Le rapport au travail permet-il de distinguer les cadres des autres salariés ? Un premier indicateur est fourni par l’échelle de satisfaction au travail. Sur ce point, la situation est claire. En règle générale, les cadres sont plus satisfaits que les membres des professions intermédiaires de leur travail. Mais les écarts nationaux sont considérables. Les cadres français arrivent en dernière position : en moyenne, 44% d’entre eux s’estiment très satisfaits de leur travail contre 59% aux Pays-Bas ou en Suède et 69% au Danemark. Cette répartition nationale des résultats se retrouve dans les résultats du seul secteur privé. Dans le secteur public, en revanche, la situation est très diversifiée. Les résultats obtenus chez les cadres des deux secteurs sont identiques au Danemark et aux Pays-Bas, alors que les cadres du privé sont bien plus satisfaits de leur travail que les cadres du public en Allemagne, en France et au Royaume-Uni. En Belgique, en Pologne et en Suède, c’est l’inverse qui prévaut avec des écarts considérables, sans doute dus à la mauvaise santé ou à l’instabilité du secteur privé dans ces trois pays.
La situation des cadres ne fait que refléter celle de la moyenne des salariés observés dans l’enquête et on remarquera à ce titre la très forte homogénéité sociale au Danemark ou aux Pays-Bas alors que la situation est bien plus diversifiée en Allemagne, en Belgique et en France. Paradoxalement, les membres des professions intermédiaires sont généralement (sauf en Pologne) moins satisfaits de leur travail que les employés et que les ouvriers, ainsi que le montre le tableau 9. A cet égard, la hiérarchie sociale au travail joue beaucoup moins que le modèle national.
Tableau 9 – Forte satisfaction au travail (%)
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BE
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DE
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DK
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FR
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GB
|
NL
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PL
|
SE
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Moyenne nationale
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60
|
55
|
64
|
41
|
49
|
56
|
47
|
54
|
Ensemble des cadres
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68
|
61
|
69
|
44
|
53
|
59
|
52
|
59
|
Cadres du privé
|
65
|
64
|
69
|
48
|
55
|
59
|
49
|
52
|
Cadres du public
|
81
|
50
|
69
|
34
|
47
|
59
|
61
|
78
|
Prof. intermédiaires
|
57
|
52
|
64
|
38
|
47
|
52
|
53
|
55
|
Ouvriers, employés
|
62
|
56
|
63
|
39
|
48
|
58
|
41
|
51
|
L’autonomie professionnelle constitue une variable qui joue de manière décisive sur la satisfaction à l’égard du travail comme sur la propension à adopter une posture réformiste et à proposer des innovations sur les lieux de travail. L’autonomie professionnelle peut être étudiée à travers le jeu de plusieurs variables : l’influence que les salariés exercent sur l’organisation de leur journée de travail, sur leur environnement de travail, sur les décisions concernant l’orientation du travail et sur la définition des tâches. Ces quatre variables constituent bien une échelle statistique (alpha de Cronbach = 0,8) permettant de construire un indice d’autonomie au travail allant de 0 à 4. On ne retiendra ici que la distribution des salariés déclarant avoir une forte autonomie.
De manière générale, les cadres bénéficient d’un plus grand degré d’autonomie et c’est en cela qu’ils se distinguent clairement des professions intermédiaires comme des ouvriers et des employés, sauf dans un pays, la France, où la proportion moyenne de cadres estimant disposer d’une forte autonomie est la plus basse de tous les pays européens étudiés162. En ce domaine, la différence entre secteur privé et secteur public ne joue que peu, l’autonomie étant presque toujours plus grande dans le secteur privé. Les variations nationales sont là encore considérables puisque les cadres danois, hollandais et suédois disposent de deux à trois fois plus d’autonomie que les cadres français. Il apparaît même que les ouvriers danois ou hollandais estiment disposer d’une plus grande autonomie que ne le font les cadres français.
Le degré d’autonomie joue de manière très sensible sur le degré de satisfaction générale à l’égard de la gestion des organisations dans lesquelles travaillent les salariés. La proportion de cadres très satisfaits est de 37% chez ceux qui ne disposent que d’une faible autonomie et monte à 66% chez ceux qui bénéficient d’une forte autonomie. De la même façon, plus les cadres sont autonomes et plus ils sont incités à proposer des améliorations ou des réformes puisque l’on passe, là encore, de 51% à 77% selon le degré d’autonomie
Tableau 10 – Les salariés disposant d’une forte autonomie professionnelle (%)
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BE
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DE
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DK
|
FR
|
GB
|
NL
|
PL
|
SE
|
Moyenne nationale
|
19
|
11
|
34
|
14
|
21
|
26
|
8
|
30
|
Ensemble des cadres
|
44
|
25
|
57
|
22
|
43
|
44
|
32
|
56
|
Cadres du privé
|
44
|
26
|
56
|
22
|
45
|
46
|
31
|
56
|
Cadres du public
|
40
|
24
|
62
|
21
|
37
|
37
|
34
|
56
|
Prof. intermédiaires
|
27
|
20
|
51
|
24
|
35
|
34
|
21
|
46
|
Ouvriers, employés
|
18
|
10
|
32
|
13
|
15
|
25
|
5
|
25
|
L’importance stratégique de l’autonomie professionnelle se révèle également dans le fait qu’il existe une relation statistique régulière entre le fait d’être fortement autonome et le fait de s’impliquer davantage dans la vie sociopolitique. Les cadres disposant d’une forte autonomie professionnelle sont ainsi 44% en moyenne à s’impliquer fortement dans la vie sociopolitique, implication mesurée sur la base d’un indice (degré de politisation, degré d’engagement civique et fréquentation des associations), contre 35% de ceux qui ne disposent que d’une faible autonomie professionnelle. Cette relation statistique est vérifiée pour tous les pays étudiés : en France, on passe ainsi de 46% de forte implication sociopolitique chez les cadres autonomes à 39% chez ceux qui ne le sont pas et en Allemagne de 60% à 39%.
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