IV. 3. 4. 5. 2. Changement chez les 10/11 ans
Par contre, en ce qui concerne le changement de la référence, on trouve un ordre de préférence différent :
Article + nom simple ou disloqué ou nom propre (70%) > Pronom personnel sujet (28%) > Ellipse (2%).
Ce résultat montre la conformité des stratégies aux exigences de la tâche, tout au moins en ce qui concerne l'emploi des formes nominales. En effet, les narrateurs, en les utilisant, montrent qu'ils tiennent compte de leur auditoire et qu'ils lui donnent les informations nécessaires pour l'identification du référent. Cette remarque concerne bien entendu aussi l'utilisation du nom propre qui en fait n'est employé que par deux sujets (10;06o et 10;06f) et uniquement pour les trois personnages principaux. Les référents désignés par un nom propre sont très facilement identifiables par l'auditeur, dans la mesure où le nom propre assure un caractère unique au référent qu'il représente.
Pour ce qui est de l'usage de la forme nominale simple versus disloquée, plusieurs explications s'imposent. En fait, dans notre corpus, nous avons trois cas de figure : la majorité des sujets de 10/11 ans n'utilise aucune ou tout au plus une ou deux dislocations à gauche ou à droite pour le changement de référence. C'est le cas de neuf sujets. Le sujet 10;03t quant à lui en utilise de manière systématique. Enfin, les deux sujets restants, 10;07g et 11;08g emploient des dislocations uniquement pour le chien et les personnages secondaires, contrairement à ce qu'ils font, lorsqu'ils effectuent un changement de référence avec le garçon ou le couple garçon/chien comme sujet. Dans ces cas là, ils privilégient les formes pronominales comme dans l'exemple suivant :
(148) 11;08g 3b 011 et: le chien i [changement] se coince la tête dedans / -
012 ilZ ouvrent il [changement garçon] ouvre sa fenêtre,
013 et il [maintien garçon] regarde dehors,
014 et il [maintien garçon] l'appelle. 010
4a 015 après ya: le chien i [changement] saute / -
On trouve dans la production du sujet 11;08g des traces de la stratégie du sujet thématique (pronom pour le garçon ou le couple garçon/chien dans des cas de changement de la référence), mais également des signes de son désir de lever certaines ambiguïtés référentielles par l'emploi de dislocations à droite pour le changement de référence.
Ce sont ces restes de la stratégie du sujet thématique qui apportent une explication au 30% de formes pronominales relevées chez nos sujets de 10/11 ans. On remarque en effet, un pourcentage non négligeable de pronoms personnels sujet, de formes lexicalement moins explicites dans la fonction de changement. L'étude détaillée de ces formes révèle un lien entre ces formes et l'identité des référents concernés. En effet, dans près de 50% des cas, les enfants emploient ces formes dans la fonction de changement de référence lorsqu'il est question du garçon, et dans plus de 32% des cas, lorsqu'il s'agit du couple garçon/chien. Cet emploi est relativement marginal pour les autres personnages, puisqu'il ne s'agit que de 8% pour le chien, 9% pour la grenouille, 2% pour le cerf et une seule occurrence pour la taupe ainsi que pour un trou. Cette stratégie reflète le statut particulier attribué par les enfants, d'une part au petit garçon, et d'autre part au couple garçon/chien. Ils leur attribuent le rôle de protagonistes privilégiés, dont il n'est pas nécessaire de rappeler l'identité même dans le cas d'un changement de référence. Ainsi, ils construisent une cohérence discursive à un niveau global. Lorsque l'auditeur repère l'utilisation d'un pronom personnel sujet, par défaut, il lui faut l'interpréter comme représentant, soit le garçon seul, soit le couple garçon/chien. Il peut éprouver des difficultés dans cette interprétation, dans la mesure où dans certains cas comme l'utilisation de verbes du premier groupe, dans lesquels les formes de la troisième personne du singulier et de la troisième personne du pluriel sont identiques, il n'a pas vraiment d'indices lui permettant de trancher entre les deux interprétations. C'est le cas dans l'exemple suivant :
(149) 11;02b 12b 041 mais ils sont contents / -
042 pa'ce que p'T'être la grenouille !aime! les étangs. -
13a 043 ils regardent 010 danZ un tronc - d'arbre (xxx) 010
Pour conclure rappelons les deux stratégies préférentielles des enfants de 10/11 ans et leurs implications sur la constitution d'un discours narratif. Ces sujets préfèrent les formes nominales aux formes pronominales pour le changement de référence, ce qui est conforme à un discours dépourvu de toute ambiguïté référentielle pour les auditeurs. Mais on note tout de même une part non négligeable de formes moins explicites qui semblent traduire la volonté des locuteurs de constituer un tout cohérent avec des protagonistes privilégiés. Pour ce qui est du maintien de la référence, ces mêmes sujets emploient des formes moins explicites, comme les pronoms personnels sujet, les ellipses ou encore les pronoms relatifs. Ils répondent ainsi aux attentes des auditeurs. Mais ils découpent leur narration en épisodes par l'utilisation de formes plus explicites. Ainsi, pour la plupart, les enfants répondent de manière adéquate aux différentes contraintes que la réalisation de la tâche de la "Grenouille" implique.
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