Introduction à la première journée d’étude du gdr


Les cadres supérieurs dans les villes : la dimension cachée de la ségrégation « how people and places seek each other out »



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3. Les cadres supérieurs dans les villes : la dimension cachée de la ségrégation « how people and places seek each other out »


Dans un article célèbre, critique des travaux de ‘l’école de « Nuffield College » sur la stratification sociale, Mike Savage (1988 puis 2005 et 2006) avait identifié la dimension spatiale manquante de ces travaux, à la suite des constats de Ray Pahl ou Herbert Gans. Dans le cas britannique, l’analyse de classe dans le cadre national ne permettait pas de voir ni la distinction rural/urbain, ni le rôle essentiel de Londres dans l’organisation de la mobilité sociale. Ceci n’est pas inconnu en France, on estime que les cadres supérieurs gagnent en moyenne 30% de moins lorsqu’ils ne résident pas dans la région parisienne. L’Ile-de-France est par ailleurs un territoire de concentration massive de cadres et de cadres supérieurs.
Les sociétés urbaines sont en partie structurées par des processus et des dynamiques qui s’inscrivent à l’échelle européenne ou mondiale. Les villes sont à l’avant-garde de ces transformations. Elles sont le centre de réseaux, le site privilégié d’interactions qui s’organisent au-delà de la société nationale ( Sassen, 1991, Storper, 1997, Veltz, 2005). Les populations des villes sont activement partie prenante des échanges commerciaux, culturels, de population qui s’organisent au-delà des frontières. Considérés à partir des villes et notamment les plus importantes d’entre elles, les processus d’européanisation et de mondialisation se renforcent d’ailleurs l’un l’autre. Les sociétés urbaines, quoiqu’enracinées dans des sociétés nationales sont désormais moins déterminées par l’Etat-nation, par les structures sociales nationales (Le Galès, 2003). Jusqu’à un certain point, la dynamique des groupes sociaux les plus mobiles et la différenciation sociale et culturelle en leur sein produit des effets de “désencastrement” par rapport aux sociétés nationales et parfois régionales. Ces dynamiques créent des pressions contradictoires de fragmentation mais aussi d’émergence de nouvelles demandes de régulation.
Hypothèse 3) : les transformations en cours et les différenciations des couches moyennes au sens englobant du terme sont centrales pour l’organisation des grandes villes européennes, de leur centre-ville, des dynamiques de périurbanisation et des questions de mixité et de ségrégation.
La distinction classique du sociologue Robert Merton opposant les cosmopolitans  au « locals » n’a plus de sens. Les agglomérations et les groupes sociaux qui les composent sont engagés dans des processus de globalisation divers et contradictoires. Ceci pose d’ailleurs un problème théorique et méthodologique majeur. Nous partons par conséquent du principe que les dynamiques sociales urbaines se comprennent dans des cadres locaux et nationaux en relation avec des dynamiques de globalisation.
En termes de prospective, il nous semble essentiel de prendre en compte le fait que les individus et les ménages n’ont plus le rapport un peu mécanique à la ville, au quartier, à l’agglomération qu’on leur prêtait. L’opposition entre les « locaux » et les « cosmopolitains » déterminait dans une certaine mesure l’investissement dans la vie de quartier ou dans la ville, une partie des rapports sociaux et des pratiques. Tout ceci était cohérent avec le sentiment d’appartenance.

Partant des travaux de Savage et d’autres sur l’elective belonging (idée d’appartenance choisie), nous faisons le constat que cela n’est plus forcément le cas aujourd’hui, que des différences existent entre sections des classes moyennes, entre villes, entre quartiers, entre pays. Comme l’avait montré la recherche de l’OCS dans les années 1970 et 1980 (cf l’ouvrage collectif L’esprit des lieux), les quartiers, les villes sont de plus en plus choisis par des groupes sociaux dans le cadre de stratégies familiales et professionnelles. Le fait d’être nouveau dans un quartier ou dans une ville ne détermine pas une attitude de retrait. Au contraire, certains groupes peuvent coloniser des espaces et des résidents historiques se retrouver en retrait. Des ménages nouvellement installés peuvent affirmer un très fort sentiment d’appartenance au quartier ou à l’agglomération, indépendamment des pratiques ou de l’enracinement.

Nous avons travaillé sur ces points en dialogue étroit avec les travaux, -très britanniques- de nos collègues Tim Butler, Chris Hamnett et Michael Savage.

