404 la norme linguistique l'occultation du caractère maternel de la langue nationale


Cf., p. ex, Le Cornec (1981). 1 est clair que nous n'attachons aucune connotation péjorative à ce type d'activité langagière



Yüklə 2,93 Mb.
səhifə24/39
tarix26.10.2017
ölçüsü2,93 Mb.
#15106
1   ...   20   21   22   23   24   25   26   27   ...   39

1. Cf., p. ex, Le Cornec (1981). 1 est clair que nous n'attachons aucune connotation péjorative à ce type d'activité langagière.


IA NORME LINGUISTIQUE

linguistique plus ou moins idéalisé de locuteurs individuels. Dans le domaine du français, la plupart des travaux à orientation structuraliste ont porté sur des témoins représentant les mêmes couches sociales qui avaient fait l'objet des études linguistiques antérieures, en l'occurrence la bourgeoisie parisienne cultivée. Sous l'impulsion de la sociolinguistique nord-américaine, les descriptions du français ont pris une orientation plus empirique. D'une part, elles ont mieux réussi que les descriptions structuralistes à capter la variabilité du comportement linguistique des témoins interrogés; d'autre part, elles ont élargi le choix de variétés de langue étudiées pour inclure les parlers extra-hexagonaux (Québec, en particulier) et les couches socio­culturelles défavorisées'. Au delà des seuls facteurs systémiques internes (la langue), la sociolinguistique vise à faire entrer dans le cadre d'une description systématique les facteurs liés à la situation d'énonciation, c'est-à-dire prédire qui parle de quoi, à qui, quand, pour quoi faire, pour ne mentionner que certains de ces facteurs. Ce type d'étude fait ressortir les traits variables masqués par les descriptions statiques des approches structuralistes et démontre que, dès qu'il est soumis aux contraintes énon­ciatives, tout locuteur s'éloigne, consciemment ainsi qu'à son insu, du chemin tracé par la norme.

On peut caractériser le développement de la francophonie par la superposition d'une parlure' particulière - celle de la bourgeoisie parisienne cultivée - sur les autres variétés issues comme elle du fonds gallo-roman (il). Dans un premier temps, cette parlure s'étendit dans les zones péri­phériques de tradition française d'Europe (Belgique, Suisse romande, val d'Aoste), puis dans les territoires d'outre-mer où avaient été transplantés des parlers régionaux-' lors de la première expansion coloniale française (Acadie, Canada, Louisiane, Antilles, Mascareignes). Dans un deuxième temps, cette parlure s'implanta dans des régions non romanophones où le français avait pris pied comme langue administrative (Maghreb, Afrique noire, Madagascar, Indochine, etc.). La suprématie du français standard hexagonal se maintint jusqu'à la deuxième moitié de notre siècle. Au Québec par exemple, l'idéologie du « rattrapage » industriel et culturel qui sévit entre 1945 et 1960 s'accompagna d'une recrudescence du purisme et de l'idéalisation du français de France dont l'envers fut le mépris des variétés locales symbolisé par l'emploi du terme joual pour désigner celles d'entre

2.

3.

4.

Toutefois, il faudrait faire état des recherches entreprises par A. Martinet (1945) et ses disciples (Reichstein, 1960; Deyhime, 1967-68). Malgré certaines faiblesses méthodolo­giques que nous avons signalées ailleurs (Valdman, 1974), ces chercheurs fonctionnalistes ont révélé de nombreuses déviances par rapport à la norme orthoépique de la part de toutes catégories de Français, y compris la bourgeoisie parisienne cultivée.

Nous employons la terminologie de Damourette et Pchon (1927: 50) selon laquelle le terme panure dénote le parler d'une classe sociale particulière (sociolecte) et le terme usance celui d'une région (dialecte).

