132.### Les voies cataboliques des composés aromatiques de Pseudomonas putida KT2440 dont le génome vient d’être complètement séquencé et qui fait l'objet d'une série d'articles dans Environmental Microbiology 4 (DEC02), sont passée en revue dans l'article de JL Jimenez et al.; Environmental Microbiology 4 (DEC02) 824-841. Voir également le §98.
133.### Les souches de Pseudomonas de l'environnement contiennent très souvent de multiples plasmides qui expliquent leur versatilité métabolique. Ainsi Pseudomonas ADP contient cinq plasmides ou plus, totalisant plus de 1 M. Ils sont porteurs de multiples gènes cataboliques lui permettant de cataboliser le camphre, l'octane, le salicylate, l'atrazine, etc…élargissant le spectre des substrats utilisables.
La souche actuelle de Pseudomonas putida K2440 a perdu tout plasmide devant la sollicitude des chercheurs en laboratoire qui lui fournissent des aliments plus appétissants, supprimant, ainsi, toute pression en faveur du maintien des plasmides.
Les gènes des enzymes du catabolisme du toluène, des xylènes et des méthylbenzoates, se trouvent dans la souche mt-2 bien connue de Ps.putida, portés par le plasmide pWWO (TOL) de 117 kb, maintes fois mentionné dans ce Bulletin. On vient de séquencer, également, ce plasmide. A Greated et al.; Environmental Microbiology 4 (DEC02) 856-871.
134. Rutgers University obtenu l'US Patent n°6 503 746 (07JAN03) sur des souches de Paenibacillus validus capables de dégrader les hydrocarbures aromatiques polycycliques. Elles le font directement pour des hydrocarbures de faible masse moléculaire (2-3 cycles) et, en présence de phénanthrène, de haute masse moléculaire (4 cycles et plus comme pyrène, fluoranthène and benz[a]anthracène). Un des intérêts de ces bactéries c'est qu'elles sont sporulantes, ce qui facilite leur utilisation.
135.### Une des difficultés pour obtenir une déchloration réductrice des sites contaminés par des chloroéthène est l'accumulation de chlorure de vinyle (VC) qui est un cancérigène patenté. Des chercheurs du Michigan ont donc enrichi, en présence de VC, un consortium capable de déchlorer le tétrachloroéthène (PCE) à éthène d'un aquifère contaminé. L'identification moléculaire indique que la principale population impliquée dans ce processus est constituée de Dehalococcoides qui utilise DCEs et VC, mais plus PCE ou TCE comme accepteurs d'électrons. J He et al.; Applied & Environmental Microbiology 69 (FEB03) 996-1003.
Des chercheurs de Stanford ont, précisément, étudié cette croissance de Dehalococcoides sur chlorure de vinyle, par PCR compétitive, ce qui permet d'avoir une estimation quantitative de la taille de la population active au sein d'une culture mixte. Ils ont fait vivre ce consortium sur cis-1,2-dichloroéthène (cDCE) et VC, avec de l'hydrogène comme donneur d'électrons. AM Cupples et al.; Applied & Environmental Microbiology 69 (FEB03) 953-959.
136.### Des chercheurs de Bologna ont utilisé des méthyl--cyclodextrines pour stimuler la biodégradation aérobie de sols anciennement pollués par les biphényles polychlorés (PCBs). Dans le cas de ces pollutions anciennes, la dégradation est ralentie par la faible disponibilité du substrat. Les cyclodextrines méthylées favorisent simplement l'accès au substrat et sont, au passage, lentement consommées. F Fava et al.; Biotechnology & Bioengineering 81 (20FEB03) 381-390. Il est regrettable que les auteurs n'aient pas fait une étude économique du procédé. Les cyclodextrines sont encore à la recherche d'un marché, mais sont encore probablement trop coûteuses pour ce genre d'usage.
139. Le rejet par la "Court of Appeals for the Federal Circuit" de la requête de Duke University d'utilisation, pour la seule recherche, d'un appareil breveté (Madey v. Duke University, 307 F.3d 1351 du 03OCT02) est un signal d'alarme pour la recherche. Le Bayh-Dole Act de 1980 permet aux Universités de breveter les résultats de recherches financées par le gouvernement est une des sources de ce conflit aux Etats-Unis. La Communauté Européenne et le Japon essayent de se prémunir contre ces difficultés.
