Rapport d’Étape sur l’action spécifique du département stic du cnrs intituléE


II° PARTIE : Verrous scientifiques et questions en suspens



Yüklə 207,11 Kb.
səhifə3/4
tarix08.01.2019
ölçüsü207,11 Kb.
#91880
1   2   3   4

II° PARTIE : Verrous scientifiques et questions en suspens



Ces verrous et ces questions ont été identifiés par les membres permanents. Nous avons restitué leur formulation en rapportant leurs réactions aux trois rubriques suivantes :
1. Problématique générale de la conception participative

2. Enjeux et expériences de la conception participative

3. Outils et méthodes de la conception participative


  1. Problématique générale de la conception participative


Laurent Karsenty

La dynamique du proceesus

Une question centrale n'est peut-être plus tant de savoir comment impliquer les utilisateurs dans la conception mais plutôt de comprendre la dynamique d'un processus participatif (généralement pluridisciplinaire) afin de l'outiller au mieux. Il me semble qu'aujourd'hui, l'utilisateur est bien représenté dans nombre de projets et pourtant les produits qui en sortent peuvent encore être inadaptés pour les utilisateurs. Pourquoi ? Quelques éléments de réponse pouvant orienter les réflexions à venir :



La co-existence d'intérêts et d'enjeux divergents dans un projet pluridisciplinaire : la conception participative et pluridisciplinaire apparaît plus comme un champ de négociation, voire de conflits, que comme l'expression d'un volonté mutuellement partagée de faire le meilleur outil pour l'utilisateur. L'outil le plus adapté à l'utilisateur est-il réellement celui qui fait gagner le plus d'argent aux entreprises ? Est-il réellement celui qui motive l'ensemble des acteurs de la conception ? Dans un contexte de compétition accrue dans laquelle la guerre d'images fait rage, vaut-il mieux être le premier à sortir un produit - même imparfait - en attendant les retours d'expérience (l'usage comme relais de la conception initiale, puis l'usage comme processus de sélection naturelle) ou consacrer plus d'effort en amont pour identifier les besoins utilisateurs et les usages et les prendre en compte ?

La mémoire sélective des acteurs de la conception : il est facile de constater que les "oublis" sont très fréquents en conception, y compris quand des comptes-rendus sont rédigés (qui les lit plusieurs semaines ou mois après la réunion ?). Ainsi, des contraintes techniques ont pu être oubliées par les acteurs en charge de la spécification. Ou bien des besoins utilisateurs ou des contraintes d'usage sont passés à la trappe. Le problème est qu'une fois qu'un travail basé sur ces oublis a été suffisamment avancé, il est très rare qu'on décide de tout recommencer. De nouvelles négociations peuvent s'engager et, au final, on réalisera un outil moins bon que ce qu'il aurait pu être sans "oublis". Différentes approches de "mémoire de projet" et, plus généralement, de capitalisation des connaissances, ont été proposées pour répondre à ces questions. Peu se sont avérés transposables à l'industrie ou alors peu ont résisté au temps. La question reste donc entière aujourd'hui.
Magali Bicaïs

Place des utilisateurs ?

Cela reste un point très flou car toutes les disciplines les interrogent à différents niveaux et l'on ne sait pas très bien quelle importance ont leur accorde. Il y a une ambiguïté ici, car soit ils participent à la conception et sont donc à l'initiative des projets (dans ce cas il faut réfléchir à la façon dont on prend on compte leur propositions), soit ils sont là pour affiner les produits ou les services préalablement définis (et là aussi il faut réfléchir au comment).


Bertrand David

Qui sont les acteurs du processus de conception ?

Sans apporter ici une clarification entre la conception centrée utilisateur et la conception participative, il me semble primordial de constater et de réaffirmer le besoin de faire participer à la conception “ au moment opportun ” les différents acteurs, qu’ils soient utilisateurs finaux (conducteur ou passager d’une voiture, par exemple) ou utilisateurs intermédiaires pendant la vie du produit (garagiste), pendant sa fabrication (ouvriers sur la chaîne de montage) et pendant son démantèlement (recycleur, démonteur, etc.) ou concepteurs contribuant chacun à sa manière à la conception (motoriste, designer carrosserie, électronicien, etc.). Tous doivent trouver leur place dans le processus et appuyer leurs interventions sur des présentations appropriées (de l’artefact final ou des artefacts intermédiaires).


