404 la norme linguistique l'occultation du caractère maternel de la langue nationale



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LA NORME LINGUISTIQUE

déficiente soit par omission, soit par falsification ou encore par « mésin­terprétation » ou plus simplement par ignorance de la règle dont tout locuteur est censé avoir la connaissance.

Dès l'instant où la langue devient pour un sujet parlant un objet de connaissance et non plus seulement un objet d'acquisition, celui-là change son statut de locuteur natif pour celui de locuteur-citoyen. La langue de

l'État prime la langue maternelle. Autant l'une s'avère le royaume de l'enfant, autant l'autre est le bien inaliénable de l'adulte parvenu à sa pleine maturité linguistique.



L'écart peut être qualifié de phonétique (aréoport/aéroport), de lexical (introduire/présenter quelqu'un), de syntaxique (calculer que + P/estimer que + P), de structural comme en canadien-français, l'emploi de tout'5 illustré ci-après:

a. La maîtresse a tout laissé sortir les enfants. b. La maîtresse a laissé sortir tous les enfants.

L'identification de l'écart est rendue possible par le dispositif d'élimination des énoncés non conformes associé à la langue d'État- la norme. C'est dans la langue de l'État que la norme trouve, encore de nos jours, sa raison d'être authentique, une raison d'être que la langue française tout particulièrement continue d'honorer.

En conclusion de ce point, on retiendra que le locuteur français est soumis à une tension contradictoire découlant de la différence des processus cognitifs que sollicitent chacune de ces deux entités que sont l'état de la

langue et la langue de l'État Le dispositif de tolérance, lié à l'erreur de langage, implique des comportements antinomiques et parfois même irréconciliables avec ceux que commande le dispositif de rejet sous-jacent à l'écart de grammaire.



Conclusion

Au terme d'une analyse qui s'était donné pour objectif de dégager les éléments générateurs de la situation conflictuelle entre la langue de l' tat et l'état de la langue, on ne saurait éviter un certain nombre de questions qui nous feraient déborder largement le cadre de cet article.

Parmi les plus cruciales, ü s'agit de savoir comment résoudre, ou du moins atténuer, les tensions qu'éprouve tout locuteur-citoyen à des degrés variables. Davantage, il convient d'évaluer la portée véritable du pouvoir

d'aliénation et du pouvoir de libération que recèle la langue de l'État eu égard à l'état de la langue issu des performances de chaque locuteur.



15. Pour une analyse syntaxique du comportement de /tout, tous, toutes/, voir Daoust-Blais et Lemieux-Niéger (1979).

LA LANGUE DE L'ÉTAT-L'ÉTAT DE LA LANGUE



A ce dernier, il incombe de se sevrer des aliénations que comporte sa langue maternelle vis-à-vis de la réalité langagière du monde moderne. L'oralité ne peut prétendre gouverner de nos jours les multiples usages du langage régis par la textualité.

II est vrai que le recours aux formes vernaculaires du parler ordinaire répond au besoin profond du locuteur natif de s'identifier à la communauté. n est non moins vrai que le recours aux formes protocolaires de la langue légitime est susceptible de répondre au besoin vital du locuteur-citoyen de se mobiliser en raison du projet national.

En tant que dépositaire de l'état de la langue, le locuteur natif se doit de devenir actionnaire de la langue de l'État. Dans son effort personnel d'adaptation à la dimension protocolaire du langage et de compréhension des exigences de la textualité réside l'essentiel de son accomplissement en tant que sujet parlant

A titre de dépositaire principal de la langue légitime, il incombe à l'État de ne pas usurper le pouvoir que lui confère ce rôle dans une société comme la nôtre. Il se doit en particulier de ne pas outrepasser les limites afférentes

à la textualité car la loi ne peut régir, même de loin, l'oralité de la langue maternelle.



ll n'y a finalement qu'un seul choix possible pour l'État qui désire atténuer les tensions qui sont liées à la réalité langagière de notre époque et c'est de réduire les inégalités sociales en espérant, par là, réussir à diminuer les discriminations qu'occasionne l'usage légitime de langue.

