Colloque 2 les nouvelles technologies dans l'enseignement superieur



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RETOUR AUX SOURCES DU NET.

Alain PAYEUR

Marie-José BARBOT

"Le vivant est pour soi, il se pose comme auto-finalité, et cela implique toujours une intention minimale, au moins l'intention de se conserver; donc aussi une évaluation, positive ou négative, de ce qu'il se présente (représente)."42



1. Aux carrefours du labyrinthe.

S’il est vrai que l’enseignement universitaire, - avec l’arrivée des Technologies de l’Information et de la Communication, les T.I.C.- cherche à rester vivant, il se doit sans doute d’être capable d’évaluer les voies qui s’ouvrent. Cette représentation des possibles ne vaudra pourtant que si elle s’inscrit dans la continuité de ce que l’on pourrait identifier comme une attitude universitaire. Pour ne pas trop risquer de se perdre aux carrefours du labyrinthe que tissent les T.I.C., il convient de se donner les moyens de faire reconnaître l’identité d’un parcours universitaire, d’en poser les conditions. Les questions qui se posent dès lors ne sont pas de l’ordre des opportunités à saisir pour rester en accord avec une certaine modernité qui se développe socialement et à laquelle il faudrait répondre sous peine de passer pour des tenants d’une sorte de pré-modernisme! Les questions qui se posent sont celles de l’orientation universitaire à donner aux choix qui seront faits pour véritablement intégrer ces technologies. Et, de ce point de vue, on peut même avancer l’idée que l'intégration des T.I.C. constitue une chance –faut-il la dire: historique? - de repenser la fonction de médiation et de construction des savoirs à l'université.


Or, cette réflexion est esquivée par un grand nombre d’acteurs.

Certains parce qu’ils sont engagés dans l’action et que d’être engagé dans l’action finit par trop accaparer et par obscurcir le discernement.

Certains parce qu’ils refusent cette intégration et qu’ils tiennent à en ignorer les effets profonds.

Certains parce qu’ils la redoutent et qu’ils agitent toutes les angoisses liées aux nouveautés.



Pour tout dire, il semble se produire une fermeture alors même que se constitue peut-être ce qu’Umberto Eco se représente comme une nouvelle culture, culture porteuse et riche de nouvelles abstractions. D’autres se risquent même à écrire que, "les années à venir, verront naître le Web sémantique, structurant mieux la matière informationnelle pour augmenter sa valeur et enrichir son potentiel d'exploitation. L'information logicielle invisible deviendra aussi importante que l'information visible à l'écran. Progressivement pourront se développer de nouveaux paradigmes de communication, d'innovation et de création, plus interactifs, contributifs, collaboratifs et cooptatifs, centrés sur le réseau"43. D’autres enfin tracent de larges perspectives: "Nous vivons la troisième révolution graphique de l'histoire: l'écriture des réseaux , dont Internet (qui) est le plus connu, a commencé entre 1968, première commutation de paquets et 1972, création du protocole Internet"44.
Dans ce contexte, il s'impose d'adopter une position de chercheur, c'est-à-dire de procéder à une mise à distance et d'interroger les spécificités de cette intégration, forcément progressive, d'interroger aussi ce silence relatif sur les T.I.C. au-delà des discours de proclamation ou d’attristement, au-delà de l’euphorie provoquée par les promesses d’une intelligence partagée, au-delà des jérémiades sur l’abêtissement culturel.
Sans méconnaître les difficultés d’une telle entreprise, posons une première remarque: en ce qui concerne l’intellectuel, le chercheur, cette absence de réflexion est d’autant plus paradoxale que ces technologies se présentent comme des «objets intelligents». Et si, précisément, elles provoquent une recomposition des conditions de l’action humaine, ce qui est mis en jeu, ce sont - bien plus que toute autre- les actions de production et de construction de savoirs, les actions de formation, et de transmission des informations, autant d’actions qui les concernent au premier chef. Aussi, pourquoi ne pas risquer cette hypothèse que le Net en particulier nous ferait passer dans un cadre conceptuel autre, car ce n’est pas d’un simple objet technique qu’il s’agit, mais d’un objet technique complexe.
L’expression recouvre ce que Vigotsky (1930) caractérise comme un «instrument psychologique» dans la mesure où il permet d'agir sur soi ou sur autrui. Pour lui, "l'instrument psychologique se différencie fondamentalement de l'instrument technique par la direction de son action. (…) L'instrument psychologique ne provoque pas de changement dans l'objet; il tend à exercer une influence sur le psychisme propre (ou sur celui des autres) ou sur le comportement. "45 Ce type d'instrument, par conséquent, est porteur d'abstraction et son utilisation exerce des effets structurants dans le psychisme même. De son côté, Marc Guillaume qui appelle «nootechniques», des objets capables de prolonger le cerveau, comme la machine a prolongé le corps, souligne que «l’analyse de cette question est particulièrement complexe car, à la difficulté (…) de cerner la véritable portée à long terme des innovations techniques, s’ajoutent (…) de redoutables questions liées aux définitions de l’information, du savoir, de la formation de l’esprit, de la pensée et de la création intellectuelle»46
Aussi le chercheur est-il de plus en plus fortement confronté à cette interrogation: n’assiste-t-on pas à un véritable changement de paradigme qui contraint les universitaires à s’interroger sur le sens de ce changement.? Pour les autres acteurs sociaux, les T.I.C. fournissent de nouvelles opportunités; ce sont des instruments qui accélèrent les échanges, qui rationalisent un certain nombre de services, qui donnent des moyens pour réaliser une action, atteindre un objectif. Mais pour, l’enseignant-chercheur la question mérite une attention encore plus grande, puisqu’elle englobe les conditions de sa propre action. Dit plus simplement, pour les universitaires, c’est de leur action même qu’il s’agit. Moment historique47, peut-être donc, dans la mesure où ces technologies touchent à des questions d’écriture, à des modalités d’inscription de l’abstraction, et d’exercice de la pensée, de codification des informations, toutes choses sur lesquelles le chercheur et l’enseignant exercent une maîtrise, toutes choses qui se trouvent mises en abyme et sur lesquelles il est de son devoir de s’engager.

