404 la norme linguistique l'occultation du caractère maternel de la langue nationale



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Conclusion

La longue démarche qui nous a mené aux quelques propositions avancées ci-dessus nous a permis de constater l'omniprésence du phéno­mène normatif, même dans les écrits de ceux qui prétendent en avoir éliminé

34. Encore qu ils cadrent davantage, en raison de la connotation familière qu'ils comportent, avec la langue orale.

NORME LEXICALE ET CANADIANISMES



les effets funestes. Que ce soit chez les chercheurs québécois ou les lexico­graphes français, le corpus même des québécismes consignés témoigne sans équivoque d'une certaine norme, des tournures ou des mots ayant été écartés1, alors que d'autres étaient intégrés. Cependant, cette nomme est mal connue et a été jusqu'à présent peu approfondie comme le constatent Jean-Claude Corbeil: « La discussion au sujet du concept de norme est à peine amorcée » (Corbeil, 1980: 126) et Louis Guilbert pour qui « [. . .] une norme québécoise [reste] à définir » (Guilbert, 1976: 54). Jusqu'à maintenant, les chercheurs se sont répartis en deux clans très nets: d'une part ceux qui préconisent d'étudier la langue du simple point de vue descriptif et, d'autre part, les farouches tenants d'une norme québécoise.

En dépit du fait que certains jalons aient été posés ici, le problème demeure aigu dans la mesure où les principales instances concernées (linguistiques, politiques, culturelles, sociologiques) n'ont pas su trouver le consensus nécessaire à l'élaboration - à condition que l'application d'une nonne soit acceptée - d'une norme stable et unique en matière de langue québécoise. On peut sans doute trouver une explication partielle dans le fait que chaque groupe est demeuré sur ses positions respectives, n'ayant pas eu la possibilité d'échanger suffisamment avec les spécialistes de disci­plines connexes au langage. La présente publication et la tenue ultérieure d'un colloque sur la norme*, que Guilbert appelait de ses voeux dès 1976, contribueront sûrement à enfin analyser en profondeur le problème de la nomme au Québec et, plus spécifiquement, de la norme lexicale en matière de québécisme. Jamais la conjoncture n'y sera-t-elle plus favorable.

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35.

36.

A cet égard, il est significatif de constater qu'Alain Rey a dû renoncer à intégrer au Petit Robert l'expression « e est ffun », qu'il trouvait « à la fois amusante et très courante ici » (Le Soleil, 18 octobre 1977, p. 11), à la recommandation de ses conseillers québécois.

Dans le cadre des travaux de la Commission d'enquête sur la situation de la langue fran­çaise et sur les droits linguistiques au Québec (Commission Gendron), un colloque sur la norme a été organisé les 13 décembre 1969 et 21 février 1970. Q regroupait peu de per­sonnes, en majorité des linguistes. De plus, la tenue de deux séances d'une journée à deux mois d'intervalle n'a pas permis des échanges très fructueux.

LA NORME LINGUISTIQUE



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LA NORME LINGUISTIQUE



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XXIV


Les chroniques de langage Par Jacques Cellard

Les rapports entre la norme linguistique et ce que l'on nomme généri­quement les « Chroniques de langage » paraissent évidents.

En premier lieu, ces chroniques seraient ou auraient été des instruments actifs de production et de perpétuation de la norme; plus rarement de son évolution; exceptionnellement, de sa subversion. En second lieu, le moyen

privilégié de sa diffusion. Et en troisième, par l'intérêt qu'elles suscitent en amont (questions posées au chroniqueur) et en aval (réactions des lecteurs aux chroniques), un bon indice du degré et de la nature des préoccupations du public à l'égard de cette norme.



Tout cela est globalement exact et justifie qu'un chroniqueur qui de­mande à n'être tenu ni pour éminent ni pour émérite, se penche sans com­plaisance sur le passé des chroniques et à l'occasion sur le sien propre.

1- Typologie

L'esquisse d'une typologie du genre a sa place ici. Que sont les chroni­ques? Quels traits caractéristiques (quels sèmes, s'il faut le concéder à la lin­guistique) contribuent à former leur signification? J'en vois trois.

1. Les titres

Chroniques, ou plus précisément « feuilletons », celles de langage ont en fait un titre (celui que le chroniqueur donne à son texte) et un sur-titre qui seul nous intéresse ici, encore que l'étude des premiers mériterait d'être faite!