Résumant la problématique de Savage, Butler (2005) rappelle que :



« In constructing their argument about‘elective belonging’, Savage and his colleagues note (following a long tradition in Sociology e.g. (Goldthorpe, Lockwood et al. 1969) that as societies become more complex and mobile, individuals become more privatised and that globalisation is leading to greater social differentiation. Within the differentiated social fields (work, leisure, residence, friendship) that their respondents operate across, they claim that ‘residential space is a key arena in which respondents define their social position’ (2007) – noting that it is the greatest fixity in relation to other fields in terms of defining one’s sense of ‘social location’ and allows access to other fields (work, culture and crucially education) I have proposed that gentrification and urban flight are concomitants of a tendency towards ‘mobile privatization’ which has accompanied deindustrialisation. We are no longer able to associate gentrification with class based theories of neighbourhood change in so far as they are based around existing notions of class and urban neighbourhood…Finally, Savage et al’s (Savage, Bagnall et al. 2005) study of four areas in and around the city of Manchester ….that based around a notion of ‘elective belonging’ in which as suggested by my own study of London, people seek out a specific habitus by choosing a place in which to live doing so through a differential deployment of cultural, economic and social capital. Savage however takes this further than the other two studies by proposing that it is this sense of ‘elective belonging’ by which people ‘manage’ the link between the forces of a global economy and the need for individual belonging at a time when the cultural associations of occupational class have all but disappeared for most of the population. »
Nous souhaitons donc travailler dans un premier temps sur les choix résidentiels et leur représentation en relation avec la ville, l’agglomération, l’Europe et au-delà et sur les conflits entre différentes sections des cadres supérieurs. Les agglomérations de Londres, Milan ou Paris jouent notamment le rôle d’accélérateur d’ascension sociale pour des cadres supérieurs qui se distinguent des classes moyennes traditionnelles.
Nous faisons l’hypothèse que ce jeu des cadres supérieurs dans les quartiers et dans les villes va être structurant pour leur organisation. On retrouve ainsi des problématiques classiques de gentrification, ou de sécession urbaine de certains groupes. Nous souhaitons aller un peu au-delà et analyser finement les interactions en termes de rapport, de pratiques et de représentation du quartier, de l’agglomération, situées dans un contexte européen ou international. Leurs pratiques de loisirs ou professionnels révèlent un élargissement de leurs territoires de référence, une modification de leur espace de référence.
A l’inverse, contrairement à certaines affirmations sur les « nouveaux nomades » par exemple, nous pensons que les cadres supérieurs les plus cosmopolitains, ou globalisés de part leurs loisirs ou leur trajectoire professionnelle se bricolent aussi des investissements dans le quartier, la commune ou l’agglomération. Nous souhaitons analyser finement ces différentes interactions. Nous faisons l’hypothèse que les cadres supérieurs, ou une partie d’entre eux, est bien en train de prendre une certaine distance à l’égard du reste des classes moyennes ou de la société, mais pas forcément en termes de sécession. Ils se séparent dans certains domaines (éducation), moins dans d’autres. Nous essaierons de voir comment les individus des cadres supérieurs justifient leurs choix résidentiels en fonction de leur trajectoire, de leurs investissements dans le quartier, la ville.
Pour cela il nous faut explorer les interactions entre les perceptions du quartier, de la ville, les pratiques sociales, les trajectoires professionnelles, les stratégies de ménage, le capital social. Nous laissons volontairement de côté les questions d’école, pourtant centrale, car nos collègues Oberti, Préteceille et Van Zanten travaillent spécifiquement sur ce sujet et fournirons des données et des analyses complémentaires aux nôtres.
Tout ceci nous amène à analyser la place des cadres supérieurs dans les métropoles. Le débat français a été sur ce point structuré par la vision de la ville à trois vitesses présentée notamment par Jacques Donzelot contrastant d’une part la gentrification des classes supérieures, la périurbanisation des classes moyennes et la relégation des classes populaires. Dans le cadre du travail sur les processus de ségrégation dans la région parisienne du Pôle ville/métropolis/cosmopolis du Centre d’Etudes Européennes de Sciences Po166 nous avons tendance à rejeter cette tripartition de l’espace (cf Préteceille, 2006, pour une analyse extrêmement précise et précieuse des logiques de différenciation sociale au sein des communes de la région parisienne sur moyenne période). Pour ce qui concerne les classes supérieures, Cousin (2005) et Préteceille suggèrent de distinguer au moins trois dynamiques différentes pour les classes supérieures : une dynamique de gentrification (au sens étroit du terme définit par Hammett, voir aussi Butler 2005167), une dynamique d’embourgeoisement de quartiers anciens et une dynamique plus politique de refondation de quartiers par ce que Bruno Cousin appelle « arasement/refondation » proche des grands centres d’affaires à Londres, Milan ou Paris (Levallois-Perret par exemple).
Le terme de gentrification recouvre désormais des réalités fort différentes en géographie, où la littérature est considérable, et en sociologie. Dans les acceptions les plus récentes (Atkinson et Bridge, 2005, Butler 2005), le terme définit un chantier de recherche qui vise à établir des liens, les interactions entre les dynamiques des flux plus ou moins transnationaux et globalisés d’une part, et des logiques de localités, de dynamiques sociales localisées d’autre part. Ce qui nous intéresse ici est de comprendre ces médiations entre des processus et des pratiques en partie localisées, en partie globalisées.
Hypothèse 4) : Au-delà de l’image facile des nomades, les cadres supérieurs sont à la fois des cosmopolitains et des locaux. Ils font des choix résidentiels qui ne sont pas seulement le reflet de structures existantes mais au-delà des logiques de gentrification ou de sécession, ils effectuent des choix résidentiels qui contribuent à la formation d’identités individuelles et collectives.