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La normalisation linguistique, terminologique et technique au Québec



Par Guy Rondeau

Introduction

Précisons d'abord que le titre qui précède ne doit pas laisser entendre que nous aborderons successivement trois aspects de la normalisation dont chacun est, en soi, un sujet d'étude. Outre, en effet, qu'un travail envisagé dans cette optique aurait une ampleur telle qu'il ne saurait trouver place dans les limites que l'on a fixées aux différents auteurs, il comporterait, de plus, le grave inconvénient de reprendre des questions déjà traitées ailleurs dans le présent ouvrage. En conséquence, la normalisation linguistique, celle qui touche la langue générale, ne sera abordée, sauf pour un bref survol historique, que dans la mesure où elle implique une intervention de l'État (car la norme linguistique générale est également façonnée par l'in­tervention simultanée et convergente de nombreux autres facteurs, comme les médias, la production littéraire, l'enseignement, les contacts linguistiques, les usages sociaux, etc., que nous laisserons de côté). De la même manière, nous ne traiterons des questions de normalisation technique, celle qui s'ap­plique aux produits et aux procédés, que dans la mesure où elle peut exercer une influence sur la normalisation terminologique. Pour tous ces motifs, la place la plus importante sera accordée à la normalisation terminologique, à laquelle sont consacrées les deux dernières parties de notre propos.

La normalisation en général

La normalisation est essentiellement un phénomène d'ordre socio­économique. Né dans la foulée de l'industrialisation et des nombreux progrès techniques et scientifiques qui ont caractérisé le premier tiers du XX~ siècle, ce phénomène a été ralenti par la Deuxième Guerre mondiale, pour reprendre en s'amplifiant dès le début des années cinquante. La normalisation a essentiellement pour but de faciliter -- pour ainsi augmenter leur volume -les échanges commerciaux sur le plan international. Elle s'appuie, fondamentalement, sur les deux postulats suivants. a) la norma­lisation des produits et des procédés, en assurant l'interchangeabilité, favorise


LA NORME LINGUISTIQUE

le commerce (ainsi, par exemple, le produit pharmaceutique X, s'il se con­forme à une norme internationale, pourra être vendu dans tous les pays qui ont adopté cette norme); b) la normalisation des produits et des pro­cédés, en éliminant le fait main, permet de réduire les coûts de production en favorisant la fabrication de masse ou en série. Les multinationales ont, très tôt, compris que la normalisation entraîne de multiples avantages économiques: c'est pourquoi elles y consacrent des sommes importantes.

Outre les retombées économiques, qui ne sont, en général, recueillies que par un petit nombre de bénéficiaires, la normalisation entraîne des retombées socioculturelles qui, elles, atteignent des couches de population plus larges. En effet, en touchant des secteurs comme l'habitation, le vête­ment, l'alimentation, l'électro-ménager, le transport, l'information, etc., la normalisation s'attaque à des modes de vie, qu'elle tend à niveler, à standardiser'.

Mais la normalisation donne lieu à un autre type de retombées d'ordre socioculturel, auxquelles nous nous intéressons plus particulièrement, celui des terminologies. En effet, les produits et procédés qui ont fait l'objet d'une normalisation doivent être dénommés sans ambiguïté, ce qui entraîne un besoin de normalisation terminologique. Paradoxalement par ailleurs, le commerce international constitue un terrain favorable à la prolifération de la synonymie terminologique en poussant, par exemple, les différents fabricants d'un même objet à lui donner chacun une appellation distinctive, ce qui constitue un autre facteur contribuant à la nécessité de la normalisation terminologique.

INFRASTRUCTURES SUR LESQUELLES S'APPUIENT LES DIFFÉRENTS ASPECTS DE LA NORMALISATION AU QUÉBEC

Normalisation des produits et des procédés

L'organisme normalisateur principal, dans ce domaine, est le Bureau de normalisation du Québec (BNQ), qui se trouve être également un orga­nisme « rédacteur de normes accrédité N auprès du Conseil canadien des normes''=. 11 s'ensuit que les normes édictées par le BNQ sont, le plus souvent,

2.

