3 La mise en place des territoires périurbains nord-montpelliérains (1980-1990). 3-1 La poursuite de l’expansion périurbaine : première, deuxième et troisième couronne : spécialisation et hiérarchisation.
L’expansion périurbaine se poursuit et s’amplifie même dans les années 1980 et 1990. La croissance démographique reste très élevée dans l’ensemble des communes périphériques.
Différentes couronnes commencent à se différencier nettement :
_ Les communes les plus proches, souvent limitrophes de la commune de Montpellier, ont été les plus tôt touchées par l’urbanisation, et sont totalement urbanisées. Les distinguer de l’agglomération proprement dite est quasiment impossible. Ce sont les communes « entrées de ville », de Castelnau-le-lez, Le Crès à l’est, ainsi que plus loin le long de la N113, celles de Vendargues et de Baillargues ; à l’ouest, la commune de Juvignac, traversée par la N109. Au sud, Lattes, Pérols, St Jean de Védas et Mauguio sont également particulièrement urbanisées. Au nord enfin, l’urbanisation, plus récente, est moins dense, bien que la croissance démographique y soit très vive. Les communes de St Clément, Montferrier, Clapiers, Prades se distinguent ici plus nettement de l’agglomération montpelliéraine, là où celle-ci montre d’ailleurs une moindre densité du bâti.
Ces communes forment la première couronne périurbaine. Pour la plupart, elles font partie du District de l’Agglomération de Montpellier, forme de coopération intercommunale en vigueur depuis 1989244, aujourd’hui supprimée et remplacée par la Communauté d’Agglomération.
_ Au-delà de cette première couronne, des lotissements envahissent les territoires communaux où la pression urbaine est très forte. L’activité agricole y est réduite quoiqu’encore présente. Ces communes forment aujourd’hui à peu de chose près le périmètre de la Communauté d’agglomération montpelliéraine tout récemment constituée et qui regroupe 38 communes. S’y ajoutent pour former la deuxième couronne périurbaine un certain nombre de communes, que l’on a choisi de sélectionner selon la loi de continuité spatiale.
_ Plus loin, encore se situent un grand nombre de communes peu touchées par les processus d’urbanisation. La croissance démographique y est certaine mais modérée, tout autant que le rythme des nouvelles constructions. Elles forment la très large et floue troisième couronne périurbaine.
La carte présentée page suivante montre l’emprise spatiale de ces trois couronnes périurbaines autour de l’agglomération de Montpellier.
Ces couronnes se hiérarchisent, et des fractions de couronnes sont identifiables.
Le paysage, entre collines, et garrigue, du nord-montpelliérain, est particulièrement valorisé, et attire des nouveaux résidents plutôt aisés, à la recherche de vastes parcelles. L’implantation au nord de Montpellier du CHU Lapeyronie, du Parc Agropolis, et Euromédecine attire en outre dans cette zone un grand nombre de cadres supérieurs. La déprise de l’agriculture dans ces territoires à la mise en valeur difficile, et la friche d’un grand nombre de terrains inexploitables, libèrent enfin un grand nombre de parcelles. L’ensemble de ces critères participe à valoriser fortement ces territoires, et oriente formes et rythme de l’urbanisation. Les lotissements sont rares : l’urbanisation prend plutôt les formes d’un mitage pavillonnaire de standing. Les communes de la deuxième couronne périurbaine subissent une pression urbaine importante, et le coût des terrains et logements a fortement augmenté ces dernières années. La troisième couronne attire ainsi de plus en plus de candidats à l’installation.
Les communes au sud et à l’ouest, sont plus intensément urbanisées : grandes zones industrielles, proximité du littoral, vigne : moins de terrains, paysage moins beau, beaucoup de lotissements, etc. Ce sont des terrains moins valorisés que les terrains vastes des communes nord-montpelliéraines.
3-2 Un renouveau démographique dans la garrigue montpelliéraine : de nouveaux territoires.
