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SECTEuR
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I n D u S T R I E
Juste derrière les établissements financiers, les entreprises
industrielles subissent des revers importants, en particulier
depuis le déclenchement de la crise. Et, s’il est particulière-
ment médiatisé depuis l’automne 2008, le phénomène date
de bien plus longtemps : «Nous avons subi un très fort ralen-
tissement depuis le printemps dernier pour ce qui concerne le
recrutement dans les grandes entreprises», indique ainsi Arnaud
de Thoré, responsable de la business unit production achats
logistique recherche ingénierie chez Hudson, cabinet conseil
en recrutement. Paradoxe ? Le secteur industriel clame pour-
tant depuis plusieurs années la pénurie de cadres et, surtout,
d’ingénieurs. Désaffection des filières scientifiques par les jeu-
nes, et tout particulièrement par
les filles, progression du fameux
papy-boom, besoins de compé-
tences à la fois plus spécialisées
et plus diversifiées, les raisons de
cette pénurie sont nombreuses et
complexes. Et, bonne nouvelle,
ces phénomènes structurels de
fond n’ont pas été rayés d’un
trait de crayon par la crise. D’autant que l’industrie regroupe
en réalité des secteurs et des réalités extrêmement variés :
entre les différents domaines d’activités, les groupes et PMI
de production ou les très nombreux prestataires de services
industriels, des opportunités d’emploi subsistent.
grands industriels
Les grands groupes acteurs tradi-
tionnels de l’industrie hexagonale restent également présents
dans les écoles. «Nous recruterons environ 450 jeunes diplômés
en 2009, dont 80% d’ingénieurs et 20% pour les fonctions sup-
port», indique ainsi Jean-Luc Antoine, responsable du recru-
tement du groupe Safran. «La mécanique reste un pilier de nos
compétences. Toutefois, l’ingénieur généraliste maîtrisant l’archi-
tecture système constitue un besoin en forte croissance», poursuit
Jean-Luc Antoine. Les ingénieurs trouveront leur place à la
fois en production, ainsi qu’en recherche et développement,
qui, en toute logique, «représente une part importante de l’ac-
tivité», précise Jean-Luc Antoine. Le recrutement de jeunes
ne se cantonne pas à une liste restreinte de grandes écoles.
«Au niveau ingénieur, c’est-à-dire bac +5, nous accueillons des
jeunes issus de nombreuses filières, tant des grandes écoles que
des universités, ayant suivi des cursus généralistes ou spécialisés,
notamment en mécanique, en électronique ou en informatique.»
Le groupe Safran étudie également les candidatures issues
d’autres cursus moins standards (brevet militaire, formation
continue…). «Ce qui compte, c’est une compétence avérée»,
poursuit-il. Une compétence qui n’empêche pas la diversité,
bien au contraire. Jeunes issus des plans espoir banlieue, tra-
vailleurs handicapés, actifs en contrat en alternance, les profils
«différents» sont bienvenus, car ils permettent d’attirer des
jeunes particulièrement motivés.
généralistes ou spécialisés, ingénieurs et docteurs,
les besoins de compétences de très haut niveau sont toujours
présents, avec une prime aux profils ouverts et internationaux.
Ingénieurs
et docteurs
très prisés
Finies les prévisions
fantaisistes. L’heure est
aux comptes détaillés
qui démontrent, si
besoin était, la vigueur
du marché des énergies
renouvelables. une étude
de l’Ademe, réalisée en
juillet 2008 et intitulée
«Marchés et emplois liés
à l’efficacité énergétique
et aux énergies
renouvelables» permet
de chiffrer de façon
très précise l’évolution
du marché de l’emploi
à l’horizon 2012. Selon
cette étude, la production
et l’installation
d’équipements, les
ventes d’énergies
d’origine renouvelable,
ainsi que l’amélioration
de l’efficacité énergétique
devraient générer près de
440 000 emplois en 2012,
contre 220 000 en 2007.
un chiffre qui grimpe à
610 000 en incluant les
emplois indirects.
ÉnERgIES REnouvELABLES : DES EMPLoIS PAR MILLIERS !
Le recrutement
de jeunes ne se
cantonne pas à une
liste restreinte de
grandes écoles.