Les universités détenaient 1,1% des brevets délivrés de 1969 à 1986; en 1999 c'est 4,8%, du coup leurs services de propriété industrielle (ou fondations correspondantes) sont cramponnés à cette propriété et n'hésitent pas à aller aux tribunaux pour défendre leurs droits (voir les redevances additionnelles attribuées à l'University of California par un jugement contre Genentech et le Bulletin de Décembre 2002 §158), du coup, on assiste à une bordée de procès d'universités pour protéger leurs droits, comme quoi ce ne sont pas seulement les industriels qui handicapent la science de cette façon. Ceci pourrait encourager les firmes à répliquer dans le domaine de l'utilisation pour la recherche, qui n'est pas spécifiquement stipulée comme exemption dans les textes. Pour l'instant, c'est au sein de la recherche publique que le chaos peut s'implanter. Ces négociations tortueuses ne renforcent pas la virginité de la recherche publique.
Le brevet d'une machine inventée à Stanford a été cédé à son inventeur dans le cadre du Bayh-Dole Act, Stanford n'étant pas intéressée. L'inventeur s'est installé à Duke et entrepris des recherches avec le Office of Naval Research. Malheureusement les relations se sont gâtées et il s'est séparé de son université en mauvais termes, en emportant avec lui sa propriété industrielle. L'université a continué à se servir de son appareil en s'appuyant sur l'utilisation pour la recherche. C'est ce que la cour a interdit, en durcissant sa position sur le sujet. En effet, si j'ai bien compris, la seule référence à un usage non commercial, dans son principe, des recherches n'ait plus suffisant, car on se sert des découvertes pour attirer des financements et des chercheurs les plus brillants possibles qui enrichissent son potentiel intellectuels et lui permettent une politique agressive de brevetage. Vous m'avez suivi ? RS Eisenberg; Science 299 (14JAN03) 1016-1019.
140. JP Walsh et al.; Science 299 (14JAN03) 1021 publient leurs résultats d'interviews (70 au total) auprès d'avocats spécialisés dans le domaine, de scientifiques et de gestionnaires de dix firmes pharmaceutiques et quinze firmes de biotechnologie sur le sujet.
Tous sont d'accord sur le fait que les choses deviennent bien compliquées, mais aucune des personnes questionnées n'a pu citer de recherches qui aient été arrêtées pour des considérations de propriété industrielle. Mais la question de recherches non entreprises à cause de cette difficulté n'a pas été posée, car difficile à analyser.
Les interviews indiquent qu'il existe un certain nombre de solutions bancales qui sont utilisées pour tourner les difficultés (“working solutions”), parfois en accord entre détenteurs et utilisateurs de la propriété. Parmi ces solution il y a, classiquement, des accords de licence, mai aussi des contournements de brevets, travailler "offshore" (surtout pour les brevets sur les outils), utilisation de données publiques ou même infraction volontaire du brevet. La licence est de routine dans l'industrie pharmaceutique. La recherche et les négociations de licence prennent du temps mais, selon les industriels, on a à considérer, au maximum, une douzaine de brevets pour un projet donné, et on n'a besoin, en général, que d'une seule licence, voir aucune.
Dans le domaine des outils de recherche, l'infraction à la propriété intellectuelle est banale, mais occasionnelle. Elle est d'ailleurs difficile à détecter pendant les six ans de couverture. Les industriels détenteurs des brevets tolèrent d'ailleurs assez facilement ces usages scientifiques, sauf dans le cas des kits de diagnostic. En effet, les bénéfices que l'on peut espérer sont trop faibles pour risquer sa réputation.
141. Plusieurs des grandes revues scientifiques généraliste diffusent, en ce moment, une résolution sur l'attitude à prendre face au bioterrorisme, élaborée par un collège d'éditeurs et de responsables d'organisations scientifiques. Voir par exemple, Proceedings of the National Academy of Sciences USA 100 (18FEB03) 1463, ainsi que Nature 421 (20FEB03) 771 et 787. Les affirmations de cette résolution doivent être examinées en détail et jugées par chacun, elles vont avoir des conséquences pour chacun d'entre nous. Voir également l'article E Check; Nature 421 (20FEB03) 774 ainsi qu'une déclaration d'Anthony Fauci qui est l'un des premiers acteurs de la stratégie de lutte contre le bioterrorisme.