Pour la période qui va des années 1925 à nos jours, et à laquelle se limitera d' ailleurs le reste de cette étude, ces sur-titres se répartissent en quatre classes:

A) L'anecdote. Ce sont les « Caprices », les « Sourires », les « His­toires » du langage, les « Façons de parier »: petites études d'étymologie facile et approximative, de lecture plaisante, qui n'ont de préoccupations ni

grammaticale ni normative; ce pourquoi je ne fais ici que les mentionner, en notant du reste que l'anecdote est souvent présente dans les chroniques des autres classes.


LA NORD LINGUISTIQUE



B) La défense du français, ou « de la langue ». Ce sont, outre ceux-là, les sur-titres affectifs: « Langue française, mon beau souci », « Notre beau langage »; ou ceux qui impliquent une observation inquiète: « Clinique du langage ».

C) La prescription/proscription, c'est-à-dire les « Dites... Ne dites pas! », parfois (particulièrement en Belgique) très impératifs: « Corrigeons­nous! Parlons bien! Parlons mieux! », plus souvent adoucis en France par l'artifice des « Questions » ou des « Problèmes » introduisant une réponse ou une solution généralement normative.

D) L'observation. 1 s'agit de sur-titres volontairement neutres: « Chro­nique de langue » ou « de langage », bien sûr, et aussi « Regards sur (la langue française) », « Langage » tout court Me paraissent relever de cette observation neutre, les sur-titres mettant en valeur la Vie: « du langage », « de notre langage ».

2. Les signatures

Et non les signataires: il n'est pas question de personnaliser ces recen­sions, et cette impertinence, au plein sens du mot, n'aurait d'ailleurs pas grand intérêt. Mais le fait est que les chroniques de langage ont souvent été signées d'un nom de plume; pratique assez rare dans le journalisme pour éveiller ici notre intérêt, d'autant que ces pseudonymes ont, eux, une typologie som­maire: Aristarque, Aristide, Criticus, Lancelot (le grammairien janséniste, et non le chevalier sans reproche, encore que ... ), Logophilus.

Qui sont les chroniqueurs de langue, qu'ils écrivent à visage découvert ou sous un masque facile à lever? A parts à peu près égales:

A) Des hommes de lettres (Abel Hermant-Lancelot, par ailleurs acadé­micien, André Thérive, furent des romanciers estimables); ou ce que l'on appelait naguère sans méchanceté des « publicistes » ou des polygraphes.

B) Des linguistes; mais l'appellation un peu surannée de « philolo­gues » convient mieux en l'espèce (Albert Dauzat, Robert Le Bidois, Marcel Cohen ont représenté remarquablement ces professionnels de la langue).

Le chroniqueur de langue, on le voit, n'est jamais un journaliste profes­sionnel, employé et rémunéré à plein temps, mais un « pigiste », quel que soit par ailleurs le prestige de sa signature. II n'en est pas moins soumis aux contraintes du métier de journaliste: remettre rigoureusement en temps fixé une « copie » assez exactement calibrée et lisible, se relire sur « pla­cards » (avant la mise en page), ou au moins jeter un coup d'oeil sur la « morasse » (après mise en page); accepter ou de préférence pratiquer lui-même les coupes que le secrétariat de rédaction juge fatales; éviter surtout qu'elles se fassent « au marbre » et au petit bonheur la chance! Bref, se comporter sinon en journaliste, du moins en homme qui donne régulièrement des textes à un journal et qui connaît les exigences de la machine.

LES CHRONIQUES DE LANGAGE



Ces exigences dépassent de beaucoup la stricte ponctualité dans le travail. Elles pèsent nécessairement sur le contenu et le style des chroniques. Défenseur ou contempteur de la norme, zélote ou iconoclaste, et même observateur sceptique, le chroniqueur ne peut guère porter sur celle-ci un regard trop différent de celui que la clientèle connue du journal fait pré­sumer des lecteurs de sa chronique. Bon ou mal gré qu'il en ait, celle-ci louvoie de quinzaine en quinzaine, ou pour de courts billets de semaine en semaine, entre le journal, « support » de son texte, l'audience de ce texte, et l'objet de celui-ci: le langage.

3. Le support et l'audience

Très rares sont aujourd'hui les quotidiens (et plus encore les hebdo­madaires) qui ont maintenu une chronique de langue. Le genre est à éclipses. Les années 1930-1935 en ont marqué une apogée, les années 1960-1965 une autre; les présentes en sont un périgée, au moins en France, car la presse belge se montre plus constante et la presse québécoise plus intéressée.

