404 la norme linguistique l'occultation du caractère maternel de la langue nationale



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404 LA NORME LINGUISTIQUE

L'occultation du caractère maternel de la langue nationale

La seconde occultation qui alimente la situation conflictuelle entre la langue de l'État et l'état de la langue réside à mon sens dans l'altération du caractère maternel propre au parler ordinaire. La cause est imputable, dirais-je, aux équivoques qui gravitent autour du concept de langue nationale.

L'oralité et la textualité

Fait notable, l'État et le citoyen revendiquent tous deux la langue française comme langue nationale, en France comme au Québec. Produit des aspirations tant individuelles que collectives, la langue nationale est donc ce puissant facteur d'identification nécessaire, selon Fishman (1971: 32), à la mobilisation des populations qui ne sont pas encore sensibilisées au projet national.

Pour un francophone, la réalité du français national incorpore à la fois l'idée de la langue maternelle et celle de langue légitime. C'est un trait particulier de l'idéologie française (et québécoise) que de ne pas dissocier chez l'individu le locuteur natif du citoyen actifs. Cette identification na­tionaliste a pour corollaire une superposition déformatrice: le français maternel, d'où est issu le parler ordinaire de l'adulte, ne fait qu'un avec le français national du citoyen, dont fait évidemment partie la langue de l'État Or, les formes et les pratiques linguistiques qui relèvent de l'un et de l'autre ne sont pas les mêmes, on l'a vu. D'où un conflit possible chez celui qui n'a pas objectivé l'occultation dont il est victime.

Ce qui confère à la langue son caractère proprement maternel, c'est l'oralité. En revanche, ce qui confère à la langue nationale son caractère proprement légitime, c'est la textualité. Or, l'oralité n'est pas uniquement restreinte au parler ordinaire pas plus que la textualité ne l'est à l'usage légitime. Leurs domaines respectifs se chevauchent

Ainsi, les personnes morales que sont quand même, vis-à-vis du public, les Vigneault les Leclerc, les Brassens ou les Brel sont plus écoutées que lues. Leur poésie, qui se démarque sensiblement du parler ordinaire, incarne davantage aux yeux du francophone la réalité de la langue nationale que ne le fait un beau discours politique.

Il s'ensuit que l'introduction dans la langue nationale de formes et de pratiques linguistiques ressenties a priori comme étrangères au parler ordi­naire n'est viable que dans la mesure où elles recourent à l'oralité de la langue pour se véhiculer. La langue poétique de nos chansonniers illustre pour nombre d'usagers la version la plus pure de la langue nationale des Québécois parce qu'elle est oralisée par le chant, ce qui suffit à préserver le caractère maternel du parler ordinaire.

9. Pour une analyse de l'idéologie québécoise de la langue, voir Corbeil (1975).

LA LANGUE DE L'ÉTAT-L'ÉTAT DE LA LANGUE



L'inverse se rencontre aussi. Les formes et les pratiques identifiées comme étrangères à l'usage légitime, par ex. les sacres, les argotismes, les barbarismes, etc., ne peuvent participer à la définition de la langue nationale que dans la mesure où elles recourent à la textualité. Telle me semble être, par exemple, la portée du français d'un Claude Jasmin ou d'un Michel Tremblay pour la langue nationale des Québécois, d'un Ferdinand Céline ou d'un Raymond Queneau pour la langue nationale des Français. Le joual des premiers ou l'argot des seconds est « national » parce que la textualité confère à cet usage de la langue la légitimité qui lui fait défaut à l'oralité.

La langue nationale se situe donc, à mon avis, à l'exacte intersection de la langue maternelle et de la langue légitime. Cela revient à dire, en fin de compte, à l'intersection de l'état de la langue et de la langue de l'État Elle associe sans les confondre, malgré une frange toute en équivoque, le parler ordinaire et la langue légitime et ce, grâce à une double récupération qui tient à la fois de l'oralité et de la textualité.

Aspects de la phénoménologie de la langue française

Passons maintenant à l'examen des manifestations qui me paraissent trahir la situation de conflit qui se greffe au point d'intersection de ces deux réalités que sont la langue de l'État et l'état de la langue.

Du point de vue du linguiste, les plus intéressantes se situent naturel­lement sur le plan soit des formes soit du fonctionnement propres à la langue française. La perspective globaliste à laquelle je m'en tiens ici permet de repérer un certain nombre de phénomènes agissant sur des objets diffé­rents selon une dialectique apparentée à celle des organismes vivants. Il y a donc une sorte de phénoménologie de la langue résultant des puis­sances téléonomiques fondamentales orientées les unes vers la préservation, dans cet organisme, de l'équilibre stable, et les autres vers l'activation de l'équilibre instable.

