A noter que pour la détermination de ces deux datations excessivement proches, ces experts se sont servis du premier temps relevé sur le TPE de l'AZF, soit 08h17mn55.379s, qui correspond à sa mise en service et c'est ce qui avait été relevé par JM. BRUSTET dans son rapport d'étape (D2175).
C'est ce que nous avions initialement retenu, valeur portée dans notre premier rapport que nous avions considérée, non recalée en temps universel, méritant d'être exploitée : voir le chapitre 5.4 de ce rapport.
Effectivement, l'incertitude est levée, le premier événement électrique à retenir est 08h17mn55.514s ou 08h17mn55.524s et non 08h17mn55.379s.
Les experts en électricité ont pu déterminer que ce premier événement électrique est survenu au transformateur TR3 du poste T24, situé au Sud-Ouest du bâtiment 221, à 101 mètres (distance mesurée par M. SOMPAYRAC, géomètre expert) du centre du cratère.
Les temps relevés sur le TPE et la GTC, appareils de l'AZF, montrent que les temps s'allongent au fur et à mesure que la distance séparant le cratère des installations perturbées augmente.
De notre côté, la propagation de l'onde de choc due à l'explosion de 100 tonnes TNT, valeur retenue par D. BERGUES, calculée avec les codes de détonique permet d'obtenir les temps d'arrivée sur les sites AZF suivants :
Point |
Distance
(m)
|
Temps d'arrivée (ms)
|
T24
|
101
|
0,092
|
T36
|
103
|
0,095
|
T0-T10-T51
|
400
|
0,828
|
TR311
|
506
|
1,119
|
T23
|
530
|
1,186
|
T53
|
766
|
1,849
|
T40
|
874
|
2,158
|
TR1
|
908
|
2,256
|
Nous ne relevons aucune incohérence entre les relevés sur les appareils de l'AZF et les temps d'arrivée de l'onde aérienne sur les installations précitées.
Le premier événement électrique sur le site AZF survenant sur le poste T24, daté à 8h17mn55.514s ou 8h17mn55.524s, est postérieur au temps origine de l'explosion.
L'onde de choc a mis 0,092 s pour parcourir la distance de 101 mètres le séparant du cratère, ce qui détermine théoriquement le temps d'arrivée de cette onde sur ce poste T24 :
08h17mn55.440 + 0,092 = 08h17mn55.532s
08h17mn55.470 + 0,092 = 08h17mn55.552s
Cette fourchette de temps est très proche de la datation du premier événement électrique, entrant largement dans la plage d'incertitude de mesures que nous pouvons atteindre. A notre sens, elle est même très cohérente, sachant que nous ne pouvons prétendre qu'à un degré de précision à l'échelle du centième de seconde et non du millième de seconde.
En conséquence, le poste T24 a déclenché par l'onde de choc due à l'explosion du bâtiment 221, et c’est le premier événement électrique survenu sur le site AZF. Cet événement survient après l'explosion du bâtiment 221 et il ne peut donc pas en être à l'origine.
Les autres matériels électriques de l'AZF, plus éloignés du cratère, ont subi l'impact de l'onde aérienne après le poste T24, en se référant aux relevés de la GTC indiquant des temps relatifs.
A titre d'exemple, le T10 situé à 400 mètres du cratère, a déclenché à 08h17mn55.113s, heure GTC, ce qui est un temps supérieur de 0,724 s à la mise en service du téléperturbographe. L'onde aérienne a mis 0,828 s après le temps origine, pour atteindre ce point, ce qui donne un temps théorique en TU de : 08h17mn55.440s – 470 + 0,828 s = 08h17mn56.268s – 08h17mn56,298s.
Par une autre approche, en connaissant le temps de passage de cette onde aérienne au T24 et de son temps de parcours entre ce T24 et le T10 nous avons : 0,828 s – 0,092 s = 0,736 s. La datation de l'événement au T10 est donc : 08h17mn55.514s à 08h17mn55.524s + 0,736s = 08h17mn56.250s à 08h17mn56.260s.
Le faible écart dans les temps calculés prouve qu'il y a une cohérence dans les approches pour dire que le temps d'arrivée de l'onde aérienne est supérieur à l’heure origine de l'explosion et que celle-ci se déplace du Nord vers le Sud de l'usine AZF.
Dans le sud de l'usine, à 908 mètres de distance (TR1), l'onde aérienne est arrivée 2,256 s après l'origine de l'explosion d’après les calculs de D. BERGUES.