F. Darses et F. Détienne :

Qui est l'utilisateur ?

Tous les participants à l'atelier sont convenus que cette qualification ne peut être restreinte à un unique utilisateur final (end-user), mais que les utilisateurs d'un système sont également les utilisateurs intermédiaires (opérateur de fabrication, responsable de maintenance, etc.). Il semblerait donc qu'on ne puisse pas véritablement délimiter qui sont les utilisateurs, et qui ne le sont pas. Mais on rappelle aussi que tous les protagonistes rassemblés autour d'un objet de conception ne sont pas tous utilisateurs, même s'ils sont concernés et touchés par le produit.



Positionnement éthique de la conception participative : accès à la décision, approche centrée utilisateur vs. approche participative en conception

L'usage de la terminologie "participatory design" désigne aujourd'hui toute situation de conception durant laquelle l'utilisateur est impliqué. Or on détourne le sens initial de ce terme qui, dans sa formulation originale, promue en Scandinavie, promouvait le droit à tout utilisateur d'accéder au même pouvoir de décision que les concepteurs.



Degrés d'implication de l'utilisateur (de l'information à la co-conception

Conception participative et implications sur le processus de conception


Plus d'importance est donnée à la mutuelle intelligibilité des représentations (d'où méthodologies coopératives)
J.Caelen

Quel dialogue entre les acteurs ?

La conception participative est aussi un problème de dialogue entre les acteurs. Un dialogue nécessite un langage et des conventions d’échange. Quel est ce langage compréhensible par tous indépendamment de sa compétence dans le processus participatif ? Est-ce un langage visuel à la UML par exemple, ou le langage naturel, ou un langage auto-construit fondé sur des objets intermédiaires ? Quelles sont les conventions d’échange entre acteurs ? Doivent-elles être explicitées clairement ? Sont-elles liées à la tâche ? Quelle doit être la stratégie de dialogue ? Négociation, coopération, dirigée, ou naturellement auto-construite ? Comment se règlent les relations de pouvoir autour de ce dialogue ?




  1. Enjeux et expériences de la conception participative



Jacques Perrin

Il faudrait essayer de dresser une typologie des pratiques de conception participative, car ce mot est utilisé pour désigner des pratiques très différentes de la simple consultation des utilisateurs à certains moments du processus du conception à une intégration complète des utilisateurs qui deviennent des concepteurs à part entière. Quels critères choisir pour dresser de telles typologies ? Il existe déjà des réflexions qu'il faudrait retrouver et exploiter (notamment dans les contributions à la récente conférence internationale sur les sciences de la conception). Comme problématique aux fondements des pratiques de conception participative, on retrouve en partie les problématiques ou au moins les préoccupations qui ont conduit au développement de l'analyse de la valeur, aux pratiques de management par la valeur et plus généralement aux réflexions économiques sur la valeur
F. Darses et F. Détienne 

Variété des contextes dans lesquels l'utilisateur peut être identifié

Délimitation temporelle du processus de conception


Dans certains domaines, le produit conçu évolue notablement parce que l'utilisateur poursuit la conception dans l'usage (urbanisme, organisations sociales) : la conception participative doit-elle aller jusque là ?
Bertrand David :

Comment accumuler l’expérience et la rendre collective ?

Comment accumuler d’expérience des projets passés et comment la rendre accessible et réutilisable dans d’autres projets par les mêmes acteurs ou des acteurs différents ?


Bernard Ruffieux

Comment mettre en œuvre le management de la valeur "en temps réel" et sur une base analytique des produits issus de l'innovation, notamment pour ce qui concerne l'utilisateur final lorsqu'il est aussi l'acheteur du produit.

