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§ 1 - un "genre" d'activités gouvernementales



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§ 1 - un "genre" d'activités gouvernementales


Quelques conventions de langage sont nécessaires pour identifier les termes d'une distinction formelle et d'une autre substantielle des gouvernés et gouvernants ainsi que d'une distinction formelle de ces derniers.

• Les personnes formellement en charge de missions de gouvernement, politiques ou administratives, sont souvent nommées "gouvernants". Les personnes sans charge de cette sorte sont alors nommées "gouvernés", les précédents entrant dans cette catégorie en tant que simples citoyens c'est à dire en dehors du ressort de leurs charges. Cette distinction formelle implique d'accepter la réunion des charges proprement politiques et des charges administratives dans le même ensemble des charges de gouvernement. Ces termes de gouvernants et gouvernés seront plus rarement utilisés que les suivants. En effet, le propre des AGC est de rendre cette distinction superflue en secondarisant la dévolution formelle des charges de gouvernement par une assomption partagée de ces dernières entre partenaires.

• L'activité conventionnelle liée à une charge de gouvernement implique toutes les personnes (physique ou morale, publique ou privée) participant directement ou par voie de représentation spécifique (ex : mandat impératif) à la négociation. Nous les nommons "partenaire". Tous les gouvernants, au sens formel, que nous étudions sont des partenaires ce qui n'est pas le cas de tous les gouvernés dont certains ne participent pas à l'AGC. Ceux-là en sont des spectateurs passifs ou actifs mais toujours extérieurs et forment ce que nous nommerons "l'assistance", qui n'est composée que de gouvernés1205 au sens formel. La dimension de cette assistance varie selon le degré de publicité que les partenaires donnent à l'AGC. Lorsque celle-ci est totalement secrète, l'assistance est inexistante. Il n'y d'assistance qu'informée.

• Parmi les partenaires ceux que nous nommerons "ressortissants" (pouvant être des personnes publiques ou privées ; ex : un individu, une entreprise privée, une commune, un hopital, une association...) ont en commun de se trouver par leurs activités, leurs statuts ou d'autres caractéristiques dans une situation du ressort de ceux que nous nommerons "autorités" (ne pouvant être que des personnes publiques ; ex : une collectivité territoriale, l'Etat, un établissement public...) et d'être formellement en situation de subordination vis à vis de ces dernières. Cette différenciation formelle des partenaires permet de les distinguer mais ne signifie rien a priori en ce qui concerne l'état de leurs relations ou de leurs rapports de forces.


A - Critère relationnel et hiérarchie des "genres" d'activités gouvernementales

Le premier niveau de la classification des AGC repose sur la distinction de deux modèles de relations sociales pouvant s'instaurer entre des gouvernants et des gouvernés : 1) des relations hiérarchiques, fondées sur l'autorité et exprimées par le commandement ; 2) des relations fiduciaires fondées sur la confiance et exprimées par la convention. Ces idéaux-types seront appelés "genres" d'activités gouvernementales et ces dernières respectivement qualifées d'unilatérales (AGU) et de conventionnelles (AGC).

Les relations entre gouvernants et gouvernés seront considérées dans la perspective de l'exercice du pouvoir politique et non dans celle de sa conquête : de ce fait, les gouvernés sont considérés comme des "ressortissants" ou "subordonnés" et les gouvernants comme des "autorités" ou "supérieurs" nonobstant le fait que, d'un point de vue autre que le nôtre, ces derniers pourraient être considérés comme subordonnés aux gouvernés - en tant qu'électeurs - ou encore au souverain (nation, peuple...). L'étude de l'effet contraignant créé par les AGC pour les partenaires fera ressortir une assymétrie structurelle entre les autorités et les subordonnés : cet effet dépend toujours de la possibilité qu'ont en principe les premières de rétablir une relation hiérarchique. Ceci révèle une caractéristique idéologique des configurations dans lesquelles nous nous situons : à ce stade de leur évolution historique, la prédominance de la formule de gouvernement nomocratique demeure ; la plupart de nos concitoyens continuent d'y adhérer. Même les plus fervents défenseurs du gouvernement partenarial reconnaissent que l'efficacité des AGC est conditionnée en dernière instance par la possibilité d'un retour aux AGU.

On peut donc considérer - en faisant abstraction du fondement contractuel de cette formule nomocratique (théorie du contrat social inversant la hiérarchie entre gouvernés-électeurs et gouvernants) - que les deux genres de l'activité gouvernementale se trouvent historiquement et idéologiquement hiérarchisés ; toutes 1206 les relations fiduciaires que nous étudierons sont ainsi explicitement ou implicitement sous-tendues par une relation hiérarchique de principe entre les partenaires. Cela vaut aussi bien pour les conventions passées entre personnes publiques (ex : Etat / Région, Etat / établissement public, Region / SEM...) que pour celles passées entre des personnes publiques et des personnes privées.

