Participants
Dans le domaine de la référence aux participants, les choses sont plus complexes. En ce qui concerne l'introduction des personnages, nos données montrent que les sujets ne répondent que partiellement aux contraintes communicatives, puisqu'ils ne respectent pas le "given-new contract" en utilisant un certain nombre de formes peu explicites (formes pronominales) et définies (formes nominales). L'auditeur ne peut par conséquent se contenter des seules manifestations verbales pour comprendre de quoi il est question, mais se doit d'interpréter les expressions de l'enfant, afin d'identifier le référent et/ou de faire des inférences à partir du support pictural. En fait, l'utilisation par les enfants de 3/4 ans de formes non immédiatement identifiables par l'auditeur s'explique par l'influence des contraintes discursives/narratives sur leurs productions. En effet, ces formes sont surtout utilisées dans l'encodage des personnages principaux, et tout particulièrement pour le garçon et pour le chien, moins fréquemment pour l'introduction de la grenouille et des personnages secondaires ; ce qui est un bon indicateur du fait qu'ils attribuent des statuts différents aux participants. N'étant pas encore en mesure de gérer de manière simultanée les contraintes communicationnelles et discursives/narratives, ils s'appuient sur l'auditeur ainsi que sur les images pour palier cette difficulté. En d'autres termes, ils utilisent des stratégies d'hétéro-régulation et de régulation par l'image pour construire leur discours.
De plus, nous remarquons que la réalisation des contraintes discursives se fait également au détriment des contraintes linguistiques spécifiques. En effet, dans les productions des enfants de 3/4 ans, plus de la moitié des introductions se fait de façon pré-verbale, ce qui n'est pas conforme à la tendance du français oral à éviter la position pré-verbale pour la première mention d'un référent. La déviation à cette tendance est explicable par l'influence des contraintes discursives, puisque ces introductions pré-verbales concernent surtout les personnages principaux, et encore plus particulièrement le garçon et le chien. Ce pourcentage non négligeable d'introductions pré-verbales a pour corrélât une faible présence de formes présentationnelles qui sont elles aussi caractéristiques de l'introduction d'un nouveau référent en français parlé.
Dans le domaine du maintien et du changement de référence, les contraintes communicatives sont respectées dans la majorité des cas. Les sujets se conforment à la "stratégie anaphorique", en utilisant des formes pronominales ou des ellipses dans le maintien de la référence, contre des formes nominales dans le changement de la référence. Par conséquent, ils donnent assez mais pas trop d'informations à leurs auditeurs. Il arrive néanmoins que les sujets violent les contraintes communicationnelles en donnant, soit trop d'information (sur-marquage), soit pas assez (sous-marquage). Dans ce cas aussi, c'est la dimension discursive qui est à l'origine du non-respect des contraintes communicationnelles. En effet, nous observons la présence de sur-marquages de la référence à des changements d'image, ce qui semble être le reflet d'un début de construction de blocs informatifs à un niveau supérieur. Les sujets s'appuient donc sur les images pour structurer le discours. Les sous-marquages quant à eux sont liés à des personnages particuliers : surtout le garçon, et à moindre mesure le chien. Cette façon de procéder est la manifestation de la "stratégie du sujet thématique". Aussi pouvons-nous en déduire que ce sont les contraintes discursives/narratives qui influencent les réalisations des enfants.
Événements
Presque la moitié des sujets de 3/4 ans utilise un système mixte pour se référer aux événements. En fait, ces sujets effectuent des va-et-vient entre les temps du passé et du présent sans s'en tenir à un temps dominant d'un bout à l'autre des narrations. Ce faisant, ils ne respectent pas les contraintes discursives, puisqu'une des caractéristiques d'un discours bien formé est justement de comprendre un temps dominant. Ce non-respect d'un temps dominant a également des répercussions sur la compréhension de l'auditeur pour qui il est difficile d'attacher une étiquette précise quant au genre discursif de la production réalisée.