Les enchaînements chronologiques des faits engendrés sur le site d'AZF permet de conclure que le premier événement électrique est survenu sur le poste T24, construit à 101 mètres de distance du centre du cratère, après l'explosion du bâtiment 221. Cet événement, daté après l'explosion, ne peut donc pas en être à l'origine.
La conclusion des experts en électricité est par ailleurs identique :
"AZF : nos investigations sur les sources d’énergie électrique, les réseaux de distribution et les matériels, ne nous ont pas permis de localiser, sur les composants qui n’ont pas été dispersés ou qui n’ont pas été détériorés par les engins de chantier ou qui n’ont pas quitté le site avant nos recherches, de dysfonctionnements ou de désordres électriques antérieurs au sinistre."
5.6.2 Cas de la SNPE
Voyons maintenant s'il a été enregistré un défaut ou une anomalie électrique ou un fait consécutif à une autre explosion sur le site industriel de la SNPE.
Un défaut à la terre, affectant la phase 11 du 63 KV s'est produit au poste de transformation appelé "Le Ramier". Ce défaut a atteint une intensité de 5430 ampères et a duré 80 millisecondes, d'après l'enregistrement du téléperturbographe de RTE.
Il a été daté à 08h17mn57.685s en temps universel, temps reconstitué par le RTE, avec une précision de ± 40 millisecondes, en rappelant que ces appareils ne sont pas des instruments de mesure. Il est donc survenu environ 2,1 à 2,2 s après le temps origine de l'explosion T0.
Ce poste 63 KV implanté à la SNPE se situe en bordure du bras inférieur de la Garonne, son mur de façade Ouest orienté vers l'AZF, à 514 mètres du cratère. Le temps de parcours de l'onde aérienne, à partir du cratère AZF, a été de 1,110 s. Le front de choc est donc parvenu sur la façade de l'édifice à :
08h17mn55.440 - 08h17.55.470s + 1,110 s = 08h17mn56.550s – 580 s.
Comme nous l'avons vérifié lors de la constatation des dégâts survenus à la SNPE, ce mur de façade en briques s'est effondré sur les isolateurs et conducteurs sous tension du poste situé à l'étage. Un amoncellement de gravats de la construction a été découvert dans ce poste, il s’agit des débris du mur de façade qui s'est écroulé sous la poussée de l'onde de pression, orientée de l'Ouest vers l'Est, venant de l'AZF.
A la suite des recherches effectuées sur ce site, les experts en électricité ont pu retrouver des traces d'un écoulement à la terre du courant par un élément métallique armant une partie du mur en béton (poteau renforçateur du mur). L'acier de cet élément emprisonné dans le béton a littéralement fondu sur plusieurs centimètres de longueur. Les cheminements de ce courant de défaut ont été relevés par les experts en électricité et confirmés par le RTE au cours de leurs essais consistant à reproduire ce défaut, travaux réalisés dans le cadre d'une réquisition des Magistrats Instructeurs.
Pour revenir à la datation de ce défaut électrique, voyons si elle correspond à une logique temporelle consécutive à l'explosion du hangar 221 de l'AZF. Lorsque l'onde de choc s'est appliquée sur le mur, ce dernier s'est effondré et fragmenté. Des débris sont venus violemment au contact des installations électriques du poste tel que nous l’avons constaté lors de nos examens sur ce site (voir 3.1.2).
Ce mur a mis "un certain temps" à se briser, avant de provoquer le court circuit à la terre sur la phase 11. Ce temps est lié à l'inertie de la désolidarisation de la structure et de son temps de chute permettant l'établissement du court-circuit.
Par deux types de calculs simplifiés, nous pouvons obtenir un ordre de grandeur ou estimation de ce temps :
Premier calcul : hypothèse 1 d’une chute verticale du mur
Le mur désorganisé, et/ou des briques de celui-ci, par l’onde aérienne tombe verticalement, sans vitesse initiale, à l’intérieur du local où se trouvent les installations sous tension :
x = ½ g t2 où x = hauteur du mur soit 3,5 mètres
g = 9,81 m/s2
t = temps de chute
d’où t2 = ce qui donne pour h = 3,5 mètres t = = 0,71 s, soit 0,6 seconde
Second calcul : hypothèse 2 d’une chute du mur par basculement autour de sa base
Données :
-
Mur en briques creuses de type 20 x 20 x 50 cm
-
Densité d’une construction en briques : 650 kg/m2
-
Dimensions de l’élément de mur pris en compte :
. longueur l = 5 m
. hauteur h = 3,5 m
. épaisseur e avec enduit = 0,25 m.
