Planétologie : Les anneaux de Saturne se dévoilent
Après avoir étudié des milliers de clichés pris par la sonde Cassini, des scientifiques viennent de livrer une analyse inédite des anneaux de Saturne. À la clé, de nombreuses révélations sur leurs propriétés ainsi que la découverte de nouvelles lunes. Ceci n’est pas un disque vinyle... Cette galette colorée de gris, d’ivoire, de bleu, de rouge et de noir, ce sont les célèbres anneaux de Saturne, vus depuis l’objectif de la sonde spatiale Cassini, toujours en orbite autour de la planète géante. Depuis six ans, l’appareil accumule les images. Et si, à ce jour, seule une infime partie des 100 000 clichés a été analysée, il est possible de dresser un portrait détaillé des anneaux, ce que vient de faire, dans la revue Science (Science, 19 mars 2010), une équipe internationale incluant un chercheur du laboratoire Astrophysique, instrumentation et modélisation (Unité CNRS / Université Paris 7 / CEA), Sébastien Charnoz. Découverts en 1610 par Galilée, puis décrits par Huygens quarante-cinq ans plus tard, les anneaux intriguent les spécialistes qui s’interrogent sur leur origine, leur évolution, leur masse – bien plus importante que celle des anneaux de Jupiter, d’Uranus et de Neptune – et sur l’étonnante pureté des blocs de glace – d’une taille allant du millimètre à la dizaine de mètres – qui les composent. Grâce aux observations des télescopes au sol et des sondes Voyager 1 et 2, on sait que ces anneaux sont divisés en plusieurs zones (A, B,C ... ), qu’ils ont des bords abrupts et qu’ils sont extrêmement fins au regard de leur diamètre de 280 000 kilomètres : 10 mètres d’épaisseur, à peine! « Cette finesse signifie qu’ils sont à un stade avancé de leur évolution, explique Sébastien Charnoz. En effet, dans l’espace, l’aplatissement d’un nuage de particules débute lorsque l’essentiel de son énergie a été dissipé au cours des multitudes de collisions qui se produisent entre ses constituants. » Ce qui n’empêche pas les anneaux d’être toujours extrêmement dynamiques, comme l’a montré la sonde Cassini. Ainsi, un petit annelé situé en bordure externe, appelé anneau F, change d’aspect en quelques heures à peine. Les données ont révélé qu’il est riche en poussière et qu’en son cœur orbitent une myriade de petites lunes kilométriques, apparemment éphémères : en équilibre instable, la matière subirait tour à tour des phénomènes d’accrétion et de destruction dus aux puissants effets de marées provoqués par Saturne. Concernant ces effets de marée, les satellites naturels de la planète ne sont pas en reste. Ils entraînent dans les anneaux l’apparition d’ondes qui leur confèrent leurs structures en microsillons. Cassini en a photographiées de tous types: ondes de densité qui compriment les morceaux de glace à mesure qu’elles avancent, ondes de courbures verticales qui donnent aux anneaux un aspect de tôle ondulée, ou encore petites ondes de Jeans qui leur confèrent une texture granuleuse et cotonneuse. L’étude de la forme de ces ondes a permis non seulement de déduire certaines propriétés des anneaux, comme leur densité – de l’ordre de 400 kg/m2 pour l’anneau A – ou leur viscosité, mais également de découvrir en leur sein de nouvelles lunes telles que Daphnis, un objet de 8 kilomètres de diamètre environ. L’observation attentive de ces astres s’est avérée, elle aussi, riche en enseignements. En effet, des lunes comme Daphnis sont capables de creuser un sillon dans les anneaux. Si les plus grosses d’entre elles (plus de 5 kilomètres de diamètre) créent un chenal libre de débris sur tout le long de leur orbite autour de Saturne, celles de taille moyenne (de 500 mètres à 1 kilomètre) se contentent d’y laisser une petite trace en forme d’hélice. « Ce qui est sans doute l’une des grandes découvertes de Cassini, estime Sébastien Charnoz. Ces ouvertures en forme d’hélice ou ces sillons vides sur la trajectoire des lunes sont la réplique quasi exacte, à petite échelle, de processus qui furent à l’œuvre dans le disque protoplanétaire au moment de la formation des planètes du système solaire et de leurs migrations, voici 4,56 milliards d’années. » Malgré ses succès, un mystère échappe encore à Cassini: celui de l’origine des anneaux. Leur apparence suggère un âge d’environ 100 millions d’années. Le hic, c’est qu’à cette époque le bombardement météoritique, à l’origine des autres anneaux du système solaire, avait cessé depuis longtemps. Alors d’où vient la glace des anneaux de Saturne ? Comment se sont-ils formés ? Cassini a encore un peu de temps pour répondre à ces questions: la mission devrait se prolonger jusqu’en 2017.