L'analyse de la valeur constitue toujours une plate-forme de référence pour les projets collectifs appelant à des bases communes. Comment mesurer la valeur d'un produit "qui n'existe pas" ? D'un produit non encore commercialisé ? d'une caractéristique particulière ? Notamment lorsque cette caractéristique est à problème : dimension collective, éthique, sans "design dominant" d'usage.
Laurent Karsenty

Quelles différences entre une conception participative pour un produit professionnel (segment de population, caractéristiques de la population cible relativement bien cernées) et une conception participative pour un produit grand public (population très variée, caractéristiques mal connues) ? Faut-il les mêmes outils et les mêmes process ?
J-P Laurencin

Comment relier l’usage au marché : Problème de l’application de la méthode avec l'analyse de la valeur et toutes les informations qu'il faut capitaliser et acquérir éventuellement à l'extérieur pour tenter de saisir au mieux ce lien. C'est la condition pour choisir les bons utlisateurs qui vont participer à la conception.

Comment organiser l'activité de conception pour qu'elle soit participative orientée usage : quelle structure, quels participants, quelle ouverture sur l'extérieur, quelles spécificités selon les artefacts conçus (composants ou produits de consommation ?)

Comment la méthode de la conception participative peut-elle être appliquée dans des secteurs différents, quelles observations a-t-on ou pourrait-on réunir sur des expériences dans des secteurs différents ?
J. Caelen

Facteur d’échelle : Tous les produits ou services innovants ne nécessitent pas la même lourdeur d’investissement en conception : par exemple certains produits peuvent supporter une conception rapide et un test immédiat par le marché, alors que d’autres soumis à des normes de sécurité ou à une forte concurrence doivent être patiemment conçus et validés. Quels sont les critères qui permettent de choisir la meilleure stratégie de conception selon les produits ? Comment mesurer le retour sur investissement d’une « bonne » conception ? Comment changer de facteur d’échelle et adapter le processus de conception d’un produit d’une certaine catégorie à un autre ? Existe-t-il d’ailleurs une catégorisation des produits innovants ?

  1. Outils et méthodes de la conception participative



Laurent Karsenty

La construction de modèles utilisateurs pour la conception :

Quel passage d'un fonctionnement général et théorique de l'utilisateur (des utilisateurs) à son instanciation dans le cadre d'une application donnée ? Comment favoriser l'utilisation (et la ré-utilisation) de modèles utilisateurs par des ingénieurs ? A-t-on encore besoin de modèles utilisateurs si l'on dispose de guides de conception (ou liste de critères de conception) ?


Bertrand David

Quels sont les outils dont les différents acteurs (voir la typologie dans 1. ci-dessus) ont besoin ?

Ces outils sont de différentes natures qui correspondent 3 espaces d’un système TCAO (coordination, conversation, co-opération). Part exemple, dans l’espace de coopération les outils proposés apportent une aide à la description, à l’élaboration, à l’évaluation, etc. Et s’appuient sur (ou élaborent) des artefacts différents.

Comment identifier ces outils, comment en introduire des nouveaux, comment valider leur utilité et utilisabilité ?

Quels artefacts et quelles modélisations de ceux-ci ?

Quels sont les artéfacts sur lesquels les acteurs souhaitent s’appuyer, comment les identifier et les modéliser ? L’adéquation de modélisations et de représentations vis-à-vis des acteurs et des activités constitue une thématique de recherche importante. Peut-on supporter des points de vue et assurer leur cohérence au niveau du système coopératif d’aide à la conception ? Est-il possible d’avoir un modèle conceptuel ou de référence unique ? S’agit-il d’un modèle support de travail ou support d’échange ? Des embryons de solutions existent (XML, STEP, …), est-on en mesure d’envisager leur généralisation, avec un moyen d’expression assez fin et précis ?



Quelle modélisation du processus ?

Quel niveau de modélisation du processus peut-on ou veut-on mettre en place ?

Les deux extrêmes étant :


  • la modélisation fine et précise : très efficace quant à l’utilisation de ressources (humaines et matérielles), mais frustrante et mal adaptée à la créativité et la conception innovante ;

  • la modélisation grossière : peu contraignante, mais peu efficace quant à l’utilisation de ressources (humaines et matérielles), permettant la créativité et conception innovante.

Les recherches en cours sur les Workflows adaptatifs comme moyen de coordination dans les collecticiels [Saikali 2001]2 visent à trouver un bon équilibre entre ces deux extrêmes sous forme de modélisation générique à base de patterns visant à supporter au sein d’un même projet des activités routinières et des activités innovantes.