C'est que la chronique n'est pour le journal qu'un objet mineur et commercial. Elle doit justifier la place qu'elle y occupe (et les places sont chères dans la presse française!) par un quota satisfaisant d'audience, donc de ventes. Si vive que soit la passion d'un directeur de publication pour la langue et la norme, elle ne l'amènera pas à maintenir une chronique dont la lecture approcherait de l'étiage; disons pour être clair du taux de 4% en­viron en-dessous duquel la présence d'un article ou d'un feuilleton dans les colonnes d'un journal coûte de l'argent à celui-ci.

En revanche, beaucoup de libertés de principes à l'égard de la norme sont permises au chroniqueur qui, par quelque concours heureux de cir­constances, est lu régulièrement par le quart ou plus des acheteurs du jour­nal. Et un « billet » normatif de quelques lignes, alibi ou bague au doigt du journal, n'est guère menacé par une baisse d'audience, d'ailleurs peu mesu­rable.

Ces considérations expliquent pour une bonne part, au moins dans la presse française pauvre de place et d'argent, la quasi-disparition des grandes chroniques de langue des périodes fastes. Certes, les grands chroniqueurs avaient aussi disparu. Mais ils eussent trouvé des successeurs si les condi­tions s'y étaient encore prêtées.

On y ajoutera comme important le fossé qui sépare présentement la linguistique arborescente de la philologie simplette de nos pères. Quel lin­guiste, chevronné ou débutant (ceux-ci surtout), accepterait aujourd'hui de se commettre dans un journal avec les détails, minuties et vétilles de la norme? Et cependant, c'est bien de cela qu'il s'agit dans une chronique qui, quel qu'en soit le titre, n'est pas de langue mais de langage, et de ce qui dans le langage intéresse les nombreux et non les doctes: un savoir pratique et plaisant


LA NORME LINGUISTIQUE

Reste qu'une chronique du langage écrite et documentée comme doit l'être un bon article, et non comme un pensum de pédant, trouvera long­temps encore un public assez nombreux et assez fidèle pour allécher un directeur de journal. J'ai de bonnes raisons statistiques de croire que l'inté­rêt suscité par les « questions de langage » est aujourd'hui au moins égal à celui qu'elles suscitaient voici un demi-siècle; et sans doute beaucoup plus grand en qualité. Ces raisons, on l'aura deviné, sont dans la quantité et la variété du courrier que reçoit bon an mal an, de partout, le signataire de ces lignes.

Je n'en dirais rien, par discrétion, si une sur deux de ces lettres ne tra­duisait ou trahissait, précisément, une réaction à la norme. Même s'ils feignent de ne pas en avoir cure et à l'occasion d'en rire, c'est par rapport à elle ou au sentiment que l'on a d'elle que se situent et le chroniqueur et ses lecteurs, de la même façon que la critique littéraire se situe par rapport à la norme de la littérature.

Comment, dans cette optique, analyser brièvement le contenu en quelque sorte « standard » des chroniques de langage?

II - La grammaire

J'ai choisi de le faire en prenant pour corpus la centaine de chroniques données chaque semaine des années 1933 et 1934, au journal Le Temps, par un « Lancelot » qui était apertement l'académicien Abel Hermant'.

Ce choix demande à être expliqué en quelques lignes. 1 l'est d'abord par des raisons matérielles. Peu de chroniques ont été recueillies en volumes accessibles. Les plus significatives sont celles de Lancelot dans Le Temps, et celles de Marcel Cohen dans L'Humanité, en y ajoutant si l'on veut un premier volume des chroniques du Monde pour la période contemporaine.

Par la sûreté et l'ampleur de l'information, l'intelligence de la langue, le souci pédagogique, les « Regards sur la langue française » de Marcel Cohen (de 1950 à 1970 environ, mais à intervalles assez irréguliers) sont des modèles du genre, de loin supérieures à celles de Lancelot Mais précisément, le « genre » du véritable linguiste et de l'humaniste moderne que fut Marcel Cohen ne nous serait pas d'un grand secours ici. Les détails et l'idéologie de la « norme » y sont, soit délibérément ignorés, soit tournés un peu en ridi­cule, la vraie norme étant pour l'auteur celle du développement en quelque sorte organique de la langue.

