Introduction à la première journée d’étude du gdr


Les cadres supérieurs (Upper middle classes) développent-ils des stratégies d’exit des sociétés nationales



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2. Les cadres supérieurs (Upper middle classes) développent-ils des stratégies d’exit des sociétés nationales

2.1. Les cadres supérieurs et les opportunités offertes par les réseaux transnationaux


La théorie sociologique nous a enseigné que des transformations sociales ou politiques majeures, par exemple des changements d’échelle, conduisaient à des processus renouvelés de différenciation sociale. Historiquement, par exemple, la bourgeoisie de robe a renforcé ses positions avec le développement de l’Etat, les élites de gouvernement nationales se sont affirmées contre les bourgeoisies urbaines, les classes moyennes du secteur public ont connu une croissance et une influence politique forte avec le développement de l’Etat-providence.
Par conséquent, les groupes sociaux les plus concernés par les processus de mondialisation et qui ont l’opportunité d’en tirer avantage vont probablement voir leur situation se transformer en termes de statut, de prestige ou de revenu. Des ressources comme la mobilité peuvent être mobilisées par ces groupes afin de contester l’ordre social national existant, les hiérarchies de prestiges et de revenu ou bien pour s’engager dans des projets de modernisation, pour élaborer des formes nouvelles de l’intérêt général allant dans le sens de leur ambition. Ces processus, même limités, ont des répercussions importantes pour les groupes sociaux. Les groupes immobiles sont à l’écart. A l’inverse, les individus et groupes qui disposent des ressources pour jouer à l’échelle mondiale et qui développent des compétences, des expertises ou des produits particuliers voient s’ouvrir d’immenses opportunités.
Cela dit, dans tous ces processus, il est essentiel de raison garder et ne pas, pour l’instant, s’enthousiasmer trop rapidement pour les théories de la société liquide ou de la mobilité généralisée, des nomades qui circulent au-delà des frontières et des inscriptions nationales. Pour mémoire, on rappelle que malgré toute la politique européenne en faveur de la mobilité des biens et des personnes, seuls 1,5 à 2% des européens changent de pays, un chiffre à peu près stable dans le temps. D’après les chiffres du BIT, la moyenne est de 3% au niveau mondial. Ajoutons que seulement un peu plus de 7% des européens déménagent chaque année, (contre 16% aux Etats-Unis) et que dans la moitié des cas, ils restent dans la même région ou la même ville. L’Europe n’est pas une société de nomades « Europeans are born to stay, not born to run »165.
A propos de processus de différenciation sociale, J.Lagroye (1997, p.100) écrivait : « apparition de groupes sociaux disposant de ressources nouvelles, tendant de ce fait à s’organiser et à faire prévaloir leur intérêts propres, à affirmer leurs ambitions par rapport aux élites traditionnelles détentrices du pouvoir et pouvant ainsi servir de support et de stimulant à une action “ modernisatrice ” ».

Cette différenciation s’accentue avec le jeu imbriqué des échelles d’interaction pour les individus et les groupes, hiérarchies enchevêtrées et réseaux transnationaux au-delà des frontières. Ces terrains de jeu différenciés, par rapport à la société nationale, ouvre des marges de manœuvre pour les individus en termes de mobilité, de choix de résidence, de pratiques sociales, de formation d’identité, d’investissement de différentes ressources (dont le temps, le capital social) dans différents territoires. Savage et ses collègues (2005), à partir d’une enquête sur les cadres supérieurs à Manchester, affirment ce point avec vigueur : la mobilité va de pair avec l’individualisation renforcée, des logiques de choix territoriaux accentués pour les individus et les ménages, des stratégies d’investissement dans des quartiers et des villes, qu’il nomme « Elective belonging ».


Il nous semble également que ces mobilités partielles contribuent à complexifier ou à rendre plus floues les logiques nationales de stratifications, les hiérarchies de revenu et de prestige.
Qui sont les cadres supérieurs ?
Dans les travaux français, il nous semble que les questions de ségrégation sociale ou scolaire sont surdéterminés par les stratégies et les choix des différentes sections des classes moyennes, et notamment les professions intermédiaires ou les professions intellectuelles supérieures. Ces couches moyennes notamment du secteur public ont animé les mouvements sociaux urbains liés aux équipements collectifs, aux écoles, au logement, ont joué un rôle majeur dans les transformations des sociétés urbaines dans les années 1970 et au début des années 1980. En revanche, sauf pour ce qui concerne les fractions les plus élitistes de la société (travaux des Pinçon-Charlot), il existe peu de travaux sur les cadres supérieurs, ou à tout le moins, au jour d’aujourd’hui nous n’en avons pas identifié beaucoup. A l’inverse, les travaux sur les cadres restent profondément ancrés dans des problématiques liées au travail comme on le voit par exemple dans l’enquête publiée par (Karvar, Rouban, 2004). Or la plupart de ces travaux soulignent avant tout la diversité des cadres et des cadres supérieurs. L’analyse inspirée de la théorie des classes ou des PCS est plutôt relayée en sociologie par des travaux plus précis de ce que Dubar appelle les « groupes professionnels » à savoir « un ensemble flou, segmenté, en constante évolution, regroupant des personnes exerçant une activité ayant le même nom doté d’une visibilité sociale et d’une légitimité politique suffisante, sur une période significative ……L’expression diffère de celle de « catégorie socio-professionnelle » par le fait qu’il ne s’agit pas seulement d’un classement administratif , mais de résultats de processus historiques souvent complexes, de longue durée, qui touche à la fois 1) à l’organisation sociale ; 2) au fonctionnement économique du marché du travail ; 3) aux significations objectives du travail (2003, p.51)
En relisant la littérature sur les cadres en France, nous avons été frappés par la relative faiblesse de travaux précis sur ces catégories de cadres supérieurs.