F. Darses et F. Detienne  :

Dispositifs organisationnels, techniques

Artefacts à usage discrétionnaire vs artefacts à usage non discrétionnaire :


La notion d'utilisateur, et le choix que l'on peut faire quant à leur implication, dépend de cette caractéristique des artefacts. Alors qu'on peut choisir d'impliquer ou non un utilisateur à propos d'un artefact qui supporte un usage discrétionnaire, on ne peut faire un tel choix quand il s'agit d'artefacts complexes, impliqués dans des processus dynamiques, organisationnels, et dans lesquels les utilisateurs sont intriqués. Dans ces cas-là, les utilisateurs ne peuvent être véritablement extraits de l'artefact lui-même et on doit recourir à un modèle de système cognitif joint (Hollnagel & Woods, 83) pour modéliser ces systèmes.

Quels sont les meilleurs outils selon les phases de conception dans lesquelles l'utilisateur est impliqué ?

Quels sont les indicateurs garantissant le caractère participatif d'une approche (qualitatifs et quantitatifs) ?


Magali Bicaïs

Les outils devraient être les objectifs de l'AS…


Nécessité de mettre en place des outils de communication adéquats pour impliquer véritablement chacune des disciplines dans la conception. Il est important de hiérarchiser les interventions des différentes disciplines tout simplement parce qu'elles ne peuvent et ne doivent pas intervenir au même moment dans la conception. Reste à trouver une hiérarchie, mais l'idée de se retrouver tous autour d'une table n'est pas forcément la meilleure. Un travail important, ici encore, de communication est à faire mais plutôt dans la présentation des résultats d'une discipline aux autres. Je reste convaincu que chacun doit avoir sa spécialisation et doit intervenir à un moment précis de la conception, la difficulté étant de transmettre ces informations aux disciplines qui interviennent en aval.
Eric Marsan

Comment "écrire" le produit, en bref comment concevoir son design selon ce que le produit vante comme arguments?

Pour ne pas tomber dans le design cosmétique, il faut le prévoir en amont, lors de l'établissement du concept du produit. Comment amener des techniciens concepteurs à comprendre puis à se pencher sur ce problème ? Comment construire et guider cette lecture du produit (sémio ?), comment la tester de façon simple ...?

Si cette démarche ne s'intègre pas durant la création du produit, c'est comme essayer de séduire sans savoir à qui on s'adresse, on ne touche jamais la cible voulue !
J. Caelen

Quels outils pour réguler le dialogue et les échanges pendant les séances de conception participative ? Certainement faut-il prévoir des enregistrements des conversations afin de restituer à chacun sa « propriété intellectuelle », mais cela n’est certainement pas suffisant, voire discutable dans certains cas pour des raisons de confidentialité par exemple. Il faudra évidemment prévoir un archivage synthétique de ces mêmes conversations afin de dérouler le fil du processus de conception dans la trame du projet en liaison avec les objets échangés et les prises de décision effectuées. Il faudra également organiser les temps d’intervention, les stratégies d’intervention, etc.
Barbara Michel

I Quelques rappels sur la conception et les usages
En guise d'introduction quelques rappels sur le couple conception et usager.

-Les industriels se trouvent dans la nécessité de devoir sans cesse introduire de nouveaux produits pour se démarquer de leurs concurrents et pour acquérir un avantage dans ce qu'il est convenu d'appeler une guerre économique. Cela entraîne une profusion de technologies avec une obsolescence des produits.

Face à cela comment savoir où sont les conceptions innovantes et celles qui ne le sont pas ?

Un produit peu gagner des parts de marché, sans pour autant avoir développé une conception novatrice. On pourrait même émettre l'hypothèse que les industriels n'ont la plupart du temps que peu intérêt à développer des conceptions novatrices…

-L'étude de la conception est encore trop mal étudiée :

On a des études très spéculatives et macro-sociales qui côtoient des études rigoureuses et micro-sociales, et des études de cas plus ou moins empiriques. Cela rend les comparaisons difficiles. De plus les comparaisons transectorielles sont quasi-absurdes.

Le terme technologique renvoie lui-même à des objets d'études très divers : procédés ou résultats, outils, machines ou artefacts, dispositifs ou systèmes…

D'où l'impression d'avoir à faire à une juxtaposition de perspectives différentes, de paradigmes indépendants sans accord minimal sur la manière de poser le problème.

