Conclusion
Les activités économiques périurbaines révèlent une grande diversité. Les activités non-localisées produisent des innovations à rapprocher de celles qui sont produites dans le cadre des activités personnelles. Les activités localisées sont plus fortement liées au territoire local et à son devenir. Des innovations spécifiques émergent, qui valorisent l’organisation territoriale pour la stabilisation/pérennisation des activités.
Elles participent des processus du changement territorial à plusieurs titres. Une double dynamique est ainsi à identifier. Une dynamique de spécification et de valorisation territoriales s’inscrit en premier lieu comme une différenciation forte des territoires ruraux périurbains au sein des territoires métropolisés. Ils n’en participent pas moins aux dynamiques économiques de ceux-ci. Ils constituent d’abord des territoires économiquement stables, sinon performants. Ils hébergent ensuite des activités non-localisées, qui, sans produire des changements locaux spectaculaires, signalent et amplifient, une à une, leur insertion dans les dynamiques de la société et de l’économie modernes.
c1 La production de dynamiques de spécialisation et de spécification territoriales.
Les innovations économiques participent d’abord à mettre en place un territoire cohérent, dans l’organisation et la nature des activités qu’il développe. Qu’elles s’appliquent aux activités localisées ou non-localisées, elles ré-inventent et pérennisent une activité économique locale, sur un mode alternatif au modèle productiviste.
Cette activité ne limite pas les territoires à des pratiques rurales ou agricoles traditionnelles. Ils accueillent des activités diverses, signes et voies de leur insertion dans des dynamiques territoriales plus vastes que celles oeuvrant à l’échelle communale ou cantonale.
Ainsi des activités caractéristiques des territoires urbains et métropolisés se développent, activités non-localisées qui soulignent et participent à accroître l’insertion des territoires périurbains dans les dynamiques actuelles de l’économie mondiale, flexible, mobile et éphémère322. Les territoires ruraux périurbains, marqués de mobilité spatiale et sociale, réinvestissent et enrichissent ces caractéristiques par le biais de ces activités.
Les activités localisées spécifient quant à elles le territoire dans le développement d’activités liées à la mise en valeur de ses caractéristiques rurales. Leur mise en oeuvre nécessite l'utilisation et la compréhension de la mobilité, comme moyen d’accès aux marchés locaux, régionaux, et comme condition d’accès d’une clientèle cherchant des produits de qualité. Activités rurales ré-inventées par leur destin urbain, ré-investies par une démarche de qualité, elles concernent ainsi des domaines variés, de la production agricole, artisanale aux services et activités d’accueil.
Qu’elles restent marginales et locales, fruit d’initiatives isolées, ou qu’elles s’intègrent pleinement dans l’économie régionale, nationale, par le biais d’une démarche collective d’institutionnalisation ou par l’énergie d’acteurs isolés développant des activités non-localisées, les actions locales participent ainsi à définir un territoire économique périurbain nord-montpelliérain. Celui-ci est reconnu à l’extérieur comme à l’intérieur de ce territoire, comme un territoire spécifique et intégré dans les territoires de la métropolisation, loin du caractère périphérique qui lui est traditionnellement attribué.
Les innovations semblent accroître leur efficacité dans la mise en complémentarité des démarches individuelles et collectives. La pluriactivité, innovation individuelle de type organisationnel, est ainsi complétée et amplifiée par une innovation collective, le partenariat. Le groupement de producteurs, innovation collective de type institutionnel, montre de la même façon l’effectivité accrue de l’action dans sa mise en œuvre collective.
La référence au territoire, comme origine et moyen de l’action engagée, semble toutefois contribuer à soutenir le champ des activités localisées en créant un lien fort entre acteurs et territoire. Ces activités sont ainsi à même de participer de façon privilégiée aux dynamiques du changement territorial. Les innovations institutionnelles, portées par des projets collectifs, jouent dans ces dynamiques un rôle crucial et spécifique.
c2 La complémentarité et la dépendance des innovations organisationnelles et institutionnelles : une valorisation territoriale.
Projets individuels et collectifs participent d’une même dynamique. Innovations organisationnelles et institutionnelles semblent de la même façon constituer les deux faces opposées et complémentaires de l’innovation économique. Ces deux types d’innovations s’initient et se complètent.