Bref, le pédagogue, l’intellectuel se doivent de réagir plus que d’autres à la question de l’intégration des T.I.C. puisque le jeu en vient à se déplacer sur leur territoire spécifique, celui du savoir. Certes, le saut qualitatif opéré par les T.I.C. agit sur le monde en général, mais il agit particulièrement sur les conditions de production et de circulation des biens culturels et éducatifs, empiétant ainsi sur le terrain jusque là réservé de l’école ou de l’université. Pour ces raisons, le débat qui s’ouvre, est pour nous, avant tout de nature quasi-métaphysique puisqu’il faut se mettre à penser une instrumentation avancée de la pensée autant que l’avancée d’une pensée de l’instrumentation.

Il ne s'agit donc pas, pour l’enseignant universitaire, de n’envisager qu’une utilisation technique. R. Maragliano se trouve en droit d’écrire à son propos que «jamais, pour bien préciser, il ne pourra être un utilisateur professionnel d’informatique s’il n’est pas aussi un utilisateur du monde et s’il n’adopte pas la machine comme instrument philosophique, par conséquent comme ressource pour repenser le monde, sa place dans celui-ci et son projet et sa construction d’un enseignement collaboratif. Ce que je propose ici est une pédagogie exigée par les médias, qui découle du choix d’utiliser la machine pour repenser l’éducation dans sa complexité (nous soulignons).»48
D’évidence, il s’agit de poser une question qui est plus qu’une question méthodologique, car elle se pose à partir d’un véritable affrontement à ce qui constitue, au sens de G. Bachelard, un «obstacle épistémologique». Cet obstacle fondamental en rencontre trois autres qu’il traverse et induit: un obstacle sémio-technique, un obstacle pédagogique et un obstacle socio-culturel.

Obstacle


sémiotique

Obstacle


pédagogique

Obstacle
Socio-culturel




2 . L’obstacle épistémologique.
C’est pour l'universitaire en tant qu’il se définit comme chercheur et producteur de connaissances, l’obstacle central et cet obstacle central se formule de cette façon: En quoi une épistémologie déduite d'une théorie de l'autonomie, est-elle concernée, ou encore affectée par une culture de réseau ?