Au contraire, les chroniques de Lancelot dans Le Temps nous apparais­sent aujourd'hui comme une caricature du genre normatif. Mais les traits

1. Chroniques de Lancelok du « TEMPS », par Abel Hennant de l'Académie fran (Sur-titre) Défense de la langue française, 580 p., Larousse éditeur, Paris, 1935.

LES CHRONIQUES DE LANGAGE



de la caricature se retrouvent, plus ou moins estompés ou appuyés, dans toutes les chroniques de langage du grand demi-siècle 1922-1982.

Les raisons méthodologiques s'ajoutaient donc aux motifs matériels pour nous faire adopter ce corpus. Nous en avons dépouillé systématiquement les cent chroniques, en faisant appel occasionnellement à des éléments des

« Remarques pour la défense de la langue française » du même auteur (notées R), de 1929.



L'étude de ces textes en couvrira successivement les notations de phonétique, de morphosyntaxe et de syntaxe, enfin de lexique.

1. Phonétique. Peu d'indications. La prononciation ne devient un objet normatif que plus tard, avec la généralisation de l'écoute des radios et de la télévision. Cependant, dès 1933, une lectrice (des chroniques)

« invite (Lancelot) à surveiller la T.S.F. dont elle dénonce les incongruités » de prononciation. Le chroniqueur lui-même proteste vigoureusement contre l'horrible cinque francs, pour « cin » francs.



Les liaisons: dénonciations et protestations répétées du chroniqueur contre « l'abus des liaisons inutiles (qui) est le fait de primaires qui veulent montrer qu'ils savent l'orthographe » (p. 60).

En l'espèce, deux normes s'opposent nettement: celle de l'école primaire et celle de la bonne compagnie. Pour la première, comme l'a bien vu le chroniqueur, les liaisons sont une orthographe de la prononciation. Pour la seconde, les deux systèmes sont indépendants. Sont de mauvais usage les liaisons « d'instituteur », c'est-à-dire celles qui sont provoquées plus ou moins consciemment par la dictée scolaire. Le système actuel (on ne peut guère parler de « nonne » des liaisons) est un compromis au coup par coup entre ces deux normes: celle des « invités » de la radio et de la télévision étant plutôt « mondaine », et celle des journalistes plutôt « primaire ».

2. Le genre. Celui des noms de bateaux donne lieu à une très vive querelle: le ou la Bretagne? le ou la Jeanne-d'Arc? Le chroniqueur, appuyé dit-il sur la tradition des gens de mer, tient ferme pour « le bon sens » contre la généralisation du masculin, en fait du genre non marqué: la Bretagne, la France, la Normandie, ont pris la mer hier. Mais il reconnaît à cette occasion « les difficultés que l'on éprouve à corriger les mauvaises habitudes du langage, précisément quand elles sont contraires au bon sens ».

Traduisons: les difficultés qu'éprouve le chroniqueur normatif ou norma­lisant à résister à la pression de r usage et à faire prévaloir « le bon sens », vertu bourgeoise par excellence, sur « le sens de la langue ».

La querelle du genre des noms de bateaux s'est rallumée dans les chroniques avec les noms propres d'avions: la ou le Caravelle, mais toujours le Concorde. Les pouvoirs publics ont opté à deux reprises (1934 et 1955) pour la variabilité; l'usage, en particulier celui de la presse, pour (invaria­bilité. La question reste une tarte à la crème du chroniqueur en mal de sujet.


LA NORME LINGUISTIQUE

Quand l'incertitude tient à la nouveauté du mot, Lancelot s'en rapporte à l'étymologie pour fixer le genre. Ainsi celui d'aéronef, « qui doit de toute nécessité appartenir au même genre que nef, c'est-à-dire au féminin » (R., p. 52). L'auteur reviendra pas moins de trois fois en trois ans sur le même sujet; car l'usage non seulement résiste au féminin étymologique, mais s'im­pose à ... l'Académie, dont Lancelot est pourtant un sociétaire éminent.

A la remarque que lui en fait un lecteur, il répond: « Je regrette que l'Académie ait officiellement consacré un usage qui me semble vicieux, mais je ne change point pour cela d'opinion » (p. 161). Nous reviendrons sur cette idée que se fait le chroniqueur d'une norme qui serait, dans le besoin, extérieure et supérieure à celle même de l'Académie.

