Thèse pour l’obtention du diplôme de Docteur de l’Université Paris VII spécialité : Géographie


La hiérarchisation sociale et spatiale des territoires ruraux périurbains. Les territoires ruraux périurbains de la troisième couronne



Yüklə 2,57 Mb.
səhifə18/52
tarix11.08.2018
ölçüsü2,57 Mb.
#69148
1   ...   14   15   16   17   18   19   20   21   ...   52

3 La hiérarchisation sociale et spatiale des territoires ruraux périurbains. Les territoires ruraux périurbains de la troisième couronne.


Le mouvement de périurbanisation ne peut s’appliquer uniformément sur l’ensemble des territoires locaux ; à partir du début des années 1980, les processus de périurbanisation produisent des territoires périurbains certes - c’est-à-dire des territoires inédits se construisant dans la mise en présence de forces externes et internes - mais des territoires différents, multiples. La périurbanisation participe d’une hiérarchisation spatiale et sociale des territoires investis.

L’ensemble des processus participant de la construction territoriale participent à différencier l’espace, à le hiérarchiser : rapports de force locaux, composition des sociétés périurbaines, conditions concrètes d’habitation du territoire, etc. ; l’ensemble des éléments qui font le territoire, le précisent et le différencient. Plusieurs types de territoires périurbains émergent, identifiables à partir des années 1980.


3-1 Les couronnes périurbaines.


Les territoires périurbains se différencient d’abord selon l’intensité de l’urbanisation qu’ils subissent. Ce critère de différenciation est en partie - mais pas seulement - corrélé à celui de la distance à la ville. La croissance périphérique des villes s’effectue selon un gradient, en cercles concentriques, la densité urbaine déclinant au fur et à mesure que l’on s’éloigne du centre urbain. Cette urbanisation périphérique détermine ainsi des couronnes caractérisant différents types d’urbanisation et de territoires périurbains. La notion de couronne - et l’opposition centre-périphérie - doit bien sûr être employée avec des réserves, le modèle concentrique parfait n’étant jamais observable directement dans l’espace ; cependant, elle rend bien compte de l’une des dynamiques principales de la croissance urbaine périphérique.

Bernard Kayser tente justement dans La troisième couronne périurbaine :une tentative d’identification201 de caractériser ces différentes couronnes, classification qu’il utilisera d’ailleurs dans l’ensemble de ses travaux sur les espaces périurbains et ruraux périurbains202. Il distingue trois couronnes périurbaines.

Une première couronne est évidente : « c’est celle où la banlieue est soudée à la ville, tant physiquement que par la nature des activités et les déplacements des habitants : on y est sans contexte dans l’agglomération ».

« La seconde couronne est non moins évidente, mais vers l’intérieur seulement ». La question de sa délimitation externe se pose d’autant plus qu’elle est par essence « vivante, proliférante », extrêmement mouvante. Cette couronne en cours ou en fin d’urbanisation est celle où l’espace qui fut agricole il n’y a pas si longtemps est définitivement passé sous contrôle urbain. C’est la couronne des lotissements, « celle aussi où tout le monde vend203 » : la question de la vente de parcelles ou du fractionnement des exploitations se pose en termes d’opportunité, de besoin, de spéculation. La pression urbaine est importante : la totalité de l’espace est pensée comme des terrains susceptibles d’être vendus.

La troisième couronne, dont le commencement est difficile à déterminer, pourrait se définir comme celle où « les processus d’urbanisation affrontent une agriculture et une société rurale en plein fonctionnement, sinon en pleine vigueur ». La construction urbaine y est localisée et limitée. Elle ne submerge pas tout l’espace, ne progresse pas sur un front d’urbanisation ; « elle procède plutôt par éclaireurs avancés ». Il y a donc une réelle et importante disponibilité d’espace. Le marché foncier de la troisième couronne est un marché où interviennent les stratégies des propriétaires qui cherchent à valoriser par la vente leur patrimoine. Nous avons vu précédemment comment la vente de terrains intervient chez les héritiers, les agriculteurs retraités comme le moyen de tirer parti de leurs propriétés pas ou peu exploitées. L’urbanisation n’est ainsi pas massive, pas systématique et le marché foncier est encore double, partagé entre les terres agricoles et les terrains constructibles.

Il est ainsi possible de caractériser trois types schématiques de territoires périurbains selon le degré d’urbanisation qu’ils subissent. Cependant le modèle concentrique ainsi décrit n’est destiné qu’à exprimer l’une des dynamiques périurbaines. Celles-ci sont bien plus complexes et mouvantes. Le critère de la distance comme facteur de différenciation spatiale est lui-même à nuancer : la distance à la ville à considérer est, plutôt que la distance à vol d’oiseau, la distance-temps à l’agglomération : la notion de proximité se confond avec celle d’accessibilité aux axes de communication. Cette nuance introduit ainsi des distorsions dans le modèle concentrique initialement décrit. Le critère de distance n’est d’ailleurs pas le seul critère de différenciation spatiale des territoires périurbains.