Par épistémologie déduite d'une théorie de l'autonomie, nous nous référons à des analyses qui s’inscrivent dans une critique du positivisme. La connaissance au lieu de se présenter comme une série de faits acquis, se caractérise avec Popper 49, comme un ensemble de réponses provisoires à des problèmes tels que peuvent les poser les scientifiques. Bachelard, quant à lui, dénonçait la rigidification des savoirs transmis, rappelant que le savoir se construit sans cesse par «rectification», par «approximation». S’en prenant à la «somnolence de l’esprit», il en arrivait à cette conclusion: "l'esprit scientifique est essentiellement une rectification du savoir, un élargissement des cadres de la connaissance"50. Et ce, sans parler de tous ceux qui, comme Polin(1977) dénoncent la confusion entretenue entre savoir et information par «les mass media qui pratiquent la vulgarisation permanente. Parler de tout à tous, c’est en réalité, ne parler de rien à personne», conclut-il. 51


Cependant, si l'esprit scientifique se définit comme une créativité qui va vers la modélisation et l'abstraction, vers la création d'un savoir du deuxième ordre, pour reprendre le mot de Popper, il faut encore prendre garde de ne pas réduire cette créativité à une dimension cognitive. Des facteurs non seulement cognitifs, mais affectifs et culturels (J. Bruner 1990)52 interviennent et doivent donc être pris en compte à partir du moment où ce qu’il s'agit de créer, c’est du sens.

Il s’agirait moins de s’assurer de la transmission des connaissances, c’est-à-dire de les prendre dans leur dimension historique, ou d’améliorer leur circulation, c’est-à-dire de les prendre dans leur dimension d’échange communicationnel, que de s’intéresser à leur construction pour mettre à jour une logique d’intellection:


Certes, à un premier niveau, les évolutions observables concernent une accélération et une diversification des modes de diffusion et de réception des savoirs, mais, à un second niveau, les évolutions concernent plus radicalement l’«épistémé». Les évolutions portent sur l’armature de savoirs qu’il devient difficile de présenter comme clos et définitifs ou même simplement comme stabilisés. La logique d’intellection est confrontée à la question de la complexité. Constamment l’esprit est sollicité par d’autres choix. La pensée est orientée vers d’autres voies que celles prévues. L’apprentissage passe par des redéploiements; l’investigation suppose des successions de rectifications, de demandes d’informations complémentaires, à trier, à intégrer. Autrement dit, ce qui se retrouve, c’est précisément le mouvement même de la pensée et de l’esprit scientifique en ceci qu’il procède «essentiellement par un élargissement des cadres de la connaissance».
Mais à quelles conditions? S’installer devant le net suffirait-il? La logique d’intellection se réduit-elle à des successions de «clics»? Ne risque-t-on pas de perdre les acquis d’un savoir intensif pour les dérives d’un savoir extensif mal ficelé, mal formalisé?

La condition primordiale réside sans doute dans la mise à l’épreuve de l’autonomie du sujet

- En ce que le sujet est capable de construire son savoir suivant des principes d’accommodation et d’assimilation (Piaget 1967, Piaget Inhelder 1968)

- En ce que le sujet est capable de suivre un processus de «cohérence interne» (F. Varela 1989), et non pas dicté de l’extérieur,

- En ce que le sujet est capable de procéder à des rétroactions dans la mesure où il sait d’autant mieux décoder des informations qu'il s’est construit des représentations pertinentes préalables.
D’où cette conclusion provisoire:

A ces conditions, le Net se présente comme une chance et peut offrir des moyens incomparables d’autonomisation du sujet apprenant telle qu'elle est définie par les sciences de la cognition rendant possible une convergence épistémologique dans laquelle "en définitive, constructivisme piagétien et théorie de l'autonomie se rejoignent pour proposer une conception originale de la connaissance."53

Et l’obstacle épistémologique agirait finalement comme un révélateur de la pertinence de cette problématique puisqu’elle oriente vers "la conception d'une épistémologie ouverte et fonctionnelle qui dans son principe même, accepte les révisions continuelles". Notre auteur ajoute qu’elle «devrait être la véritable solution systémique, permettant de bénéficier de règles universelles coordonnant l'esprit de recherche, tout en conservant une grande place à l'innovation. Une épistémologie déduite d'une théorie de l'autonomie répond à ces exigences.»"54

En amont, cela signifie que les savoirs ne sont plus ni clos ni définitifs, la logique d’intellection est confrontée à la question de la complexité qui oriente vers d’autres choix et appelle des redéploiements disciplinaires. En aval, c'est la place du sujet qui est mise en question et qui appelle une théorie, si ce n’est simplement: une prise en compte, de l’autonomie du sujet apprenant.




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