La seconde moitié des sujets, qui respecte le principe du temps dominant, opte à une exception près pour un ancrage au présent. Les événements sont présentés comme si ils se déroulaient sous les yeux des interlocuteurs en même temps que se produit l'énonciation. Cette stratégie permet d'assurer l'intercompréhension, c'est-à-dire la communication entre les interlocuteurs, mais cela au détriment des contraintes discursives qui impliquent la réalisation d'un discours décontextualisé et composé d'événements hiérarchiquement organisés. En effet, l'utilisation du présent a pour conséquence une présence limitée d'alternances temporelles, présence limitée entraînant elle-même la réalisation d'un discours sans relief. De plus, même lorsque les productions comprennent des alternances temporelles, celles-ci ne répondent pas aux exigences d'une narration bien formée. Dans les productions au présent, les changements de temps verbaux sont motivés, soit par la perspective externe (aspect résultatif) de laquelle les événements sont considérés, le choix d'une telle perspective étant elle-même motivée par la sémantique inhérente aux items lexicaux ; soit par le désir d'assurer à tout prix la communication. Ce sont donc les contraintes communicationnelles et linguistiques qui l'emportent sur les contraintes discursives. De plus, que ce soit dans les narrations à ancrage présent, passé ou mixte, nous observons un certain nombre d'alternances temporelles auxquelles nous ne trouvons aucune motivation fonctionnelle.
En ce qui concerne les connecteurs, les enfants de 3/4 ans en font un grand usage. C'est tout particulièrement le cas pour les déictiques. En fait, employer des déictiques est un moyen de compenser une difficulté à produire un discours décontextualisé tout en assurant la communication entre les interlocuteurs. Pour ce qui est des autres connecteurs, l'éventail des formes est assez restreint. Ce sont surtout des coordinateurs temporo-aspectuels à valeur séquentielle. Néanmoins, les enfants en utilisent fréquemment et les exploitent de manière pluri-fonctionnelle, ce qui leur donne la possibilité d'instaurer des relations sémantiques assez variées. Ces méthodes permettent de répondre aux contraintes discursives qui préconisent la construction d'un tout cohésif et cohérent, même si cela se fait au détriment de la communication. En effet, l'emploi pluri-fonctionnel des connecteurs peut être à l'origine d'ambiguïtés, leur suremploi quant à lui, mène à un marquage superflu des liens inter-propositionnels.
Les 5 ans
Continuité thématique
En ce qui concerne le profil des 5 ans pour l'établissement et le maintien d'une continuité thématique, il n'est pas très éloigné de celui des 3/4 ans. En effet, rares sont les sujets qui mentionnent le thème de la recherche d'un bout à l'autre de leur production. Cela étant, rares sont les sujets qui répondent aux contraintes discursives. 50% encodent néanmoins la composante I (début de la trame) et la composante II (continuation de la trame), ce qui constitue un pas en avant par rapport aux cadets. Mais les structures linguistiques sont peu complexes et peu diversifiées.
Participants
Les enfants de 5 ans présentent un profil très similaire à celui des 3/4 ans pour la référence aux participants, que ce soit pour l'introduction des personnages principaux ou secondaires, le maintien ou encore le changement de référence en position de sujet.
Pour l'introduction, tout comme les 3/4 ans, ils utilisent des formes peu explicites et définies, mais leur nombre est légèrement inférieur à celui des plus jeunes. De plus, ces formes concernent surtout le garçon, alors que chez les 3/4 ans, elles concernent le garçon et le chien. Pour ce qui est dans la position de l'introduction dans la clause, ils privilégient également les introductions pré-verbales, particulièrement quant il s'agit du garçon, mais moins souvent que les 3/4 ans. Par contre, ils emploient davantage de formes présentationnelles.
Dans le domaine du maintien et du changement, les données sont les mêmes pour les deux tranches d'âge. Nous notons cependant un emploi plus important de la stratégie du sujet thématique qui se traduit par des formes pronominales dans les changements de référence qui ont le garçon pour sujet, ainsi qu'un plus grand nombre de formes explicites pour le maintien, signe d'un début de structuration du discours, même si cette structuration est encore basée sur les images. Pour conclure, on peut dire que tout comme les 3/4 ans, les 5 ans commencent à répondre aux contraintes discursives bien que cela se fasse encore au détriment des contraintes communicationnelles et linguistiques spécifiques.
