Innombrables sont les récits du monde


V. 6. 3. Développement des temps d'ancrage



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V. 6. 3. Développement des temps d'ancrage

Après avoir observé l'évolution des formes verbales comportant des erreurs et des clauses à verbe non fléchi, passons à l'examen des temps d'ancrage adoptés par les sujets en fonction de leur âge.




Temps d'ancrage ≥ 75%

3/4 ans

(N=14)


5 ans

(N=20)


7 ans

(N=12)


10/11 ans

(N=12)


Adultes

(N=12)





Présent

10

10

5

7

9

Passé

1

3

7

4

2

Mixte

(Présent)

(Passé)


3

(2)


(1)

7

(2)


(5)

-

-

-



1

(1)


-

1

(1)


-

Tableau (25) : Nombre de sujets en fonction du temps d'ancrage de 3/4 ans à l'âge adulte.

Le tableau (25) montre que 58,5% des sujets favorisent le présent comme temps d'ancrage dans leur narration. Cette tendance est particulièrement claire chez les 3/4 ans, les 5 ans et les adultes. Elle s'explique par un traitement plus déictique, plus focalisé sur le ici-et-maintenant de la tâche par les plus jeunes sujets. Par contre, il ne nous est pas possible d'interpréter les résultats des adultes de la même manière. En ce qui les concerne, nous attribuons la domination du présent à la définition qu'ils se font de la tâche à accomplir, c'est-à-dire raconter une histoire pour un enfant sur un mode plus vivant, plus direct, moins "littéraire" que les sujets qui optent pour un temps d'ancrage au passé. Ce sont en effet plus particulièrement les 7 ans et les 10/11 ans, qui fréquentent l'école primaire, qui choisissent cette deuxième stratégie. On constate par là même l'influence des activités scolaires telles que la compréhension et la production d'histoires orales et écrites, la lecture. Ce changement confirme également l'hypothèse selon laquelle les enfants passent de l'âge de 5 ans à l'âge de 7 ans d'un mode descriptif à un mode narratif. De plus, le tableau (25) ci-dessus montre une quasi-disparition, à partir de 7 ans, des narrations mixtes, dans lesquelles les locuteurs effectuent des va-et-vient entre les temps du passé et le présent. Plus de 20% et 30% chez les 3/4 ans et les 5 ans emploient cette stratégie qui ne respecte pas le principe d'un temps dominant. Ils passent d'un temps à un autre sans motivation fonctionnelle apparente.

Nous pouvons également nous demander si les stratégies des enfants et des adultes francophones quant à la sélection et au maintien d'un temps d'ancrage, diffèrent de celles d'autres sujets dans d'autres langues. Plusieurs recherches ayant étudié cet aspect, nous avons la possibilité de comparer nos résultats aux leurs : Aksu-Koç (1994) sur le turc, Bamberg (1987) sur l'allemand, Berman (1988) sur l'hébreu, Hickmann & Roland (1992) sur l'anglais et le français, Sebastián & Slobin (1994) sur l'espagnol, Stephany (1994) sur le grec62.


Langues

Temps

3 ans

4 ans

5 ans

7 ans

9 ans

10 ans

11 ans

Adultes




Hébreu

(N=16)


PR

PA

M



12,5

31,5


56

6

56,5


37,5

25

62,5


28

6,5

87

6,5



-

94

6






25

75

-



44

50

6



Grec

(N=10)


PR

PA

M









-

100


-

-

90

10



-

80

20









30

50

20



Turc

(N=10)


PR

PA

M



30

10

60






40

30

30






70

30

-









60

40

-



63Allemand

(N=8/9)


PR

PA

M






100

-

-



75

25

-






75

25

-









87,5

12,5


-

Espagnol

(N=12)


PR

PA

M






16,5

67,5


16,5

25,5

58,5


16,5




67

33

-









83,5

16,5


-

Anglais

(N=20/15)



PR

PA

M






35

50

15






55

45

-






45

55

-






86,5

13,5


-

Français

(N=10)


PR

PA

M






90

10

-






90

10

-






70

30

-






90

10

-



Tableau (26) : Pourcentage des différents types d'ancrage en fonction de l'âge et de la langue.