Les innovations organisationnelles permettent et nécessitent la mise en place d’innovations institutionnelles. L’innovation institutionnelle peut aussi être nettement motrice et initier des dynamiques d’innovation organisationnelle.
Quel que soit l’origine ou le moteur de la dynamique innovatrice, innovations organisationnelles et institutionnelles s’inscrivent ainsi dans une relation de dépendance et de complémentarité, qui double et recoupe celle des projets individuels et collectifs. Les innovations institutionnelles, développées de façon exclusive dans le cadre des activités localisées, sont généralement initiées par des projets collectifs. Les innovations organisationnelles proviennent plutôt de projets individuels, mais cela n’est pas exclusif.
Projets individuels
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Projets collectifs
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Innovations organisationnelles
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Innovations institutionnelles
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Valorisation de la qualité du produit
Pluriactivité : diversité/flexibilité
Systèmes de vente à domicile (prise d’autonomie dans la structure de commercialisation)
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Labels/contrats
Partenariats : offre et image collective.
Groupements de Producteurs (forme de perte d’autonomie dans la structure de production)
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Figure - Complémentarité et dépendance des innovations organisationnelles et institutionnelles.
Projets individuels et collectifs, innovations organisationnelles et institutionnelles forment un véritable système innovant et participent des processus du changement territorial. Ils s’inscrivent dans un système de valorisation territoriale à l’origine de processus de développement local323.
Les innovations organisationnelles, recherche de modalités viables de développement économique s’appuient sur le territoire, tout autant qu’elle le dynamisent. Activités et territoire sont liés par une relation de dépendance et de soutien réciproque. La systématisation et l’institutionnalisation de cette démarche s’opèrent par le biais de projets collectifs. La création d’un syndicat, l’adhésion à une procédure de labellisation, l’appui sur des procédures nationales participent également des dynamiques de valorisation des produits, et du territoire. Les innovations institutionnelles, visant à la construction d’une réputation indispensable à la mise en place d’une clientèle, sont étroitement liées à la réputation du territoire. Une relation de valorisation bilatérale les unit.
Les processus font ainsi système, et participent à soutenir et amplifier une dynamique économique qui n’est pas seulement le fait de l’agrégation des initiatives individuelles, mais qui relève d’une véritable dynamique territoriale. Le système formé par ces innovations organisationnelles et institutionnelles, produites par le territoire et productrices de territoire, participe en cela du changement territorial périurbain. Ce changement est ici valorisation. Le système de l’innovation produit une dynamique de développement économique. Il permet une co-construction d’une dynamique économique et d’un territoire, ce qu’il est usuel de nommer développement local. Les activités économiques participent ainsi d’une co-construction individuelle et collective d’un projet personnel et territorial. Elles se situent ainsi à l’articulation des projets personnels portés par les individus et des dynamiques territoriales en leur entier.
Figure - Système de valorisation territoriale et économique.
L’organisation du territoire exige et permet ainsi l’émergence d’initiatives individuelles ou collectives produisant des innovations organisationnelles et institutionnelles. Ces innovations, formant système, produisent en retour des processus de valorisation territoriale, qui modifient l’organisation territoriale.
Le mouvement systémique de valorisation et de spécification territoriale est confirmé et amplifié par les processus de diffusion des innovations.
c3 La diffusion des innovations économiques : processus de spécialisation et/ou de diversification des activités.
La diffusion des innovations participe à accroître le mouvement du changement territorial. Le système de l’innovation tel qu’il est mis en place a un effet fortement incitateur, à deux titres.
D’abord, la mise en place de processus complémentaires d’innovation organisationnelle et institutionnelle dans un secteur d’activité exige la participation de l’ensemble des entrepreneurs locaux concernés, sous peine d’être exclus de la dynamique économique ainsi créée. D’autre part, le succès de telle ou telle démarche innovatrice et le constat de son action positive sur le territoire constituent un incitatif fort pour des porteurs de projets étrangers au territoire, ou au secteur d’activité au sein duquel se développent ces processus d’innovation.