Cette dualité téléonomique de la langue s'exprime de trois manières différentes compte tenu de l'objet linguistique en cause. Il y a par conséquent:

1. la VARIATION en regard de l'UNIFORMISATION linguistique sur le plan des formes phonétiques, lexicales, morphologiques et syntaxiques de la langue;

2. les TENDANCES grammaticales ou autres en regard des RÈGLES syntaxiques et phonologiques sur le plan des mécanismes de la langue;

3. les ERREURS de langage en regard des ÉCARTS de grammaire sur le plan des processus d'intériorisation de la langue.

LA NORME LINGUISTIQUE



La variation et l'uniformisation linguistiques

De manière générale, un phénomène de variation linguistique carac­térise l'emploi de formes différentes susceptibles de jouer le même rôle dans l'énoncé en tant qu'unité discrète. Par exemple, sur le plan phonétique, l'emploi du R apical favorisé dans l'ouest du Québec et du R dorsal favorisé dans l'est jusqu'à une époque assez récente"'. Ou encore, sur le plan lexical, l'emploi de mots apparemment équivalents en canadien-français tels que « con », « cabochon », « niochon », « niaiseux », « idiot », « nono », « innocent » ou « sans dessein ». Sur le plan syntaxique, la variation se manifeste entre autres par l'emploi du lexème « faque » (ça fait que) (Des­sureault-Dober, 1974) ou celui des différentes structures de l'interrogation telles que: « viendront-ils? », « est-ce qu'ils viendront? », « (y) vont-tu v'nir? ».

La sociolinguistique, on le sait, a fait la preuve que la sélection des formes par le locuteur n'est pas aléatoire. Elle est, règle générale, fonction de la stratification sociale de la communauté linguistique à laquelle ce locu­teur appartient

Quelle est l'incidence du phénomène de la variation linguistique dans notre débat? Elle me paraît évidente. C'est elle qui définit l'état de la langue dans une très large mesure. Dans la variation linguistique réside la motivation des faits de langue, qu'ils soient d'ordre diachronique ou d'ordre synchronique.

La langue de l'État, par contre, résulte d'un phénomène inverse, celui de l'uniformisation linguistique, c'est-à-dire l'emploi de formes standardisées visant à l'unicité fonctionnelle. La norme se présente alors comme le résultat idéal de la téléonomie uniformisatrice.

Nul doute à cet égard que la langue de l'État incarne la formule la plus légitime et, par conséquent, la plus acceptée de la norme linguistique. Le système phonématique, par exemple, s'y restreint exactement aux trente-six sons du français dit universel. Les impératifs de la terminologie tendent à réduire au minimum les propriétés polysémiques, synonymiques et analo­giques du vocabulaire. Les structures syntaxiques deviennent codifiées eu égard à des patrons structuraux qui en excluent toute une variété d'autres comme, par exemple, les structures avec détachement à gauche ou à droite du type: « les personnes à votre charge, elles, sont déductibles de vos impôts si... »; les structures avec répétition d'éléments du type: « c'est très, très, très intéressant, l'abattement sur la plus-value »; ou encore celles du type déictique tel que: « voilà une déduction à laquelle vous avez droit ». On retiendra en définitive que c'est l'uniformisation qui motive les faits de norme dont se nourrit la langue de l'État

10. FL Cedergren s'est penchée sur cette question; les résultats préliminaires de son travail ont été rendus publia lors du congrès NWAVE 1980, Montréal: Université du Québec à Montréal, cf. aussi Sankoff (1981).


LA LANGUE DE I_'ËTAT-L'ÉTAT DE LA LANGUE

Ce sont là, brièvement décrits, deux types de phénomènes qui mani­festent, à mon sens, le conflit que doit intérioriser chaque jour le locuteur­citoyen. Mais que sait-on au juste des stratégies qu'il doit développer pour affronter la dialectique inhérente à cette espèce de téléonomie contraire qu'actualise chaque phénomène de variation et d'uniformisation linguis­tiques? À défaut de réponse, je ne ferai qu'évoquer ce problème en le situant d'une façon empirique.