Exit transnational + -

Urban exit/secession

+ Nomades Immobile Retreat from the city
- Mobile and locally rooted Immobile and locally rooted


Capital social et réseaux

Une autre façon de voir dans quelle mesure les cadres supérieurs tendent à s’extraire de leur cadre stato-national de référence est d’investiguer le capital social et les réseaux sociaux mobilisés par les individus.

Dans cette enquête on va mettre en relation le concept de capital social et de réseaux individuels à la configuration du quartier. Différents types de réseaux peuvent entraîner un différent déploiement du capital social personnel mais, par extension, du quartier aussi (Butler, Robson, 2001). Cela signifie que les stratégies des couches moyennes ou des bourgeoisies salariées dans l’organisation des liens sociaux personnels, et de leur utilisation, peuvent avoir un effet important sur l’organisation du quartier et sur sa cohésion sociale.

Dans la majorité des études urbaines, le concept de capital social a été utilisé pour étudier les quartiers les plus défavorisés (Maloney et al., 1999), la problématique portant souvent sur l’importance de la participation horizontale des citoyens dans les communautés locales et de leurs interactions avec les institutions (typiquement le gouvernement local). Cela s’inscrit dans la tradition de Tocqueville et plus récemment de Putnam (1995, 2000) : participer à des associations formelles au niveau local crée les bases pour « une confiance généralisée, de la coopération et des réseaux ». La dynamique du capital social dans les études urbaines a donc été conçue en termes d’amélioration des situations des communautés économiquement désavantagées et socialement déstructurées. Cependant, dans cette tradition de recherche, la définition du capital social-risque est de faire disparaître l’acteur individuel et ses choix dans l’analyse concrète168. L’approche micro-sociologique, qui s’inspire principalement de Bourdieu (1980) et de Coleman (1988, 1990) et qui fait référence aux réseaux sociaux comme fondement du capital social, échappe à ce risque et se révèle plus fructueuse. Considérer directement les réseaux personnels (et pas seulement la participation aux associations) nous permet de déplacer l’attention des quartiers pauvres à tous les milieux.

En suivant Bourdieu, on va définir le capital social comme « l’ensemble des ressources actuelles ou potentielles qui sont liées à la possession d’un réseau durable de relations plus ou moins institutionnalisées d’inter-connaissance ; ou, en d’autres termes, à l’appartenance à un groupe, comme ensembles d’agents qui ne sont pas seulement dotés de propriétés communes mais sont aussi unis par des liaisons permanentes (…) le volume du capital social que possède un individu dépend de l’étendue du réseau des liaisons qu’il peut mobiliser de façon effective ainsi que du volume du capital économique, culturel ou symbolique possédé en propre par chacun de ceux auxquels il est lié ». (1980 : p. 2).

Une telle définition esquisse déjà le programme de recherche et impose aussi la méthodologie d’enquête des réseaux, qui doit tenir compte du nombre des personnes mentionnées, mais aussi de leurs ressources culturelles, matérielles, en matière d’informations et de compétences. Donc, l’analyse considérera l’interaction entre les différentes formes de capital possédées par les différents groupes de la bourgeoisie et leur déploiement en relation à l’espace urbain.

Partant des travaux de Savage (2004), on fait l’hypothèse 5 que la morphologie des réseaux et le type du capital social changent en fonction des différents groupes interviewés et de leur localisation dans l’agglomération. Par exemple, on peut s’attendre qu’il y ait des différences entre les cadres supérieurs du centre ville et ceux de la ceinture péri-urbaine, entre les cadres du public et ceux du privé, etc.. On va voir quels types de ressources les interviewés peuvent mobiliser (toujours en relation avec l’espace), et si on peut identifier le capital social encastré dans ces réseaux comme bridging ou bonding (Putnam, 2000) ; c’est-à-dire voir si les réseaux sont respectivement plutôt fermés (pas de liaisons avec d’autres groupes sociaux) ou bien ouverts (liaisons avec d’autres groupes sociaux), tout en sachant que la littérature sur l’argument nous prévient que les stratégies des middle classes sont plutôt de fermeture.

Enfin, on fait l’hypothèse que les stratégies de gentrification – qui ne sont pas les mêmes partout (Butler, 2001) – ont des résultats différents selon le type de capital social mobilisé par les habitants. On estime que la diffusion d’un capital social du type bridging entraînera un climat plus favorable dans le quartier ou les différents groupes sociaux se mêlent et ont des échanges fréquents. Ainsi, les personnes qui utilisent peu le quartier ou qui l’utilisent seulement de façon instrumentale y investissent moins et vont moins développer ce climat favorable.



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