Outre l'influence de parlers oil régionaux (angevin, normand, poitevin, etc.) les variétés de français d'outre-mer actuelles reflètent une sorte de kolnê populaire qui se serait formée lors de la fondation des colonies (Hull, 1974, 1979; Valdman, 1979).


NORMES LOCALES ET FRANCOPHONIE

elles en usage dans les couches sociales inférieures (Corbeil, 1976). Mais à partir de 1970 se développa l'idéologie du « dépassement » qui se marqua sur le plan linguistique par la revalorisation des variétés québécoises du français. L'un des aspects de cette revalorisation fut l'emploi par certains auteurs des variétés les plus stigmatisées recouvertes par la désignation de joual (Bélanger, 1972).

L'avènement de l'idéologie du dépassement correspond à la participation active de spécialistes québécois au lancement d'organismes se situant dans la mouvance de la francophonie: l'AUPELF (l'Association des universités partiellement ou entièrement de langue française), 1961; l'AIPELF (l'Asso­ciation internationale des parlementaires de langue française), 1967; l'ACCT (l'Agence de coopération culturelle et technique), 1970. Fait notoire, ces trois organismes, dont l'un des objets, explicite ou implicite, est le maintien et la diffusion du français, naquirent hors de France, à Montréal, Luxembourg et Niamey, respectivement La direction du premier-né de ces organismes - et celui qui a connu le plus grand rayonnement - incomba à un Qué­bécois, Jean-Marc Léger. Avec la création de l'Office de la langue française le Québec assuma un rôle important, sinon prépondérant, dans l'amé­nagement linguistique du français, en particulier dans le domaine de la planification terminologique. Arrivé au pouvoir, le Parti Québécois instaura une politique culturelle plus active dont l'une des manifestations sur le plan de la politique extérieure fut, par exemple, de prendre le relais des efforts français pour la diffusion de la langue commune aux États-Unis. Le ministère des Affaires intergouvernementales octroie des bourses aux étudiants amé­ricains désireux de parfaire leur pratique du français dans la Belle Province plutôt que dans l' Hexagone. Il encourage la création de programmes d'études québécoises et il participe, avec la France et la Belgique, au programme CODOFIL pour l'enseignement et la revitalisation du français en Louisiane. Inévitablement, cette participation active à la diffusion du français va de pair avec l'exportation de variétés québécoises et la concurrence entre celles-ci et le français standard.

Jusqu'à présent, les revendications linguistiques des groupes ethniques minoritaires n'ont pas déteint sur leur attitude envers la langue nationale. Les efforts des militants portent principalement sur la généralisation de l'enseignement des langues minoritaires et sur un accroissement de leur emploi par les médiass. Toutefois, certains militants régionalistes tels que

5.

6.

Le programme du CODOFIL (Conseil pour le développement du français en Louisiane) fait appel à des enseignants fournis par ces trois entités politiques francophones. Les coopérants québécois, par leur meilleure connaissance du milieu nord-américain et, sans doute, par les similitudes entre leurs parlers et les variétés vernaculaires de leurs hôtes, semblent connaître un plus grand succès auprès des populations locales.

L'enseignement de la plupart des langues minoritaires (à l'exception du néerlandais et du créole) est admis selon les dispositions de la loi Defxonne promulguée en 1956. Cette loi autorise l'introduction des langues minoritaires à raison d'une heure par semaine au niveau primaire et admet l'option langue régionale au baccalauréat

LA NORME LINGUISTIQUE



Robert Lafont (1973) affirment que la reconquête de la dignité linguistique des groupes minoritaires de l'Hexagone passe par la valorisation de l'accent local. Ce fervent occitaniste s'élève contre les stéréotypes péjoratifs que suscitent les traits marquants du français des Méridionaux et l'exploitation qui en est faite par certains écrivains et par les médias.