Événements
Seulement 1/3 des enfants de 5 ans emploie un système mixte pour se référer aux événements contre la moitié des sujets de 3/4 ans. Mais, malgré cela, il reste une bonne partie des sujets qui ne respectent toujours pas le principe d'un temps dominant, violant par là même les contraintes discursives.
Même parmi les enfants qui respectent ce principe du temps dominant, tous ne respectent pas pour autant les contraintes discursives. C'est particulièrement le cas de ceux qui choisissent d'ancrer leurs narrations dans le présent qui ne hiérarchisent pas les événements. En effet, les alternances sont rares, mais surtout elles sont motivées par l'"aktionsart" des verbes utilisés et n'ont une influence qu'au niveau local. Ces remarques nous conduisent à postuler, comme nous l'avons déjà fait pour les 3/4 ans, une influence du code utilisé ainsi que des stratégies employées pour pallier le problème de décontextualisation. Toutefois, nous percevons dans certaines alternances temporelles un début de respect de certaines contraintes discursives/narratives, comme de créer des liens sémantiques entre les événements, de jouer avec leur ordre de présentation, de différencier le premier plan de l'arrière-plan. Mais il ne s'agit que d'un début timide et concerne presque exclusivement les enfants qui ancrent leurs productions dans le passé. De plus, dans bien des cas encore, les contraintes discursives qui impliquent par exemple de différencier le premier plan de l'arrière-plan ne sont pas respectées, puisque l'on relève des cas où cette différenciation est réalisée par des temps verbaux si divers, qu'il est difficile à l'auditeur de leur attribuer une fonctionnalité précise. Pour conclure, nous pouvons séparer les 5 ans en trois groupes : les sujets qui emploient un temps mixte et qui par conséquent violent toutes les contraintes, ceux qui ancrent leur narration au présent et qui privilégient la communication au discours, et enfin, ceux qui ancrent leur production au passé, chez qui c'est l'inverse.
Les enfants de 5 ans utilisent plus de connecteurs que les enfants de 3/4 ans. On compte un connecteur toutes les deux clauses. Cet emploi en nombre des connecteurs a pour finalité la construction d'un discours cohésif. Malheureusement, cela se fait au détriment de la maxime gricéenne de quantité. En effet, les liens entre les événements sont marqués de manière exagérée. Les enfants de 5 ans ne savent pas encore répondre dans ce domaine aux contraintes discursives/narratives et communicationnelles de manière simultanée, et dans ce cas précis, ce sont les premières qui l'emportent sur les secondes. En ce qui concerne par contre la nature et la fonction des connecteurs, elles sont très proches de ceux relevés chez les 3/4 ans. L'éventail des formes est restreint et ces formes sont utilisées de manière pluri-fonctionnelle. Une fois de plus, la réalisation de la dimension discursive de la tâche se fait au détriment de celle de sa dimension communicationnelle.
Les 7 ans
Une remarque d'ordre général avant de passer aux résultats par domaine. En effet, il est important de noter dans ce groupe d'âge beaucoup moins de variations que pour les autres groupes, et ce, pour la majorité des aspects considérés. Nous pensons qu'il peut exister une corrélation entre l'absence de variation et l'entrée des sujets à l'école primaire, dans la mesure où ils sont tous soumis aux mêmes genres d'activités. Mais cette remarque soulève plus de problèmes qu'elle n'en résout. Cela dit, il serait intéressant de voir exactement à quel genre d'input et à quel genre de tâches ces enfants sont soumis à l'école.
