Thèse pour l’obtention du diplôme de Docteur de l’Université Paris VII spécialité : Géographie


Nouvelles sociétés périurbaines et innovation



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2 Nouvelles sociétés périurbaines et innovation.


Les territorialités périurbaines se construisent en fonction de l’ambivalence et de la complexité territoriales qui spécifient les territoires ruraux périurbains.

Les transformations des territoires ruraux périurbains, et leur complexification, sont d’abord perceptibles dans la composition des sociétés qui les habitent. Celles-ci ont changé : elles ne sont plus largement représentées, comme dans les années 1970-1980, par les seules couches moyennes de la société de consommation. Elles sont semblables à la société globale : mobiles, touchées par la précarité, par le chômage, elles participent des dynamiques de la société de consommation, de la société de loisirs.

Cependant, elles gardent une spécificité périurbaine, spécificité toute contenue dans la gestion de la complexité de l’organisation territoriale périurbaine. Aujourd’hui, la distinction élémentaire domicile/travail qui les caractérisaient s’est complexifiée et ne suffit plus à qualifier leur rapport à l’espace, à l’autre et au temps.

2-1 Les territorialités périurbaines : un positionnement au sein de la complexité territoriale.


Logique(s) locale(s) des territoires ruraux à faible densité et logique(s) globale(s) des territoires métropolisés constituent le cadre spatio-temporel au sein duquel s’inscrivent les pratiques des acteurs. La co-existence d’une ambivalence territoriale rural/urbain au sein de la localité elle-même, et locale/globale à l’échelle des nouveaux territoires urbains, définit une organisation territoriale complexe à partir de laquelle les acteurs construisent leurs territorialités.

Celles-ci sont diverses, loin du mode de vie univoque des sociétés de migrants pendulaires, sociétés consommatrices et aisées, et reflètent des choix et des parcours individuels et divergents. Elles sont multidimensionnelles, révélant les choix opérés par les acteurs au sein des diverses logiques territoriales, c'est-à-dire entre divers couples de notions antagonistes qui les caractérisent.

_ mobilité/inertie

_ indépendance/dépendance

_ visibilité/anonymat

_ isolement/connexion

_ près/loin

_ vaste/réduit

_ temps long/temps court

_ temps de vie/temps de travail

_ la maison/les territoires/les réseaux

_ le lieu/le trajet

L’ensemble de ces choix dépassent la simple gestion de la mobilité spatiale. Ils sont relatifs à la gestion plus générale des distances sociales et spatiales. Ce rapport spécifique à l’autre et à l’espace est aussi un rapport au temps. La territorialité périurbaine se pose ainsi comme une résolution du système de déterminations et d’indéterminations caractéristique de l’organisation périurbaine.

L’ambiguïté de ces couples antagonistes, et la distance variables entre les différents éléments qui les composent constituent un système marqué d’incertitude, au sein duquel chaque individu a la nécessité de se positionner, à travers un ensemble de représentations et de pratiques complexe et unique pour chacun.

Cette incertitude est éminemment libératoire et/ou angoissante : il est ainsi à supposer qu’elle est en cela source d’innovation. L’ambiguïté/complexité territoriale est en effet une marge - au sens d’un espace - laissée pour l’action. L’innovation est susceptible de naître entre les situations territoriales stéréotypées qui dessinent les limites des territorialités périurbaines. Cette hypothèse est une des hypothèses essentielles de cette recherche. Elle sera replacée dans le cadre du terrain d’enquête de cette thèse, et ré-évaluée au regard du corpus d’hypothèses en son entier, avant d’aborder la troisième partie.

Ainsi, la gestion des diverses caractéristiques de l’ambivalence périurbaine, pour laquelle la possibilité ou la non-possibilité de choix sont décisives, détermine les territorialités périurbaines. Les territoires périurbains accueillent ainsi des acteurs, et des territorialités diverses, qui sont autant de positionnements dans la complexité des situations territoriales périurbaines.