Cette perspective féconde est difficile à croiser avec les questions qui nous intéressent, et ce d’autant plus que nous nous plaçons dans un cadre comparatif. Retenons de cette brève discussion que les cadres supérieurs constituent une catégorie peu précises, hétérogènes, sans doute marqués par des logiques de groupes et de réseaux professionnels.


L’intérêt pour les classes moyennes chez les sociologues remonte au développement de la bureaucratie dans les Etats-nation, puis au développement de l’Etat-Providence et à la « décommodification du marché du travail », qui profita notamment aux femmes (Esping Andersen, 1993). Les couches moyennes se sont massivement développées dans la période des « trente glorieuses », en lien avec le développement de l’intervention de l’Etat et des autorités locales dans un nombre croissant de domaine, notamment l’éducation et le social. La catégorie des « cadres », dans le débat français représente le pôle privé et division public/privé apparaît structurante dans de nombreuses enquêtes (de Singly, Thélot). Pendant cette période d’après guerre, que Jessop nomme « post war national keynesian welfare state », la réduction des inégalités a été régulière grâce au renforcement des politiques de redistribution.
L’intérêt pour les cadres supérieurs se justifie également par l’arrêt de la diminution des inégalités dans la plupart des sociétés européennes. En effet, différents travaux d’économistes sur la répartition des revenus suggèrent que les revenus des 5 à 10% les plus riches et ou les plus qualifiés ont tendance à croître à nouveau, une tendance très forte dans les pays où la redistribution est moins forte comme en Grande-Bretagne. Dans un pays comme la France, le travail désormais classique de Piketty (2001 p.180) a montré que la part du décile supérieur dans la répartition des salaires en France a été relativement stable tout au long du XXème siècle, entre 25 et 28% soit 2,5 fois le salaire moyen. Piketty montre également que le salaire moyen des couches supérieures a progressé en moyenne de manière parallèle au salaire moyen. Il met en évidence le fait que les salaires du décile supérieur ont plutôt légèrement décliné en part relative dans la période d’après-guerre mais qu’en revanche, depuis la fin des années 1980, ces salaires augmentent plus vite que les autres. Ces tendances s’observent dans différents pays, notamment aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne de manière assez massive.
Pour rappel enfin, les dynamiques de l’emploi ont été très favorables aux cadres et cadres supérieurs depuis les années 1980. Si l’on prend la catégorie de l’INSEE « cadres et professions intellectuelles supérieures » le nombre est passé d’environ 2 millions en 1982 à 3,2 millions en 1999, soit 13% de la structure sociale. Enfin, si le salaire moyen des cadres était de 39.110 euros en 2005, de fortes dispersions existent puisque un petit pourcentage gagne plus de 80.000 Euros par an.
En général enfin, les cadres supérieurs en France se distinguent la plupart du temps par leur éducation et par le passage par une grande école, qui sont à l’avant-garde de l’internationalisation du système éducatif.

2.2. Des stratégies d’exit partiel dans une société globale virtuelle ou de renégociation au sein de la société nationale ?


