souvent pour des architectes ou des ingénieurs ayant déjà obtenu un diplôme dans leur pays d’origine) que dans le cadre des échanges Socrates-Erasmus ou de conventions particulières passées avec de multiples autres écoles d'architecture.

La dimension de notre école, la diversité (y compris en termes d’origines nationales) et la qualification professionnelle et universitaire de son corps enseignant lui ont ainsi permis de développer une importante production intellectuelle, tant au sein des équipes de recherche que par les travaux personnels des enseignants, relayée par la politique éditoriale des Éditions de la Villette, fondées au sein de l'ENSAPLV dans un esprit d’ouverture aux enseignants des autres ENSA. Ces caractères de l'ENSAPLV lui confèrent un rayonnement qui incite de nombreux étudiants en architecture, issus de France ou de l’étranger, à venir y achever ou y compléter leur cursus. En effet, cette masse critique offre aux étudiants la possibilité pour les étudiants de construire un parcours personnalisé, en particulier en second cycle. Enfin l’importance des effectifs de l’école en fait l’école la plus productive en termes d’utilisation des ressources publiques.

Une ouverture sur les réalités du monde

C'est donc en s'appuyant sur cette tradition d'ouverture culturelle, de liberté intellectuelle, de critique sociale, de diversité et de tolérance, alliée à de hautes exigences de qualification des formations que l'ENSAPLV développe son programme de formation, lui-même destinée à répondre efficacement aux enjeux qui naissent de l'évolution de la société contemporaine et des perspectives ambitieuses posées par la construction européenne et la mondialisation.

Si lors de la création d’UP6, le défi posé par la société française aux architectes relevait encore, peu ou prou, de la nécessité d’apporter une solution rapide à la crise du logement, il n’en est plus exactement de même aujourd’hui : la situation démographique et urbaine de la France s’étant relativement stabilisée, il s’agit moins de construire en masse de nouveaux ensembles de logements urbains que de reconstruire les périphéries édifiées pendant les Trente Glorieuses dans un contexte dominé par l’urgence, et de doter les villes d’équipements de qualité, le tout dans une perspective de développement urbain durable. D’autre part, on connaît les bouleversements qui affectent les activités économiques et sociales à l'échelle planétaire et qui transforment de façon décisive le rapport espace/temps. Le développement technologique et la mobilité croissante des activités qu'il autorise et organise, modifient non seulement les manières de produire et de vivre mais les représentations sociales du monde.

Des phénomènes de rupture apparaissent qui mettent en crise les sphères économique, sociale, urbaine, culturelle et politique. Les secteurs de la production architecturale et de l'aménagement de l'espace sont eux-mêmes traversés par cette restructuration, parfois peu évidente et/ou difficile, des activités, contraignant les architectes à reconsidérer leurs modes d'intervention. Mais, au-delà de cette évolution ou de cette crise “interne”, c'est à ces nouveaux enjeux de civilisation que doivent répondre les architectes. Comment, dans cet éclatement, cette fragmentation et ces restructurations économiques et sociales nouvelles, maintenir des repères pour la communauté ou en créer de nouveaux ? La culture architecturale et urbaine permet de faire œuvre de mémoire tout en donnant forme à l'imaginaire social. Cette “compétence” culturelle, alliée aux nouveaux savoirs techniques qu'exige la complexité de la conception et de la gestion durable des habitats, villes, paysages et territoires, assigne des responsabilités sociales particulières aux futurs professionnels et chercheurs formés dans les écoles d'architecture.