Les résultats des adultes sur le tableau (26) nous permettent d'établir des sous-groupes de langues en fonction du temps d'ancrage favorisé par les locuteurs de ces langues : l'hébreu et le grec préfèrent un ancrage au passé ; l'allemand, l'espagnol, l'anglais et le français optent pour l'ancrage au présent ; le turc se situant à mi-chemin entre ces deux pôles mais en étant tout de même plus proche du second groupe que du premier. Il nous faut cependant être prudent quant à la validité de cette dernière remarque eu égard aux résultats de Hickmann & Roland (1992) en français. En effet, contrairement à nos résultats dans lesquels la préférence des adultes francophones pour le présent n'est pas si fortement marquée, ceux d'Hickmann & Roland (1992) soulignent une nette tendance des adultes francophones à privilégier ce type d'ancrage (90% contre 75% dans nos données). Mais, ces différences peuvent trouver leur origine dans le matériel utilisé : Hickmann & Roland (1992) se servent de deux séries de 6 et 7 images représentées sur une page unique, ce qui peut avoir pour conséquence un mode plus descriptif et donc une domination de l'ancrage présent.

Le tableau (26) souligne donc qu'il existe bien des préférences culturelles quant au choix du temps d'ancrage, bien qu'à l'exception des grecs et des hébreux, tous les sujets préfèrent le présent au passé. Cette préférence générale pour le présent est certainement liée aux caractéristiques de la tâche et de la procédure : une histoire basée sur des images statiques que le locuteur garde sous les yeux au moment de la production. En effet, même chez les grecs où les contes sont racontés de manière générale au passé, on trouve un nombre non négligeable de productions ancrées dans le présent. Néanmoins, dans une étude sur la narration, Erguvanli-Taylan (1987) observe l'utilisation du présent turc pour rapporter un film immédiatement après son visionnement. Dans cette expérience 70% des narrateurs utilisent le présent en -iyor comme temps d'ancrage, ce qui tend à minimiser - tout au moins en turc - l'influence des images statiques sur l'utilisation du présent.

Pour ce qui est des enfants, deux remarques principales s'imposent. La première concerne les systèmes mixtes qui diminuent dans toutes les langues en fonction de l'âge. À partir de 7 ans, il existe un pourcentage très faible de sujets (2%) qui ne se bornent pas à un temps dominant mais passent du présent au passé et inversement. Nous pouvons encore souligner une tendance générale à l'apparition et à l'augmentation des productions ancrées dans le passé pour les tranches d'âge moyennes (7 ans et 10/11 ans). Mais, il est difficile de tirer des conclusions claires sur le développement, dans la mesure où dans plusieurs langues, les enfants les plus jeunes ont déjà 4 ans, voire 5 ans dans le cas du grec, au moment du premier enregistrement. Cet état de choses ne nous permet donc pas de savoir qu'elles sont les stratégies de leurs cadets et à quel stade développemental ils se situent. Néanmoins, il semble que les habitudes culturelles transmises par l'école primaire soient à l'origine des changements dans les productions. Cette remarque s'adapte bien à nos propres résultats, puisque le pourcentage de productions ancrées au passé passe de 15% chez les 5 ans à 58,5% chez les 7 ans, pour ensuite diminuer à 33,5% chez les 10/11 ans. Ces résultats contredisent en partie ceux de Hickmann et Roland (1992) qui relèvent 10% pour les 5 ans et les 7 ans, 30% pour les 10/11 ans. Là encore nous pouvons imputer ces différences au matériel utilisé.

En conclusion, nous pouvons observer un certain nombre de différences dans les productions des sujets qui sont liées aux habitudes culturelles auxquelles ces sujets sont exposés. Cependant, les profils sont assez semblables des uns aux autres, et cela peut s'expliquer par une exposition à des cultures somme toute assez proches. Nous soupçonnons que l'étude de productions réalisées dans des contextes culturels plus éloignés (langue à tradition orale ; enfants non scolarisés) révéleraient des différences plus flagrantes.


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