Continuité thématique
Dans le domaine de la continuité thématique, les enfants de 7 ans réalisent un bond en avant par rapport à leurs cadets. Plus de 60% des enfants encodent le début et la continuation de la trame, 1/3 des sujets sa résolution. De plus, on voit apparaître quelques formules de résumé. Ces résultats montrent que les 7 ans maintiennent davantage une unité thématique d'un bout à l'autre de leurs productions. Ils commencent à respecter les contraintes discursives. Il le font d'autant mieux qu'ils emploient des outils linguistiques plus complexes et plus diversifiés pour encoder les différentes composantes. En effet, les 7 ans ajoutent par exemple aux verbes de perception et d'action utilisés par les 5 ans, des expressions encodant des états internes pour l'expression de la composante II. Dans ce cas, le développement des outils linguistiques permet de réaliser les contraintes discursives de manière plus efficace. Il existe malheureusement encore un certain nombre de déviations à cette tendance. Si l'on observe l'encodage de la composante III par exemple, on se rend compte que les enfants de 7 ans la mentionnent de façon extrêmement fréquente. Si fréquemment que cela entraîne un sur-marquage de l'information, ce qui va à l'encontre du principe gricéen de manière. Il en va de même pour la composante III. Mais dans ce cas, la communication n'est pas seulement victime de la dimension discursive/narrative, mais également de la dimension linguistique : certaines formes ne sont pas assez explicites pour assurer l'intercompréhension entre les interlocuteurs. Pour conclure, on peut affirmer que le respect des contraintes communicationnelles reste dans une certaine mesure lié à celui des contraintes discursives/narratives et linguistiques.
Participants
Ce qui différencie principalement les enfants de 7 ans de leurs cadets est l'absence de toute forme moins explicite (formes pronominales) pour l'introduction des personnages, principaux ou secondaires. Ce faisant, ils répondent de manière adéquate aux contraintes communicationnelles. Toutefois, ces enfants ne produisent pas encore un discours entièrement décontextualisé, dans la mesure où une partie de ces introductions sont définies. L'auditeur a encore besoin de se fier au contexte extra-linguistique et tout particulièrement aux images pour identifier le référent évoqué. Il reste donc des traces d'une certaine régulation du discours par l'image dans les productions des enfants de 7 ans. En fait, cette régulation par l'image vient compenser leurs difficultés à gérer de manière simultanée les contraintes communicationnelles et discursives. En effet, ce sont surtout le garçon et le chien qui sont introduits par le biais de formes définies. La contrainte discursive qui consiste à attribuer des statuts différents aux personnages est également réalisée au détriment des contraintes linguistiques spécifiques au français, étant donné que les productions des 7 ans comprennent un certain nombre d'introductions pré-verbales, et ce, tout particulièrement pour les personnages principaux.
En ce qui concerne les fonctions de changement et de maintien, les 7 ans ont les mêmes stratégies que les 5 ans : ils utilisent des formes plus explicites pour le changement et des formes moins explicites pour le maintien, ce qui répond aux attentes de l'auditeur. On trouve encore des déviations à la stratégie anaphorique qui se réalisent sous la forme de sur-marquages dans le cas de maintien de la référence et sous celle de sous-marquages dans les cas de changements. Le premier type de déviation sert à pallier les difficultés en rapport avec la construction d'une narration structurée en épisodes, le second révèle également l'influence des contraintes discursives/narratives, comme celle de choisir un protagoniste privilégié et de s'y référer sous forme pronominale. Mais contrairement aux enfants de 3/4 ans et de 5 ans, les 7 ans ne choisissent plus seulement le garçon comme protagoniste privilégié mais commencent à envisager l'histoire également de la perspective du couple garçon/chien.