Les récents travaux de W. Kemp (1979) sur l'emploi, chez les Cana­diens français, d'un certain nombre de formes syntaxiques de relativisation sans antécédent et d'interrogation, directe ou indirecte, ont permis de dégager trois formes principales que ce chercheur a symbolisées, compte tenu d'une vingtaine de variantes phonétiques, par les éléments KES, KOS et SKE. À l'écrit, elles correspondent à « qu'est-ce », « qu'osque » et « ce que ».

D'un point de vue strictement descriptif, ces formes sont parfaitement commutables à l'intérieur des trois structures correspondantes, ce qui donne en théorie" les neuf sous-structures ou variantes syntaxiques suivantes:

(1) RELATIVES: « On a vu { KES, KOS, SKE } tu veux. » a. on a vu qu'est-ce que tu veux.

b. on a vu qu'osque tu veux. c. çjn a vu ce que tu veux.



(2) INTERROGATIVES INDIRECTES: « On sait {KES, KOS, SKE} tu veux. »

a. on sait qu'est-ce que tu veux. b. on sait qu'osque tu veux.

c. on sait ce que tu veux.

(3) INTERROGATIVES DIRECTES: « { KES, KOS, *SKE} tu veux? » a. qu'est-ce que tu veux?

b. qu'osque tu veux? c. *ce que tu veux?



Voilà donc un exemple de libre occurrence de formes linguistiques qui me semble caractériser un aspect important de l'état de la langue des Canadiens français dans la mesure où la variation de ces trois éléments est fondée sur l'oralité.

En réalité, il n'y a que huit variantes qui soient usitées puisque (3c) n'existe pas. Ce « trou » dans le paradigme s'explique par l'incompatibilité de la structure interrogative avec la forme en SKE parallèle à celle qui existe dans: « Qui tu vois? »/« *Que tu vois? ».

Néanmoins, dans la mesure où il existe une autre variante spécifique, la forme en KWA, lexicalisée en KWASE, on obtient avec celle-ci une distribution compensatrice qui donne: i. on a vu quoi c'est que tu veux.

ii. on sait quoi c'est que tu veux. iü. quoi c'est que tu veux?



ü s'ensuit que la commutabilité des formes variables peut être rigoureusement maintenue dans les trois structures concernées.

LA NORME LINGUISTIQUE



Or, le phénomène de variation linguistique ne prend véritablement son sens qu'à partir du moment où le caractère commutable des éléments est corrélé à la dimension sociale de l'usage. C'est l'autre aspect important de l'état de la langue. On observe alors que cette liberté que nous venons d'observer est toute théorique.

En effet, la distribution de ces trois formes et de leurs variantes dans l'usage de la langue n'est pas aléatoire. En supposant que la distinction entre {KES} et {KOS} soit aussi syntaxiquement motivée qu'elle l'est entre {KES} et {SKE} - ce qui n'est vraisemblablement pas le cas - il appert que leur distribution dans les énoncés soit sociologiquement motivée.

C'est ainsi que, de manière générale, les formes en {KOS} ne se ren­contrent que dans les couches situées au bas de l'échelle socio-économique et professionnelle tandis que les formes en { KES } voient leur usage se disperser au sein de toutes les couches sociales de l'échelle alors que celui des formes en {SKE} se cantonne significativement aux couches situées en haut de cette même échelle (Kemp, 1979: 180).

Tendances et règles grammaticales

La seconde manifestation de la situation conflictuelle qui met aux prises la langue de l'État et l'état de la langue concerne les mécanismes propres au fonctionnement de la langue. Ces derniers sont décrits en termes de règles grammaticales qui sont censées fixer l'usage. Mais il existe de nom­breux cas où l'observation des faits d'oralité révèle l'existence de phéno­mènes dont aucune règle grammaticale ne rend compte. Leur caractère régulier et systématique est alors à l'origine d'une tendance grammaticale dont l'existence est purement et simplement ignorée des usages régis par la textualité. Tendances et règles grammaticales sont donc irréductibles l'une à l'autre.

La tendance est une notion passablement informelle en théorie linguis­tique malgré qu'elle y soit fort usitéel2. Néanmoins elle reçoit en sociolin­guistique et même en psycholinguistique une caractérisation plus rigoureuse qui rend sa manipulation d'autant plus intéressante qu'elle permet d'éviter le piège de la règle formalisée ou même de la règle explicitement formulée.