Le mouvement de périurbanisation, faiblement perceptible dans les communes de la troisième couronne périurbaine nord-montpelliéraine, se précise et s’amplifie à partir du début des années 1980.
Ces communes de la garrigue, en situation de déprise agricole et économique, subissent depuis le début du siècle un mouvement régulier d’exode rural. Soldes migratoire et naturel sont nuls ou négatifs dans l’ensemble des communes.
De 1968 à 1975 en effet, 10 d’entre elles voyaient encore leur population décroître, et la population des 7 autres augmentait très faiblement. La moyenne du taux de variation annuel sur l’ensemble des 17 communes pour cette période est de -0,48 ; la population brute passe de 3407 à 3347 habitants.
Le début de la reprise démographique n’est perceptible qu’au recensement de 1982. Celui-ci montre une inversion nette de la tendance au dépeuplement.
La moyenne des taux de variation annuels pour la période 1975-1982 devient positive, à 3,3 %. Le gain de population brute pour l’ensemble des communes est de 886.
Ce mouvement se poursuit, et est confirmé par les chiffres des recensements suivants. La population de l’ensemble des communes passe ainsi de 3348 à 7572 habitants, c'est-à-dire qu’elle fait plus que doubler, entre 1975 et 1999. Le mouvement se poursuit aujourd’hui, si l’on en juge par l’ampleur du mouvement de construction et de rénovation dans ces communes245.
Tableau - Taux de variation de la population des 17 communes périurbaines concernant cette enquête (1968-1999).
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1968-1975
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1975-1982
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1982-1990
|
1990-1999
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Taux de variation annuel (en %)
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-0,48
|
3,2
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2,8
|
3,5
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Variation absolue de population
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-59
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886
|
1670
|
1668
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Le mouvement de croissance démographique est d’abord essentiellement dû au solde migratoire positif ; les recensements de 1990 et de 1999 cependant montrent que le solde migratoire positif est renforcé par le solde naturel devenu positif.
Tableau - Solde migratoire et naturel des 17 communes périurbaines
(1968-1999)
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1968-1975
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1975-1982
|
1982-1990
|
1990-1999
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Solde migratoire
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41
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891
|
1489
|
1352
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Solde naturel
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-100
|
-13
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179
|
337
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Le renversement de tendance est net : les populations installées participent à mettre en place un mouvement de reproduction naturelle dans les communes.
Cette croissance démographique s’accompagne d’une consommation d’espace importante. La densité de population passe de 13,11 hab./km2 en 1982 à 23,42 hab./km2 en 1999.
L’évolution du parc de logements entre 1982 et 1999 est éloquente. Le nombre de logements double presque. Le pourcentage de résidences principales déjà élevé en 1982, croît encore pour atteindre, en 1999, 76,46 %. Le nombre de logements vacants décroît et ne représente, en 1999, que 5 % du parc de logements. Enfin, en 1999, plus de 68,8 % des logements sont occupés par des propriétaires. La location ne concerne que 24,2 % des logements, 6,9 % étant des logements à titre gratuit246.
Tableau - Evolution du nombre et du type de logements (1982-1999).
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1982
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1990
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1999
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Nbre de logements
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2395
|
3109
|
3823
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Nbre de résidences principales
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1515
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2175
|
2923
|
Nbre de résidences secondaires
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631
|
720
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685
|
Nbre de logements vacants
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249
|
240
|
194
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L’ensemble de ces caractéristiques : importance de la croissance démographique et spatiale, prédominance croissante des propriétaires et des résidences principales, réduction de la vacance du logement, etc. définissent pleinement ces communes comme des territoires périurbains.
3-3 Des espaces périurbains occidentaux et méditerranéens.
Les espaces ruraux périurbains qui se développent à la périphérie de Montpellier ont une spécificité méditerranéenne manifeste.