Événements
Tous les enfants de 7 ans maintiennent un temps dominant du début à la fin de leurs productions, répondant par là même au principe d'un discours bien formé. C'est le premier groupe d'âge qui suit ce principe à l'unanimité. C'est aussi le premier groupe d'âge à choisir dans près de 50% des cas le passé comme temps d'ancrage. En effet, ces enfants de 7 ans utilisent le passé simple pour présenter les événements qui font partie de la trame narrative. Nous interprétons ce choix comme le signe de l'influence de la scolarisation au cours de laquelle les enfants sont soumis à des activités littéraciées où l'emploi du passé simple est de mise. Le fait que ces enfants utilisent le passé simple dans cette tâche, montre qu'ils interprètent bien la tâche à accomplir comme une narration et qu'ils la traitent comme une tâche scolaire, même si la conjugaison des temps du passé et particulièrement du passé simple leur pose encore des problèmes. Le respect des contraintes liées au genre discursif passent donc avant celui des contraintes linguistiques. Nous relevons également un nombre plus important d'alternances temporelles de manière générale chez les 7 ans que dans les productions des enfants plus jeunes. Ces alternances répondent pour une bonne part aux contraintes discursives. En effet, elles permettent de structurer le discours en premier plan versus arrière plan ou encore en exposition versus développement. Elles instaurent également des relations de rétrospection entre les événements. Mais il reste encore un certain nombre de cas, pour lesquels il est difficile de trouver une motivation claire, ce qui peut présenter des problèmes d'interprétation pour l'auditeur. D'autres cas d'alternances enfin, sont dictés par le code lui-même et plus particulièrement par la sémantique inhérente aux verbes encodés.
Dans le domaine des connecteurs, le profil des 7 ans ressemble encore beaucoup à celui des enfants de 5 ans. Ils en utilisent un grand nombre afin de répondre à la contrainte discursive de production d'un tout cohésif. Leurs connecteurs sont pluri-fonctionnels, ce qui est un moyen de réaliser des relations sémantiques variées, lorsqu'on dispose d'un code linguistique restreint. Par contre, on voit apparaître dans leurs productions des connecteurs qui ont pour fonction la structuration du discours. Mais ils ne sont pas employés tout au long de la narration. Au contraire, on les trouve nombreux au passage de l'exposition au développement. Cette utilisation localisée montre que les enfants de 7 ans sont influencés par les images, et en particulier, par la saillance de certaines d'entre elles.
On peut conclure en disant que d'une part, les enfants de 7 ans respectent dans une certaine mesure les contraintes discursives même si cela entraîne le non respect des contraintes communicationnelles, et que d'autre part, ils ne sont pas encore complètement en mesure de prendre en considération les contraintes linguistiques.
Les 10/11 ans
Les enfants de 10/11 ans présentent un profil qui est plus proche de celui des adultes que de celui des 7 ans. Dans leurs productions par exemple, comme dans celles des adultes, les variations sont nombreuses, alors que ce n'est absolument pas le cas chez les enfants de 7 ans.
Continuité thématique
La continuité thématique est réalisée par la majorité des sujets de 10/11 ans. Les quatre composantes de base sont mentionnées, ce qui confère au discours une unité de sens qui facilite la compréhension de l'auditeur. Les sujets mentionnent de manière suffisamment explicite et fréquente - mais sans exagération - de quoi il est question, répondant aux contraintes communicationnelles, et ce, grâce à une syntaxe qui est plus complexe et plus variée : verbes d'action, états internes, subordination, etc. Dans ce domaine, les 10/11 ans savent gérer les différentes contraintes de manière simultanée.
Participants
Pour l'introduction aux participants, tout comme les enfants de 7 ans, nous ne relevons plus que des formes lexicalement explicites. Les contraintes communicatives sont respectées, même dans le cas d'utilisation de formes définies. En effet, il s'agit de noms propres et de formes possessives dont les référents sont identifiables par le contexte linguistique antérieur. Ainsi, les 10/11 ans produisent un discours décontextualisé dénué de toute ambiguïté référentielle. En d'autres termes, ils répondent aux contraintes discursives/narratives tout en respectant les contraintes communicationnelles. Par contre, le respect des contraintes discursives/narratives se fait encore au détriment des contraintes linguistiques spécifiques. En effet, il reste encore un certain nombre d'introductions pré-verbales (1/3). Elles concernent surtout les personnages principaux mais également un petit nombre de personnages secondaires. Ces deux cas de figure montrent un progrès de la part des enfants de 10/11 ans dans la construction d'un discours narratif dans lequel on attribue des statuts spécifiques aux participants. Les personnages principaux sont placés en position initiale mais également certains autres personnages secondaires, ce qui est le reflet de la capacité des sujets à changer de perspective, et à ne plus considérer l'histoire sous le seul angle du garçon et/ou du couple garçon/chien, comme agents de l'action. Mais ce progrès se fait encore au détriment des structures préférentielles du français.
