34.### Le Glossary of Plant-Pathological Terms de MC Shurtleff et CW Averre de l'American of Phytopathologists Society (1997) définit les sols "suppressifs" comme “soils in which certain diseases are suppressed due to the presence in the soil of microorganisms antagonistic to the pathogen or pathogens.” Il en existe une définition plus large de KF Baker and RJ Cook RJ. dans Biological Control of Plant Pathogens (1974) Freeman, San Francisco avec “soils in which the pathogen does not establish or persist, establishes but causes little or no damage, or establishes and causes disease for a while but thereafter the disease is less important, although the pathogen may persist in the soil.” Il existe donc un flottement dans la définition de ce concept.
Une revue de DM Weller et al.; Annual Review of Phytopathology 40 (SEP02) 309-348 analyse les derniers acquis dans la base microbiologique du concept. Il existe en effet des causes physico-chimiques, notamment dans les sols argileux de type montmorillonite qui ne sont pas traitées par la revue.
Si les cultures répétées de la même plante entraînent souvent une accumulation initiale des microorganismes intéressés par leur consommation, et une augmentation de l'incidence de la maladie, on observe également et dans ces conditions, un recul de la charge en certains pathogènes liés à la prolifération d'antagonistes, comme c'est le cas pour le blé. Il est alors intéressant à regarder quels sont les organismes qui prolifèrent au cours de cette phase de déclin. La prolifération saprophyte des pathogènes n'est pas toujours affectée et, dans ce cas, c'est la virulence qui est jugulée, ce qui a été montré pour les Fusarium oxysporum.
La revue utilise quatre exemples: Fusarium oxysporum, Streptomyces scabies, la maladie des pommiers à la replantation après pommiers, causée par un consortium de pathogènes (Cylindrocarpon destructans, Phytophthora cactorum, Pythium et Rhizoctonia solani dans l'état de Washington) et plus particulièrement Gaeumannomyces graminis var.tritici, avec le déclin de cette maladie, là encore dans l'état de Washington et elle repose sur l'accumulation de Pseudomonas fluorescents divers produisant le métabolite antifongique bien connu, 2,4-diacétylphloroglucinol.
Deux types de suppressivité sont décrits. L'une, la suppressivité générale, est l'effet d'un ensemble d'espèces en un lieu donné et n'est pas transposable dans un autre. La suppressivité spécifique est l'effet de populations microbiennes bien précises et elle est transférable.
Dans le cas de Fusarium oxysporum, ce sont certaines souches de F. oxysporum non pathogènes et des Pseudomonas fluorescents qui sont les acteurs prédominants et, de plus, synergiques. Compétition, notamment pour le fer, et induction de résistances systémiques (générales) sont en cause (voir les travaux d'Alabouvette de l'INRA sur le sujet et abondamment cités par la revue), comme cela a été montré pour les environs de Châteaurenard en France et la Salinas Valley en Californie. les souches antagonistes persistent bien dans les sols car on a retrouvé, vingt ans après son premier isolement à Châteaurenard, la souche très efficace Fo47.
La gale de la pomme de terre est provoquée par une phytotoxine (thaxtomine A) sécrétée par les Streptomyces impliqués dans la maladie. Cette maladie est également sur le déclin dans les zones de monoculture. Des Streptomyces antagonistes comme S.diastatochromogenes PonSSII produisent des antibiotiques auxquels S.scabies est sensible, mais interviennent également par compétition pour les ressources. Ces Streptomyces sont abondants dans les tourbes claires de sphaignes utilisées en serres, et c'est de ces sols qu'est issu le biofongicide MYCOSTOP™ d'Agrobiological (Kemira Oy) basé sur Streptomyces griseoviridis K61 .
La maladie des replantations de pommiers, contrairement aux deux précédentes ne fait qu'empirer au fur et à mesure des replantations aussi longtemps que le verger est en culture. Dans ce cas, c'est la diminution des capacités suppressives qui est intéressante. On constate une disparition des Burkholderia cepacia et des Pseudomonas putida.
B.cepacia produit un grand nombre d'antibiotiques actifs sur R.solani et Pythium. Des isolats de P. putida antagonistes de Pythium et Rhizoctonia sont remplacés au cours de la disparition de la suppressivité par des P.syringae et P.fluorescens biovar C (non antagoniste) et deviennent dominants. Inversement la souche 2C8, qu'on trouve dans la rhizosphère des pommiers protège les plantules dans les sols infestés. On peut retrouver la suppressivité après trois ans de culture de blé.
Dans le cas du piétin échaudage, caractérisé il y a 66 ans, on n'a pas réussi à sélectionner de résistances et les fongicides sont peu efficaces. On lutte par des rotations culturales et labour des sols qui diminuent la densité du pathogène. La maladie se comporte de la même façon dans de très nombreuses situations géographiques, climatiques et pédologiques. On dit que le déclin de la maladie en monoculture n'a lieu qu'après un épisode sévère de la maladie. Des Pseudomonas fluorescents antagonistes semblent universels dans le déclin, et c'est le 2,4-diacétylphloroglucinol (2,4-DAPG), encore une fois qui est en cause. Il a un rôle plus large que celui d'antagoniste de Gaeumannomyces graminis var. tritici et l'on a caractérisé son action sur de nombreux pathogènes et sa présence dans de nombreux sols suppressifs .
35.### La dégradation des signaux du "quorum sensing", les N-acyl-homosérine lactones (AHLs) est un mécanisme efficace de lutte biologique. Des auteurs suisses ont exprimé dans Pseudomonas fluorescens P3, qui n'est pas un biopesticide bien actif, le gène d'une lactonase de Bacillus du sol porté par le plasmide pME6863. L Molina et al.; FEMS Microbiology & Ecology 45 (JUL03) 71-81. Le P.fluorescens P3/pME6863 transformé dégrade effectivement les AHLs et limite sérieusement les dégâts d'Erwinia carotovora sur la pomme de terre et le crown gall de la tomate. On peut encore ajouter avec succès ce biopesticide recombinant deux jours après l'infection et il est donc préventif et curatif.
On a déjà utilisé cette stratégie avec le même gène dans des plantes transgéniques (tabac et pomme de terre).
Une autre stratégie consiste à inhiber la production des AHLs par des furanones halogénées de l'algue rouge Delisea pulchra (voir M Manefield et al.; Microbiology 148 (APR02) 1119-1123 analysé en son temps) ou des triclosans.
Les germes de pois et de Coronilla varia (crown vetch) semblent exsuder des substances non identifiées imitant des AHLs bactériennes, et interférant avec la synthèse induite par les AHLs de violacéine par la bactérie Chromobacterium violaceum.
Le gène AiiA du Bacillus qui a été utilisé, possède deux homologues chez le plasmide Ti d'Agrobacterium, AttM et AiiB, comme le montrent les chercheurs de Gif (A Carlier et al.; Applied & Environmental Microbiology 69 (AUG03) 4989-4993). Par ailleurs, la bactérie du sol, Variovorax paradoxus, clive la queue acylée de la lactone.
Une première stratégie a été d'exprimer la lactonase chez des tabacs et pommes de terre recombinants pour lutter contre Erwinia carotovora. Une autre plus originale encore a été de faire produire les AHLs bactériennes par les plantes, entraînant l'induction des facteurs de virulence avant qu'une densité suffisante des pathogènes permette l'infection.
Compte tenu des réticences contre les produits végétaux transgéniques, une ligne de défense est d'utiliser des microorganismes exprimant "naturellement" des lactonases.