Ils sont ainsi à l’image des espaces périurbains tels qu’ils se développent en Europe à partir des années 1970, mais possèdent cependant une spécificité toute locale. Ces espaces montrent ainsi un contraste notable, entre « d’une part l’extraordinaire banalisation des formes produites partout identiques et d’autre part des caractères dans les pratiques comme dans les mécanismes en oeuvre, que l’on retrouve peu dans d’autres franges urbaines non méditerranéennes. »247 Quelle est cette spécificité propre aux espaces ruraux périurbains méditerranéens et que l’on peut observer à la périphérie de l'agglomération de Montpellier ?
Les processus d’urbanisation en œuvre dans les espaces montpelliérains sont spécifiques aux pays et aux villes de la rive nord de la Méditerranée - malgré bien sûr une forte diversité selon les situations locales. Il s’agit d’abord d’un retard relatif des processus, par rapport à l’Europe du nord, ensuite d’une forte attraction urbaine liée à ce que certains auteurs nomment « l’effet Sun Belt » des pays de l’arc nord-ouest de la Méditerranée. Ces territoires connaissent aussi des processus de littoralisation des populations et des activités au détriment des arrière-pays, et une diffusion urbaine enfin, avec un redéploiement latéral d’abord des logements et des activités le long des principaux axes de communication puis vers l’intérieur des terres. Ces processus ont effectivement œuvré dans la mise en place et le développement du mouvement de périurbanisation qui nous concerne. Les différents chiffres que nous avons avancé montrent bien les directions successives de l’expansion urbaine, envahissant de prime abord les espaces connectés et les espaces au contact du littoral, avant de se diriger vers les espaces de la garrigue montpelliéraine.
L’organisation sociale et spatiale de ces espaces présente elle-aussi de nombreux caractères communs. Guy Burgel248 s’interroge sur l’existence d’une spécificité physique du périurbain méditerranéen en relation avec les caractères des sites urbains méditerranéens : l’étroitesse des plaines, la proximité des collines, des montagnettes, l’importance des piémonts, et de manière générale l’émiettement et le compartimentage du relief présenteraient des traits physiques responsables de certaines organisations spatiales répétitives. Roland Courtot249 lie l’organisation actuelle de l’espace et la répartition des espaces résidentiels et agricoles à l’organisation traditionnelle de l’espace méditerranéen qui opposait ager et saltus; le double marché foncier qui se développe avec l’irruption des processus périurbains reflète ainsi ces oppositions antérieures: la colline (saltus) devient ainsi fréquemment une réserve foncière pour les nouveaux besoins spatiaux de la société urbaine tandis que les « bonnes terres » (ager) restent agricoles. La faible productivité de l’agriculture méditerranéenne, ou tout au moins, sa difficile mise en oeuvre, définit ici un caractère fort des espaces ruraux périurbains méditerranéens, ce qui est particulièrement applicable, on l’a dit, pour les espaces nord-montpelliérains de la garrigue.
Guy Burgel encore souligne la spécificité de ces espaces dans leur articulation à l’espace construit historiquement : « l’éclatement spatial actuel s’oppose à une longue tradition de ville méditerranéenne compacte sinon fermée, forme compacte héritée, très peu retouchée jusqu’à une période récente. »250 Ainsi, les ruptures universelles de l’urbanisation contemporaine - prolifération de plus en plus discontinues et lointaines, périurbanisation - « prennent ici des formes d’autant plus brutales qu’elles s’accolent sans transition à des héritages urbanistiques figés, traditionnellement fermés ».
En regard de ces caractères méditerranéens, il y a le caractère résolument occidental des processus de périurbanisation qui affectent les espaces ruraux périphériques montpelliérains, et le caractère uniforme des formes spatiales et sociales de ces processus. On retrouve ainsi le modèle du jeune couple de cadres moyens installés à proximité de la ville où ils travaillent, dans une maison individuelle, ainsi que la forme spatiale du lotissement construit sur un même modèle, relié à l’agglomération montpelliéraine proche par un réseau dense de routes. Ces espaces à la spécificité méditerranéenne connaissent ainsi les mêmes phénomènes de périurbanisation que ceux en œuvre dans tous les pays occidentaux.
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