Dans les fonctions de maintien et de changement de la référence, les enfants de 10/11 ans respectent aussi les contraintes communicatives en utilisant la "stratégie anaphorique". Les outils utilisés répondent également aux contraintes discursives/narratives : ils se diversifient et leur rayonnement porte sur la globalité du discours. C'est le cas des relatives dans la fonction de maintien de la référence qui remplissent des fonctions discursives/narratives en ce sens qu'elles font avancer la trame. C'est également le cas des ellipses, plus nombreuses et variées qui permettent la construction de blocs informationnels hiérarchiquement ordonnés. Mais il arrive que les enfants dévient de la "stratégie anaphorique" en utilisant des formes plus explicites dans la fonction de maintien de la référence. Ces sur-marquages se situent à des changements d'image, ce que l'on peut interpréter comme les traces d'une régulation par l'image dans un but de construction discursive. De plus, ils dévient encore de la "stratégie anaphorique" en employant des formes pronominales dans la fonction de changement. Dans ce cas de figure, ils sont sous l'influence des contraintes discursives/narratives. En effet, ces formes pronominales sont employées pour encoder le couple garçon/chien, ce qui est un moyen d'attribuer à ces deux participants un statut particulier, ou encore après des séquences "hors narrations", ce qui est un moyen d'attribuer des poids différents à certains événements.
Événements
À l'exception d'un seul sujet qui emploie un système d'ancrage temporel mixte, les 10/11 ans établissent un temps d'ancrage et le maintiennent d'un bout à l'autre de la narration. Bien que les sujets choisissent un peu moins le passé comme temps d'ancrage, les formes des temps du passé sont encore bien présentes dans leurs productions. Le système semble plus automatisé, dans la mesure où la conjugaison de ces formes leur pose moins de problèmes qu'aux plus jeunes enfants. Les contraintes communicationnelles, discursives/narratives et linguistique sont donc bien respectées . Elles le sont également dans les alternances temporelles. En effet, ces alternances ont pour fonction d'établir des relations sémantiques entre les événements, telles que celles de simultanéité, de rétrospection ou encore de cause à effet. Ce faisant, les événements sont hiérarchisés. Mais les enfants disposent également d'autres outils qui leur permettent d'établir des relations sémantiques entre les événements et de les hiérarchiser. Les clauses sans verbe fléchi remplissent ces fonctions. Elles permettent la construction de narrations plus riches. Les connecteurs aussi remplissent ces fonctions. Ils lient les événements deux à deux mais structurent aussi les productions en épisodes. Ces connecteurs sont moins nombreux que chez les plus jeunes mais l'éventail est plus large et les fonctions qu'ils remplissent plus étendues.
En conclusion, on remarque que les enfants de 10/11 ans savent jongler avec les trois types de contraintes à l'oeuvre dans une narration. Ils disposent d'un ensemble de moyens linguistiques dont ils maîtrisent les fonctions, et qu'ils savent utiliser à bon escient.
Les adultes
C'est chez les adultes que nous trouvons le plus grand nombre de variations, et ce, dans l'ensemble des domaines analysés. Les productions sont plus ou moins longues, les moyens sont variées, les stratégies différentes d'un sujet à l'autre. Ces variations sont le reflet d'une bonne connaissance du système linguistique et de son emploi, mais également du genre discursif à réaliser.
Continuité thématique
Chez les adultes, comme chez les 10/11 ans, les quatre composantes de base sont mentionnées de manière suffisamment explicites. Mais elles le sont de manière encore plus élaborée (plus d'informations), plus complexe (plus d'états internes, de subordonnées, de formules de résumé) et plus diversifiée (plusieurs formes pour remplir la même fonction) que chez les 10/11 ans. Les adultes gèrent donc de manière simultanée la communication, la construction du discours et les outils linguistiques.
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