Certains pratiquent une territorialité complexe, valorisant et intégrant l’ensemble des possibilités qui leur sont offertes. D’autres restent des habitants des territoires ruraux. D’autres encore sont insérés dans les dynamiques locales de l’agglomération proche - ce sont notamment les migrants pendulaires. D’autres enfin adoptent des pratiques « métropolitaines » et sont à ce titre peu sensibles à la localité dans laquelle ils résident.

Il y a sans doute autant de territorialités que d’acteurs, et la majorité des territorialités révèlent un rapport complexe au(x) territoire(s). Cette thèse visera à identifier le caractère innovateur de certaines d’entre elles, utilisation et valorisation spécifiques de la diversité des ressources territoriales périurbaines.

L’ambiguïté et la complexité territoriales, en premier lieu par le choix qu’elles offrent aux sociétés périurbaines, sont susceptibles de favoriser la création de territorialités originales et innovantes.

Les territoires périurbains aujourd’hui ne constituent plus seulement l’espace privilégié des couches moyennes de la société de consommation, s’inventant des territorialités à partir de la distinction fondatrice entre lieu de résidence/lieu de travail. Territoires locaux spécifiques insérés dans les nouveaux territoires de la mobilité, ils sont plutôt à considérer comme des territoires métropolisés à faible densité : leur organisation offre un cadre spatio-temporel complexe au sein duquel se positionnent les territorialités périurbaines. La multiplicité des logiques territoriales en jeu agissent comme des déterminations territoriales, qui enchevêtrées, sont autant d’indéterminations.

Les territorialités naissent ainsi d’un système au sein duquel les acteurs ont la nécessité de se positionner d’une part, et au sein duquel l’action créatrice trouve une marge importante pour s’épanouir d’autre part.

L’ambivalence territoriale est ainsi à même de devenir, entre les mains des sociétés périurbaines, une ressource pour l’action, mise en valeur, utilisée, détournée par les pratiques des acteurs, par le biais d’un choix entre les différentes logiques territoriales en jeu. Ce choix territorial construit ainsi des territorialités proprement périurbaines, qui sont comme une résolution du système complexe et vaste de déterminations et d’indéterminations qui se propose aux acteurs.


2-2 Des sociétés hétérogènes. Des voies différentes pour l’innovation.


La capacité d’innovation des sociétés périurbaines est alors à questionner : l’éventail des choix à partir duquel se construisent les pratiques des acteurs périurbains ne peut en effet initier une dynamique innovatrice que par le biais de leur action.

La composition de cette (ces) territorialité(s) ne s’opère pas forcément librement, ni consciemment. Le choix comme la liberté d’action restent des instruments dans les mains des privilégiés. La gestion des distances sociales et spatiales, la construction d’une territorialité périurbaine, sont une pratique du territoire au quotidien, que vient limiter ou faciliter un système de contraintes et/ou de possibilités propres aux situations particulières des acteurs.

Choix et non-choix composent aussi la mosaïque des sociétés périurbaines. Ces sociétés sont hétérogènes, reflétant ainsi les bouleversements de la société occidentale en son ensemble. La mise en place d’un rapport spécifique à l’espace, à l’autre et au temps, construit dans une gestion personnelle des distances sociales et spatiales n’est pas possible pour tous.

La maîtrise de la mobilité spatiale, condition nécessaire de la mise en œuvre de cette territorialité périurbaine, nécessite en effet des ressources importantes d’argent et de temps notamment, que chacun ne possède pas. Articuler mobilité et ancrage, insertion dans les dynamiques métropolitaines/urbaines et implication dans un territoire local/rural, est inscrit dans les pratiques quotidiennes de certains - les cadres, les jeunes retraités -, mais reste un objectif à atteindre pour d’autres. Chacun n’a pas en effet la possibilité d’« ancrer son individualité sur le local236 » et d’appliquer sans contrainte l’idéologie de l’espace et du lien social « à la carte ».