Hypothèses :
-
le mur est ébranlé par l’onde de souffle. Il est déséquilibré et chute en tournant en contact sur sa fondation à l’intérieur du local,
-
l’onde de souffle ne communique pas de vitesse initiale au mur. Son temps d’application est faible devant le temps de chute du mur. Ceci est corroboré par le fait que la majorité des éléments constituant le mur a été retrouvée à l’endroit attendu par un basculement sous l’effet de sa masse,
-
le mur est entraîné dans sa chute uniquement par sa masse.
Caractéristiques du mur :
-
masse = 0,25 x 3,5 x 5 x 650 kg/m3 = 2844 kg
-
inertie du mur par rapport à sa base
axe C : passe par le centre de gravité du mur
axe B : passe par la base du mur
Le moment d’inertie IB est égal à :
IB = IC + m (h/2)2
IB = 1/12 m (e2 + h2) + m h2/4
Soit IB = 1/12 m (e2 + 4h2)
Application numérique : IB = 11628 kgm2
Mise en équation :
à
Centre de gravité
temps = 0
a (angle de rotation) = 0
a’ (vitesse de rotation) = 0
a’’ (accélération en rotation) = 0
énergie potentielle W = mg. =
mg = poids du mur appliqué en son centre de gravité
A temps = t
énergie potentielle = ½ mg h/2 cos a
énergie cinétique = ½ IB a’2
somme des énergies = (½ mg h/2 cos a) + (½ IB a’2)
Le système est supposé conservatoire : le mur ne glisse pas sur sa base et ne génère pas d’efforts de frottement. Il y a donc conservation de l’énergie.
Vitesse de rotation :
mgh/4 = (½ mg h/2 cos a) + (½ IB a’2)
a’2 = ((mgh (1-cos a))/2IB
a’ = [(mgh (1-cos a))/2IB] ½
Accélération : c’est la dérivée de a’ par rapport au temps.
a’ = [(mgh (1-cos a))/2IB] ½
a’’ = ½ [mgh sina.a’/2IB] . [(mgh (1-cos a))/2IB]- ½
a’’ = mgh sin a / 2IB
par ailleurs, les équations du mouvement ci-après :
a = ½ a” t2 + at
a’ = a”t
t = (2a/a”)½
donnent en application numérique :
Angle de rotation « a » du mur en degrés
|
Angle de rotation « a » du mur en radians
|
Hauteur du centre de gravité du mur par rapport au sol
|
Accélération
|
Temps
|
0
|
0
|
1,75
|
0,000
|
|
5
|
0,08726646
|
1,74
|
0,366
|
0,69
|
10
|
0,17453293
|
1,72
|
0,729
|
0,69
|
15
|
0,26179939
|
1,69
|
1,087
|
0,69
|
20
|
0,34906585
|
1,64
|
1,436
|
0,70
|
25
|
0,43633231
|
1,59
|
1,775
|
0,70
|
30
|
0,52359878
|
1,52
|
2,099
|
0,71
|
35
|
0,61086524
|
1,43
|
2,408
|
0,71
|
40
|
0,6981317
|
1,34
|
2,699
|
0,72
|
45
|
0,78539816
|
1,24
|
2,969
|
0,73
|
50
|
0,87266463
|
1,12
|
3,217
|
0,74
|
55
|
0,95993109
|
1,00
|
3,440
|
0,75
|
60
|
1,04719755
|
0,88
|
3,636
|
0,76
|
65
|
1,13446401
|
0,74
|
3,806
|
0,77
|
70
|
1,22173048
|
0,60
|
3,946
|
0,79
|
75
|
1,30899694
|
0,45
|
4,056
|
0,80
|
80
|
1,3962634
|
0,30
|
4,135
|
0,82
|
85
|
1,48352986
|
0,15
|
4,183
|
0,84
|
90
|
1,57079633
|
0,00
|
4,199
|
0,86
|
Dans la limite des hypothèses simplificatrices, le mur aurait atteint le sol, après avoir parcouru une rotation de 90°, au bout d’un temps de 0,86 seconde.
Si le temps d’application de l’onde de pression n’est pas faible devant le temps de chute, le mur aura une vitesse initiale non nulle : alors le temps d’arrivée au sol sera plus court.