B - Implications d'une Définition élargie des AGC

La distinction des deux genres de l'activité gouvernementale s'inspire de celle, classique en droit public, faite entre les actes publics unilatéraux et les actes publics contractuels. Pour notre part, nous incluons ces derniers dans les AGC. M. Van De Kerchove présente ainsi la place des actes contractuels dans l'action de l'Etat du point de vue de la doctrine du droit public :

"Si l'acte contractuel occupe une place primordiale au niveau des fondements idéologiques du droit public dans les démocraties libérales (théorie du contrat social), il n'est censé ne jouer qu'un rôle limité au niveau des modes juridiques d'expression des pouvoirs publics. Dépositaires d'une fonction d'intérêt général, ceux-ci se doivent de l'exercer avec autorité et en toute indépendance par rapport aux intérêts privés qui divisent la société civile. Le caractère unilatéral de leurs actes en est la manifestation la plus visible." 1207

L'auteur rappelle ainsi que, dans un Etat démocratique (Etat représentatif) et libéral (Etat de droit), conformément à la formule nomocratique de cet Etat, la légitimité des activités de gouvernement repose toujours - par principe - sur le consentement des parties : celui-ci est requis d'une manière générale pour les AGU (la théorie du contrat social permet de présupposer l'existence d'un consensus parmi les citoyens sur la nature du régime) et d'une manière particulière pour les AGC (la théorie juridique du contrat administratif et la théorie sociologique des AGC requiert formellement le consentement des partenaires).

Cette distinction entre actes publics unilatéraux et actes publics contractuels pose néanmoins deux problèmes importants :

1) La catégorie juridique du "contrat" définie notamment par les obligations qu'il crée, apparaît extrêmement restrictive au regard de la diversité des formes d'AGC, ce qui accentue d'autant l'occultation des catégories ignorées par la doctrine. En outre, "la politique contractuelle ne cesse de modifier et d'élargir la zone d'incertitude qui s'est constituée entre l'espace des contrats indiscutables et celui des actes qui n'en procèdent pas, malgré une dénomination trompeuse."1208 Pour ces raisons, la catégorie générale des conventions sera préférée à celle des contrats - inclue dans la précédente - qui désigne une convention explicite, créatrice d'obligation, généralement passée dans les formes prévues par le droit (commercial, civil, administratif...) et dont le respect est exigible devant un juge . "Une convention est l'accord de deux ou plusieurs personnes sur un objet d'intérêt juridique. La convention qui a pour objet la formation d'une obligation se nomme plus spécialement le contrat. La convention est le genre, le contrat est l'espèce." 1209.

2) l'opposition entre l'acte unilatéral et l'acte contractuel résiste mal à une analyse approfondie comme l'ont montré de nombreux auteurs, dont Y. Madiot créant la notion "d'acte mixte" 1210 ou J. Caillosse observant que "les formes d'action publique envisagées ici soumettent à de très fortes tensions cette opposition qui continuent d'emporter en droit positif des conséquences déterminantes"1211. De surcroît, l'étude de la production normative montre l'importance des négociations et transactions auxquels donnent lieu de nombreuses activités juridiquement qualifiées d'unilatérales. Faut-il pour autant en conclure à l'inutilité du concept juridique d'acte unilatéral ?

La réponse dépend de la définition que l'on donne des AGC : nous employons le mot activité de préférence à celui d'action pour souligner la mise en relation opérée entre deux phases de production des AGC abstraitement distinguées : celle du processus (l'action de négociation visant à expliciter les termes d'un échange et à les énoncer en une convention) et celle du (des) résultat(s) (l'action ou l'inaction de l'un ou l'autre des partenaires en application de la convention). L'activité est dite gouvernementale quand elle inclut dans le processus une autorité au moins et elle est qualifiée de conventionnelle lorsqu'elle a pour résultat effectif d'accorder une autorité et un ressortissant sur les termes d'un échange ou d'un engagement réciproque matéralisé in fine par l'action de l'un d'entre eux. Les AGC peuvent ainsi être définies comme des négociations se concluant par un accord entre une autorité au moins et un (des) ressortissant(s), sur le contenu d'actions finalisées à réaliser par l'un et/ou l'autre des partenaires ou sur l'inaction de l'un et/ou de l'autre.