L'article cite les sources suivantes permettant de suivre la politique dans ce domaine :
NIAID strategy on biodefence:
http://www.niaid.nih.gov/biodefense/research/strat_plan.htm
Status of anthrax investigation
http://www.cnn.com/2003/HEALTH/01/30/anthrax.lessons
Bioshield initiative
http://www.whitehouse.gov/news/releases/2003/01/20030128-19.html
http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/articles/A63430-2003Jan29.html
A l'instigation de l'American Society for Microbiology, l'US National Academy of Sciences a tenu une réunion le 9 Janvier sur ce sujet, et les éditeurs des revues se sont réunis le lendemain pour discuter l'ébauche de la résolution. L'attitude générale est celle de dire que si les scientifiques attendent que les autorités légifèrent, comme elles l'on fait pour la recherche sur les agents potentiels d'une guerre biologique (voir le §) ils risquent très fortement d'en pâtir. Il faut à la fois tenir compte de la réalité d'un danger et préserver les apports à la communauté de la liberté de publier. Au cours de 2002, seuls deux articles ont été modifiés pour cette raison sur 14 000 soumis, selon l'American Society for Microbiology. Dans l'un d'entre eux l'auteur indiquait comment "améliorer de 100 000 fois la pathogénicité d'une toxine. La recette précise a été éliminée. Mais ce n'est peut-être qu'une première étape.
Le processus a, en réalité, commencé avec le programme "Manhattan" en 1943 en physique nucléaire. Les résultats sont difficilement extrapolables pour les sciences de la vie, vu la disparité des moyens mis en œuvre dans les deux types de recherches où la dispersion des acteurs rend la surveillance très difficile et risque, du coup, d'entraîner des contrôles encore beaucoup plus généraux et contraignants.
142. Un article de E McSweegan; ASM News (FEB03) 53, illustre les conséquences de la paranoïa sur la sécurité biologique amorcée aux Etats-Unis. Il cite le cas d'une étudiante qui, ayant constaté la panne d'un congélateur, a transféré dans un autre les échantillons contenus, et qui est risque maintenant 10 ans de prison pour détention illégale de produits biologiques réglementés (avis aux boursiers qui désireraient se rendre aux Etats-Unis). Il est vrai qu'il y avait dans le lot un échantillon vieux de 35 ans d'une vache morte du charbon. Alors qu'il lui aurait suffi de se rendre dans une poste du New Jersey si elle avait envie de se procurer la bactérie, ou la prélever sur ses semelles.
Une autre absurdité est constatée dans le même état, avec un grant pour un professeur de l'Université pour étudier d'urgence Bacillus anthracis (c'était donc antérieur aux tentatives d'Octobre 2001). Le professeur a ensuite passé trois ans à se procurer la souche parce que les formalités d'autorisation ont été considérablement durcies. Mettre plein d'argent dans la lutte contre le bioterrorisme peut se justifier facilement, mais les 5,9 milliards de dollars du présent budget alloué à ce secteur ne pourront probablement pas être utilisés à cause de ces retards bureaucratiques. Songez qu'une simple hôtesse de l'air doit justifier tout ce qu'elle a fait pendant les dix dernières années avec des témoins identifiés.
Le problème est que l'accroissement des budgets risque d'être temporaire mais les restrictions maintenues, autant ne pas se ruer sur le sujet, ce qui est contre-productif.
143. La disparition des spécialistes de l'amélioration "classique" des plantes ne préoccupe pas que les Français. J Knight; Nature 421 (06FEB03) 568-570.
Il est tout à fait évident que ces derniers sont indispensables, mais tout est question de proportions et surtout de capacités évoluant sous une même dénomination professionnelle. Il est vrai que le dogme qui veut que tout ce qui engendre des produits commercialisables doit, à tout prix, être transféré au privé, avec les contraintes de propriété industrielle, ne peut qu'entraîner une baisse d'intérêt pour une compétence de ce type. L'article est suscité par des difficultés au CIMMYT qui sont le reflet des difficultés plus générales du CGIAR (Consultative Group on International Agricultural Research, mais c'est, également, une préoccupation des "améliorateurs" français comme je l'ai constaté.