Un cas patent de tendance est illustré en canadien-français par l'usage du genre. Cette question a été particulièrement traitée dans Barbaud et alii (1981). J'ai pu mettre en évidence que le phénomène - maintes fois remarqué - de la féminisation des substantifs phonologiquement structurés par une voyelle initiale n'est pas un phénomène empiriquement immotivé ni même aléatoire dans sa distribution sociologique. 1 existe une « ten­dance », que l'on peut exprimer en termes de fréquence d'apparition pro­

12. Voir entre autres Chantefort (1976) en ce qui concerne les tendances relevées en canadien­français.

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bable, au sein d'une masse parlante canadienne-française, qui est génératrice d'énoncés tels que: « une autobus ben pleine », « une grosse hôpital », « une belle habit neuve », « une grande appartement », « une hôtel assez dispendieuse », etc.

Nul doute à mes yeux que la tendance à la féminisation soit, dans ce cas précis, un phénomène qui caractérise l'état de la langue dans toute son oralité. On peut même montrer que cette tendance spécifique s'actualise selon une courbe qui est fonction du type de société dans laquelle s'organise la masse parlante canadienne-française. J'ai pu mettre en évidence, en effet, qu'il y a des corrélations positives entre la force de cette tendance et la stratification sociale liée aux conditions socio-économiques et profession­nelles des locuteurs. La tendance à la féminisation est d'autant plus forte que les locuteurs se situent au bas de l'échelle correspondant à cette strati­fication.

La tendance grammaticale ne serait qu'un cas particulier de variation linguistique n'eût été deux différences essentielles: elle concerne ici une catégorie de la langue, p. ex le genre, et non une forme; et elle met en cause un mécanisme plus général, celui de l'accord qui implique, quant à lui, les autres éléments variables: pronoms, adjectifs, participes passés.

Le phénomène de féminisation permet donc de mettre en évidence la tension que fait naître l'état de la langue en regard de la langue de l'État. On se rend compte qu'un tel phénomène obéit à une dynamique interne de l'oralité. Il est tributaire d'une sorte de propriété téléonomique de la langue française de nature évolutive. La tendance grammaticale exprime une force linguistique qui est orientée vers la recherche d'un équilibre instable néces­saire à la lente transformation du français.

De toute évidence, la tendance grammaticale est absente de la langue de l'État. Les règles lexicales et syntaxiques qui rendent compte de la langue de l'État eu égard au genre, qu'elles soient de nature descriptive ou prescrip­tive, ne sont pas autre chose que le produit de l'usage légitime lié à la textua­lité. Elles excluent la féminisation des noms à initiale vocalique.

Tendances grammaticales et règles entrent alors en conflit ouvert parce que la grammaire de la langue de l'état résulte de propriétés téléonomiques contraires aux précédentes. Les règles grammaticales expriment une force linguistique qui, elle, est tout orientée vers la recherche de l'équilibre stable que tout système tend à conserver.

Or, le locuteur-citoyen est souvent confronté à la situation de devoir faire usage de la langue de l'État ou de quelque chose qui lui ressemble fort à titre de producteur d'énoncés. D n'a pas d'autre choix que de solliciter sa compétence linguistique active.

Il est alors acculé à la nécessité d'effectuer une sorte de désapprends­sage de chacune des tendances grammaticales qu'il a plus ou moins inté-

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riorisées en tant que locuteur natif. Mais il doit simultanément lui substituer une règle grammaticale objet d'un apprentissage souvent long et pénible. Bref, la tendance grammaticale doit se désapprendre alors que la règle grammaticale, elle, doit, au contraire, s'apprendre.

Le moins que l'on puisse dire pour conclure, c'est que notre connais­sance actuelle de cette double opération mentale accomplie par le sujet parlant demeure insuffisante.

L'erreur de langage et l'écart de grammaire

La troisième et dernière manifestation qu'il est possible d'identifier en tenant compte de la situation conflictuelle de l'état de la langue et de la langue de l'État a trait aux processus grâce auxquels un sujet parlant, de locuteur natif qu'il est, se mue graduellement, pour ainsi dire, en locuteur-citoyen.

Dans le cadre de la distinction fondamentale qu'il est courant d'établir en psycholinguistique entre processus d'acquisition du langage et processus d'apprentissage d'une langue particulière ou d'un usage particulier de cette langue, je récuserai ici le terme de faute qui globalise indûment, dans la littérature non spécialisée, les faits qui sont rattachés à l'erreur comme à l'écart''.

ll n'y a évidemment pas de connotation péjorative au terne d'erreur de langage que j'utilise ici pour désigner plusieurs sortes de maldonnes qui affectent certains énoncés produits par un sujet parlant dont la com­pétence linguistique n'est pas encore parvenue à maturité.