Cette définition est plus large que celle des "techniques administratives conventionnelles" définies par J.F. Sestier qui exclut notamment toutes les formes de participation ne "nécessitant" pas un accord :

"La convention si elle constitue bien l'accord entre les personnes, impose à l'évidence que ces personnes s'accordent. Ce truisme n'est cependant pas tout à fait inutile. Il signifie notamment que toute relation n'aboutissant pas nécessairement à un accord n'est pas une convention. Autrement dit, la rencontre de volontés entre deux personnes qui ne constituerait pas un accord, ne peut entrer dans le champ d'investigation de la présente étude. Il en est ainsi, par exemple de nombre de procédures appartenant à ce qu'il est convenu d'appeler la participation. Très souvent, il ne s'agira que d'adopter une attidude de participant, sans nécessairement s'accorder, agréer ou accepter les propositions de l'autre. Seul le cas de la concertation, de par le sens même du mot, est porteur de l'obligation d'un accord." 1212

Si la nécessité de l'accord paraît incontestable en tant que critère discriminant de la convention par rapport à d'autres formes d'échanges, le raisonnement de l'auteur ne s'impose pas à qui rejette sa définition implicite de la "nécessité", comme contrainte juridiquement efficace. En effet, la nécessité d'aboutir à un accord dans le cadre d'une relation sociale quelconque peut - y compris pour des personnes de droit public - dépendre de facteurs sociaux extra-juridiques (rapports de forces, intérêts économiques, normes sociales, motifs personnels, etc) tout aussi (voir plus) contraignants que la norme juridique. Nous considérerons donc comme AGC toute négociation aboutissant effectivement à un accord entre une (des) autorité(s) et un (des) ressortissant(s) quelles que soient les "nécessités" ayant contribué à ce résultat.


C - Un point de vue externe sur les AGC

A la fin du texte précité, J. F. Sestier introduit un note dans laquelle il envisage et argumente son rejet d'une définition élargie des AGC :

"Une analyse contraire est peut-être concevable ; mais faire entrer dans les techniques conventionnelles tout procédé mettant en présence la volonté de deux personnes qui éventuellement s'accorderaient, sans que cela ne soit obligatoire {1}, c'est réduire la quasi-totalité des actes administratifs pris après avis, sur proposition, après “rencontre informelle” {2}, etc... à des conventions. Cette conception de l'accord aléatoire en tant que critère de la technique conventionnelle est insuffisamment discriminant {3}. Elle conduit, par abus de conventionnalisme, à voir des conventions partout {4}." 1213 (les renvois sont de nous)

{1} Cet énoncé confirme le caractère juridique de la "nécessité" considérée par l'auteur et {2} l'exclusion qu'elle implique des AGC informelles (avis, propositions, rencontres informelles...). Ces AGC informelles n'intéressent peut être pas certains juristes, mais elles peuvent intéresser l'ensemble des citoyens si ils souhaitent savoir comment ils sont gouvernés et elles intéressent certainement la sociologie des activités de gouvernement : quels "avis" ou "propositions" sont pris en considération dans la formation d'un acte de gouvernement ? Lesquels ne le sont pas ? Qui participe généralement aux "rencontres informelles" et qui n'y participe pas ou peu ? Comment se déroulent-elles et à quoi aboutissent-elles ou n'aboutissent-elles pas ? Qui est informé de ce déroulement et qui ne l'est pas ? etc. L'élargissement que nous proposons de la définition des AGC suggère en fait de porter un intérêt accru au problème de l'exposition des AGC et, plus généralement, des conditions de production de toute norme juridique. Ce point de vue est externe parce qu'il place au premier plan d'observation les relations entre les partenaires et l'assistance.

La définition élargie des AGC n'est pas "insuffisamment" {3} discriminante, elle délimite un domaine empirique plus large que la définition restreinte et change le point de vue porté sur les AGC. Serait-on néanmoins conduit, en adoptant une définition élargie des AGC, à "voir des conventions partout" {4} : on en verra certainement plus que ce que peuvent ou veulent voir certaines personnes. Cependant "en voir beaucoup" ne signifie pas en voir partout et ce faisant nier la pertinence sociologique de la catégorie des activités de gouvernement unilatérales. Il suffit de considérer celle par laquelle un policier dresse le procès-verbal d'une infraction au code de la route, et le juge d'instance sanctionne cette infraction pour s'assurer que l'activité unilatérale existe bel et bien comme une réalité très concrète pour les personnes généralement concernées par les activités de gouvernement relevant de ce genre. Francis Caballero, scandalisé par les conventions passées entre le Ministère de l'environnement et certains branches industrielles polluantes, illustre aussi à sa manière la validité de cette distinction : "Imaginons, par exemple, que le ministre de l'Intérieur passe avec un groupe de délinquants responsables de vols et dépradations diverses une convention au termes de laquelle ceux-ci s'engageraient à réduire progressivement le montant de leurs méfaits moyennant quelques allocations de l'Etat pour faciliter leur reclassement. La condamnation serait unanime."1214 En élargissant la définition des AGC, on ne nie par l'existence des activités unilatérales ; on se donne la possibilité de s'interroger sur les conditions dans lesquelles apparaissent les unes et les autres notamment en fonction des catégories de personnes généralement concernées.

Tableau n°10 :

Les activités de gouvernement distinguées selon leurs genres (premier niveau de classification)

Le genre hiérarchique de l'activité gouvernementale

activités de gouvernement unilatérales
(AGU)


Le genre fiduciaire
de l'activité gouvernementale


activités de gouvernement conventionnelles (AGC)


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