Les couronnes périurbaines ne sont ainsi ni rondes ni continues, ni stables, mais plutôt mouvantes, formant des mosaïques. Le modèle concentrique doit d’une part accepter certaines distorsions, d’autre part être complété.

3-2 Les processus de valorisation et de dévalorisation territoriales.

3-2-1 Différenciation spatiale et sociale.


Au sein même des couronnes périurbaines et de chacune d’entre elles en effet, il y a différenciation spatiale et sociale. Différents critères entrent en jeu dans la caractérisation des territoires périurbains, et dans leur valorisation spatiale et sociale. Les territoires périurbains sont ainsi multiples et fractionnés, et révèlent spatialement des distinctions sociales importantes.

Une typologie sommaire des territoires ruraux périurbains peut ainsi être établie selon divers critères204. Ces critères conditionnent la nature et l’intensité de l’urbanisation qu’ils subissent ; ils peuvent également conditionner l’offre foncière, valoriser ou dévaloriser un territoire, comme espace potentiel d’installation de nouveaux résidents.



_ le type d’agriculture ou d’activité économique. Selon que celle-ci est en pleine activité, en déprise, en reconversion, etc., selon qu’elle est la seule activité pratiquée ou qu’elle est associée à d’autres activités, l’agriculture participe à définir ou à conditionner l’offre foncière. Elle conditionne la nature, l’emplacement et la quantité des terrains à la vente et donc le paysage périurbain, la composition de la société périurbaine ainsi que son économie.

_ le type d’habitat. La nature de l’habitat originel - dispersé ou groupé, le rythme, l’intensité et la nature de l’urbanisation en cours, le type des constructions, l’importance des constructions neuves dans la commune, la nature des constructeurs également - enfants du pays, nouveaux résidents ; ouvriers, salariés, cadres supérieurs, etc. - participent à définir la spécificité du territoire communal. De façon plus générale, la nature du marché foncier -ouvert/fermé, cher/peu cher, important/rare- détermine en grande partie le paysage, social aussi, périurbain.

_ le niveau de l’équipement des communes. La présence ou l’absence d’école, de commerces, de médecins, d’équipements de loisirs ou de sport participent également à la valorisation/dévalorisation du territoire.

_ la gestion municipale. Ces critères de différenciation/caractérisation sont tous éminemment liés à la nature de la gestion municipale : présence/absence de POS, restrictions ou orientations imposées par ce POS à l’urbanisation, degré de résistance des populations locales à l’urbanisation, dynamisme de l’équipe municipale dans les projets envisagés pour la commune. L’animation locale entre également en compte : associations de type rural - chasse, pêche, quilles, boules, etc. - ou urbain - tennis, golf, randonnée, etc.

_ la composition de la société locale autochtone et allochtone, et la nature de leurs rapports. La nature et l’intensité des conflits locaux ainsi que leur mode de résolution, ainsi que la qualité des relations sociales locales, à travers notamment la mise en place d’un réseau associatif dense, participent à définir une atmosphère locale attractive ou répulsive.

Ces critères entrent en jeu et se croisent pour valoriser ou dévaloriser certains territoires. Ils déterminent la spécificité des territoires périurbains et établissent une hiérarchie sociale et spatiale entre les territoires locaux.

L’ensemble des critères précédemment définis, qualité du site, proximité de la ville ou des gares, aéroports, autoroutes, connectabilité c’est-à-dire la facilité d’accès aux voies principales de communication, qualité et la taille des parcelles, type d’urbanisation, mais aussi politique d’ouverture/fermeture déterminant l’intensité de l’urbanisation, attitude vis-à-vis de la protection du paysage agricole et rural, intensité du peuplement, qualité des relations sociales locales et du tissu associatif, etc. conditionnent la valeur des territoires.

Ils les différencient, les caractérisent, les valorisent également. C’est ainsi une véritable mosaïque de territoires périurbains qui vient se surimposer et parfois s’opposer à la classique distinction en couronnes, la distordre, la nuancer.


3-2-2 Hiérarchisation territoriale.


La hiérarchisation s’observe d’abord spatialement. Les densités bâties diffèrent fortement d’une commune à l’autre, les tailles des parcelles vendues ne sont pas identiques, les habitations elles-mêmes sont de taille, de qualité et de valeur différentes. Les équipements dont sont dotées les communes varient également fortement. Le patrimoine architectural, le paysage font l’objet d’une plus ou moins grande attention. Cette hiérarchie qui s’inscrit dans les paysages périurbains est renforcée par une différenciation des prix fonciers, de la fiscalité municipale et de l’appartenance sociale des nouveaux résidents.