Les territoires périurbains sont ainsi, pour certains - cadres, jeunes retraités, toutes personnes au capital « temps/argent » suffisant - à même de constituer un laboratoire idéal pour la mise en place d’une pratique territoriale qui s’expérimente entre mobilité et sédentarité.

En revanche, ils constituent des territoires moins riches de possibilités pour ceux qui, installés dans des conditions financières précaires, n’ont dès lors plus la possibilité de pratiquer une mobilité spatiale dans la pleine mesure de leurs ambitions. Pour les uns - jeunes, chômeurs, RMIstes, etc - et les autres - cadres, entrepreneurs, retraités, touristes, salariés, etc. - l’ambivalence territoriale est sans doute mise en valeur selon des modes radicalement différents.

Les territoires périurbains abritent ainsi des populations variées, se distinguant par la possibilité de choix qui leur est offerte, dans les modalités de leur installation, comme dans leurs pratiques du territoire investi. Les populations aisées qui ont le choix du lieu et des modalités de leur installation, côtoient des populations précaires qui ne l’ont pas et sont réduites à une installation dans des espaces où la location et l’accès à la propriété leur sont abordables, ou bien où elles seront logées à titre gratuit. Les couches moyennes sont aussi présentes dans ces territoires, avec un choix alternatif : leurs moyens leur offrent ainsi le choix résidentiel de vivre dans un lotissement à proximité de la ville, ou dans une maison plus conforme à leurs désirs mais plus éloignée des axes de communication, des centres commerciaux, des centres-villes.

Les territoires périurbains ne sont en effet pas réservés aux seules personnes en mesure de pratiquer une territorialité mobile : le prix du foncier est particulièrement attractif et décisif dans ces territoires. C’est ainsi que les populations précaires sont aussi largement représentées : il est à supposer que leurs territorialités trouvent aussi une spécificité, qui peut constituer une innovation.

Les sociétés périurbaines, hétérogènes, regroupent ainsi des individus potentiellement innovants, présents en ces territoires au même titre que dans d’autres : les « déplacés », individus ou groupes en situation d’indétermination intérieure sont à même de participer à la mise en œuvre de territorialités inédites.

Les migrants pendulaires qui composent quasiment la moitié de la population périurbaine, constituent un groupe homogène et finalement peu intéressant pour cette étude : leur situation est déterminée et strictement codifiée, et se résume presque à une pratique résidentielle.

Les territoires périurbains accueillent cependant tout particulièrement des individus et groupes dans des situations d’incertitude, ou de transition, dans des situations nouvelles (pour soi ou pour la société), sans statut social pleinement défini et qui nécessitent/permettent la création de pratiques sociales adaptées : chômeurs, étrangers, immigrés, jeunes cadres, RMIstes, retraités et préretraités, femmes, porteurs de projet, bref, des personnes en mobilité sociale ascendante, descendante ou en déracinement.

Nous faisons ainsi l’hypothèse que les territoires périurbains apparaissent comme des territoires où l’innovation peut émerger, et qui sont à même - peut-être - d’intégrer des sociétés de plus en plus mobiles et instables, en leur permettant d’inventer leur mode de vie et leur statut.

Ils seraient ainsi les foyers d’une innovation s’initiant dans un rapport au territoire spécifique et inédit. Ils sont peut-être à même de permettre l’émergence de nouvelles solidarités, de nouvelles formes d’appartenance, de coopération, comme celle de nouvelles formes d’indépendance et d’action.

Conclusion.

Ces trois premiers chapitres visaient à présenter les territoires périurbains, à partir d’une analyse de leur évolution depuis les années 1970. Certaines hypothèses ont pu être émises quant à leur place dans les dynamiques territoriales actuelles.

Ces hypothèses sont à réévaluer et à préciser maintenant au regard des terrains qui concernent cette recherche. Le chapitre suivant s’efforce ainsi de présenter les territoires périurbains nord-montpelliérains, et particulièrement le groupe de communes qui ont fait l’objet d’enquêtes approfondies.


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