Le nombre des substantifs n'appelle de remarque intéressante que s'agissant des pluriels en -ums ou -a de mots empruntés au latin. La norme préconisée par Lancelot est « d'appliquer rigoureusement à ces mots latins en um la règle des mots français: des albums, des pensums, etc. [... ] On dit communément, et je crois qu'on a tort de dire: un erratum, des errata ».,

Mais « les personnes qui savent ou qui feignent de savoir le latin [... 1 articulent complaisamment: des sanatoria. Elles en ont plein la bouche. C'est ridicule » (p. 66-67).

Ici de nouveau, la norme de la bonne compagnie (qui évidemment sait trop bien son latin pour étaler ce savoir) s'oppose à une norme scolaire (du « secondaire » cette fois). Seule exception admise: un maximum, des maxima (et minimum/minima), parce que « les savants en ont pris I' ha­bitude ». Mais « la température maximum, minimum ».

La question, on le sait, figure toujours en bonne place dans l'arsenal des chroniqueurs de langage; et d'ailleurs, dans les hésitations de l'usage et des dictionnaires, qui n'ont pas encore décidé, cinquante ans après la remarque de Lancelot, entre un erratum/des erratums, un erratum/des errata, un errata/des erratas, etc.; c'est-à-dire en fait entre aucune des com­binaisons théoriquement possibles!

3. La syntaxe, ou plutôt la morphosyntaxe. Elle se ramène à un ressassement des « difficultés » traditionnelles, qui sont précisément les cas où un usage suranné ou précieux, en tout cas littéraire, n'est pas explica­ble par la syntaxe simple de l'oral Ainsi:

- « La locution vicieuse ce n'est pas rien [... ] signifie en effet ce n'est pas quelque chose, ou mieux, n'a point de signification claire et distincte » (sic! R, p. 32). Ici encore, recours à Pétymologie connue (mais mal perçue) des latinistes: rien, c'était (et par conséquent, dans une langue fossilisée, c'est encore) le latin rem, « quelque chose ».

--Le chroniqueur revient à maintes reprises sur « l'ignoble il n'y a pas que lui ... », sans qu'il soit possible ou du moins facile de démêler aujour­d'hui ce que la construction pouvait bien avoir de si exaspérant pour un puriste.

LES CHRONIQUES DE LANGAGE



-Avant qu'il vienne, ou avant qu'il ne vienne? Encore une bonne ressource de chroniqueur! Celui-ci ne se prononce guère, et pressent la nuance, qui est peut-être aussi la solution: « ll faudrait dire avant que je demande la communication [N.B., téléphonique, aux demoiselles du télé­phones célébrées par Marcel Proust. Nous sommes en 1928], et avant que je ne l'obtienne, vu que le second est plus douteux que le premier » (R, p. 80).

Mais il n'en fait visiblement pas une affaire.

-Autre mouture: la différence de construction et de sens entre rien moins que et rien de moins que. Cinq « revenons-y » en deux ans! La norme à imposer aux lecteurs (qui en redemandent, du reste) est double: il ne faut

pas hésiter à employer ces expressions, mais les employer dans leur sens exact.

L'instinct de langue dirait plutôt: le sens exact de ces expressions étant absolument obscurci par les grammairiens, il ne faut plus les employer.

- Le problème posé par: Hélène est sortie avec sa soeur et son mari (le mari de laquelle?) est abordé comme 91 se doit par l'aveu que l'anglais (his1her) offre une « commodité » qui manque au français.

4. Les accords du verbe. La défense de l'accord marotique (« Les poires que j'ai mangées ... ») est absolue et inconditionnelle. L'arrêté de 1901 qui tolérait l'invariabilité (et qui avait été pris par le ministre de l'Instruc­

tion Publique sans l'accord de l'Académie!), n'est rappelé qu'avec des con­sidérations ignominieuses.



Les accords d'étant donné (ou donnée, ou donnés, etc. ), et de ci-joint ou ci-jointe, braves « chevaux de retour » des chroniques de langage comme le dit Lancelot lui-même! sont traités comme si la question ne se posait même pas: « C'est une faute incontestable, évidente, de laisser donné invariable. Épargnez-moi, je vous prie, l'objection qu'elle est courante: ce n'est pas ce qui l'empêche d'être une faute. Il y a aussi beaucoup de gens, une majorité (la majorité a toujours tort), qui disent: Je pars à la campagne » (p. 333).

Quant à « la prétendue règle de l'invariabilité » [effectivement donnée par les grammaires dès le XIXe siècle], « elle est insensée [... ] C'est une de ces inventions de grammairiens dont il n'y a pas à tenir compte » (p. 341).

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