Face à l'éclatement des connaissances sur la conception technologique, il faudrait lister les principales approches…

-Deux approches, très classiques de la conception.

La conception technologique développe une existence autonome, déterminée par des contraintes techniques spécifiques qui vont structurer les usages ou au contraire dépend de la dynamique sociale.

La première approche est linéaire, elle peut se résumer par la formule " la science découvre, l'industrie applique, l'homme suit" (citation de l'exposition universelle de Chicago en 1933 cité par J.J. Salomon," Le destin technologique", Balland,, 1992, ch. XI). Les concepteurs proposent et en bout de chaîne, les usagers disposent, c'est-à-dire qu'ils adoptent ou refusent les nouvelles techniques. On est dans le schéma "Science, technologie et société". Ce schéma peut-être amélioré par un recours à des utilisateurs pionniers qui permettent de transformer le schéma trop linéaire en schéma bouclé et l'on ajoute quelques filtres sociaux pour orienter le développement technique. Améliorer, le schéma perd un peu de son aspect mécanique, mais il demeure très prégnant dans ce que j'appelle la logique fonctionnaliste. Il est simple et intelligible par rapport à des approches systémiques. On est peu ou prou dans le modèle de Lasswell, Emetteur-Message-Recepteurs, même en y ajoutant le feed-back. Dans ce schéma on valorise l'activité de conception et on dépolitise la conception comme activité indépendante, autonome et abstraite et on concède aux usagers la possibilité d'une rétro-action qui réinvente les usages.

Dans la deuxième approche, la conception est envisagée comme un construit social. Elle est déterminée par le jeu des interactions qui se déroule entre divers groupes sociaux. Tout au long du processus de conception, il y a des controverses, des alliances, des conversations et des débats contradictoires. L'analyse insiste alors sur les conflits et les accords pour saisir une logique de la domination. L'activité de conception perd de sa neutralité, elle n'est plus limpide, ni fonctionnelle, ni rationnelle. C'est "un processus socialement contingent" où divers groupes sociaux sont en concurrence entre des projets différents qui s'achève par l'imposition des uns ou des autres grâce à des alliances (cf. Callon et Latour). Le statut de l'usager est alors ambigu puisqu'en théorie il y participe alors qu'en pratique, il est absent de la conception. Une fois le système technologique construit par controverses et alliances, l'utilisateur se retrouve dans la même position que dans le schéma fonctionnaliste.

Dans la conception participative, si on veut réintroduire une logique de l'usage, il faut se méfier tout autant du schéma fonctionnaliste que du schéma constructiviste. (Je ne développe pas ici l'approche de l'usager comme "producteur silencieux" de De Certeau.)


II Quelques pistes de propositions à peine ébauchées…

Je pars de constats pour proposer ce vers quoi la conception participative devrait tendre…Plus les problèmes sont d'ordre pratique, plus il faut oser les aborder de manière théorique.




  • La domination du conçu par le vécu

Depuis de long siècle en Occident, le conçu (savoir, sciences, connaissances) tend à déprécier le vécu, à le réduire, à le traiter en résidu provisoire du connaître. Le vécu est accusé d'être "cette matière informe, ce chaos, cet innommable, innommé, il faudrait l'exterminer, de sorte que la vraie vie ou plutôt la vie vraie se construise à partir du seul savoir." (H. Lefebvre,"  La présence et l'absence", Casterman,1980, p.198)

À vrai dire le vécu n'a jamais été défini et même on a remarqué plusieurs fois les risques d'une définition qui se voudrait rigoureuse. Oui, le vécu à quelque chose de flou, lui attribuer des contours, vouloir le cerner ou le définir, c'est déjà le réduire en l'assimilant au concevable, et l'identifier par hypothèse à une forme conceptuelle. La démarche inverse qui projette le vécu dans les profondeurs abyssales est tout aussi contestable que la première, puisque les théoriciens de l'inconscient en font un concept.

Le vécu ne coïncide pas avec le singulier, l'individuel et le subjectif, car les rapports sociaux sont aussi vécus avant d'êtres conçus.