Pour une étude plus détaillée de cette question, on pourra consulter notre Introduction à la terminologie (Rondeau 1981: 4-8).

Ces organismes sont, à l'heure actuelle, au nombre de cinq et ils comprennent, outre le BNQ, l'Association canadienne du gaz, l'Office des normes générales du Canada, l'Asso­ciation canadienne de normalisation et les Underwriters' Laboratories of Canada. Notons que la langue de rédaction des quatre derniers est l'anglais, de sorte que les terminologies qui se trouvent dans les versions françaises des normes produites par ces organismes sont des terminologies de traduction.

d faut noter, de plus, que ces organismes publient, outre des normes relatives aux produits et aux procédés, des normes terminologiques. Ces dernières ne possèdent pas, cependant, le caractère officiel que confèrent les avis de normalisation de l'Office de la langue française du Québec


LA NORMALISATION AU QUÉBEC

en conformité avec des normes adoptées par le pouvoir central. Or, ces dernières, qui se conforment la plupart du temps à des normes internationales, sont d'abord rédigées en langue anglaise, de sorte que les terminologies qu'elles contiennent dans leur version française sont en grande majorité des terminologies de traduction. Même les normes de l'Association française de normalisation (AFNOR) n'échappent pas toujours à cette caractéristique, car elles sont souvent le reflet et la transposition de normes internationales rédigées d'abord en langue anglaise'. La situation se complique, de plus, du fait qu'un bon nombre de normes internationales sont d'abord rédigées en anglais, mais dans des pays non anglophones, comme c'est souvent le cas pour l'Organisation internationale de normalisation (ISO). On peut, dès lors, concevoir les difficultés qui se posent à des organismes de normalisation dont la langue de travail est le français, comme le BNQ ou l'AFNOR, quand il leur faut produire une version nationale d'une norme internationale dont la version originale a été rédigée en anglais dans un pays où, par exemple, la langue première des normalisateurs est l'allemand.

Il faut noter, toutefois, une importante différence entre les compétences en matière de normalisation terminologique dévolues à l'AFNOR et au BNQ. L'AFNOR jouit, en effet, d'un pouvoir implicite de normalisation termino­logique, en ce sens que toutes les versions françaises des normes (nationales ou internationales) qu'elle adopte sont considérées généralement dans la francophonie, et notamment au Québec, comme normalisées dans leur forme linguistique; ce qui signifie que, par exemple, les terminologies fran­çaises contenues dans des normes publiées par l'AFNOR pourront être versées dans la Banque de terminologie du Québec et s'accompagner d'une cote de pondération équivalant à la catégorie de « normalisé ». Il n'en va pas de même pour les normes publiées par le BNQ, dont les textes, y compris les terminologies qui s'y trouvent, sont soumis, lorsque ce dernier le juge nécessaire, à l'Office de la langue française (OLF). Lorsque, comme ce fut le cas récemment pour le Système international de mesures (SI), l'OLF avalise le texte d'une nomme publiée par le BNQ, les terminologies et les définitions contenues dans cette norme reçoivent la sanction officielle de la normalisation.

Normalisation des termes et normalisation de la langue générale

C'est, à deux exceptions près-, à (Office de la langue française que le législateur a confié, par le biais de la Charte de la langue française, le

3.

4.

À l'exception des normes rédigées et adoptées par des organismes internationaux qui, comme la Commission électrotechnique internationale (CEI), ont leur siège social en France et produisent des versions originales en langue française.

Ces deux exceptions sont le domaine de la toponymie (voir Normalisation toponymique) et celui de la rédaction des lois. Au sujet de ce dernier, l'Office de la langue française peut être considéré comme un organisme consultatif, mais c'est le ministère de la Justice qui conserve toute l'autorité, non seulement quant au contenu des lois, mais également quant aux formes linguistiques dans lesquelles elles s'expriment

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mandat de normaliser les terminologies (termes en usage dans les langues de spécialité) ainsi que certains mots ou expressions de la langue générale, et d'établir une norme québécoise relative à l'usage du français dans les communications officielles et institutionnelles.