Compte tenu de ce qui a été dit précédemment sur la crise des grands systèmes d’intégration nationaux, nous faisons l’hypothèse d’un lien entre processus de globalisation et différenciation des couches moyennes. Il nous semble, et nous reprenons différents auteurs sur ces points, par exemple L.Sklair pour la version néo-marxiste (2002), que les upper middle classes, ou cadres supérieurs, développent des stratégies particulières.
Nous faisons l’hypothèse qu’au-delà de ce que le sociologue Henri Mendras appelait « la constellation centrale », les classes moyennes, une fraction de cadres supérieurs accentue sa différenciation, son « exit partiel » de la société nationale.
Les cadres supérieurs sont parmi les populations les plus mobiles, leurs ressources propres, diplômes, réseaux professionnels et revenus leur permettent-ils de développer des stratégies d’exit partiel ? Il nous semble intéressant d’enquêter sur leurs modes de consommation, leurs pratiques culturelles, leurs réseaux amicaux, leurs investissements immobiliers afin de voir quelle est la part de stratégies transnationales. Les valeurs, les pratiques, la représentation de la société sont également susceptibles d’être différentes du reste de la société.
L.Sklair (2001) analyse l’émergence d’une nouvelle classe sociale, une bourgeoisie mondiale mobile, capable de changer de pays, d’échapper aux contraintes des sociétés nationales qui comprendrait les élites nationales, les dirigeants d’entreprises, les hauts fonctionnaires, les principaux responsables politiques, les professions libérales, les élites de la culture, des médias, de la consommation, les consultants. Cette nouvelle bourgeoisie s’exprime en anglais, a appris les codes dans des entreprises, des universités et des cabinets de consultants anglo-saxons. Elle développe une culture mondialiste commune et des pratiques de consommation particulières. Cette société mondiale s’organiserait moins à partir de grands conflits et davantage à partir de réseaux professionnels, à partir des normes et des modèles d’excellence véhiculés au sein des professions (consultants, juristes, managers, universitaires, médecins, comptables, banquiers, publicitaires). La multiplication des réseaux professionnels transnationaux entraîne la multiplication des interactions, l’élaboration de modèles et de normes qui peuvent ensuite se diffuser. Les médias, par la comparaison, peuvent jouer efficacement le rôle de la mouche du coche tout comme les organismes internationaux (des associations professionnelles à la Banque mondiale) qui donnent leur label aux “ bonnes pratiques ” et décocher les mauvais points à ceux qui ne jouent pas avec les nouvelles règles. Le discours sur la mondialisation et ses bienfaits pour le bien commun est évidemment central pour la légitimation de ces processus et la domination du groupe social précité, pour établir en termes plus adéquat l’hégémonie de cette nouvelle classe sociale, une bourgeoisie principalement transatlantique.
Il nous semble par conséquent intéressant de regarder de près les cadres supérieurs qui sont, a priori, d’une part les individus les plus richement dotés en ressources (prestige, revenu, statut) et les plus actifs, les plus mobilisés dans les processus de mondialisation ou d’européanisation.
Si notre analyse du problème en termes d’exit partiel est pertinente, alors l’analyse des stratégies d’investissement de ressources à l’extérieur de la société nationale n’est qu’une des données. Il est aussi important de voir comment ces groupes parviennent à renégocier leur inscription nationale à partir de ressources mobilisées à l’extérieur. Sur ce point, différents travaux nous mettent sur la piste de transformations dans le cadre national, qui peuvent, si l’on arrive à préciser les mécanismes précisément, être liés à ces dynamiques à savoir :


  • Les pressions exercées sur l’école et le durcissement de la compétition scolaire, le développement d’une offre tournée vers les cadres supérieurs mobiles

  • Pour les grandes écoles, les stratégies d’internationalisation de leurs élèves et d’écart qui se creuse avec l’université sur cette dimension

  • Les mobilisations contre la pression fiscale pour les cadres supérieurs. Il n’est pas anodin de rappeler que l’impôt sur le revenu a diminué en moyenne de 15% dans les pays européens depuis vingt ans et que la concurrence fiscale et les menaces de départ qui y sont associées ne sont plus virtuelles pour ce qui concerne les grandes entreprises. Les capacités d’évasion fiscale pour les revenus des cadres supérieurs s’accroissent nécessairement lorsque les grandes entreprises développent des stratégies sophistiquées et systématiques d’évasion fiscale, qui peuvent être légales et qui contribuent à des rémunérations qui ne sont plus forcément accordées dans le cadre national.

  • Les premiers résultats des travaux de Préteceille sur la ségrégation en Ile-de-France (2006) mettent en évidence la différenciation croissante à Paris entre les stratégies des cadres ou cadres supérieurs du secteur privé qui semblent épouser le modèle de la « suburb » anglaise ou américaine à l’Ouest de Paris ou à Marne-la-Vallée et qui se distingue des cadres/cadres supérieurs du public, des professions intellectuelles concentrées par exemple dans plusieurs quartiers de Paris ou dans la première couronne. On observe l’inverse à Milan et à Manchester, Manchester où Savage suggère que l’on voit apparaître des sections de classes moyennes supérieures qui réinvestissent le centre-ville, et pas seulement en termes de gentrification.


Hypothèse 1) : Parce qu’ils ont des ressources importantes (revenu, prestige, statut), les cadres supérieurs sont les groupes qui sont le plus probablement concernés par ces logiques d’exit partiel ce qui leur permet de renégocier leur place dans la société nationale.
Hypothèse 2) : hypothèse néo-marxiste, les dynamiques de globalisation du capitalisme conduisent à l’émergence d’une nouvelle bourgeoisie transnationale formée pour l’essentiel des cadres supérieurs résidant dans les grandes métropoles

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