IV. 3. 5. 5. 2. Changement chez les adultes
On constate ce même souci du récepteur dans la réalisation de la fonction de changement de référence qui est encodée majoritairement de manière explicite. Cependant, on compte aussi un nombre non négligeable de formes moins explicites dont la fonction reste problématique. En fait, on ne cherchera à expliciter que la présence des pronoms personnels sujet qui sont au nombre de 74 (20% des formes totales ; le pourcentage des autres formes est égal ou inférieur à 5%).
La première remarque à faire concerne l'identité du personnage mentionné sous forme pronominale. La hiérarchie décroissante suivante se dégage des données :
Couple garçon/chien 54% > Garçon 17,5% > Chien 9,5% > Narrateur (je) 8% > Grenouille fin 4% > Grenouilles 1%
On constate une domination de l'utilisation des pronoms personnels sujet pour le couple garçon/chien devant le garçon, le chien, le narrateur lui-même, la grenouille et enfin les grenouilles de la fin. Ces résultats montrent que les adultes envisagent majoritairement l'histoire de la perspective du couple garçon/chien. Cette façon de se représenter l'histoire entraîne donc l'utilisation de formes non marquées lorsque les sujets s'y réfèrent. Les auditeurs doivent donc interpréter par défaut un pronom personnel sujet de la troisième personne du pluriel comme renvoyant au couple garçon/chien, comme c'est le cas dans l'exemple suivant :
(192) 20;05v 4b 019 mais le ptit chien pour se faire pardonner -
020 lui lèche gentiment la joue. 010
5- 021 c'esT alors qu'ils [garçon/chien] décident de partir à la recherche de la grenouille. 010
Arrive en deuxième position le garçon seul avec 17,5 % des cas (193) devant le chien représentant 9,5% des occurrences (194).
(193) 19;00t 2b 010 et: la grenouille a disparu. 010
011 mais où esT-elle donc. 030
3a 012 il [garçon] la cherche !partout! - dans ses bottes !partout!
(194) 19;00t 4b 017 le chien euh 010 tombe - tombe de la fenêtre,
018 le petit garçon esT inquiet.-
019 et: il [chien] arrive à se= - il arrive à ce défaire euh du bocal
Ces chiffres sont un bon indice du fait que les sujets qui encodent le changement de la sorte considèrent ces personnages ensemble ou séparément comme les sujets thématiques de l'histoire.
Mais il existe encore d'autres explications à l'utilisation des pronoms personnels dans la fonction de changement (exception faite du pronom personnel de la première personne du sujet dont le référent peut évidemment être aisément retrouvé par l'interlocuteur). En effet, les sujets les emploient également dans les situations suivantes :
- après une relative :
(195) 30;10b 6a 020 pendant ce temps là euh le chien euh fait des siennes, -
021 et: - ya quelque chose
022 qui pend de l'arbre
023 donc il [chien] le regarde.
- après le chien comme complément d'accompagnement ou le garçon comme locatif :
(196) 30;10b 12b 042 le chien grimpe sur la tête du petit garçon / -
13a 043 ilZ [garçon/chien] arrivent à sortir de la mare,
- après des formes présentationnelles :
(197) 40;00j 2b 011 le lendemain matin - lorsque jules et jim se réveillèrent, -
012 y avait plus de grenouille. -
3a 013 alors iZ [garçon/chien] ont commencé par chercher partout dans la chambre, 020
- après des commentaires extra-narratifs :
(198) 30;10b 15- 049 et le voilà qui repart - avec une grenouille,
050 on sait pas
051 si c'est celle qui s'est enfuie de son bocal, -
052 ou si c'est une autre grenouille,
053 et il [garçon] dit au revoir à toute la famille grenouille.
- après des infinitives :
(199) 36;07g 15- 026 et puis ils les laissèrent tous ensemble
027 euh: - vivre - une vie tranquille.
028 et ils [garçon/chien] s'en repartirent touT heureux.
Ainsi dans 38% des cas les narrateurs ne considèrent pas qu'il y ait eu interruption de la continuité thématique. Selon eux, dans les contextes décrits ci-dessus, ils peuvent réintroduire les référents en position de sujet par le biais de formes linguistiques moins explicites. On peut expliquer cette conception des narrateurs adultes, si l'on examine de plus près les informations évoquées dans les structures. En effet, dans presque tous les cas, les sujets introduisent des événements qu'ils placent en arrière-plan ou réalisent des séquences latérales hors narration. On arrive aux mêmes conclusions pour ce qui est des ellipses utilisées dans la fonction de changement de référence. On trouve en effet dix ellipses dans les contextes suivants :
- quand la subordonnée précède la principale (participe passé, avant de + inf., pour + inf.) :
(200) 24;00f 2b 010 sa grenouille avait disparue. 010
3a 011 !catastrophé! par cette disparition /
012 le pauvre petit garçon tout malheureux chercha de partout, !dans ses bottes! !sous son lit! - !dans des chaussures!,
- avant des infinitifs :
(201) 40;00j 11- 084 qui suivait euh: qui suivait le cerf.
085 basculer au bord de la falaise,
- après des formes présentationnelles :
(202) 30;00n 9a 032 y a uN oiseau. 020
9b 033 continuent toujours à appeler
- après une relative :
(203) 40;00j 2a 007 alice sortit du bocal, 020
008 et euh: 020 passa par la fenêtre
009 qui était restée ouverte, -
010 et s'enfuit. 010
Dans ces cas aussi, les narrateurs encodent des états de choses qui ne font pas directement partie de la trame narrative.
Dans les cas mentionnés ci-dessus, les narrateurs ne considèrent pas l'intervention d'un autre référent comme un véritable changement de référence. Ces changements ne sont donc pas des changements manqués, comme on pourrait le croire à première vue, mais au contraire, ils sont motivés par un besoin de hiérarchisation des informations dans le discours. Cela étant souligné et adoptant la perspective du narrateur, on compte un nombre de maintien de la référence supérieur à celui évoqué au début de cette partie. En effet, si on ajoute à ce premier nombre les cas envisagés par les narrateurs comme des cas de maintien de la référence, on obtient les chiffres suivants : 360 maintiens contre 324 changements. Ce chiffre va encore davantage dans le sens d'une construction de la narration grâce aux outils syntaxiques plus complexes.
En conclusion, on peut rappeler que les adultes préfèrent des formes moins explicites pour remplir la fonction de maintien de la référence. Les quelques cas de déviations à cette stratégie (formes plus explicites) s'expliquent par un souci d'éviter toute ambiguïté référentielle ponctuelle. Pour ce qui est de la fonction de changement de référence, les locuteurs utilisent majoritairement des formes explicites, ce qui est conforme à la réalisation d'un discours clair produit à l'adresse d'un auditoire. Dans le cas de l'utilisation de formes moins explicites - qui est le signe d'une non interruption de la continuité thématique dans l'esprit du narrateur -, l'auditeur doit faire des inférences sur le référent désigné. Mais là aussi ce dernier retrouve facilement son identité. Enfin, dans cette partie également, nous relevons une grande variation dans les moyens utilisés ainsi qu'une construction des états de choses en un tout complexe et cohérent.
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