Nombreux sont les hommes de lettres, enseignants, commentateurs de la scène sociale et politique française et autres honnêtes gens qui déplorent la baisse de la qualité du français en usage dans les écoles, collèges, lycées et universités du pays. Ce sentiment semble refléter des différences réelles entre le français parlé et écrit de la génération écolière et estudiantine actuelle et celles qui font précédée. D'où proviennent ces différences? II nous semble qu'elles procèdent de deux sources. Premièrement, la démo­cratisation des enseignements secondaire et supérieur a fait parvenir à ces niveaux des jeunes qui n'ont pas acquis, dans le milieu familial, une variété de langue se rapprochant de la norme traditionnelle. Les rédactions de ces jeunes Français issus des classes paysannes et ouvrières et de la petite bourgeoisie ne peuvent que refléter les traits déviants profondément enra­cinés ainsi que les hypercorrections provenant d'une insécurité linguistique profonde. Deuxièmement, dans l'enseignement du français langue maternelle à l'école et au collège, une place grandissante est faite à des procédures pédagogiques qui privilégient r expression naturelle. Elles encouragent les enfants et les adolescents à s'exprimer plus librement et à écrire comme ils parient --- ou comme ils K causent ». Ainsi, les productions orales et écrites tendent à contenir des traits linguistiques caractéristiques du langage en situation: phrases incomplètes, emploi d'enchaîneurs et d'éléments transi­tionnels au lieu de formes morphologiques, etc. (Mouchon et Fillol, 1980). U en résulte des échantillons langagiers qui déroutent ceux pour qui la responsabilité de faire acquérir dès le début la norme traditionnelle incombe à l'École.

Il ressort des précédentes considérations que le temps est révolu où la référence au parler soutenu de la bourgeoisie cultivée de la région parisienne faisait l'unanimité tant en France qu'au delà de ses frontières. Mais avant d'explorer la possibilité de l'élaboration de normes locales du français, il convient de revenir en amère et d'éclaircir la notion de FS (français standard) ou de bon usage elle-même. Ainsi, dans la première partie de notre article, nous confronterons cette notion aux données empiriques. Plus particulière­ment, nous opposerons la notion de FS à la notion antinomique de français populaire (FP) et nous tenterons de démontrer qu'en fait ces deux termes recouvrent l'abstraction arbitraire de deux variétés de langue idéalisées se situant aux extrémités opposées d'un continuum de variation continue.

Dans la deuxième partie de l'article, nous passerons en revue les diverses définitions du terme français régional. Nous soulignerons qu'il est d'usage d'imposer une discontinuité là où l'observation du comportement langagier en situation ne révèle qu'une chaîne de variation continue. Comme c'est te cas pour le FS et le FP, les deux pôles de cette discontinuité reposent


NORMES LOCALES ET FRANCOPHONIE

sur une différenciation sociale, bien que le membre dévalorisé de l'opposition connote une origine rurale ainsi qu'un statut social inférieur. Dans le corps principal de notre étude, nous examinerons les traits linguistiques et socio­linguistiques des variétés régionales dans trois types de communautés dites « francophones »: les régions de tradition française où l'idiome sert de vernaculaire et a le statut de langue officielle dominante; les régions où le français fonctionne principalement comme langue officielle; les régions où le français, langue vernaculaire, se trouve en situation de diglossie face à une langue dominante.