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entreprise veut accroître son chiffre d’affaires, elle doit développer
de nouveaux produits et passe donc en premier lieu par la R&D.
Cette fonction ne peut pas être délocalisée. En tous cas en France,
dans le monde industriel classique, tout ce qui concerne la recher-
che reste en France», constate Arnaud de Thoré. La R&D, tous
secteurs confondus, compte environ 400000 personnes en
poste aujourd’hui en France. Et ses domaines de spécialité
sont innombrables : «Tout ce qui concerne le bio – pharmacie,
santé, agroalimentaire – se développe fortement en Europe, ainsi
que l’électronique, tant du côté hardware que software», égrène
Arnaud de Thoré. Quel que soit le secteur ou la spécialité, un
ingénieur de production peut éventuellement évoluer vers la
R&D. Sans oublier les doctorants, dont la cote est aussi en
hausse.
Symptomatique d’une nouvelle génération d’employeurs, le
groupe Safran en quête d’internationalisation recrute égale-
ment des ingénieurs français à l’étranger. «Je participe régu-
lièrement au forum entreprise du MIT à Boston. Nous y recru-
tons des jeunes diplômés français qui y suivent une partie de leur
cursus.» Et la démarche n’a rien d’exceptionnel, puisque les
grands groupes français se retrouvent régulièrement à ce type
d’événements. L’enjeu, c’est la dimension internationale de
ces jeunes, et donc leur ouverture d’esprit. Un critère de plus
en plus fondamental dans le secteur.
Cette dimension internationale constitue ainsi un critère
déterminant pour les grands groupes, en particulier pour la
construction de centrales électriques dans le monde entier.
«Flexibles, motivés, diplômés depuis moins d’un an et avides de
prendre part à des missions pleines de défis» : voilà les qualités
principales recherchées par le groupe Alstom. Leurs jeunes
recrues se verront offrir un programme alléchant : en deux
ans, le groupe s’engage à «staffer» ses nouveaux entrants sur
trois postes différents dans trois pays différents, au sein d’un
même projet. Un parcours particulièrement riche et forma-
teur pour les plus énergiques !
La R&D : toujours vitale
Mais, les géants industriels
ne constituent plus le gros des recrutements, loin s’en faut. En
effet, explique Arnaud de Thoré, «lorsqu’un profil fait défaut
chez un grand industriel, il lui est relativement aisé de pourvoir le
poste en recrutement interne.
Ou bien, d’avoir recours à
un prestataire extérieur.» Et
de débaucher ce dernier ou
encore de chasser ce profil
dans les petites structures.
Résultat : les groupes de
moindre envergure consti-
tuent des cibles de choix
pour les jeunes ingénieurs.
En particulier, les prestataires de services d’ingénierie conser-
vent un volant de recrutements incontournables, qui visent
toutes les spécialités. Parmi les 2 400 postes à pourvoir cette
année, Alten, un des leaders du secteur, met l’accent sur les
ingénieurs études et développement : spécialistes du génie
mécanique et industriel, de l’aéronautique, de l’électronique
ou ingénieurs généralistes, les besoins en la matière ne sont
pas épuisés. Une tendance lourde dans l’industrie. «Lorsqu’une
Longtemps boudés
par des entreprises
obnubilées par notre
système très français
des grandes écoles
d’ingénieurs, les
étudiants en doctorat
ont désormais le vent en
poupe, notamment grâce
aux Cifre (Conventions
industrielles de formation
par la recherche). «De
plus en plus de grands
groupes prennent des
ingénieurs et leur font
passer leur thèse en
bourse Cifre», constate
Éric Fogarassy, directeur
de l’EnSPS, école
d’ingénieur de l’université
de Strasbourg.
L’avantage est double et
partagé : l’étudiant est
salarié de l’entreprise, fait
sa thèse et a ainsi toutes
les chances d’être intégré
ensuite dans le groupe
qui accepte de le former.
Les thésards les plus
recherchés ? «Ceux de la
micro électronique et des
nano-sciences», précise
Éric Fogarassy.
LES CIFRE ExPLoSEnT !
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La R&D, tous
secteurs confondus,
compte environ
400000 personnes
en poste aujourd’hui
en France.
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