Les significations d'usage cherchent à renouer avec la trame du vécu quand elles insistent sur les ruses des utilisateurs face à une consommation contrainte (cf.De Certeau). Réintroduire une logique de l'usage, dés la conception, c'est à mon avis ne pas tenir compte de la scission idéologique producteur consommateur. À la question du "á quoi ça sert?"  du concepteur préférer une question plus existentielle et moins fonctionnaliste du type "qu'est-ce que ça apporte au vécu ?". Le concepteur peut trouver dans le vécu un terrain nourricier, une inspiration initiale, une impulsion originelle et vitale à condition de "l'ex-primer" tout au long de son travail. Le simple producteur de conception technique élude ordinairement la question du vécu. Introduire la logique de l'usage, c'est laisser émerger du vécu en assimilant le plus de savoir possible au cours du trajet de la conception. La conception participative pourrait accomplir une double conception : celle d'un savoir par un vécu, celle d'un vécu par un savoir. Cela doit exclure toute expropriation. Ainsi peut s'engendrer de nouvelle forme technique…

L'alignement de la conception sur la production freine l'innovation technologique.

-Première conséquence négative, cela autonomise les technologies pour en faire de simples produits/services non intègrés aux vécus, qui du coup ont une viabilité aléatoire, peu compréhensible et qui rendent le marché un peu flou (fou).

-Deuxième conséquence négative, l'efficience est réduite à trop parler d'efficacité fonctionnelle.

-Troisième conséquence négative, les représentations d'usage jouent un rôle de médiateur entre conçu et vécu, mais trop souvent les significations d'usage travaillent sur le conçu et occultent la part de vécu.

La conception participative est avant tout un dialogue incessant du conçu et du vécu. Il ne s'agit pas d'ériger le vécu en maître du conçu mais au contraire d'instituer un dialogue permanent comme un tricotage du conçu et du vécu.

Conçu - Représentation - Vécu : Les significations d'usage font office de médiatrices. Certaines significations d'usage se consolident et modifient à la fois le conçu et le vécu, d'autres circulent du vécu au conçu ou l'inverse et d'autres encore disparaissent en ne laissant aucune trace.

L'idée d'établir un dialogue entre conçu et vécu espère ne pas soumettre le vécu à des analyses chirurgicales sur le modèle des sciences de la nature (l'art, l'œuvre, le projet partent du vécu en lui intégrant le savoir).




  • Conception et art de vivre

Constat, la conception technologique manque de projets de vie, elle ne propose pas un Art de Vivre, son slogan publicitaire est :"facile, pratique, rapide et sûre." Cela est sans arrêt démenti par la pratique (les TICs sont sources pour tous, de nouvelles occasions de multiples efforts humains, trop souvent vides et vains) mais surtout cela suggère que la technique nous propose "un matérialisme sans but" (cf. les analyses de L. Mumford). Dans la mesure oú la conception est sans but autre que réaliser un nouveau produit ou service, elle devient une fin et néglige des pans entiers du vécu. "La véritable question est de savoir si oui ou non les instruments facilitent la vie et l'enrichissent." cf. Mumford "Technique et civilisation, p. 274.) Formule naïve certes, mais qui a le mérite de poser clairement les risques d'une accélération du cycle d'innovation qui voudrait produire le plus vite possible comme une fin en soi et qui serait vide de buts, de sens et de vécus.



  • Organisation de la conception

Trop souvent la conception est juste orientée par le marché et est mise en demeure d'arriver à produire pour produire. Du coup la conception est organisée comme une pratique morcelée en étapes (de l'idée au concept, de la maquette au prototype). Le découpage en segments d'activité où chacun est spécialisé à outrance, occupe un segment et ne comprend pas les autres segments entraînent la conception d'un produit en bout de chaîne non innovant. Or pour une conception innovante il s'agit dans la conception participative de mettre en place une activité plus globale. Concevoir, c'est tout à la fois construire, inventer, trouver et créer. Bien sûr cela consiste à saisir un concept par des opérations comme classifier, faire des typologies, catégoriser, hiérarchiser mais ces opérations de l'entendement ne suffisent pas à elles seules. Il ne faut pas négliger les autres pôles que sont trouver, inventer et créer.