2. Français standard et français populaire

2.1 L'idéalisation du français standard

Nous avons vu que la notion de FS ne repose sur aucun corpus de données empiriques. 1 est paradoxal que nous disposions de monographies décrivant le français parlé dans plusieurs zones excentriques de l'aire franco­phone d'Europe -- par exemple, A. Brun (1931) pour Marseille, J. Séguy (1950) pour Toulouse - mais aucune sur le parler de la bourgeoisie cultivée parisienne. Bien sûr, il existe une masse d'ouvrages traitant de ce parler car la plupart des descriptions du français s'y rapportent. Mais, à l'exception des travaux précédemment cités de Martinet, Reichstein et Deyhime, nous n'avons pas eu connaissance d'études globales portant sur le parler de tel ou tel membre de la strate socioculturelle dont le comportement langagier est censé servir de cible aux francophones du monde entier et aux allo­glottes désireux d'acquérir le maniement de la variété la plus prestigieuse de français. Malgré les prétentions à l'objectivité de leurs auteurs, les descriptions du soi-disant FS dont nous disposons ne reposent sur aucun corpus nettement délimité. Sans nier que ces travaux reflètent le comporte­ment langagier effectif de la bourgeoisie cultivée parisienne, on ne peut exclure l'influence de considérations normatives. Ils n'ont que la valeur empirique relative des témoignages anecdotiques et des observations intuitives.

Force nous est donc d'admettre que, malgré les trois siècles qui nous séparent des Remarques sur la langue française, utiles à ceux qui veulent bien parler et bien écrire de Vaugelas (1647), ce que l'on dénomme FS demeure une abstraction, un idéal. En effet, le parier que Vaugelas donnait

7. Signalons toutefois quelques contributions à l'étude de ce parier limitées à quelques traits phonologiques particuliers: Mettas, 1970; Malécot, 1972. U faudrait aussi faire état du Dictionnaire de la prononciation du français dans son usage réel de A. Martinet et H. Walter. Les auteurs livrent le résultat d'une enquête phonologique auprès de 17 témoins appar­tenant à la bourgeoisie cultivée nés à Paris ou y ayant passé leurs années formatrices. Les témoins devaient indiquer leur prononciation d'une liste de mots à prononciation variable tels que lait, zone, but, etc.

L4 NORME LINGUISTIQUE



en exemple constituait « la façon de parler de la plus saine partie de la Cour, conformément à la façon d'écrire de la plus saine partie des auteurs du temps ». La définition du FS d'aujourd'hui, qu'offre le linguiste belge J. Hanse, président du Conseil international de la langue française (CILF), diffère peu de celle de son illustre prédécesseur (1949):

« l. . .] le français parlé par l'homme instruit et cultivé, le français écrit par les bons auteurs modernes .... par ceux qui ont prouvé leur connaissance de la langue et de ses finesses, mais aussi leur amour de la clarté et leur conscience de la valeur sociale du langage, et enfin le français défini par tes meilleurs grammairiens. »

II n'est nullement dans notre intention de porter un jugement dépréciatif sur ces deux définitions, au contraire. Nous tenons simplement à souligner le caractère fictif du terme de Français Standard. Il ne recouvrait aucune réalité empirique et ne pourrait être décrit par des enquêtes empiriques, aussi bien menées et rigoureusement planifiées fussent-elles. Tout au plus ces enquêtes pourraient-elles démontrer que le parler de telle ou telle strate sociale ou de tel ou tel locuteur se rapproche davantage de cette fiction que le parler de toute autre strate sociale ou tout autre locuteur individuel. Le FS est donc une norme idéale, une norme construite, ce qui, d'ailleurs, est le propre de toute nomme.

2.2 Le français populaire: l'évolution d'une notion

Il est d'usage d'opposer à la notion de FS celle de FP. Cette distinction s'accorde d'ailleurs avec la polarisation qu'imposent généralement les socio­linguistes à tout continuum linguistique. Ainsi, Peiïalosa (1981) déclare qu'une lecture de la plupart des études sociolinguistiques autorise à démarquer nettement le comportement des classes moyennes de celui des classes laborieuses:

« Perhaps one central idea that emerges out of all the sociolinguistic studies relating social class to language usage is that there is a noticeable and socially marked distinction between middle dans and non-middle class (that is, "lowee' or "working" class) speech in a number of societies. »



Le terme de FP recouvrirait-il donc le parler des masses urbaines de l'Hexagone et refléterait-il des faits linguistiques observables aujourd'hui auprès de témoins issus de cette classe sociale? Nous verrons qu'il n'en est rien et que ce terme, comme celui de FS, est chargé de connotations idéologiques.