En ce qui concerne les terminologies, l'Office de la langue française a mis en place une structure comportant des commissions sectorielles de terminologie et une commission centrale.

Quant à l'établissement d'une norme linguistique québécoise relative à l'usage officiel et institutionnel du français, il est présentement en cours et il se présentera sous forme d'un ensemble d'énoncés de politique dont

le premier: Énoncé d'une politique relative à Pemprunt linguistique de formes étrangères, a été publié (Éditeur officiel du Québec) à l'automne 1980.



Normalisation toponymique

La normalisation des noms de lieux et, par extension, celle des géné­riques d'odonymes (rue, place, avenue, chemin, lac, rivière, etc.) relèvent, de par la Charte de la langue française, de la Commission de toponymie.

n y a concertation entre la Commission de terminologie et la Commission de toponymie, concertation qui se traduit par la présence du président de la première aux séances de travail de la seconde. Toutefois, en cas de litige, - ce qui ne se produit que fort rarement -, c'est le Conseil de l'OLF qui tranche la question. Ainsi, récemment, les avis des deux commissions ne concordaient pas quant à l'emploi de la majuscule à l'initiale des points cardinaux dans les génériques d'odonymes (p. ex. rue Sainte-Catherine ouest ou Ouest); l'Office de la langue française a opté pour la seconde formule.

Aspects sociolinguistiques

de la normalisation linguistique en général et de la normalisation terminologique en particulier

La normalisation linguistique, qu'elle s'adresse à la langue générale (ou commune) ou aux langues de spécialité, touche aussi bien les personnes physiques que les personnes morales habitant le territoire où elle est appliquée. Elle régit l'usage linguistique d'un certain nombre de personnes morales comme, par exemple, l'Administration, l'Éducation (y compris les maisons d'édition de manuels scolaires), l'Entreprise dans ses rapports économiques avec l'État, les médias, etc. Les contraintes ainsi imposées, bien qu'elles laissent aux usagers pris individuellement l'entière liberté du choix de leurs modes d'expression dans leurs communications non institutionnelles, ne s'en répercutent pas moins sur l'usage linguistique général, le modifiant peu à peu, et de façon non perceptible à la majorité des sujets parlants. La norma­lisation linguistique peut alors se comparer à une force orientée vers le


LA NORMALISATION AU QUÉBEC

changement des habitudes linguistiques des membres d'une même commu­nauté lnguistique5.

A cette force s'oppose celle de l'inertie des sujets parlants, elle-même fondée à la fois sur une résistance naturelle au changement et sur un atta­chement à la tradition.

La normalisation linguistique et, dans ce cas, surtout terminologique, comporte un autre aspect sociolinguistique important: c'est le rôle qu'elle peut jouer dans la protection de l'intégrité d'une langue en mettant un frein à un envahissement trop massif de formes linguistiques en provenance, d'une autre langue. Pour citer un exemple, c'est dans ce sens que vont les décrets linguistiques adoptés par la France au cours des dernières années (voir OLF 1973).

L'application à la situation québécoise des postulats généraux qui précèdent mène aux constatations suivantes:

La normalisation linguistique par incitation a existé bien avant que la normalisation linguistique ne soit institutionnalisée par la Charte de la langue française en 1977. En effet, l'histoire du parler français sur le territoire actuel du Québec est jalonnée d'interventions de personnes ou de groupes qui ont tour à tour milité en faveur de la sauvegarde ou de l'épuration de la langue française. Cette normalisation par incitation a même touché, au début du siècle, la terminologie, avec le vocabulaire du chemin de fer de J.-E. Prince, publié dans le Bulletin de la Société du bon parier français au Canada. La normalisation par incitation est devenue institutionnelle avec la création, en 1961, de l'Office de la langue française, remplacé plus tard par la Régie de la langue française (1974-1977). Elle n'a pas été abolie sur le plan insti­tutionnel par la Charte de la langue française, qui l'a intégrée dans une structure plus vaste de normalisation officielle.