Les acteurs économiques non innovants se doivent ainsi, pour participer de la dynamique économique locale et surtout pour ne pas en être exclus, de développer le même type de démarche que les acteurs innovants.
Ainsi, les nouveaux viticulteurs du canton de Claret, qui ont initié dans un premier temps la mise en place de caveaux particuliers, et l’inscription dans une démarche de qualité, et dans un deuxième temps, la création collective d’un AOC Pic St Loup, ont participé à re-dynamiser le vignoble local. Ils ont dans un même mouvement remis fortement en cause l’activité des viticulteurs traditionnels. Confrontés au risque de leur élimination du marché, et convaincus par la réussite manifeste des projets des néo-viticulteurs, ils se sont quasiment trouvés dans l’obligation d’entrer dans une même démarche de modernisation et de recherche de la qualité.
Le même type de processus est observable dans d’autres types d’activités.
La diffusion des innovations ne s’opère pas seulement au sein d’un seul champ d’activité. La réussite d’un système d’innovation a d’abord valeur d’exemple, et incite à l’imitation. En outre, le changement territorial occasionné par les processus d’innovation dépasse la simple valorisation des produits. L’organisation économique du territoire en son entier tout autant que son image et sa réputation sont modifiées. La mise en place d’une activité économique locale viable entraîne ainsi l’imitation de porteurs de projets locaux, ainsi que l’installation d’autres. Plus nombreux, leur démarche est moins innovante, et le risque pris dans le développement de l’activité moins élevé. Outre qu’ils s’appuient sur les infrastructures, institutions, etc. mises en places par les pionniers, ils profitent également de la valorisation symbolique du territoire opérée par l’ensemble des innovations.
Enfin, la valorisation territoriale permet une diversification des activités proposées localement. La démarche qualitative, axé sur le « terroir », suivie par tel type de producteur constitue un label implicite pour l’ensemble des activités menées localement.
Les projets de partenariat expriment bien cette valorisation réciproque des produits, qui s’opère dans l’association d’activités menées dans une même démarche qualitative.
Figure - Dynamique de valorisation et diversification des produits.
Les processus de diffusion des innovations sont ainsi à même de produire une dynamique d’élargissement de l’offre concernant un même type de produit. Ils initient d’autre part une dynamique de diversification de l’offre, et de multiplication des produits proposés.
Les territoires ne réagissent pas de façon similaire aux processus d’innovation.
Le canton de Claret, de longue date spécialisé dans une activité viticole, a encore accru sa spécialisation par la mise en place et la diffusion de pratiques économiques innovantes. Ces territoires sont aujourd’hui spécialisés dans la viticulture. Ils sont aussi caractérisés par l’organisation même de l’activité viticole : les démarches individuelles de production de qualité, et celles, collectives, de promotion de la production viticole locale se complètent. L’effet d’entraînement sur les autres secteurs d’activité - hôtellerie, miel, olives notamment - est sensible, mais ne permet pas de parler de diversification de l’offre.
Les territoires de la garrigue du canton de St Martin de Londres, dénués de vocation agricole spécifique, s’inscrivent au contraire dans une démarche de diversification. Ils proposent une multiplicité d’activités, liées par un même label territorial implicite : la garrigue. Ils accueillent aussi des activités non-localisées, attirées par le faible prix des terrains et locaux, et par la proximité urbaine. La non-spécialisation territoriale permet le développement de pratiques diverses, localisées ou non. À St Martin de Londres, la viticulture ne draine pas l’ensemble des activités et laisse davantage d’espace pour l’implantation d’entreprises informatiques324, ou celle d’activités de loisirs et d’accueil. La diversité économique est plus importante.
Les innovations économiques semblent ainsi relever de dynamiques complexes, impliquant les projets personnels des individus, mais aussi des projets engageant le territoire en son entier. Elles produisent une co-construction individuelle et collective de projets personnels et territoriaux.
Alors que les activités personnelles n’engagent le territoire que dans le cadre bien compris des projets des individus, les activités économiques semblent produire des dynamiques territoriales et personnelles construites dans un même mouvement. Les activités territoriales quant à elles, sont explicitement axées sur le changement territorial, et engagent donc le territoire de fait et en premier lieu.
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