Nous devons la première étude sérieuse du parler en usage dans le prolétariat parisien à Ch. Nisard (1872). Cet auteur oppose le FP aux patois. Pour lui, ces derniers possèdent une dignité et une homogénéité qu'il nie aux parlers des masses urbaines. En fait, le FP n'est que le vestige dénaturé d'un parler authentique provenant de la population rurale du bassin parisien:

« C'est unpatois mort et il n'a pas la sottise de revendiquer une chaire où on l'enseigne, il mérite au moins ce degré d'attention que les anatomistes scrupuleux ne font pas difficulté d'accorder aux produits anormaux de la "création". »

NORMES LOCALES ET FRANCOPHONIE



Survivance maladive d'un parler campagnard le FP ne possède pas de fonds lexical propre. Tandis qu'une langue de culture comme le français standard « emprunte » à d'autres idiomes, le parler de la plèbe fruste et hargneuse se les approprie chez autrui illégalement:

« Tantôt, il garde tels qu'ils sont les mots qu'il dérobe (aux langues étrangères), tantôt il les dénature comme il fait aussi des mots français, mais ceux-ci plus brutalement à la manière des voleurs qui dénaturent les objets qu'ils se sont appropriés. La cause en est l'organe vocal du peuple de Paris, tour à tour empàté et élastique, brusque et traînard, fin et grossier. »

Un outil linguistique ne peut se forger de cette manière et Nisard conclut que le parler du bon peuple de Paris n'est qu'un ensemble hétérogène auquel même la désignation de patois ferait trop honneur:

« Ce langage, que j'appelle patois, pour être bref, ne mérite guère ce nom, pris surtout dans le sens de dialecte; il n'en a ni l'unité, ni l'originalité, ni les règles; c'est une marquetterie où les diverses pièces qui le composent sont si pressées qu'on ne distingue pas toujours le fond sur lequel elles sont ajustées. »

Pourquoi ces jugements si sévères du chercheur envers l'objet de son étude? Il ne faut pas oublier que seulement deux ans séparent la publication des Études sur le parler populaire de Paris et de sa banlieue de la révolte communarde. En 1872 le prolétariat effraie encore et quel meilleur moyen de rabaisser les masses urbaines que de dénigrer leur moyen de communi­cation et d'expression? Mais un siècle plus tard le parler du peuple sera réhabilité par la linguistique. En 1929 le linguiste genèvois H. Frei, après l'examen d'un corpus composé de la correspondance entre des prisonniers de guerre français internés dans les camps allemands et leur famille, conclut que ce qui avait paru hétérogène et dysfonctionnel dans le parler populaire n'était que l'adaptation du français à de nouvelles fonctions langagières:

« La faute, qui a passé jusqu'à présent pour un phénomène quasi patholo­gique, sert à prévenir et à réparer les déficits du langage correct »



Cette vision du FP comme source de la régénération de la langue nationale est reprise par P. Guiraud (1965). Ce dernier y voit la manifestation des tendances profondes de la langue contrecarrées par les interventions malencontreuses des grammariens et l'influence latinisante des puristes:

« Entre le français populaire et le français cultivé, il y a la distance de la Nature à l'Art, mais on évitera pour l'instant 'attacher à cette opposition un jugement de valeur [... ] La différence tient au fait que le français cultivé se définit par des règles tirées d'une réflexion sur !'idiome et de l'expérience d'une tradition, alors que le français du peuple n'est soumis qu'aux lois naturelles qui gouver­nent tout système de signes. »

Toutefois, Guiraud note qu'outre les traits résultant de l'opération des lois profondes de la langue, le FP contient des hypercorrections provenant de (imitation défectueuse de constructions du FS. C'est ainsi qu'il faut interpréter les formes interrogatives pléonastiques comme Où que c'est que tu vas?, Où c'est-loi que tu vas?, Où que tu vas? représentant l'interaction entre Où tu vas?, Où est-ce que tu vas? et Où vas-tu?.