L'erreur se retrouve habituellement dans le langage enfantin mais elle se rencontre aussi dans le discours de certains aphasiques. Certaines maldonnes que font les adultes en situation d'apprentissage d'une langue seconde sont en réalité des variantes éloignées d'erreurs de langage.

L'erreur langagière est, en principe, le résultat de l'application erronée de règles que le jeune locuteur natif a déjà intériorisées à partir des données accessibles et préalablement traitées par sa compétence linguistique. Elle s'explique généralement en termes d'induction ou d'inférence logique mais inefficace. Le fondement d'une telle démarche cognitive réside bien sûr dans le pouvoir prédictif des règles existant dans une langue particulière. Toute erreur est donc en principe révélatrice d'une stratégie perceptivo­cognitive quelconque.

Le cas le plus classique de maldonne ou d'erreur langagière est illustré par le phénomène de la « surgénéralisation » morphologique qui affecte

13. D existe une certaine confusion dans la littérature spécialisée de psycholinguistique, de didactique de la langue maternelle ou de psycho-pédagogie. Le terme erreur y est employé souvent à la place de faute de grammaire alors que celui d'écart y est souvent donné comme équivalent d'erreur de langage. Cette confusion me semble strictement d'ordre terminologique et n'entraîne pas, je crois, de conséquences désastreuses du point de vue théorique pour peu que l'on fixe la définition des mots.

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immanquablement les énoncés oraux et écrits (écriture et lecture également) produits par un jeune locuteur jusqu'à la pré-adolescence. Il est à peu près admis maintenant que la surgénéralisation est un processus cognitif de mises en hypothèse, successives ou simultanées, s'appliquant à un élément de la langue dont la forme efficace demeure inconnue du jeune locuteur.

L'expérience et, aussi, la connaissance objective finissent par éliminer toutes les hypothèses conduisant à la production de formes inefficaces, c'est-à-dire, en fin de compte, d'énoncés agrammaticaux, mal formés ou inacceptables. C'est l'aspect « longitudinal » de cette stratégie particulière qui explique dans bien des cas pourquoi certains locuteurs maintiennent jusqu'à un âge fort avancé et même quand ils sont adultes certaines erreurs de ce type: leur expérience linguistique ne leur a pas donné l'occasion de lever les hypothèses concernant la forme efficace d'un élément particulière­ment irrégulier de la langue. On comprendra par ailleurs que le désappren­tissage lié à cette stratégie devient presque impossible à effectuer chez le locuteur qui aurait maintenu l'erreur jusqu'à l'âge adulte.

Certaines erreurs classiques dues à une surgénéralisation morphologique peuvent être illustrées par des séquences telles":

a. ils sontaient tous morts.

b. elle a pas répond au téléphone. c. ils ont parlé à les enfants.

d. c'est une femme qu'a venue tout à l'heure. e. faut pas qu'i jousent là.

f. je m'ai pas lavé les mains.



Sommes-nous si loin que cela de notre problématique? Certainement pas car j'estime que l'erreur est du domaine de l'état de la langue. L'erreur de langage est tributaire du processus de l'acquisition d'une langue parti­culière par un sujet parlant. Elle relève exclusivement de l'oralité. L'erreur est donc nécessaire au développement et à la fixation définitive de la com­pétence linguistique. Exclure (erreur d'une définition de l'état de la langue, revient à faire preuve de discrimination à tout le moins intellectuelle. L'état de la langue n'a pas à être défini uniquement en fonction de l'adulte mâle de bonne éducation.

Le lien conflictuel qui dès lors s'établit avec la langue de l'État devient maintenant plus apparent. Je considère en effet que l'écart de grammaire relève davantage du domaine défini par la langue de l'État Tandis que l'erreur est un fait de langue, (écart est, quant à lui, un fait de nomme.

La langue de l'État et les autres usages qui lui sont apparentés sont allergiques à l'écart Ils ne le tolèrent pas. L'écart de grammaire est un pur produit de la textualité dans la mesure où il se définit comme l'application

14. Pour une synthèse des recherches récentes dans le domaine des performances orales des enfants, susceptible d'illustrer le phénomène de la surgénéralisation et nombre d'autres qui lui sont apparentés, voir Gagné et Pagé (1981).


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