Sans vouloir tracer un tableau historique de la normalisation linguistique par incitation, nous considérerons brièvement les principales étapes de l'évo­lution de ce phénomène au Québec et nous noterons les influences qu'il a pu exercer, ainsi que les réactions qu'il a pu provoquer chez les groupes comme chez les membres de la société.

On peut distinguer trois grandes étapes dans l'évolution de ce phéno­mène: a) de la fin du Régime français jusqu'au milieu du XXe siècle; b) de la fin des années quarante jusqu'à la fin des années soixante; c) du début des années soixante-dix à nos jours.

La première période est marquée au coin de la résistance et du repli sur soi d'une société qui comporte trois points d'ancrage interreliés et

5. D'autres forces vont dans la même direction et le même sens, mais il n'y a pas lieu d'en traiter ici, pas plus que de celles qui, comme les règles de l'orthographe et les exigences des éditeurs, vont dans une direction opposée.


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indissociables l'un de l'autre: la langue, la religion et la race; à ces trois valeurs s'ajoute celle du sol, pour former la patrie.

La normalisation linguistique (par incitation) de l'époque reflète les traits de cette société: elle s'exprime dans des chroniques de langue et des recueils de mots caractérisés d'une part par une attitude défensive à l'égard des anglicismes lexicaux qui, par le biais de l'industrie et du commerce, avaient envahi, surtout pendant le premier siècle (1760-1860), la langue générales; caractérisés également par un souci de correction et de pureté de la langue. Par ailleurs, la normalisation linguistique doit se faire sans contacts avec la mère patrie, puisque les ponts sont coupés, d'abord pour des motifs poli­tiques (traité de Paris), puis, au moment de la Révolution française, pour des motifs religieux. Ce n'est donc pas le français hexagonal qui sert d'éta­lon, mais celui qu'ont légué les ancêtres; c'est, comme noteront plus tard Adjutor Rivard et L-P. Geoffrion, « la langue de l'Île-de-France, telle qu'elle était déjà répandue dans les provinces du centre, du nord et de l'ouest, lors des grandes émigrations en Amérique; nos pères, venus de ces régions, nous l'ont léguée, et nous l'avons conservée... » (S.P.F.C. 1930: VIII). Ces trois traits caractéristiques de la première période: attitude défen­sive, souci de la pureté de la langue et préservation d'un héritage se trouvent résumés par l'expression « survivance de la langue française »,qui a eu cours jusque dans les années quarante de notre siècle.

Sur le plan sociolinguistique, on constate qu'il s'est établi, à l'égard des questions d'ordre langagier, un certain clivage entre, d'une part, les promo­teurs de la « sauvegarde » de la langue française, minoritaires, élitistes et souvent isolés et, d'autre part, la masse populaire. Ce n'est, en effet, que dans des cercles restreints que se discutent les questions linguistiques. La majorité de la population s'intéresse peu à ces questions, pour les motifs suivants: a) dans les populations rurales, les plus importantes en nombre, il n'y a pas de problème linguistique: on parle la langue apprise à la maison et à l'école, avec les particularités de la région que l'on habite. Le peu de mobilité des populations et l'absence d'industries secondaires constituent un rempart contre l'anglicisme, qui ne peut s'infiltrer que par la voie de l'industrie primaire (p. ex l'exploitation forestière). Par ailleurs, les journaux sont rares et relativement peu lus, de sorte que les chroniques de langue n'atteignent pas les « habitants ». b) Dans les agglomérations urbaines, plus industriali­sées, la masse des ouvriers adopte également à l'égard des questions linguistiques une attitude d'indifférence, mais pour des motifs qui ne sont pas les mêmes. Pour les ouvriers, qui travaillent sous la direction de contre­maîtres anglophones, il n'y a guère de choix: on adopte des terminologies

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