Par contre, la résistance propre des armatures métalliques constituée notamment par le poteau central en béton armé, retrouvé en son milieu enfoncé vers l’intérieur avec un éclatement du béton sur la partie extérieure, n’a pas été prise en compte. Leur résistance au mouvement de chute a pu raisonnablement induire un retard au démarrage du mouvement (effet d’inertie) et allonger ainsi le temps de chute au sol.
Nous rappelons, qu’entre l’heure origine de l'explosion et le déclenchement de ce défaut 63KV à la SNPE, l'écart de temps est de 2,1 à 2,2 s environ.
En sachant que le temps de parcours de l'onde aérienne depuis le cratère AZF est de 1,110s et que le temps de chute des matériaux du mur est, d’après les deux hypothèses de calcul, de l’ordre de 0,71 à 0,86 seconde sans tenir compte des inerties possibles de la construction, le temps total pour parvenir à une installation électrique a été de :
-
1,110 + 0,71 (1) = 1,82 s
-
1,110 + 0,86 (2) = 1,96 s
Ces valeurs sont très proches et cohérentes de l’écart de temps de 2,1 à 2,2 secondes relevé entre l’heure origine de l’explosion et celle du défaut « Ramier ».
Nous considérons que le défaut à la terre survenant sur la phase 11 du 63KV est une conséquence des effets de l'explosion survenant dans le bâtiment 221 de l'AZF. Ce défaut électrique a eu lieu parce que le réseau 63KV de RTE était sous tension.
A notre connaissance ainsi qu’à celle des experts en électricité, le défaut à la terre sur la phase 11 à la SNPE est le seul événement qui a été enregistré et daté.
Par contre, dans un bâtiment proche (légèrement plus au Sud), il s'est produit un défaut biphasé sur le jeu de barres 13,5 KV qui a entraîné ponctuellement la fusion de deux barres en aluminium. Les experts en électricité ont établi que ce défaut était éliminé avant le défaut constaté sur le 63 KV sans qu'ils aient pu cependant déterminer à quel moment il a eu lieu.
D'après M. MEUNIER, dans son étude intitulée "De la chronologie des événements – Synthèse de nos connaissances actuelles" (D4879), il indique : "compte tenu du temps nécessaire aux protections pour fonctionner et éliminer le court-circuit, cet événement a débuté au moins 0,560s avant le défaut du "Ramier". Il peut avoir débuté bien avant.
Il est matériellement possible que ce défaut soit antérieur à tout défaut enregistré, mais aucun élément ne permet d'affirmer qu'il en soit effectivement ainsi".
Du côté des experts en électricité, ils ont pu établir :
"Le 17.09.03 au laboratoire EDF des RENARDIERES il a été procédé à une reconstitution de ce court-circuit 13,5 KV. Au préalable Messieurs BELLOT (conseil technique AZF), BERGEAL (EDF RD), LE FEVRE (conseil technique SNPE) et MOUYCHARD (RTE) ont repris avec nous les calculs du courant de court-circuit à partir des éléments connus du réseau SNPE pour aboutir à une valeur de 4700 A qui sera maintenue de cet ordre pendant les 6 essais.
A l'issue de ces essais il a été particulièrement remarqué que l'enregistrement du TPE RTE qui montre le défaut à la terre dans le poste SNPE ne porte pas trace de ce défaut 13,5 KV qui s'est traduit par une surintensité de 1000 A environ côté 63KV.
Le prétemps de ce TPE étant de 300 ms, le temps de la protection étant, comme nous l'avons vu ci-dessus de 200 ms, on peut dire en incorporant les temps mécaniques de fonctionnement des disjoncteurs que le début du défaut dans le poste 13,5 KV se situe au moins à 550, 600 ms du début du défaut dans le poste 63 KV.
Ceci confirme le fait que l'écroulement du mur en béton armé, abrité par un auvent et plus résistant que le précédent s'est écroulé plus tardivement".
De notre côté, nous étant déplacés sur les lieux des défauts électriques 13,5 KV et 63 KV, effectivement le mur Ouest du local 13,5 KV paraissait moins solide que celui du 63 KV maintenu en son milieu par un poteau en béton armé. A noter que ces deux murs se trouvent à une distance similaire du cratère.
Ce mur, relativement moins bien tenu, a pu s’écrouler légèrement plus vite que celui du Ramier et provoquer l’amorçage entre les deux barres, d’où la fusion partielle de l’aluminium tel que nous l’avons constaté.
Au vu des investigations qu'ils ont conduites, ces experts concluent : "les amorçages, circulation de courant, dégradations des matériels et autres anomalies électriques sont dues au sinistre".
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