Si la conception aboutit à un produit, pour être fructueuse, elle devrait différer du résultat final dans son cheminement et ne pas être hanté dès le départ par le résultat. Loin de s'autonomismer comme le produit, la conception participative pourrait établir un lien de communication, de dialogue, une médiation constante entre tous les aspects du cycle de l'innovation (de la conception au public).Elle pourrait situer mieux la production et les rapports de production dans des pratiques sociales et ne pas se perdre dans des concepts opératoires qui n'épuisent pas et de loin ses enjeux. D'une certaine façon la conception participative devrait échapper à la division du travail classique, car même si, au final , "ça se vend", "ça n'a pas de prix", le prix ne se détermine qu'en fonction d'acheteurs…Même s'il y a un marché, une conception novatrice a une valeur inestimable, elle restitue la valeur d'usage et échappe de manière fictive-réelle à la logique économique. C'est-à-dire qu'elle propose et superpose une "réalité différente", en ce sens la conception est une utopie qui ne dit pas les contradictions du réel mais peut les montrer en les résolvant dans une fiction-réelle.


  • le rôle de l'histoire et des histoires dans la conception

Trop souvent la conception est le résultat d'une histoire mal connue et cela empêche une claire prise de conscience de ce qui s'y joue. La genèse et la généalogie des conceptions est capitale pour ne pas les réduire à du savoir appliqué. Les conceptions innovantes sont celles qui condensent une époque, une société et lui fournissent une image stimulante allant vers le possible. Cela conduit à déceler des rapports de conception qui ne coïncident pas avec les rapports économiques et/ou politiques.

La conception participative tend à instaurer une pratique créative de techniques et pas seulement productive ou pire (re) productive. Ainsi la conception ne doit pas être confondu avec la production. La conception implique du jeu et des enjeux, mais elle est quelque chose de plus et d'autres que la somme de ses éléments, de ses ressources, de ses conditions et circonstances. Elle propose une forme, qui a un contenu multiforme -sensoriel, sensuel, intellectuel- avec prédominance de telle ou telle nuance, de telle technique, de tel sens mais sans que cette prédominance écrase les autres aspects ou moments.


  • Les moments de conception

Plutôt que de parler d'étapes, de phases de la conception, mieux vaudrait parler de moments de la conception.

Les moments de conception sont un centre provisoire (momentané) du processus de conception (=processus de médiations poursuivies). La conception rassemble ce qui par ailleurs se disperse, c'est une des qualités de la conception, c'est encore un des enjeux du processus. Le projet, qui peut échouer durant la conception, se propose toujours l'unité des moments. Le terme d'unité-totalité des moments est préférable à des termes comme niveau, dimension, fonction, ou structure, trop piégés dans un fonctionnalisme aride. Les moments de conception sont plus souples et peuvent se différencier les uns des autres et surtout ils n'ont pas la prétention d'épuiser leur "objet" qui précisément n'a rien d'un objet.

-Les moments de conception diffèrent les uns des autres, mais la conception technologique détient une unité d'autant plus forte que la diversité interne est plus grande.

-Les moments de conception doivent accepter de développer entre eux des critiques, de la distanciation et de la contradiction. De toute façon une technologie novatrice prend toujours distance par rapport à la société existante, au mode de production, à l'économique et au politique. Les moments de conception entre eux se contournent, se détournent, s'approuvent ou se refusent.

-Le projet de concevoir, qui réalise une utopie abstraite ou concrète, procède par exploration de propositions ou de représentations. Il s'agit d'un mouvement bien sûr mené selon des concepts méthodologiques ou théoriques. Il devrait réunir la rationalité dans les moyens et dans les buts avec l'irrationnel du vécu, des émotions et des sentiments, c'est-à-dire tenir compte des affects inhérents à la conception. Il s'agit d'accepter de réunir dans ces moments de conception les aspects les plus aliénants avec les aspects les plus libératoires.

-Les moments de la conception participative pourraient être découpables en moments de l'immédiateté et de la mémoire, en moment interne et externe de la détermination, en moment de la forme, en moments critiques et utopiques, en moment du quotidien et de l'extra-quotidien…


Yüklə 207,11 Kb.

Dostları ilə paylaş:
1   2   3   4




Verilənlər bazası müəlliflik hüququ ilə müdafiə olunur ©muhaz.org 2024
rəhbərliyinə müraciət

gir | qeydiyyatdan keç
    Ana səhifə


yükləyin