Une hiérarchisation sociale accompagne cette hiérarchisation spatiale. L’installation des nouveaux résidents fait intervenir des stratégies de distinction sociale205. Comment s’opère cette distinction ? Le prix des terrains et la fiscalité locale sont bien sûr au centre de cette différenciation sociale, prix et fiscalité, comme il a déjà été dit, déterminés en fonction de tout un ensemble de critères qui valorisent/dévalorisent un territoire. Tout candidat à l’installation, quelle que soit son appartenance sociale recherche un terrain grand, plutôt isolé, dans une commune aux caractéristiques vraiment « rurales » (paysage, site), située cependant à proximité de la ville ou d’un axe routier permettant de la rallier rapidement ; cette commune ne doit pas être trop ouverte à l’urbanisation afin de préserver son « identité » mais sera préférentiellement dotée d’équipements de type urbain : école bien sûr mais surtout infrastructures de loisir, médecins, etc. Les populations les plus aisées accèderont aux espaces cumulant la majorité de ces avantages.

Le rôle de l’action municipale dans ce processus de hiérarchisation sociale ne doit pas être négligé. Il y a un lien entre « appartenance sociale des nouveaux résidents, représentations des communes et projets municipaux206 ». La mairie peut en effet orienter le poids et les caractéristiques de l’urbanisation par les règlements d’urbanisme décidés lors de l’élaboration des POS. La décision de lotir un terrain par exemple influe nécessairement sur l’appartenance sociale des candidats à l’installation : le prix d’une parcelle est peu élevé en relation directe avec sa taille et sa situation, et l’insertion de cette parcelle dans un groupe de parcelles identiques. De la même manière, les politiques suivies en matière d’équipements, en matière d’entretien paysager (protection environnement, réhabilitation des noyaux villageois) participent à valoriser/dévaloriser les territoires locaux.

Par différentes stratégies, le pouvoir municipal tend ainsi à « promouvoir les intérêts économiques des groupes qu’il représente en encourageant une forme d’urbanisation particulière, ou tend à se renforcer en favorisant l’installation de personnes qui peuvent soutenir l’orientation qu’il défend207 ».Cette hiérarchisation politique est renforcée en fonction de la place des élus locaux dans le système notabilière local et régional et de leur capacité à faire profiter leur territoire communal de décisions prises à un échelon supérieur, qu’il s’agisse d’une instance supracommunale, du département ou de la région.

Le mouvement de valorisation des territoires est récursif. Les installations reposent sur l’image des communes qui se construit lentement, à travers la connaissance concrète que les candidats à l’installation acquièrent au contact d’amis ou au gré de promenades exploratoires. Au-delà des caractéristiques spatiales du territoire, entrent en jeu les caractéristiques de la société périurbaine déjà en place. Les nouveaux résidents tendent à s’installer dans des communes où se trouvent déjà des familles qui leur sont socialement proches. Le statut social des futurs voisins apparaît en effet essentiel dans les choix d’installation, fondés sur les types d’activités professionnelles exercées par les nouveaux résidents. L’effet d’entraînement agit sur le coût des terrains ainsi que sur la fiscalité, rétrécissant ainsi le champ social des candidats à l’installation.

3-2-3 Un système de valorisation territoriale.


Voici résumé dans le diagramme sagittal suivant le système de valorisation d’un territoire par évolution de l’offre foncière.

conditionne

Figure - Système d’évolution de l’offre foncière

Les territoires périurbains composent ainsi un paysage multiple et fractionné. Chaque couronne est une mosaïque sociale et spatiale. Il s’agit ainsi plutôt de fractions de couronnes qui constituent des territoires homogènes. La loi de corrélation spatiale explique une certaine continuité dans l’espace et le regroupement de mêmes types de territoires sur des fractions de couronnes.

Les travaux menés dans le cadre de cette recherche concernent les territoires de la troisième couronne périurbaine, territoires « où les processus d’urbanisation affrontent une agriculture et une société rurale en plein fonctionnement, sinon en pleine vigueur208 ».

Ces territoires sont des territoires ruraux en mutation, au cœur du processus de confrontation/requalification de la société et de l’espace entraîné par leur urbanisation Ainsi les différents processus sont comme grossis, exacerbés et se joue ici véritablement la création d’un territoire spécifique, le territoire rural périurbain. Au sein de cette troisième couronne, la hiérarchisation est particulièrement perceptible dans la mesure où les stratégies de chacun peuvent relativement librement s’exercer : les espaces ne sont pas voués au lotissement comme dans la deuxième couronne par exemple. Il est ainsi particulièrement intéressant d’analyser les processus de cette hiérarchisation spatiale et sociale et le découpage de l’espace en fractions de couronnes homogènes.

Les transformations liées à l’urbanisation sont encore en oeuvre et très perceptibles ; la recomposition territoriale, la recherche d’une nouvelle cohérence territoriale se joue sous nos yeux. Il est à supposer que ces processus de construction territoriale s’opèrent en grande partie par la dynamique des conflits et des innovations.


Yüklə 2,57 Mb.

Dostları ilə paylaş:
1   ...   14   15   16   17   18   19   20   21   ...   52




Verilənlər bazası müəlliflik hüququ ilə müdafiə olunur ©muhaz.org 2024
rəhbərliyinə müraciət

gir | qeydiyyatdan keç
    Ana səhifə


yükləyin