67$ LA NORME LINGUISTIQUE



Dans une contribution plus récente (Guiraud, 1969), l'éminent lexico­logue rectifie l'image un peu simpliste de « bon sauvage » linguistique qui émane de son ouvrage Le Français populaire. Historiquement, ce que l'on dénomme FP tire en effet son origine du parler des masses ouvrières et pay­sannes de l'aire oil et résulte de l'opération des lois qui déterminent tout système linguistique8. Mais les brassages sociaux du vingtième siècle ont brouillé la ligne de démarcation entre le FS et le FP. Ce dernier constitue aujourd'hui la version relâchée de la langue et il s'étend à l'ensemble de la communauté linguistique hexagonale. Il se montre plus variable que l'usage normé puisqu'il est plus perméable aux influences locales et accepte plus volontiers les déviations. D donne une plus grande importance à la fonc­tion expressive du langage que son congénère plus châtié et privilégie la forme locutive aux dépens de la forme prédicative. L'attitude de P. Guiraud envers les deux rejetons de l'ancien parler oil peut paraître ambivalente. D'une part, il déclare que le FS (pour lui, le français cultivé) « a sur le fran­çais naturel toutes les supériorités d'une culture: finesse, harmonie, préci­sion, richesse de l'expression, etc. » D'autre part, il souligne la légitimité du français « naturel » en tant qu'idiome de plein droit, ce qui implique qu'il dispose « de toutes les formes nécessaires et des plus adéquates par leur précision, leur force, leur expressivité, etc. »

Cette attitude finement nuancée envers le parler des couches sociales inférieures sera abandonnée par certains linguistes et spécialistes de l'en­seignement du français langue seconde et étrangère. Ainsi, C. Stourdzé (1969) confond sociolecte et type de discours. Elle retient de l'image qu'en donne Guiraud l'aspect naturel du FP et son origine dans une strate socio­culturelle particulière (« en gros [. . .] les Français qui n'ont pas fait d'études secondaires ») mais elle lui nie toute systématicité et homogénéité:

« [... ] une langue populaire [... ] dans [laquelle] formes et constructions grammaticales ne semblent obéir à aucune norme: il suffit que l'interlocuteur paraisse avoir compris le message. »



De toute évidence cette définition néglige de tenir compte du fait que tout parler en situation est soumis aux contingences de l'énonciation. Le FS capté en situation se fond-il en un continuum unique avec le FP? C'est la conclusion à laquelle semble aboutir T. Bonin (1978) dans un ouvrage sur les implications pédagogiques de la distinction entre français soutenu et français familier ou relâché (colloquial French). Elle perçoit le FS de style familier comme la forme du FP passée par le crible de la tradition puriste inculquée par l'École. Mais ce vernis superficiel ne résiste guère aux contin­gences de l'énonciation:

« As a result of the relative degree of familiarity, shared knowledge and free­dom to express one's emotions in a spontaneous, unedited foret which are implied by the use of the colloquial style, there is a deterioration of the syntax and a correspondingly heavy reliance on suprasegmental features » (1978: 96).



8. Pour !-f. Bouche (1929), le français populaire constitue un véritable sociolecte:

. Le langage populaire est l'idiome parlé couramment et naturellement dans le peuple, Idiome que l'homme du peuple tient de ses père et mère et q%i 1 entend chaque jour sur les lèvres de ses semblables. »


Yüklə 2,93 Mb.

Dostları ilə paylaş:
1   ...   20   21   22   23   24   25   26   27   ...   39




Verilənlər bazası müəlliflik hüququ ilə müdafiə olunur ©muhaz.org 2024
rəhbərliyinə müraciət

gir | qeydiyyatdan keç
    Ana səhifə


yükləyin