Argotica Universitatea din Craiova, Facultatea de Litere arg tica revistă Internaţională de Studii Argotice



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Carole de Féral dans « Parlers jeunes »: une utile invention? s’intéresse, à partir de questionnaires, à la diversité des représentations des «jeunes» et de leurs façons de parler en France et au Cameroun. Elle part également du constat de Bourdieu (1984 : 144) qui estimait que « l’âge est une donnée biologique socialement manipulée et manipulable et [...] le fait de parler des jeunes comme d’une unité sociale, d’un groupe constitué, doté d’intérêts communs, et de rapporter ces intérêts à un âge défini biologiquement constitue déjà une manipulation évidente ». En effet, on sait que « jeune » comme attribut catégoriel est problématique, parce que la jeunesse et la vieillesse ne sont pas des données, mais des construits sociaux.

De Féral estime que dans une société donnée il n’y a pas une seule jeunesse, mais plusieurs et que les « parlers jeunes », ainsi nommés par certains linguistes, n’ont pas toujours pour locuteurs les mêmes « jeunes ». Son analyse prend en considération pour la France la façon de parler des « jeunes » issus de l’immigration, qui habitent dans des « cités », dans des quartiers « défavorisés », alors que pour l’Afrique elle envisage les « jeunes » francophones qui sont socialisés en milieu urbain et, par conséquent plurilingues (le camfranglais parlé au Cameroun), quels que soient leur appartenance sociale et leur niveau d’études.

À l’instar de Calvet dont elle partage le point de vue, de Féral considère que les parlers jeunes sont des phénomènes langagiers urbains, parce que la ville est « par définition un lieu de variation et de contacts de langues » (Calvet, 2002 : 48). C’est le lieu qui a donné naissance à ce que certains linguistes ont appelé des « langues urbaines » (cf. le titre de Bulot et Bauvois 2002), d’autres des «parlers urbains» (Billiez 1999, Calvet 1994). Pourtant, la catégorie de parlers jeunes ne se superpose pas à celle de parlers urbains. Pour Calvet (1994 : 62) les parlers urbains se caractérisent par deux tendances contradictoires : l’une à la véhicularité et l’autre à la grégarité ou à l’identité, en distinguant ainsi, d’un côté, « les formes véhiculaires urbaines », et, de l’autre côté, « les formes identitaires » (Ibidem : 63-67). De Féral rappelle, en citant Bulot, Caubet & Miller (2004 : 7), que les parlers jeunes présentent des usages « à la fois perçus comme déviants et innovants » pour ceux qui ne les parlent pas.

La question qu’elle se pose dans le contexte du camfranglais ou du francanglais est de savoir si ces « langues » sont déviantes et innovantes et par rapport à quoi ? Pour de Féral il est évident qu’elles ne le sont pas par rapport à l’image que les acteurs sociaux camerounais ont du français standard, mais plutôt par rapport à l’image qu’ils ont du français ordinairement parlé au Cameroun. Par ailleurs, son étude centrée sur la morphosyntaxe du camfranglais ne fait que renforcer les idées avancées par Bulot, Caubet & Miller (2004 : 13) qui affirment que, si l’on regarde, dans les parlers jeunes, les faits linguistiques proprement dits, « en dehors du renouvellement lexical, des néologismes et des procédés de code-switching, les procédés morpho-syntaxiques semblent relativement peu novateurs, que ce soit en français […], en swahili […] ou en Juba Arabic […] ».

L’article de Michelle Auzanneau, Caroline Juillard et Malory Leclère-Messebel intitulé Elaboration et théâtralisation de catégorisations linguistiques en discours, dans une séance de formation continue. La catégorie « jeune » en question porte sur le processus de catégorisation mise à l’œuvre dans l’interaction entre les jeunes stagiaires en parcours d’insertion et leurs formateurs / éducateurs dans un centre de formation en Ile de France. La démarche utilisée par les auteures – la théâtralisation des énoncés et leur mise en scène par les interactants – est très intéressante et assez peu utilisée dans les recherches de ce type.

Les trois sociolinguistes ont essayé de mettre en évidence le « travail catégoriel des acteurs sociaux dans l’interaction » (Mondada, 2007 : 324), le processus de catégorisation et l’usage pragmatique que les énoncés utilisés manifestent et construisent. Leur but avoué est de montrer, à partir de l’analyse d’une interaction dans un centre de formation continue, comment, au croisement des différentes dimensions qui interviennent dans la construction du sens, « les locuteurs réexploitent et / ou élaborent des catégorisations sociales et sociolinguistiques. Notre attention se porte pour cela sur la construction du discours dans laquelle peuvent se manifester, linguistiquement, tant le procès de catégorisation que le procès d’interprétation des catégories, par les locuteurs » (p. 48).

Par la théâtralisation elles veulent mettre en vedette le fait que la jeunesse fait sens dans les rôles, les relations, les activités et la manière caractéristique de parler. Les résultats de leur enquête prouvent que l’ensemble des participants tend, dans la plupart des interactions analysées, entre jeunes et adultes, mais aussi entre jeunes, à converger vers l’usage de traits d’un français que l’on pourrait qualifier de français oral courant, norme d’usage partagée par le groupe dans l’espace sociolinguistique considéré. Parallèlement, les jeunes locuteurs utilisent entre eux, dans le cadre de relations de connivence entre pairs, certains traits linguistiques (par exemple, la verlanisation, la suffixation en -ave, le renforcement de l’accentuation sur la pénultième, etc.) non observés dans l’usage des adultes et exclus des échanges avec ceux-ci.

Ces traits, peu nombreux et variés, qui s’ajoutent aux traits employés par l’ensemble des participants, suffisent à distinguer des façons de parler et ainsi à construire symboliquement des clôtures sociolinguistiques, des facettes identitaires et des rapports de place de pair à pair. La conclusion de leur enquête est que « la variabilité des pratiques langagières était liée à diverses pressions normatives, mais également à la construction des rapports de place dans la dynamique interactionnelle ainsi que, d’une façon plus générale, à la construction du sens » (p. 52)




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