Il ne faut pas oublier que dans beaucoup de secteurs de la sélection (animale et végétale) les firmes privées ont une quantité appréciable de spécialistes compétents dans ce domaine, ce qui n'était pas vrai il y a quelques dizaines d'années. Une analyse du milieu des années 1990 indiquait que les semenciers privés possédaient deux fois plus de spécialistes de l'amélioration des plantes que le secteur public aux Etats-Unis. L'article analysé est un peu "vieux jeu" en écrivant que l'amélioration classique permet tout, et qu'il faut seulement du monde. Il est vrai qu'on peut encore obtenir, et dans certains cas, un même phénotype par les méthodes classiques et recombinantes pour faire plaisir aux consommateurs à comportements aussi différents que les américains et les européens. Introduire un transgène dans une plante cultivée au laboratoire est une chose, mais rendre les semences utilisables suppose une expérience qui doit intervenir très tôt dans la conception des projets. Cela est possible, je l'ai constaté, mais nécessite un effort continu et une ouverture d'esprit. L'interface a changé, certes, entre les deux compétences et il faut en tenir compte avec des aspects quantitatifs, mais aussi qualitatifs des acteurs.
Une autre restriction est l'impossibilité progressive, pour les sélectionneurs "publics", de jouer avec des semences qui sont maintenant brevetables, au moins dans certains pays. Ceci limite leur champ d'action, et cette limitation devient importante, mais ceci est vital surtout pour les pays en développement (domaine du CGIAR) qui ne peuvent plus se payer des semences avec redevances élevées liées, comme c'est le cas depuis une dizaine d'années pour les nouveaux médicaments.
L'auteur utilise l'exemple du retrait de Syngenta du Torrey Mesa Research Institute et de DuPont, du John Innes Centre, comme une preuve du retrait des grandes firmes du secteur des semences transgéniques. On peut aussi bien dire qu'ils sont, maintenant, suffisamment compétents pour ne plus avoir besoin du secteur public. Je n'ai pas d'élément pour trancher et l'extension continue des surfaces couvertes par ces cultures plaide le contraire. Lorsque Monsanto abandonnera le secteur, je serai convaincu.
L'auteur insiste sur les apports possibles de la sélection assistée par marqueurs moléculaires, et évoque le consortium connu sous le nom de MASwheat, qui est consacré à 23 caractères du blé. L'idée de ce type de sélection est ancienne, mais son application à une sélection commerciale a longtemps été handicapée par la lourdeur des procédures. Les réseaux ADNs devraient faciliter les choses, et c'est l'intention de CAMBIA à Canberra, technique qui est mise en œuvre au CIAT de Cali à propos du manioc. Le blé est un bon exemple car les données génétiques sont largement dans des "mains" publiques pour différentes raisons (dont celle que, vu la distribution étendue des ressources génétiques, il est difficile de "faire de l'argent" avec ses semences et en empêcher, sauf pour les hybrides encore anecdotiques, l'auto-reproduction). Il existe des secteurs de ce type qui n'intéressent pas vraiment les grands semenciers mondiaux et la liste des espèces qu'ils peuvent couvrir de façon juteuse est limitée. Un effort est en cours aux Etats-Unis auprès des dix "land grant universities" qui sont tenues de travailler pour l'agriculture, pour reprendre l'initiative dans ces secteurs, ce qu'a également fait l'INRA.
144. Plusieurs des grandes revues scientifiques généraliste diffusent, en ce moment, une résolution sur l'attitude à prendre face au bioterrorisme, élaborée par un collège d'éditeurs et de responsables d'organisations scientifiques. Voir par exemple, Proceedings of the National Academy of Sciences USA 100 (18FEB03) 1463, ainsi que Nature 421 (20FEB03) 771 et 787. Les affirmations de cette résolution doivent être examinées en détail et jugées par chacun, elles vont avoir des conséquences pour chacun d'entre nous.
A l'instigation de l'American Society for Microbiology, l'US National Academy of Sciences a tenu une réunion le 9 Janvier sur ce sujet, et les éditeurs des revues se sont réunis le lendemain pour discuter l'ébauche de la résolution. L'attitude générale est celle de dire que si les scientifiques attendent que les autorités légifèrent, comme elles l'on fait pour la recherche sur les agents potentiels d'une guerre biologique (voir le §) ils risquent très fortement d'en pâtir. Il faut à la fois tenir compte de la réalité d'un danger et préserver les apports à la communauté de la liberté de publier.
Le processus a, en réalité, commencé avec le programme "Manhattan" en 1943 en physique nucléaire. Les résultats sont difficilement extrapolables pour les sciences de la vie, vu la disparité des moyens mis en œuvre dans les deux types de recherches où la dispersion des acteurs rend la surveillance très difficile et risque, du coup, d'entraîner des contrôles encore beaucoup plus généraux et contraignants.